La formation des pasteurs et la prédication de Calvin

La formation des pasteurs
et la prédication de Calvin

Jean-Marc BERTHOUD*

Il n’existait aucune formation théologique officielle de type universitaire à Genève avant la fondation de l’Académie en 1559. Mais – fait largement ignoré par certains historiens de cette période – une Académie réformée avait été établie à Lausanne par « leurs Excellences de Berne » dès 1537. Cette Académie de Lausanne, la première université d’inspiration calviniste au monde, avait d’abord été placée sous la direction de Pierre Viret. A partir de 1549, Théodore de Bèze y joua un rôle important comme professeur de grec. L’éminente qualité de l’enseignement qui y était dispensé est attestée par le fait que le Réformateur flamand Guy de Brès (1540-1567), auteur de la Confessio Belgica de 1561, ainsi que les auteurs du célèbre Catéchisme de Heidelberg (1563), Olevianus (1536-1587) et Ursinus (1534-1583), y reçurent une partie de leur formation théologique[1].
 

L’enseignement donné à l’Académie de Lausanne était en grande partie dans la ligne de celui que donnait Calvin à Genève, en particulier en ce qui concerne les questions controversées de la prédestination et de la discipline ecclésiastique. Cet alignement de Lausanne sur Genève sur ces questions attisa le conflit latent entre l’Eglise de Lausanne, placée sous la direction de Pierre Viret qui était le pasteur principal de la Classe de Lausanne, et les autorités de Berne qui s’opposèrent obstinément à ce que l’Eglise assume seule la responsabilité de sa propre discipline. Ce différend proprement ecclésiastique était accompagné de différences théologiques importantes, car Berne refusait également la doctrine calviniste de la prédestination. Les autorités bernoises poussèrent leur opposition si loin qu’à un certain moment elles en vinrent même à interdire l’usage de l’Institution de la Religion chrétienne de Calvin comme manuel de théologie à l’Académie. Cet interminable conflit sur la discipline ecclésiastique (1541-1559) culmina dans la crise de Noël 1558. Au début de l’année suivante, Viret fut banni. Le corps enseignant de l’Académie démissionna en bloc ainsi que la plupart des pasteurs de la Classe de Lausanne[2]. Avec presque tous leurs étudiants (près de mille en 1558), ils s’exilèrent à Genève, rendant ainsi possible la fondation de l’Académie de Genève en 1559 sous la direction de Théodore de Bèze qui, sentant la futilité de poursuivre davantage la lutte, avait paisiblement quitté Lausanne une année avant ses collègues. L’Académie de Genève fut dans une large mesure un décalque du modèle lausannois[3].
 

I. La formation des pasteurs

Le programme académique établi par Calvin pour la nouvelle Académie de Genève – en ceci très proche de celui inauguré une vingtaine d’années plus tôt par son ami Viret à Lausanne – comportait les deux grands domaines dans lesquels Dieu manifeste sa révélation: d’abord par sa création, puis par sa Parole écrite. Voici comment Stanford Reid définit les principes qui ont gouverné la fondation de l’Académie de Genève:
Calvin croyait qu’il fallait enseigner les sciences physiques tout simplement parce qu’elles constituaient ce vêtement au travers duquel Dieu se manifestait partout et continuellement à tous les hommes. Mettant l’accent sur l’idée même de création, il affirmait que l’homme devait étudier et approfondir ses connaissances de la nature afin de comprendre celui qui l’avait faite. Ce point de vue se trouvait en conflit, tant avec celui de la scolastique, qui enseignait que le monde physique n’était qu’un stage inférieur dans la grande chaîne de l’être qui s’étend vers le haut pour finalement atteindre le moteur immobile, Dieu, qu’avec celui de la Renaissance, dont le point de vue était le plus souvent celui du panthéisme. Pour Calvin, l’étude de la nature était une responsabilité donnée par Dieu à l’homme qui devait être assumée à la lumière de la Parole de Dieu[4].

Le point de vue de Viret et de Calvin était ici par avance en totale opposition au dualisme kantien qui allait plus tard, à la suite de la coupure platonicienne entre les sens et la science si caractéristique de la pensée scientifique moderne, infecter l’ensemble de la culture occidentale. Pire encore, la soumission docile de la théologie chrétienne à cette idéologie scientifique, née au XVIIe siècle et devenue culturellement dominante dès le XVIIIe, allait, à quelques rares exceptions près, totalement dénaturer ce qui passe aujourd’hui pour de l’enseignement théologique dans les universités[5].

