Chapitre 13. De l’Evangile de Jésus-Christ et des promesses; de l’Esprit et de la lettre
1. Certes, l’Evangile s’oppose à la Loi. Celle-ci, en effet, produit la colère et annonce la malédiction, tandis que l’Evangile proclame la grâce et la bénédiction. Jean dit à ce propos: La Loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ1. Toutefois, il est absolument certain que ceux qui ont vécu avant la Loi et sous la Loi n’ont pas été entièrement privés de l’Evangile. En effet, ils en ont eu des promesses insignes, telles que celles-ci: La descendance de la femme écrasera la tête du serpent2. Toutes les nations de la terre se diront bénies par ta postérité3. Le bâton de commandement ne s’écartera pas de Juda, jusqu’à ce que vienne le dominateur4. Le Seigneur suscitera du milieu de vos frères un prophète5.
2. Nous reconnaissons également qu’à nos pères, ainsi qu’à nous-mêmes, deux sortes de promesses ont été révélées. Les unes touchaient aux choses présentes et terrestres, comme les promesses du pays de Canaan ou des victoires, et celles du temps présent touchant au pain quotidien. Il en existait — et existe maintenant encore — d’autres, concernant les choses célestes et éternelles: la grâce de Dieu, le pardon des péchés et la vie éternelle par la foi en Jésus-Christ. Les anciens ont eu, par conséquent, non seulement des promesses matérielles et terrestres, mais encore des promesses spirituelles et célestes en Christ. Car, comme le dit Pierre: Les prophètes, qui ont prophétisé au sujet de la grâce qui vous était destinée, ont fait de ce salut l’objet de leurs recherches, etc.6C’est pourquoi l’apôtre Paul dit aussi: Dieu avait promis cet Evangile auparavant par ses prophètes dans les Saintes Ecritures7. Il apparaît donc clairement que les anciens n’ont pas été entièrement privés de l’Evangile.
3. Ainsi nos pères ont eu accès à l’Evangile par les écrits prophétiques; et c’est par ce moyen qu’ils ont obtenu le salut, au travers de la foi en Christ. Toutefois, l’Evangile est appelé avec raison une bonne et heureuse nouvelle. C’est dans cet Evangile que Jean-Baptiste d’abord, puis le Christ notre Seigneur et, ensuite, les apôtres et leurs successeurs ont proclamé au monde que Dieu a accompli ce qu’il avait promis dès le commencement: il a envoyé et nous a donné son Fils unique et, en lui, la réconciliation, le pardon des péchés, toute plénitude et la vie éternelle. L’histoire écrite par les quatre évangélistes, expliquant comment cela s’est passé et s’est accompli en Christ, ce qu’il a enseigné et fait, et comment ceux qui croient ont tout pleinement en lui, est à juste titre appelée Evangile. La prédication, de même, et les écrits apostoliques — où les apôtres exposent comment le Père nous a donné son Fils et, par lui, tout ce qui touche à la vie et au salut — sont à bon droit appelés doctrine évangélique, de sorte que, moyennant une attitude de sincérité, le terme est toujours approprié.
4. L’apôtre appelle encore cette même prédication de l’Evangile « Esprit » et « ministère de l’Esprit »8, car elle est rendue efficace et vivante à nos oreilles par la foi, et dans les cœurs des croyants par l’illumination du Saint-Esprit. En effet, la lettre à laquelle s’oppose l’Esprit signifie bien toutes les choses qui sont extérieures; mais elle se réfère plus particulièrement à la doctrine de la Loi qui, sans l’Esprit et la foi, produit la colère et fait naître le péché chez celui qui n’a pas une foi vivante et vraie. Voilà pourquoi l’apôtre l’appelle encore ministère de mort. C’est également à cela que se réfère l’affirmation de l’apôtre: Car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre9. De faux apôtres prêchaient un Evangile corrompu, puisque mélangé avec la Loi, comme si le Christ ne pouvait pas sauver sans la Loi. Tels ont été, apparemment, les Ebionites, issus d’Ebion l’hérétique, et les Nazaréens, appelés autrefois Minnéens. Nous les condamnons tous; nous prêchons l’Evangile dans sa pureté, et nous enseignons que les croyants sont justifiés par l’Esprit seul, et non par la Loi (ce point sera plus amplement exposé sous le titre de la justification).
5. Certes la doctrine de l’Evangile, comparée à celle que les Pharisiens avaient promulguée sur la Loi, a pu paraître nouvelle lorsque le Christ l’a proclamée pour la première fois (Jérémie aussi l’avait prédite, en parlant d’une nouvelle alliance). Toutefois, elle n’est pas seulement ancienne — contrairement aux affirmations des papistes, qui la comparent à la leur, reçue depuis longtemps —, mais elle est, davantage encore, la doctrine la plus ancienne du monde.
6. Dieu, en effet, avait décrété de toute éternité de sauver le monde par le Christ, et c’est cette prédestination et ce conseil éternels qu’il a manifestés aux hommes par l’Evangile10. D’où il apparaît clairement que la religion et la doctrine évangéliques sont les plus anciennes, parmi toutes celles qui ont été, qui sont encore et qui seront à l’avenir.
7. Nous disons donc qu’ils se trompent lourdement et parlent de façon indigne du conseil éternel de Dieu, tous ceux qui prétendent que la doctrine et la religion évangéliques ont été nouvellement inventées, et sont une foi qui existe depuis trente ans à peine. Le dire du prophète Esaïe s’applique bien à cela: Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres, qui changent l’amertume en douceur et la douceur en amertume!11
1 Jn 1:17.
2 Gn 3:15.
3 Gn 22:18.
4 Gn 49:10.
5 Dt 18:18.
6 1 P 1:10.
7 Rm 1:2.
8 2 Co 3:8.
9 2 Co 3:6.
10 2 Tm 1:9-10.
11 Es 5:20.