La notion d’accommodation divine chez Calvin – Ses implications théologiques et exégétiques

La notion d’accommodation divine chez Calvin
Ses implications théologiques et exégétiques

Vincent BRU*

Introduction

Dans cet article, nous nous proposons de mettre en lumière les implications théologiques et exégétiques de la notion d’accommodatio Dei telle qu’elle apparaît chez Calvin et dans la théologie réformée en général.
Comme l’a fait remarquer le théologien américain Tony Baxter, dans un article récent de la revue Evangel, très peu d’écrits ont été consacrés jusqu’à présent à la notion d’accommodation divine chez Calvin[1]. Or, comme l’a bien montré Ford Lewis Battle, professeur d’histoire de l’Eglise et d’histoire des dogmes à la Faculté de théologie de Pittsburgh:

Pour Calvin, la compréhension de l’accommodation de Dieu aux limites et aux besoins de la condition humaine a été une caractéristique centrale de l’interprétation de l’Ecriture et de l’ensemble de son oeuvre théologique[2].
Et encore: A la différence d’un Origène, d’un Augustin, d’un Jean Chrysostome ou d’un Hilaire de Poitiers, Calvin fait du principe d’accommodation une base logique pour son oeuvre théologique tout entière, non seulement pour l’Ecriture, mais pour tous les aspects de la relation entre Dieu et les hommes[3].

De même, le théologien allemand Otto Weber, n’hésite pas à affirmer:

Jamais personne n’a autant mis l’accent sur le principe d’accommodation que Calvin. Il n’est pas exagéré de dire que sa conception de la Révélation est déterminée par son idée d’accommodation, qui est en même temps un motif directeur de son exégèse[4].

C’est dire l’importance de notre sujet pour une juste compréhension de la théologie du Réformateur, et pour la définition de la Foi. La notion d’accommodation permet, en outre, une compréhension particulière de la nature et de la portée du langage religieux et de la révélation biblique, et a des implications théologiques et exégétiques non négligeables. Nous nous proposons de montrer en quoi ces implications constituent une alternative au débat herméneutique actuel. Nous pensons, ici, plus particulièrement au problème soulevé par la théologie dialectique et ses dérivés actuels, au sujet de l’inadéquation du langage religieux, la transcendance de Dieu excluant, selon les tenants de ladite théologie, la possibilité d’une révélation dans les catégories du langage humain.
 

I. Définition de la notion d’accommodation

Nous entendons par accommodation divine le processus par lequel Dieu se fait connaître aux hommes en se mettant à leur portée de façon à ce qu’ils puissent avoir de lui une connaissance qui, sans être exhaustive, n’en soit pas moins suffisante pour leur salut. En particulier, l’accommodation désigne le moyen par lequel Dieu utilise le langage humain dans la mise en place de sa révélation écrite – on parlera de révélation « verbale » ou « propositionnelle » -, en vue de la rendre accessible aux hommes.

Détail important: l’accommodation concerne la manière ou le mode de la révélation, la communication de la sagesse divine sous une forme finie, et non pas la qualité de la révélation ou le contenu révélé. Il s’ensuit que l’accommodation droitement interprétée n’implique en aucun cas une dévaluation de la vérité ou de l’autorité biblique[5].

Au total, donc, la notion d’accommodation est « un principe théologique gouvernant les relations de Dieu avec l’humanité: pour entrer en contact avec nous, Dieu doit descendre à notre niveau ou, en d’autres termes, il doit s’accommoder à notre capacité »[6].

II. La nécessité de l’accommodation

Le point de départ de la notion d’accommodation divine chez Calvin se trouve dans sa doctrine de Dieu: Dieu étant transcendant, toute révélation implique de sa part un acte de condescendance par lequel il s’accommode aux capacités limitées de l’homme.
La transcendance de Dieu s’exprime, selon Calvin, d’une part, par la différence qualitative qui caractérise le rapport Créateur/créature – Calvin parlera à ce propos de la « longue distance » qui existe entre Dieu et l’homme, de « l’au-delà des cieux et la terre où nous rampons », ainsi que de l’absence de « proportion » entre son être et le nôtre -et, d’autre part, par l’incompréhensibilité de son essence, la raison humaine étant dans l’impossibilité d' »enclore » celle-ci dans ses catégories cognitives. Calvin parlera à ce propos de la capacitécaptus [7] – limitée de l’entendement humain, reprenant à son compte la formule classique selon laquelle « le fini n’est pas capable de l’infini ». Ainsi, la seule attitude qu’il convient d’avoir à l’égard de Dieu, c’est l’humilité et l’adoration [8].