Calvin était, en plus, entièrement en faveur de l’utilisation à l’Académie de Genève de ces outils linguistiques si fortement développés par les humanistes de la Renaissance. Stanford Reid ajoute:
Cependant, si l’humanisme de Calvin était évident dans l’organisation du programme d’études de l’Académie, par contre nous devons nous souvenir qu’il n’était aucunement un humaniste dans son explication de l’origine et de la cause de l’incapacité de l’homme. (…) Pour Calvin, si ces arts et ces sciences devaient être appréciés et utilisés, cependant, à moins de les voir à la lumière du Christ, elles n’étaient que fumées. Car on ne pouvait alors ni les comprendre, ni les interpréter correctement vu que le but véritable de ces disciplines était de rendre gloire à Dieu. Comme il le disait lui-même, « avec toute son habileté, l’homme est aussi borné quand il s’agit de comprendre les mystères de Dieu, qu’un âne l’est pour saisir des harmonies musicales » (Commentaire sur 1 Corinthiens 1: 20). Pour lui, ce n’était aucunement de la vertu ou du génie des humanistes que provenaient de telles capacités, mais de la seule grâce de Dieu. De même pour Calvin, ces arts et ces sciences découverts par l’homme ne devaient pas être utilisés pour la glorification et la louange du génie de l’homme, mais pour la gloire de Dieu[6].

Comme l’indique Stanford Reid, la conséquence pour Calvin de cette façon de voir fut que si les arts libéraux et les sciences ne devaient en aucun cas être écartés du cursus théologique, ils devaient cependant être utilisés sous le contrôle strict et sous l’autorité de la Parole de Dieu – et non pas avec cet esprit de prétendue neutralité qui allait caractériser l’épistémologie des rationalistes arminiens du siècle suivant – afin d’amener les hommes à la connaissance de leur Créateur. Car pour Calvin, l’homme pécheur était incapable d’atteindre une telle connaissance sans l’aide de la grâce de Dieu. Stanford Reid continue :

Une vraie connaissance de Dieu ne pouvait, cependant, se trouver dans la nature et dans ce que pouvaient découvrir les arts libéraux et les sciences, à moins que l’homme, ses yeux ayant été ouverts par le Saint-Esprit, ne voient Dieu tel qu’il se révèle à lui dans les Ecritures. En conséquence, la compréhension des Ecritures constituait le but ultime de la vie de l’homme[7].

C’est pourquoi l’étude de la Bible, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, était considérée comme le couronnement et la règle des programmes universitaires. Comme le dit Stanford Reid :

Ainsi, c’était uniquement dans les Ecritures qu’on pouvait trouver cette vraie sagesse et cette vraie connaissance qui permettraient de donner son interprétation véritable, non seulement à l’univers dans son ensemble, mais à la pensée des philosophes païens elle-même.

Jean-François Gilmont, rejoignant ici les résultats de nombreuses études récentes[8], fait ces remarques intéressantes au sujet de l’orientation théologique de l’exégèse de Calvin :

Les pratiques théologiques de Calvin me semblent pour l’essentiel enracinées dans le Moyen Age. La scolastique, qui est vraiment une théologie et une philosophie du livre, est basée sur un enseignement à partir d’un texte que l’on glose. Dans la majorité de ses écrits, Calvin glose, soit l’Ecriture pour la mettre en valeur, soit un adversaire pour le dénoncer. Par ailleurs, la scolastique invente une nouvelle façon de lire, la consultation rapide à la recherche de citations faisant autorité. De même Calvin nourrit sa réflexion théologique de lectures, allant tantôt aux originaux, tantôt à des chaînes de citations.

Mais Calvin se sépare des scolastiques en adoptant l’approche de l’Ecriture prônée par les humanistes. Il veut relire le texte sacré dans son sens littéral, en retrouvant la signification voulue par l’auteur[9].
Gilmont ajoute ces observations pertinentes :

Il me semble que les biographes du Réformateur n’insistent pas assez sur ce travail incessant d’exégèse qu’il mène de front sur plusieurs livres bibliques. Le système d’enseignement établi à Genève l’oblige à lire et à enseigner sans cesse la Bible. Lorsqu’il affirme puiser son enseignement dans l’Ecriture, il ne ment pas. Je crois que peu de théologiens de cette époque peuvent se vanter d’un travail exégétique aussi continu[10].

