Chapitre 08. De la chute de l’homme, du péché et de la cause du péché

Chapitre 8. De la chute de l’homme, du péché et de la cause du péché

1. Au commencement, Dieu a créé l’homme à son image, dans la justice et une vraie sainteté; il était bon et droit. Néanmoins, à l’instigation du serpent et par sa propre faute, il s’est détourné de cette bonté et de cette droiture originelles, il s’est assujetti au péché, à la mort et à divers maux; et tel qu’il est devenu par sa faute, tels sont tous ceux qui sont issus de lui — asservis, eux aussi, au péché, à la mort et à divers maux.

2. Nous comprenons le péché comme cette corruption naturelle de l’homme qui s’est propagée ou transmise de nos premiers parents à chacun de nous. Nous sommes ainsi plongés dans la convoitise, tout entiers éloignés du bien, enclins à tout mal, remplis de méchanceté, de méfiance, de mépris et de haine contre Dieu. Par conséquent, nous sommes par nous-mêmes incapables d’accomplir, voire de rechercher, le bien.

3. A mesure que nous avançons en âge, nous portons des fruits corrompus, dignes d’un mauvais arbre: pensées, paroles et actions méchantes, commises contre la Loi de Dieu1. De la sorte, exposés à la colère de Dieu, nous ne pouvons nous attendre qu’à un juste châtiment. En conséquence, Dieu nous aurait entièrement rejetés, si le Christ, notre libérateur, ne nous avait ramenés à lui.

4. Nous comprenons par la mort, non seulement la mort corporelle que nous devons tous subir une fois à cause du péché, mais aussi le châtiment éternel que méritent nos péchés et notre corruption. Car l’apôtre dit: Nous étions morts dans nos fautes et nos péchés, et nous étions par nature des enfants de colère comme les autres. Mais Dieu est riche en miséricorde, et nous qui étions morts par nos fautes, il nous a rendus à la vie avec le Christ. Et encore: Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort; et ainsi la mort a passé sur tous les hommes, parce que tous ont péché2.

5. Nous reconnaissons, par conséquent, que le péché originel s’étend à tous les hommes. Nous confessons, de même, que toutes les transgressions qui en découlent sont appelées péchés — et le sont à la vérité —, par quelque nom qu’on les désigne, soit péchés mortels ou véniels, soit encore celui qui est appelé péché contre le Saint-Esprit, pour lequel il n’y a pas de pardon3.

6. Nous confessons également que tous les péchés ne sont pas d’une gravité égale, bien qu’ils découlent tous d’une même source de corruption et d’incrédulité; les uns sont plus odieux que les autres4. Aussi le Seigneur nous enseigne-t-il qu’au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que la ville qui aura rejeté l’Evangile5.

7. Nous condamnons ainsi les erreurs de ceux qui ont proféré des enseignements contraires à ces doctrines, principalement Pélage et tous les Pélagiens, aussi bien que les Jovinianistes qui, comme les Stoïciens, considéraient que tous les péchés sont égaux. Nous approuvons pleinement à cet égard l’enseignement qu’Augustin a puisé dans les Saintes Ecritures et défendu par elles.

8. Nous condamnons aussi Florin et Blastus (contre lesquels Irénée a écrit), ainsi que tous ceux qui considèrent Dieu comme l’auteur du péché, vu que l’Ecriture dit expressément: Car tu n’es pas un Dieu qui prenne plaisir à la méchanceté; tu as de la haine pour ceux qui commettent l’injustice. Tu feras périr ceux qui profèrent le mensonge6. Et ailleurs: Lorsque Satan profère le mensonge, ses paroles viennent de lui-même car il est menteur et le père du mensonge7. Et de fait, il y a en nous-mêmes suffisamment de vices et de corruption pour que Dieu n’ait aucunement besoin d’introduire en nous une méchanceté nouvelle ou supplémentaire.

9. Par conséquent, lorsqu’il est dit dans l’Ecriture que Dieu endurcit8, aveugle9et livre l’homme à une mentalité réprouvée10, il faut comprendre qu’il le fait par un juste jugement, en tant que juste juge et vengeur. Enfin toutes les fois que, dans l’Ecriture, il est affirmé ou qu’il nous semble que Dieu commet quelque mal, cela ne signifie pas pour autant que l’homme ne commette pas le péché. Mais Dieu permet que cela se fasse et ne l’empêche pas; et ce par son juste jugement, alors qu’il l’aurait empêché s’il l’avait voulu. Ou alors, il tourne en bien la méchanceté de l’homme, comme il a employé le péché des frères de Joseph. Ou encore, il gouverne de telle manière les péchés qu’ils ne se déchaînent pas et ne font pas tout le mal qu’ils pourraient faire. Augustin dit à ce sujet: « D’une façon mystérieuse et ineffable, ce qui se fait contre la volonté de Dieu ne se fait pas, pourtant, sans sa volonté, car l’action ne se ferait pas si Dieu ne permettait pas qu’elle se fasse. Or, ce n’est pas par contrainte qu’il la laisse faire, mais parce qu’il le veut librement. Et lui qui est bon ne laisserait pas faire le mal s’il ne pouvait, par sa toute-puissance, tourner le mal en bien. »11

10. Pour ce qui est des autres questions: Dieu a-t-il voulu la faute d’Adam? L’a-t-il poussé au péché? Pourquoi n’a-t-il pas empêché sa chute? et ainsi de suite, nous les considérons comme des questions oiseuses (à moins que l’impudence des hérétiques ou d’autres hommes importuns ne nous oblige à les aborder à partir de la Parole de Dieu, comme les saints docteurs de l’Eglise l’ont souvent fait). Nous savons, en effet, que Dieu a interdit à l’homme de manger du fruit défendu et qu’il a puni sa transgression. De même, ce qui arrive ne relève pas du mal en raison de la volonté et de la puissance de Dieu, mais en raison de Satan et de notre volonté qui résiste à la volonté divine.


1 Mt 12:33.

2 Rm 5:12.

3 Mc 3:29; 1 Jn 5:16.

4 Mc 3:28-29.

5 Mc 3:28-29.

6 Ps 5:5-7.

7 Jn 8:44.

8 Ex 7:13.

9 Jn 12:40.

10 Rm 1:28.

11 Enchiridion, XXVI, 100.

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