A la différence qualitative, Calvin conjoint la différence éthique survenue avec la Chute, celle-ci ayant pour conséquence de priver l’homme de la communion céleste [9].
A cet égard, il convient de dire que, pour Calvin, c’est le péché, la rupture de l’Alliance, et non la finitude, qui constitue le noeud du problème de la relation entre Dieu et l’homme. La transcendance de Dieu ne constitue pas en soi un obstacle à la communion avec Dieu, et n’est pas à elle seule la raison d’être de l’accommodation. La différence métaphysique devient disjonction, rupture, du fait du péché de l’homme. Cette distinction entre métaphysique et éthique est capitale pour une juste compréhension de la nature et de la portée de la Révélation, ainsi que de la notion d’accommodation[10].
A ces deux différences, métaphysique et éthique, qui existent entre Dieu et l’homme, il convient d’ajouter, avec Klaas Schilder – théologien néerlandais mort en 1952 -, la différence résidentielle [11], qui caractérise la situation de l’homme dans son environnement créationnel -[dagger] la terre -, et ce, en contraste avec l’espace situationnel de Dieu qui, lui, réside « dans le ciel ». Cette différence d’habitation entre Dieu et l’homme, en contraste avec la différence qualitative ou ontologique qui distingue le Créateur des créatures, est transitoire: elle est appelée à disparaître lors de la Parousie, où la terre rejoint le ciel, et où le jardin d’Eden fait place à une ville resplendissante, la nouvelle Jérusalem. La différence résidentielle – ou distasis – relève en fait, selon Schilder, du dessein pédagogique de Dieu pour l’humanité, et ce, dès la Création. Elle constitue le cadre créationnel dans lequel s’exerce, de façon providentielle, l’administration de l’Alliance, le ciel étant le lieu à partir duquel Dieu intervient dans l’histoire en s’accommodant aux capacités limitées des hommes, afin d’établir ainsi la communion entre lui et son peuple.
Au total, donc, on peut dire que ce qui constitue la nécessité de l’accommodation divine n’est autre que la différence qualitative – rapport infini/fini [dagger]- qui marque le rapport essentiel entre le Créateur et les créatures, celle-ci étant conjointe à la différence résidentielle – différence d’habitation: rapport ciel/terre – entre Dieu et l’homme et à la différence éthique – ou rupture de l’Alliance: rapport péché/grâce[dagger]-, survenue avec la Chute.
Ces différents aspects qui caractérisent la relation entre Dieu et l’homme sont de deux ordres: les aspects essentiels – la différence qualitative et la différence résidentielle -, liés à notre condition créaturelle, et l’aspect accidentel – différence éthique – survenu avec la Chute.

A ces aspects – essentiels et accidentel – correspond l’accommodation de Dieu dans sa Révélation à notre finitude et à notre péché .

III. L’Alliance, fondement de l’accommodation

La théologie réformée est une théologie de l’Alliance .C’est là son trait caractéristique, sa spécificité parmi les diverses manières de comprendre la foi et d’intégrer en un tout cohérent, du moins qui s’efforce à la cohérence, l’ensemble des données de la révélation biblique.

La structure divino-humaine de l’Alliance – aspects monopleurique et dipleurique – permet d’appréhender l’articulation entre la transcendance et l’immanence de Dieu d’une part – Dieu est le Seigneur (transcendance) de l’Alliance (immanence) -, le rapport entre le divin et l’humain dans l’Ecriture d’autre part – l’Ecriture comme traité d’alliance. C’est précisément en vertu de cette double réalité de la transcendance-immanence de Dieu, ainsi que de sa capacité à s’anthropomorphiser dans sa révélation, que la distance, ou différence, ontologique, épistémologique et éthique qui caractérise le rapport Créateur/créature peut être avantageusement et gracieusement comblée par Dieu en faveur de l’homme, de telle sorte qu’un rapport véritable de personne à personne puisse s’établir entre Dieu et l’homme
personnalisme de l’Alliance .Dans ce contexte, l’Alliance constitue le fondement, l’arrière-plan nécessaire de l’accommodation, le cadre constitutionnel de la relation personnelle de l’homme avec Dieu; l’accommodation constitue un aspect de la relation alliancielle, aspect sans lequel il ne saurait y avoir la moindre relation entre Dieu et l’homme[12].