Et Stanford Reid conclut son analyse remarquable des principes épistémologiques et pédagogiques de Calvin avec ces mots :

La description de cette position nous présente le postulat fondamental qui sous-tend toute l’entreprise de Calvin pour fonder une université. Tenant que l’homme ne pouvait pas, à cause de son péché, parvenir à une vraie connaissance de Dieu, et, par conséquent, de cet univers créé par Dieu dans lequel l’homme vit, Calvin insistait sur le fait que le seul espoir de l’homme se trouvait dans la régénération divine au moyen de laquelle il pourrait comprendre le sens de la révélation que Dieu donne de Lui-même dans les Ecritures. Tant que Dieu n’aurait pas touché le coeur de l’homme, même une connaissance intellectuelle des Ecritures lui serait sans profit véritable. Mais une fois que Dieu agissait en lui, et que l’homme venait à la foi, il pouvait alors tout voir sub specie æternatis.
Et il ajoute cette remarque très intéressante :

Ceci semble être la raison de l’insistance de Calvin – à la différence de ce qui se passait à Lausanne (réd.) – pour que les étudiants entrant à l’université aient l’obligation de signer la Confession de foi. Car, pour Calvin, quelle utilité pouvait-il donc y avoir à enseigner des incroyants qui, en conséquence de leur incrédulité, ne parviendraient jamais à une vraie connaissance? En fin de compte, la connaissance véritable n’était-elle pas aussi un don de Dieu?[11]

Cependant, avant la fondation de l’Académie en 1559, de nombreux pasteurs qui apportèrent la Foi réformée aux quatre coins de l’Europe s’étaient rendus à Genève, et non à l’Académie de Lausanne, pour leurs études où ils ne purent guère, avant 1559, profiter d’une véritable formation universitaire. Ils se formèrent cependant, en tant que théologiens et pasteurs, aux pieds du plus grand prédicateur et enseignant du XVIe siècle. Car, ainsi que nous la décrit Parker, la charge de prédication et d’enseignement de Calvin à Genève était écrasante. Il constituait ainsi à lui seul quasiment une Académie théologique! Parker décrit son travail en ces termes :

A partir d’octobre 1549, il lui fut ordonné de prêcher à Genève tous les jours de la semaine. Dès ce moment, Calvin prêcha normalement tous les jours une semaine sur deux et deux fois les dimanches. Son habitude était d’expliquer l’Ancien Testament en semaine et le Nouveau le dimanche, bien qu’il prêchait parfois sur les Psaumes le dimanche après-midi[12].

La prédication en semaine se faisait tôt le matin, avant d’aller au travail. Tous étaient censés y assister. L’après-midi était consacrée à des cours théologiques, le plus souvent sous la forme d’une exposition en latin et dans un style plus formel des divers livres de la Bible. Ces cours étaient adressés à un public plus restreint d’étudiants. Bon nombre des commentaires bibliques de Calvin proviennent de la notation mot à mot de ses cours prononcés assez lentement, presque sous une forme dictée, par plusieurs étudiants exerçant la fonction de scribes. Les différentes versions notées étaient immédiatement collationnées et rédigées au propre. Le lendemain matin, souvent après la prédication, Calvin se faisait lire le cours du jour précédent et le corrigeait depuis son lit où ses nombreuses maladies chroniques l’obligeaient de se tenir. Ce genre de prédication et d’enseignement systématique de la Bible connut un immense succès. Il est par exemple rapporté qu’en 1561 plus de mille personnes suivaient chaque jour les cours de Calvin qui étaient, rappelons-le, donnés en latin. Dans ses dernières années, il lui fallait assez souvent être porté sur une chaise au lieu où se donnaient les prédications et les cours, tant sa santé était devenue débile[13].
 

Calvin enseignait et prêchait sans notes, expliquant la Bible directement à partir du texte hébreu ou grec dont il donnait sur place sa propre traduction. Mais ceci n’impliquait aucunement l’absence de préparation. Il déclara une fois à ce sujet :

Si j’avais l’audace de monter en chaire sans consulter un livre en me disant de manière frivole: « Eh bien, quand je prêcherai Dieu me donnera ce que je dois dire », venant ici sans lecture et sans réflexion sur ce que je dois déclarer, et sans considérer avec soin comment il me faut appliquer la Sainte Ecriture à l’édification du peuple, alors je ne serais qu’un homme prétentieux et plein d’arrogance[14].

