Chapitre 16. De la foi, des œuvres bonnes, de leur récompense et du mérite de l’homme

Chapitre 16. De la foi, des œuvres bonnes, de leur récompense et du mérite de l’homme

1. La foi chrétienne ne saurait donc être une opinion ou une persuasion humaine; mais c’est une ferme confiance, ainsi qu’un consentement évident et constant de notre esprit. Elle est, de même, une compréhension certaine de la vérité de Dieu, présentée dans l’Ecriture et le Symbole des apôtres; elle saisit Dieu lui-même comme son bonheur suprême et, surtout, les promesses divines et le Christ, qui est l’accomplissement de toutes les promesses.

2. Cette foi est un pur don de Dieu, que Dieu seul accorde par grâce à ses élus selon la mesure qu’il veut — quand, à qui et autant qu’ il lui plaît de le faire. Il la donne par le Saint-Esprit, à travers la prédication de l’Evangile et la prière fidèle. Cette foi a aussi ses progrès qui sont eux-mêmes un don de Dieu; autrement, les apôtres n’auraient pu dire: Seigneur, augmente-nous la foi1.

3. Or, tout ce que nous avons dit jusqu’ici à ce sujet, les apôtres l’ont enseigné avant nous. En effet, l’épître aux Hébreux dit: La foi, c’est l’assurance (ou la substance ferme, upostasis) des choses qu’on espère, la démonstration (élegchos, c’est-à-dire la compréhension évidente et certaine) de celles qu’on ne voit pas2. Et Paul dit, de même: Toutes les promesses de Dieu sont oui et Amen en Christ3. Aux Philippiens, il dit aussi: Il vous a été fait la grâce de croire en Christ4; et de même: Dieu a départi à chacun une mesure de foi5. Il dit encore: Tous n’ont pas la foi; et tous n’ont pas obéi à la bonne nouvelle6. Luc aussi en témoigne, disant: Tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent7. Voilà aussi pourquoi la foi est appelée la foi des élus de Dieu8. Et il est dit encore: La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend de la Parole du Christ9. L’ordre est souvent donné ailleurs de prier pour obtenir la foi.

4. Le même apôtre parle de la foi qui est efficace et agissante par l’amour10. Celle-ci rend paisible la conscience; elle nous donne un libre accès auprès de Dieu, afin que nous nous approchions de lui avec confiance et que nous obtenions de lui ce qui est utile et nécessaire. De même, elle nous retient dans le devoir vis-à-vis de Dieu et de notre prochain. Dans l’adversité, elle affermit notre patience; et elle forme et suscite en nous une vraie confession. Pour tout dire en un mot, elle produit toutes sortes de bons fruits et d’œuvres bonnes11.

5. Nous enseignons donc que les vraies œuvres bonnes naissent d’une foi vivante, par le Saint-Esprit, et que les fidèles les accomplissent suivant la volonté, ou la règle de la Parole de Dieu. Car l’apôtre Pierre dit: Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la connaissance, à la connaissance la maîtrise de soi, etc.12Nous avons déjà dit que la Loi de Dieu, qui est la volonté de celui-ci, nous prescrit la formule des œuvres bonnes, et l’apôtre dit: Voici quelle est la volonté de Dieu: c’est votre sanctification; c’est que vous vous absteniez de l’inconduite; que personne, en affaires, n’use envers son frère de fraude ou de cupidité13. Mais Dieu n’approuve nullement les œuvres ou un culte qui procéderaient de nos désirs arbitraires, ce que Paul appelle un culte volontaire (éthelothreskia)14. Le Seigneur en parle ainsi dans l’Evangile: C’est en vain qu’ils me rendent un culte en enseignant des doctrines qui ne sont que préceptes humains15.

6. Nous désapprouvons donc ce genre d’œuvres. En revanche, nous approuvons et nous recommandons celles qui procèdent de la volonté et du commandement de Dieu. Or, ces œuvres, nous ne devons pas les accomplir afin de mériter, par elles, la vie éternelle; en effet, la vie éternelle, comme le dit l’apôtre, est un don de Dieu16. Et nous ne devons pas les faire par ostentation, ce que le Seigneur rejette17, ni pour un gain, ce qu’il dédaigne aussi18; mais pour la gloire de Dieu, pour rendre notre vocation honorable, pour manifester notre reconnaissance envers Dieu, et pour le bien de notre prochain. Car notre Seigneur dit dans l’Evangile: Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos œuvres bonnes, et glorifient votre Père, qui est dans les cieux19. L’apôtre Paul dit également: Marchez d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée20; et ailleurs: Quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâces par lui à Dieu le Père21; de même: Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres22; et: Il faut que les nôtres aussi apprennent à exceller dans les œuvres bonnes, pour subvenir aux nécessités urgentes, afin de ne pas être sans fruit23.

7. Ainsi, bien que nous enseignions avec l’apôtre que l’homme est justifié gratuitement par la foi en Christ et non par les bonnes œuvres, toutefois, nous ne méprisons ni ne condamnons les œuvres bonnes. Car nous savons que l’homme n’est pas recréé ou régénéré par la foi pour être oisif, mais pour s’employer sans cesse à faire ce qui est bon et utile. En effet, le Seigneur dit dans l’Evangile: Tout bon arbre porte de bons fruits24; et encore: Celui qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit25. L’apôtre dit, de même: Car nous sommes son ouvrage, nous avons été créés en Christ-Jésus pour les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions26. Et ailleurs: Le Christ-Jésus s’est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les œuvres bonnes27.