Schilder, suivant en cela Calvin, insiste fortement sur ce point: toute communication de Dieu à l’homme, qu’elle soit naturelle ou surnaturelle, verbale ou événementielle, implique de la part de Dieu un acte de condescendance dans le cadre de l’Alliance[13].

Ainsi qualifiée par l’Alliance, la Révélation se caractérise d’une part par sa portée pédagogique – la nature et l’histoire comme illustrations pédagogiques de l’Alliance; structure progressive et pédagogique de l’Ecriture[14], unité organique et diversité de l’Alliance, etc. – et, d’autre part, par son caractère d’accommodation :la nature comme « miroir » de la gloire de Dieu, reflet ectypal de l’Archétype divin; langage allianciel, plutôt qu’anthropomorphique, de l’Ecriture. Accommodées aux capacités de l’homme, la manifestation de Dieu dans la nature ainsi que sa révélation surnaturelle dans l’Ecriture se caractérisent par la clarté et la compréhensibilité , conditions nécessaires de la relation vivante et personnelle avec Dieu.

Alliance, condescendance/accommodation et Révélation constituent donc les trois volets d’une seule et même réalité, celle d’un Dieu qui prend plaisir à entrer en relation avec les hommes, en leur communiquant son Evangile et sa Loi comme l’expression même de son être et de sa vie divine, de sa communion intratrinitaire à laquelle il veut les faire participer.
 

IV. Accommodation divine et Révélation

Ainsi, toute communication de Dieu à l’homme est qualifiée par l’Alliance. Dieu étant transcendant, toute révélation implique de sa part un acte de condescendance par lequel il s’accommode aux limites de la nature humaine.
Auxlimitations essentielles – qualitative et résidentielle[dagger]- de la nature humaine, Calvin fait correspondre l’accommodation universelle et nécessaire des mystères infinis de Dieu àla compréhension finie de l’homme. A la limitation accidentelle de la nature humaine,survenue avec la Chute – la rupture de l’Alliance[dagger]- correspond l’accommodation spéciale et gracieuse de Dieu à la culpabilité ainsi qu’à la condition pécheresse de l’homme[15].

Comme le fait remarquer F. L. Battles, l’accommodation s’applique, chez Calvin, non seulement à la révélation de Dieu dans l’Ecriture, mais encore à l’ensemble de la réalité créée ,dont l’Ecriture sainte est la clef: les six jours de la création, l’histoire de l’humanité, les structures de la société et de l’Eglise[16], les lois et les gouvernements, la prédication de la Parole et les sacrements[17], les ministères dans l’Eglise, la discipline ecclésiastique, le culte, bref, toutes choses constituant autant de moyens de gr,ce et d’accommodation à notre faiblesse de la part de Dieu, les expressions visibles du tuteurage et de l’action miséricordieuse du Créateur[18].

De même, pour Calvin, l’Incarnation constitue l’acte de condescendance et d’accommodation par excellence de Dieu envers l’humanité pécheresse. Le Christ est à la fois le point culminant et le but de la Révélation, il constitue le remède apporté par Dieu à la maladie du péché et de la culpabilité dont l’homme est atteint. En Christ, le médecin divin a accommodé son traitement à la nature pécheresse de l’homme et, à ce titre, il constitue le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, et la clef de toutes connaissances[19].
Ainsi, l’accommodation concerne tout à la fois la manifestation de Dieu dans la nature et sa révélation surnaturelle dans l’Ecriture, celle-ci trouvant son point culminant en Christ. Tous les aspects de la communication entre Dieu et l’homme portent le sceau de l’accommodation, celle-ci garantissant la clarté de la Révélation, condition nécessaire du dynamisme et du personnalisme de la relation alliancielle.
 