Pour Calvin, le prédicateur devait d’abord appliquer le texte à sa propre vie. Avec ce langage incisif qu’il savait utiliser parfois avec tant de force, il affirme de manière abrupte :

Il vaudrait mieux au prédicateur de se casser la nuque en montant les marches de la chaire, si en premier il ne se donne la peine de suivre Dieu. (…) Je parle à l’assemblée de telle manière à ce que mon enseignement s’adresse d’abord à moi-même[15].
 

II. Quelle était la nature de la prédication de Calvin?

i) D’abord il s’agissait de la prédication suivie du texte biblique. Son seul intérêt était de découvrir le sens exact de ce texte, seule norme de la vie de l’Eglise[16]. Le prédicateur était par-dessus tout le serviteur de la Parole de Dieu. Mais il ne s’agissait pas d’un élément particulier de cette Parole que l’on pouvait appeler l’Evangile, mais de la Parole de Dieu tout entière, tant Ancien que Nouveau Testament.

ii) Deuxièmement, la prédication de Calvin utilisait tous les outils linguistiques et littéraires légitimes développés par le renouveau de la rhétorique antique suscité par les humanistes de la Renaissance, les Valla, Erasme, Lefèvre, Budé, Etienne, etc., en vue d’extraire du texte classique son sens véritable. Mais ici son attitude s’avère être fort différente de celle développée un siècle plus tard par les exégètes de l’Académie de Saumur, précurseurs de la critique rationaliste moderne. Car Calvin soumettait ces outils littéraires et linguistiques à la vérité, c’est-à-dire au contenu confessionnel, doctrinal et dogmatique de la Bible. Il ne se faisait aucunement l’avocat du mythe d’une méthode d’exégèse de la Bible à prétention neutre, qui serait purement rationnelle et qui, en fin de compte, se voudrait soi-disant uniquement scientifique. C’est par une telle attitude, qui n’est autre que la soumission béate au mythe scientiste moderne (le véritable ancêtre des Lumières), que le neutralisme arminien et rationaliste pénétra dans l’enseignement théologique donné à l’Académie de Saumur au XVIIe siècle. C’est par cette voie que l’autorité souveraine de la Parole de Dieu dans l’Eglise et son influence sur toute la culture furent détruites[17]. Pour Calvin, la raison du prédicateur devait constamment être tenue en bride par la Parole de Dieu, la seule norme véritable de ce qui est rationnel.

iii) Troisièmement, la prédication de Calvin avait un caractère rigoureusement antithétique. S’il existait une vérité qu’on pouvait découvrir avec l’aide de Dieu et au moyen de l’usage sanctifié du don divin qu’est la raison de l’homme, cette vérité alors impliquait nécessairement que tout ce qui lui était contraire devait être faux. La vraie doctrine était ainsi systématiquement opposée à l’hérésie et entre les deux existait une guerre sans répit. Ecoutons comment Calvin définit la double tâche de tout prédicateur, de tout pasteur fidèle:
Toutes les fois que l’on voit se multiplier et croître une secte méchante et pernicieuse, le devoir de ceux que Dieu a établis pour l’édification de son Eglise est de s’y opposer et de la repousser de toute leur énergie avant qu’elle ne croisse en force et vienne à contaminer d’autres, devenant ainsi la source d’une corruption générale. En fait, pour que l’Eglise soit véritablement pourvue de pasteurs, il ne suffit pas qu’ils travaillent à distribuer la bonne pâture de la chair de Jésus-Christ si, en même temps, il ne font pas le guet contre loups et voleurs, afin d’avertir contre eux et de les chasser lorsqu’ils s’approchent par trop du troupeau. Car, puisqu’ils corrompent la sainte Parole de Dieu, ces loups sont comme un poison, assassinant les pauvres âmes sous prétexte de les faire paître et de les mener dans de bons pâturages. En plus, dans la mesure où Satan ne cesse de comploter par tous moyens à la dissolution de cette sainte unité que nous avons en Jésus-Christ par sa Parole, il est de la dernière nécessité pour la préservation de l’Eglise que cette même Parole serve et soit utilisée comme glaive et comme bouclier afin de résister à de telles machinations[18].