8. Nous condamnons donc tous ceux qui méprisent les œuvres bonnes, alléguant qu’elles ne sont pas nécessaires ou utiles. Cependant, comme cela a déjà été dit, nous ne pensons pas être sauvés par nos œuvres, ou qu’elles soient à ce point nécessaires au salut que, sans elles, personne n’ait jamais été sauvé. En effet, c’est par la grâce, par le bienfait du Christ seul, que nous sommes sauvés. Les œuvres procèdent nécessairement de la foi; c’est donc improprement que le salut leur serait attribué, alors qu’il est attribué à bon droit à la grâce. Car cette affirmation de l’apôtre est notoire: Si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres; autrement la grâce n’est plus une grâce28.

9. Or, les œuvres que Dieu agrée et approuve sont celles que nous faisons par la foi; c’est parce que ceux qui les accomplissent sont agréables à Dieu à cause de leur foi en Christ, et que leurs œuvres sont faites sous l’impulsion de l’Esprit saint, par la grâce de Dieu. En effet, Pierre dit: En toute nation celui qui craint Dieu et pratique la justice lui est agréable29. Et Paul: Nous ne cessons de prier Dieu pour vous et de demander que vous marchiez d’une manière digne du Seigneur, pour lui plaire à tous points de vue, portant des fruits en toutes sortes d’œuvres bonnes30. C’est pourquoi nous enseignons soigneusement, non pas des vertus humaines ou philosophiques, mais les vraies œuvres bonnes, ainsi que les authentiques devoirs de l’homme chrétien. Et nous les inculquons avec toute la diligence et la force qui est en notre pouvoir, reprochant la négligence et l’hypocrisie de tous ceux qui, de leur bouche, louent l’Evangile et en font profession, mais qui le déshonorent par une vie honteuse. Nous mettons devant leurs yeux les menaces épouvantables de Dieu, aussi bien que ses généreuses promesses et abondantes récompenses, exhortant, réconfortant et reprenant.

10. Nous enseignons donc que Dieu accorde d’amples récompenses à ceux qui font le bien, selon cette affirmation du prophète: Retiens les pleurs de ta voix, les larmes de tes yeux; car il y aura un salaire pour tes actions31. Le Seigneur dit aussi dans l’Evangile: Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux32; quiconque donnera à boire même un seul verre d’eau froide à l’un de ces petits en qualité de disciple, en vérité je vous le dis, il ne perdra point sa récompense33. Cependant, nous rapportons cette récompense que le Seigneur accorde, non au mérite de l’homme qui la reçoit, mais à la bonté, ou la libéralité et la vérité de Dieu, qui la promet et la donne et qui, bien qu’il ne doive rien à personne, a pourtant promis de récompenser ceux qui le servent fidèlement; or, c’est lui qui, en même temps, leur fait la grâce de le servir. D’ailleurs, il se trouve beaucoup de choses qui sont indignes de Dieu, et de nombreuses imperfections, même dans les œuvres des saints. Mais c’est parce que Dieu fait grâce et reçoit à cause du Christ ceux qui agissent qu’il leur accorde la récompense promise. Car autrement, notre justice est semblable à un vêtement pollué34. Et le Seigneur dit dans l’Evangile: Quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné dites: Nous sommes des serviteurs inutiles, nous n’avons fait que ce que nous devions faire35.

11. Ainsi, quoi que nous enseignions que Dieu accorde une récompense à nos œuvres bonnes, nous enseignons aussi, avec saint Augustin, que Dieu couronne en nous, non notre mérite, mais ses dons. Nous disons, par conséquent, que toute récompense que nous recevons est grâce; et même, bien davantage une grâce qu’une récompense, car le bien que nous faisons, nous le faisons par Dieu, plutôt que par nous-mêmes. Paul dit, en effet: Qu’as-tu que tu n’aies reçu? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu?36Et saint Cyprien le martyr en a conclu ceci: nous ne devons nous glorifier de rien, vu que rien n’est à nous37. Nous condamnons donc ceux qui affirment le mérite des hommes de telle sorte qu’ils anéantissent la grâce de Dieu.


1 Lc 17:5.

2 He 11:1.

3 2 Co 1:20.

4 Ph 1:29.

5 Rm 12:3.

6 2 Th 3:2; Rm 10:16.

7 Ac 13:48.

8 Tt 1:1.

9 Rm 10:17.

10 Ga 5:6.

11 Ga 5:22ss.

12 2 P 1:5-6.

13 1 Th 4:3-6.

14 Col 2:23.

15 Mt 15:9.

16 Rm 6:23.

17 Mt 6:1-5, 16.

18 Mt 23:23.

19 Mt 5:16.

20 Ep 4:1.

21 Col 3:17.

22 Ph 2:4.

23 Tt 3:14.

24 Mt 7:17.

25 Jn 15:5.

26 Ep 2:10.

27 Tt 2:14.

28 Rm 11:6.

29 Ac 10:35.

30 Col 1:9-10.

31 Jr 31:16.

32 Mt 5:12.

33 Mt 10:42.

34 Es 64:5.

35 Lc 17:10.

36 1 Co 4:7.

37 Ad Quirinum Testimoniorum, III, 4.

Les commentaires sont fermés.