V. Implications théologiques, exégétiques et homilétiques

Les implications de la notion d’accommodation divine sont nombreuses, celle-ci ayant trait à l’ensemble de la réalité créée. Dans le cadre de notre étude, nous retiendrons trois types d’implications dans trois domaines différents: la théologie-ou doctrine de Dieu[dagger]-, l’herméneutique – implications exégétiques[dagger]- et l’homilétique – forme et contenu du sermon.
 

1. Les implications théologiques

La notion d’accommodation permet de comprendre de façon juste et appropriée le rapport entre la transcendance de Dieu et son immanence . En contraste avec la théologie dialectique, qui radicalise la transcendance de Dieu aux dépens de son immanence, et d’une certaine théologie du devenir de Dieu – Moltmann, théologie du process , etc.: radicalisation de l’immanence de Dieu aux dépens de sa transcendance[dagger]-, la théologie réformée fait valoir le fait que, dans sa révélation, Dieu se fait connaître à la fois comme transcendant et immanent . En vertu de l’accommodation, l’Ecriture nous révèle le Dieu infini et absolu -[dagger]attributs métaphysiques: aséité, immutabilité, etc. – sous une forme adaptée à la capacité limitée des hommes – langage anthropomorphique de l’Ecriture, question de la repentance de Dieu, de sa colère, etc.

A ce titre, et comme le fait remarquer Paul Helm, les attributs anthropomorphiques de Dieu doivent être interprétés à la lumière des affirmations métaphysiques de l’Ecriture – attributs essentiels de Dieu – et non pas l’inverse[20]. Il y a préséancedes affirmations d’ordre métaphysique sur les affirmations anthropomorphiques, qui relèvent plus particulièrement de l’accommodation, concernant l’être de Dieu et ses attributs. Les affirmations particulières -[dagger]attributs « circonstanciels » de Dieu – doivent être interprétées à la lumière des affirmations générales – modes fondamentaux de l’existence de Dieu -, sous peine de réduire Dieu auxdimensions de l’homme[21].
 

2. Les implications exégétiques

Comme le remarque fort justement Jacobus de Jong:

L’accommodation comme principe ne doit pas devenir une clef herméneutique isolée pour l’interprétation de l’Ecriture. Une vision correcte de l’accommodation requiert la reconnaissance de l’inspiration de l’Ecriture ,aussi bien que le principe exégétique scripturaire de l’analogie de la foianalogia fidei. Dans le contexte spécifique de la vision réformée de l’Ecriture, le principe d’accommodation a une place légitime[22].

Nous ne saurions trop insister sur ce point. En dehors de la doctrine réformée de l’Ecriture -[dagger]inspiration verbale, inerrance, analogie de la foi -, la notion d’accommodation ne tarde pas à devenir synonyme de compromis avec l’erreur – exemple de Marcion, de Jean-Alphonse Turretin, etc. – et son usage comme principe exégétique devient alors illégitime.

C’est ainsi que pour G. C. Berkouwer et G. W. Bromiley, théologiens de tendance « néo-évangélique » quant à leur conception de l’Ecriture, l’accommodation concerne non pas tant l’utilisation par Dieu du langage humain comme véhicule de sa révélation, mais l’adaptation nécessaire des écrivains sacrés aux conceptions erronées de leur temps, du moins pour les vérités d’un autre ordre que théologique – distinction vérités fondamentales ,relatives au salut, et vérités périphériques ,d’ordre historique et culturel. Le caractère culturel et humain de l’Ecriture – timeboundedness – impliquerait la présence dans celle-ci d’une certaine marge d’erreurs. Ainsi, il y aurait tension, dualité, entre la forme et le contenu de l’Ecriture, entre son autorité historique et son autorité normative [23].