iv) Enfin, Calvin dans sa prédication, appliquait la Parole de Dieu à chaque aspect de la vie humaine et de l’ordre créationnel. Une telle application de la doctrine biblique à tous les aspects de la réalité avait pour effet d’appeler tous ceux qui se plaçaient sous l’autorité d’un tel enseignement à une repentance à la fois morale, doctrinale et intellectuelle. Une telle repentance intellectuelle devait amener ceux qui la vivaient à la conversion de leur volonté et de leurs actes afin qu’ils parviennent, à la fin, à amener toutes leurs pensées captives à l’obéissance au Christ. Stanford Reid caractérise toute la tradition de prédication réformée inspirée par l’exemple de Calvin en ces termes:
Le contenu de leur message était un thème en trois points :
1. L’homme pécheur est sans force ni espoir pour répondre aux exigences de Dieu et pour être accepté par lui. En langage théologique cela signifie la corruption totale de l’homme.
2. L’accent était mis sur la grâce souveraine de Dieu qui est à la fois à l’origine et le fondement de l’oeuvre rédemptrice du Christ, qui a payé de façon suffisante (et pour Calvin de manière efficace) pour le péché des hommes. (Commentaires de Calvin sur Ephésiens 1: 4 et sur Romains 8: 23-30.)
3. Enfin, la justification par la foi seule, offerte librement par l’Evangile à tous ceux qui croient. Comme chez Luther, la justification est la pierre d’angle de la prédication et le fondement même de l’appel adressé aux hommes et aux femmes de son époque[19].

Mais une telle manière de prêcher, suivant de très près le texte de la Bible, ne restait pas dans le domaine abstrait d’une prédication dogmatique. Elle était appliquée avec soin et précision à tous les aspects de la vie chrétienne, tant personnelle que sociale. Suivons encore ici l’analyse de Stanford Reid :

Le prédicateur ne se contentera pas de prêcher l’Evangile et de laisser les chrétiens, au début de leur nouvelle vie, à eux-mêmes. Car ces chrétiens savaient fort bien qu’ils vivaient dans le monde et que, par conséquent, ils devaient y vivre en chrétiens. Cela signifiait qu’ils devaient connaître toutes les implications et les conséquences de leur foi, c’est-à-dire qu’ils devaient être alimentés par une parfaite connaissance de la Bible. La prédication n’était pas seulement un moyen pour atteindre l’incroyant et lui offrir le salut en Christ, mais également l’instrument pour former et éduquer les croyants afin de les rendre capables de vivre selon les exigences de la Parole de Dieu dans la société. Les prédicateurs appelaient ceux-ci à prendre une part active à la vie de la société afin de l’influencer et de la changer, en la façonnant selon la volonté de leur Seigneur et Roi. Cela pouvait aller jusqu’à l’action politique et sociale. A cette fin, les prédicateurs se montraient très pratiques dans l’application des Ecritures à la situation de leur époque (…) trouvant à leurs textes des applications très directes, ce qui ne les rendait pas toujours populaires auprès de leurs auditeurs. Mais personne ne pouvait se tromper sur ce qu’ils voulaient dire! Les prédicateurs exerçaient ainsi une puissante influence sur leurs auditeurs tant en matière de vie spirituelle que de conduite chrétienne pratique.
En même temps, leurs sermons étaient pleins d’arguments polémiques. Afin d’empêcher le troupeau de s’égarer, ils l’avertissaient constamment, comme le feraient de bons pasteurs, et dénonçaient sans relâche les erreurs. (…) Ils purent ainsi mettre leurs ouailles en garde contre ce qu’ils considéraient comme les enseignements erronés de leur époque.

Stanford Reid ajoute enfin qu’une telle prédication, qui ne pouvait être qu’impopulaire, devait, pour son efficacité, dépendre tout particulièrement de l’action du Saint-Esprit :

Les prédicateurs réformés plaçaient constamment l’accent sur le fait qu’ils étaient totalement dépendants du Saint-Esprit. Selon Calvin, on ne peut comprendre la vérité de Dieu, que si celui-ci ouvre les yeux et les oreilles des auditeurs, pour voir et pour entendre. (…) De même la prédication ne peut être efficace qu’à condition de se trouver en conjonction avec l’opération effective de l’Esprit saint. Celui-ci ouvre les coeurs des auditeurs et les rend capables par la foi d’apprécier ce qui est enseigné par l’Ecriture[20].

Une telle prédication suivie de l’Ecriture, appliquée comme elle l’était à tous les domaines que pouvait traiter le texte biblique objet de l’enseignement, conjointe à l’action du Saint-Esprit, faisait tout naturellement de tout sujet abordé un merveilleux tremplin pour proclamer puissamment l’Evangile.

