Chapitre 23. Des prières de l’Eglise, du chant et des heures canoniales
1. Bien qu’en privé chacun puisse prier en quelque langue qu’il veuille — à condition qu’il la comprenne —, toutefois les prières publiques prononcées lors du culte doivent se faire dans la langue commune ou, du moins, dans une langue connue de tous. Que toutes les prières des fidèles soient adressées à Dieu seul par l’unique médiation du Christ, dans une attitude de foi et d’amour. Mais invoquer les saints et les prendre pour intercesseurs en notre faveur, cela est interdit par le sacerdoce du Christ notre Seigneur et la vraie religion. Que des prières soient formulées en faveur des magistrats, des rois et de tous ceux qui occupent une position de supériorité1, pour les ministres de l’Eglise et pour tous les besoins des Eglises particulières. Que dans les calamités, celles en particulier qui touchent l’Eglise, des prières soient formulées sans cesse, en privé comme en public.
2. De même, la prière doit se faire volontairement et non par contrainte, ni pour une récompense quelconque. Elle ne doit pas être attachée par superstition à un certain lieu, comme s’il n’était pas permis de prier ailleurs qu’au temple. Du reste, il n’est pas nécessaire que les prières publiques, pour ce qui est de la forme et de la longueur, soient identiques dans toutes les Eglises. En effet, chaque Eglise peut ici user de sa liberté. Socrate, le scolastique (380-450), dit dans son Histoire: « En cherchant dans tous les pays et toutes les régions, il serait impossible de trouver deux Eglises qui soient parfaitement uniformes dans leur manière de prier. L’origine de cette différence vient, me semble-t-il, de ceux qui avaient la direction des Eglises à des époques particulières. Toutefois si elles sont uniformes, cela est digne des plus grandes recommandations et devrait être imité par les autres. »2
3. De plus, il doit y avoir pour les prières publiques — comme pour toute chose — une certaine modération, afin qu’elles ne soient pas trop longues ou fatigantes. Que la plus grande partie du culte soit donc consacrée à l’enseignement de l’Evangile, et que l’on veille à ce que ceux qui sont présents au culte ne se lassent pas à cause des prières fastidieuses. Autrement, au moment de la prédication de l’Evangile, les auditeurs risquent de souhaiter partir, par fatigue, ou de désirer que le culte s’achève. Pour de telles personnes, la prédication elle aussi semble souvent prolixe, alors qu’elle est en réalité assez succincte. Il convient donc que les prédicateurs fassent preuve de mesure.
4. De même aussi le chant lors du culte, là où il est pratiqué, doit être réglé. Le chant appelé « grégorien » contient plusieurs éléments inappropriés; c’est pourquoi il a été rejeté à bon droit par nos Eglises et plusieurs autres. S’il est des Eglises ayant une prédication fidèle et légitime, mais qui n’emploient pas le chant, elles ne doivent pas être condamnées. Car toutes les Eglises ne sont pas à même de chanter. D’ailleurs s’il est certain que le chant a été pratiqué dès les temps les plus anciens dans les Eglises d’Orient, dans celles d’Occident par contre il n’a été reçu que beaucoup plus tard.
5. Pour ce qui est des heures canoniales (c’est-à-dire des prières composées pour certaines heures de la journée et chantées, ou récitées, par l’Eglise de Rome), elles étaient inconnues de l’Antiquité. Et cela peut être démontré par la lecture même de ces heures, ainsi que par plusieurs autres arguments. Elles contiennent d’ailleurs de nombreuses choses peu convenables, pour ne rien dire de plus. C’est pourquoi nos Eglises, à bon droit, les ont abolies et remplacées par des choses plus salutaires à l’Eglise universelle de Dieu.
1 1 Tm 2:1-2.
2 Histoire ecclésiastique, V, xxii, 40.