En fait, comme nous l’avons vu plus haut, l’humanité et l’historicité de l’Ecriture, loin de compromettre son infaillibilité, en garantissent au contraire sa compréhensibilité et sa clarté, et donc aussi son autorité normative pour tous les temps, Dieu étant parfaitement à même d’utiliser le langage humain ainsi que les représentations historiques et culturelles de l’homme, pour communiquer de façon infaillible sa volonté aux hommes. Le caractère normatif de l’Ecriture n’est pas limité par le temps, dans le sens d’un compromis avec l’erreur, mais plutôt conditionné par celui-ci – la révélation-accommodation revêt la forme historique et culturelle de son temps, sans pour autant adopter les conceptions erronées de celui-ci. La distinction – ou dualité – entre vérité périphérique – historico-culturelle – et vérité fondamentale – normative – n’a pas lieu d’être. Il n’y a, dans l’Ecriture, qu’une seule vérité, et cette vérité revêt la forme historique et culturelle de l’époque dans laquelle elle s’est manifestée[24].

Autre implication de la notion d’accommodation: le caractère d’accommodation ainsi que l’inerrance-infaillibilité de la Bible dicte l’attitude de l’exégète à son égard: révérence et humilité (Cf. I.C. ,I.xiii.3; I.ix.3; I.vii.4; III.xi.2; etc.) – contre l’approche spéculative de la scolastique et la curiosité des philosophes. Respectueuse de la tradition exégétique de l’Eglise et de la réflexion théologique des siècles passés, l’exégèse se voudra à la fois ecclésiale, communautaire et critique, l’Ecriture sainte seule constituant la norme absolue (norma normans) en matière de foi et de vie, la tradition de l’Eglise n’ayant qu’une autorité relative (normae normatae). Sur cette base, le mode d’exposition de l’Ecriture de Calvin et de la théologie réformée peut se résumer aux deux points suivants, clarté etbrièveté . L’Ecriture fournit elle-même les principes d’interprétation en accord avec sa nature: brevitas et facilitas reflètent la méthode d’exposition de la Bible elle-même27.
 

3. Les implications homilétiques

La Révélation étant accommodée à la capacité de l’homme, la prédication de l’Eglise se caractérisera par saclarté et par sa portée pédagogique .Le prédicateur, véritable ambassadeur du Christ – le ministère pastoral comme accommodation du Christ -, devra se mettre à la portée de son auditoire en s’efforçant d’exposer le plus fidèlement possible -[dagger]prédication exégétique -,l’ensemble de la révélation biblique –prédication séquentielle ,livre après livre -, et ce dans un langage accessible à tous: style oral, simple, direct, bref; illustrations, images, métaphores, hyperboles, langage de l’émotion, applications pratiques, etc.
La prédication se voudra de même à la fois didactique – il s’agit d’un enseignement, d’une exposition fidèle du contenu de l’Ecriture – et kérygmatique -la prédication comme proclamation de l’Evangile. Le prédicateur, en tant que représentant du Christ, devra interpeller son auditoire par des impératifs – il parle au nom de Dieu, il est son porte-parole, son héraut. Il s’efforcera de même de souligner les implications pratiques de l’Ecriture en montrant son utilité et son actualité. La prédication, c’est l’application d’un texte aux gens qui écoutent.


* V. Bru est pasteur de l’Eglise réformée évangélique de Générargues (Gard).

Références

[1] A. G. Baxter, « What did Calvin Teach about Accommodation? », Evangel , vol. 6, n8 1 (1988), 22, note 2.

[2] F. L. Battles, « God was accommodating Himself to Human Capacity », Interpretation , janv. 1977, 19.

[3] Ibid. , 20.

[4] Otto Weber, Fondations of Dogmatics (Grand Rapids: Eerdmans, vol. I), 415, note 52.

[5] Cf. Richard A. Muller, Dictionary of Latin and Greek Theological Terms (Grand Rapids: Baker, 1985), 19.

[6 ] Martin I. Klauber & Glenn S. Sunshine, « Jean-Alphonse Turrettini on Biblical Accommodation: Calvinist or Socinian? », Calvin Theological Journal, vol. 25, n8 1 (april 1990), 9.

[7 ] Mot clef chez Calvin, d’après F. L. Battles, Op. cit., p. 32. Cf. I.C. I.xiii.2.

[8 ] Cf. I.C. I.xiii.2, 3; I.v,1, 9; I.xvi.1, 2; etc.

[9] Voir en particulier: La Confession de La Rochelle , art. 9b; I.C . I.iv; II.ii.12ss; etc.