Susan Schreiner, dans son étude pleine de vues si nouvelles sur la pensée de Calvin relative à la nature et à l’ordre naturel, fait clairement ressortir les implications d’une telle prédication pour la vie de tout chrétien:
L’imitation du Christ n’est pas simplement une affaire individuelle qui maintiendrait le croyant dans son isolement, mais, par une vie de service en faveur du prochain, elle vise à l’ordonnance sociale du monde, étant un moyen voulu par Dieu et destiné à rétablir la justice et à soulager les pauvres. Les exhortations que contiennent les sermons de Calvin et qui incitent le chrétien à l’exercice de la charité et à oeuvrer à l’application de la justice, qui donnent l’explication du Sermon sur la montagne, ou même les articles des Ordonnances ecclésiastiques, ne sont que divers exemples de la préoccupation du Réformateur pour les dimensions sociales d’une vie sanctifiée. Une telle vie personnelle sanctifiée ne peut, à terme, qu’aboutir à la restauration de la société[21].

Elle ajoutait :

Jusqu’à ce que parvienne le temps où Dieu lui-même manifestera directement son règne, les chrétiens sont appelés à être au service du monde. Dans la pensée du Réformateur, nous trouvons une véritable libération d’énergie. Chez Calvin, les doctrines de la prédestination, la certitude du salut, le combat spirituel et la sanctification ne faisaient que diriger les chrétiens vers le dehors, vers le monde. L’attention des élus est ainsi tournée vers la création en vue du bien de leur voisin, de l’édification de l’Eglise et de la restauration de la société. Des concepts tels ceux de gestion, de service, de charité, d’équité et de justice jouèrent un grand rôle dans l’éthique de Calvin et démontrent toute la valeur qu’il attribuait à une vie active et ordonnée, c’est-à-dire à l’activité sanctifiée d’une vie véritablement chrétienne[22].

Ceci n’est aucunement une interprétation particulière de la pensée de Calvin. Stanford Reid, pour sa part, confirme très largement l’analyse de Susan Schreiner lorsqu’il écrit :

La communion ecclésiastique et la bonne entente fraternelle n’étaient aucunement, aux yeux de Calvin, le but ultime de la Réforme. Le christianisme n’avait pour lui aucun sens s’il n’était pas appliqué à la vie quotidienne. (…) Citons ici l’historien anglais, de conviction catholique romaine, Lord Acton qui, à la fin du XIXe siècle, écrivait: « Le but de Calvin était tout autant la réforme de la société que celle de la doctrine. Il ne souhaitait pas une orthodoxie séparée de la vertu. Il voulait que la foi de la communauté chrétienne se manifeste dans le comportement moral de ses membres. »[23] Ainsi les Réformateurs voulaient que leur doctrine ne soit pas une vague philosophie à laquelle on exprimerait un assentiment mental, mais une foi exerçant son contrôle sur toutes les activités du chrétien. Elle devait dominer autant les aspects politiques, sociaux, économiques et artistiques de l’activité humaine, que les autres sphères de sa vie. La réforme de l’Eglise devait ainsi avoir pour finalité la renaissance de la société, et ceci pour la seule gloire de Dieu[24].

Susan Schreiner est plus explicite encore que Stanford Reid :

Ceux qui se consacrent à l’étude de la théologie de Calvin ne doivent jamais perdre de vue la portée précise de l’argument qu’il adressa à Sadolet et par lequel il lui déclarait que la préoccupation première du chrétien n’est pas d’abord le salut de son âme individuelle mais la gloire de Dieu. Sans minimiser l’importance du péché, de la justification par la foi, ou de la certitude du salut dans la pensée de Calvin, nous devons nous souvenir qu’il savait pertinemment que la gloire de Dieu s’étendait bien au-delà du seul individu et englobait en réalité tous les aspects de la création. Dieu a créé le monde comme le théâtre de sa gloire et bien que l’être humain se trouve placé par lui à la tête de cette création, il n’en constitue jamais en lui-même le tout. Depuis le mouvement ordonné des étoiles jusqu’à la stabilité toute relative des gouvernements, la nature même de Dieu et sa gloire sont manifestées dans chacun des éléments dont est constituée la création. L’idée que le monde serait devenu un domaine ténébreux foncièrement opposé à l’Eglise impliquait pour Calvin l’idée que Dieu aurait abandonné la finalité même de sa création comme miroir ou théâtre dans lequel il manifestait sa gloire. Refuser sa participation à ce règne terrestre ou négliger la contemplation de la nature démontrait une incompréhension totale de l’engagement pris par Dieu envers l’ordre créé par lui, envers le but qu’il assigne à la création et à l’égard de la manière dont il gouverne en tout temps l’univers. En fin de compte, limiter la vision de Calvin aux doctrines de la dépravation totale de la nature humaine, de la justification par la foi et de la condamnation du monde, de la nature mauvaise, n’est rien d’autre que lui imposer une mentalité qui lui était entièrement étrangère et à laquelle, dans ses écrits, il offrit une résistance constante. Dans la pensée de Calvin, la race humaine appartient à l’ordre de la création, ordre qui révèle la puissance, la sagesse et la gloire de Dieu. Il n’est, en conséquence, guère étonnant que pour Calvin, la création tout entière joue un rôle capital dans notre compréhension du caractère et des desseins de Dieu[25].

Et Susan Schreiner ajoute :

Pour Calvin, la restauration graduelle de l’ordre historique ne parviendra à son achèvement que dans la vie future, lorsque Dieu sera tout et en tous. En attendant ce jour, la restauration intérieure de l’âme du chrétien a des conséquences pour le monde qui l’environne. (…) La conséquence en est claire: après avoir soumis leur connaissance et leur volonté au Christ, les élus sont encouragés à se détourner d’eux-mêmes et à se tourner vers l’extérieur afin de se consacrer ensemble à l’édification de l’Eglise et au bien du prochain. Il était pour Calvin évident qu’une telle activité du chrétien, dirigée comme elle devait l’être vers le monde extérieur, ordonnée ainsi par lui à l’accomplissement du bien, ne pouvait que contribuer à la sanctification ou à la restauration de l’ordre perturbé du monde. Au lieu d’isoler l’Eglise en la séparant d’un monde qui ne serait pour elle qu’une source de menaces, Calvin voyait dans l’Eglise une institution dont la fidélité permettrait tant le renouvellement du cosmos que celui de la société[26].

Ainsi l’Eglise n’est pas indifférente à la pleine manifestation de la gloire de Dieu dans sa création. Pierre Marcel, dont nous saluons ici la mémoire, porte l’analyse de la pensée de Calvin un pas plus loin lorsqu’il montre le rôle que joue l’Eglise fidèle dans la manifestation des desseins rédempteurs de Dieu pour l’ordre créationnel tout entier:
Eglise et monde sont étroitement liés et interdépendants, car c’est à partir de l’Eglise que l’univers sera « rétabli ». Selon la prophétie de l’apôtre Paul (Rm 8:18-23), il apparaît « combien grande sera l’excellence de la gloire à laquelle doivent être élevés les enfants de Dieu, vu que toutes les créatures seront renouvelées pour servir à l’amplification et à l’anoblissement de cette gloire ». Quelle espérance et quelle attente! (…) Nous croyons que le Christ accomplira lui-même toutes ces choses par sa toute-puissance lors de son retour et de la résurrection dernière. C’est notre ferme foi. Mais n’est-il question que d’attendre ?[27]

Citant le commentaire de Calvin sur Hébreux 2:5 concernant l’idée biblique du monde à venir, Marcel montre que dans l’Eglise, et plus particulièrement dans la prédication fidèle de l’Evangile, ce processus de recréation est déjà à l’oeuvre :

On voit bien maintenant qu’il n’appelle pas Monde à venir, seulement l’état des choses tel que nous l’attendons après la résurrection, mais tel qu’il a commencé dès le commencement du règne de Christ, et aura son accomplissement en la dernière rédemption[28].

Marcel commente :

Ainsi les cieux et la terre doivent être restaurés par la doctrine du salut. L’espérance n’est dès lors plus une attente, mais certitude actuelle et participation! L’Eglise est au centre des nouveaux Cieux « plantés », de la nouvelle terre « fondée »; elle et tous ses docteurs, prédicateurs, évangélistes et fidèles… Il y a donc de très bonnes raisons d’affirmer que les prédicateurs fidèles renouvellent le monde comme si Dieu, par leurs mains, reformait les cieux et la terre. C’est pourquoi il est dit (Es 51:16) que « les cieux ont été plantés et la terre fondée » quand le Seigneur établit son Eglise par sa Parole. C’est ce qu’il accomplit par le ministère de ses serviteurs, qu’il guide par son Esprit et qu’il protège contre leurs ennemis cachés et toutes sortes de dangers, afin qu’ils puissent s’acquitter avec efficacité de ce qui leur a été prescrit. (Commentaire de Calvin sur Es 51:16) Telle est la source de toute bénédiction, aujourd’hui, pour le monde entier[29].