[10] C’est pour avoir sous-estimé la dimension Ethique de la relation Dieu/homme que Barth – ainsi que la plupart des théologiens modernes -, conséquemment à son motif antithétique de base nature/grâce (motif épistémologique foi/raison), a développé non pas, comme c’est le cas dans la théologie réformée, une Ethique de la révélation – motif fondamental Création/Chute/Rédemption (dualité péché/grâce) -, mais une métaphysique de la révélation, étant ainsi conduit à opérer une dichotomie entre le divin et l’humain dans la Bible. Cf. Paul Wells, James Barr and the Bible (Phillipsburg: P&R), 354ss.

[11] Le terme « résidentiel » vient du théologien néerlandais J. Kampuis, de la Faculté de théologie réformée de Kampen. Schilder, quant à lui, utilise le plus souvent l’expression diastasis pour désigner la « distance » ciel/terre. Cf. Jacobus de Jong, Accommodatio Dei, a Theme in K. Schilder’s Theology of Revelation ( Kampen: Dissertatie-Vitgeverij Mondiss, 1990), 89, note 78.

[12] La notion d’Alliance, tout comme celle d’accommodation, n’est pas seulement une notion théologique permettant de décrire de façon compréhensible les rapports entre Dieu et les hommes, mais c’est aussi un principe herméneutique permettant une approche particulière de la Bible, s’efforÁant de rendre compte de l’ensemble de la révélation biblique. Cf. James Packer, in Herman Witsius, The Economy of the Covenants Between God and Man (Phillipsburg, P&R, Introduction).

[13] Cf. Jacobus de Jong, op . cit., 185s. Voir de même: Paul Wells, « Covenant, Humanity, and Scripture »,[dagger]35 – l’Alliance implique la condescendance de Dieu par rapport aux capacités et à la situation de l’homme; dans l’Ecriture, Dieu parle humainement.

[14] A cet égard, il convient de dire que la théologie réformée, en contraste avec la conception des théologiens du XVIIIe siècle marqués par la philosophie des Lumières – J.-A. Turrettini, Jean Leclerc, etc. -, pour lesquels le caractère progressif de la Révélation impliquait nécessairement un compromis avec l’erreur – accommodation aux conceptions erronées de l’époque -, met envaleur le caractère organique et substantiel de l’unité-diversité de la révélation biblique. La Révélation est progressive dans le sens de moins de lumière à plus de lumière -[dagger]rapport promesse/accomplissement: différence de forme, et non pas de substance; progression quantitative ,et non pas qualitative -, et non pas dans le sens d’une vérité moindre à une vérité plus grande – adaptation au niveau de compréhension élémentaire de l’époque; dévaluation de l’Ancien Testament par rapport au Nouveau, etc. Ainsi, la Révélation a toujours été suffisamment claire à chaque époque de l’histoire du salut, et par rapport à la situation du peuple de Dieu, le caractère progressif de celle-ci relevant du processus pédagogique de Dieu en vue de conduire les hommes à la maturité spirituelle et à une proximité plus grande avec lui.

[15] Cf. Edward Dowey, The Knowledge of God in Calvin’s Theology (New York: Columbia University Press, 1952), p. 35.

[16] Dans 1′Institution de la Religion chrétienne, la place des autorités civiles tombe, avec l’Eglise et les ministères, sous le chapitre des « moyens de gr,ce extérieurs ». Celles-ci nous sont données comme accommodation à notre faiblesse. Cf. I.C. IV.i.lss et IV.xx.lss. Cf . F. L. Battles, op . cit., 33.

[17] La prédication constitue, selon Calvin, une forme accommodée de la Parole de Dieu, adaptée à la situation historique et culturelle de l’homme: « Quand l’Evangile nous est presché, c’est autant comme si Dieu descendait à nous, quand il s’accommode ainsi à nostre petitesse » – Ep 4:11-14, CO 51, 565, cité par R. S. Wallace, Calvin’s Doctrine of the Word and Sacrements, 84. Les sacrements constituent le miroir de la bénédiction spirituelle de Dieu. Ils sont les « signes visibles d’une gr,ce invisible », accommodés à la capacité de l’homme. Cf. I.C. IV.xiv.3, 6.

[18] Ibid., 21. Voir en particulier: pour les autorités civiles (IV.xx.8, 22ss, etc.); l’Eglise et les ministères (IV.i.1ss); les sacrements (IV.xiv.3; IV.xvii.l1, 36; IV.xviii.12-18); la Création (I.xiv.3; I.xvi.2; II.vi.1; II.xxi.4; III.xxiv.12); la providence (I.v.7, etc.).

[19] Cf. Jean Calvin, Commentaires bibliques, épÓtres aux Galates, Ephésiens, Philippiens et Colossiens (Aix-en-Provence: Ed. Kerygma/Farel, 1:15), 331; Commentaires bibliques, évangile selon Jean (Aix-en-Provence, Ed. Kerygma/Farel, 1:18), 3lss.

[20] Cf. Paul Helm, The Providence of God , Contours of Christian Theology (Leicester: IVP, 1993), 5lss.

[21] La manière dont Calvin traite la question de la repentance de Dieu (cf . Gn 6:6; I S 15:11; etc.) est significative à cet égard. Pour celui-ci, en effet, la repentance ou la colère de Dieu ne constituent pas à proprement parler des qualités divines dans le même sens que sa bonté ou sa justice, attributs « fixes » et « permanents » de l’être divin – au même titre que son aséité ou son immutabilité (attributs « essentiels »). Il s’agit en fait d’attributscirconstanciels ouaccidentels ,qui relèvent de l’accommodation de Dieu au péché et àl’ignorance de l’homme, et non pas seulement à safinitude: « Les épithètes de Dieu tantÙt ont un caractère fixe,tantÙt concernent la circonstance dont il est question  » – Jean Calvin, Commentaires bibliques , Daniel 9:4, cité dans O. Milet, Calvin et la dynamique de la parole, Etude de rhétorique réformée (Paris: Librairie Honoré Champion, 1992), 255; voir de même: I.C. I.xvii.12, 13. La repentance appliquée à Dieu a son caractère propre: elle est theopropos , selon l’expression de Schilder.

[22] Jacobus de Jong, op. cit., 269.

[23] Cf. G. C. Berkouwer, Holy Scripture , 177ss; G. W. Bromiley, « Accommodation », in The New International Encyclopedy of the Bible , 24ss. Voir de même: Jean-Claude Thienpont, « Rapport sur le ministère pastoral féminin », Cahier du Synode national et général de Saint-Jean-de-Maruejols , mars 1997, 76, note 23: « Ce terme d’accommodation (accommodatio Dei) désigne le fait que Dieu ne fige pas une fois pour toutes les règles de la société humaine ni même celles du peuple de l’Alliance. » Cette définition s’inscrit dans la même optique que Bromiley ou Berkouwer.

[24] A cet égard, Schilder fait valoir le fait que l’Ecriture ne donne pas elle-même sa propre vision scientifique du monde, le langage de l’Ecriture étant celui de l’expérience sensible et naïve. Les affirmations « scientifiques » de l’Ecriture ne sauraient par conséquent être interprétées dans le sens d’une vision du monde primitive liée aux conceptions erronées de l’époque. Cf. Jacobus de Jong, op. cit., 108. Voir de même, Greg Bahnsen, « Comment lire la Bible? Affirmation réformée sur l’interprétation de la Parole de Dieu », La Revue réformée, n8[dagger]184, 1995/1, 39: « Aucune croyance erronée ou ignorance historique propres à la société dans laquelle ont vécu les écrivains bibliques, ou leurs erreurs personnelles, ne sont présentées dans l’Ecriture comme des vérités; aussi n’ont-elles pas à être corrigées par les experts modernes en sciences, en histoire, en sociologie, etc. » Voir de même, dans le même numéro, l’article de Paul Wells: « Sur la contextualisation biblique ».

[25] Hans-Joackim Krauss, « Calvin’s Exegetical Principles », Interpretation, vol. 31, n8 1 (janv. 1977), l2ss.

[26] Cf. Richard C. Gamble, « Brevitas et Facilitas : Toward an Understanding of Calvin’s Hermeneutic », WTJ 47 (1985), 1-17; « Exposition and Method in Calvin », WTJ 49 (1987), 156ss

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