Un prédicateur tel que Calvin pouvait, en effet, par sa proclamation fidèle de la Parole de Dieu, faire se lever une génération d’hommes de Dieu capables, par la force que donne le Seigneur, de ramener une grande partie de l’Europe de leur temps, à l’obéissance au Christ. Douglas Kelly dans l’introduction à sa traduction des Sermons de Calvin sur 2 Samuel, nous encourage aujourd’hui à apprendre ces mêmes leçons du grand prédicateur du XVIe siècle :

Une lecture attentive de Calvin sur 2 Samuel peut bien allumer dans le coeur du prédicateur le feu d’une passion pour communiquer la vérité de la grâce triomphante du Dieu, fidèle à son Alliance, envers des hommes et des femmes pécheurs. Il les appelle ainsi à lui pour en faire des instruments de la transformation spirituelle, tant de leur propre génération, que des générations qui les suivront. Peut-être que ces sermons pourront avant tout communiquer à leurs lecteurs un esprit confiant et serein, apte à affermir les coeurs et à faire avancer les pieds de ceux qui sentent, avec la plus grande acuité, leur propre faiblesse, et la fragilité de l’Eglise face aux maux si dramatiques de leur temps.
A tous ceux qui sont tentés de se retirer du combat et d’abandonner la lutte contre ces forces effrayantes que le Nouveau Testament identifie avec « le monde, la chair et le diable », que ces sermons de Calvin sur II Samuel puisse apporter par leurs fortes paroles un baume et de la sagesse[30].

Est-il alors étonnant que Stanford se demande: « Quel fut donc l’effet d’une telle prédication? » et qu’il réponde:
En scrutant l’histoire des Eglises réformées du XVIe siècle, nous ne pouvons qu’être vivement impressionnés par sa grande efficacité[31].
 

III. La souveraineté de Dieu et la prédication souveraine de l’Evangile

On entend souvent l’affirmation selon laquelle il y aurait incompatibilité entre les doctrines enseignées par Calvin et la prédication efficace de l’Evangile. L’histoire des combats et des victoires de Calvin à Genève dément, de la manière la plus catégorique, de telles affirmations entièrement infondées. Mais j’aimerais ici montrer qu’en réalité c’est cette théologie si critiquée de Calvin qui fut, elle, la véritable source de la prédication si puissante et si efficace de la Réformation calvinienne. Pour ce faire, je m’appuierai sur les travaux d’un grand spécialiste des études calvinistes (bien que n’adhérant pas lui-même à l’enseignement de Calvin), le savant éditeur de L’Institution de la religion chrétienne, Jean-Daniel Benoît[32]. Son ouvrage si émouvant, Calvin, directeur d’âmes [33], fondé essentiellement sur les lettres françaises de Calvin éditées par Jules Bonnet au milieu du XIXe siècle[34], est sans conteste la meilleure étude consacrée à l’activité proprement pastorale de Calvin.

D’abord, comme nous l’avons vu, le salut individuel n’est pas le but final de la prédication de l’Evangile. Elle sert un but plus élevé: la manifestation de la gloire de Dieu. Benoît perçoit ceci très clairement :

La grande préoccupation du fidèle en sa religion, ne sera pas son salut, si légitime que soit cette préoccupation; le salut de l’homme n’est pas une fin en soi, il est une conséquence et n’a d’autre but que la gloire de Dieu. Faire du salut la fin de la religion, ce serait encore, pour Calvin, mettre l’homme au centre et faire de Dieu un simple moyen en vue d’une fin personnelle[35].

C’est dans le zèle pour promouvoir la gloire de Dieu que se trouve la motivation essentielle de l’homme qui, mort en Christ, est parvenu à la vie de la résurrection. Benoît ajoute que pour Calvin :

Ainsi chercher avant tout l’honneur et la gloire de Dieu, c’est ne plus vivre pour soi-même, c’est ne plus s’appartenir à soi-même[36].

La conséquence est claire :

Si nous sommes à Dieu et au Christ qui nous a rachetés, notre vie tout entière doit être une vie d’obéissance[37].
La vie d’obéissance n’est possible que si le croyant est chaque jour à nouveau greffé en la mort et en la résurrection de Jésus-Christ. C’est, en conséquence, la réalité de la corruption totale de l’homme qui rend cette identification complète avec le Christ si essentielle pour le salut. Or, des doctrines telles que celles de la corruption totale de l’homme ou de l’omnipotence et de la souveraineté absolue de Dieu devraient logiquement tendre au fatalisme, comme elles le font d’ailleurs dans l’islam. Benoît pose ainsi la question:
Pourquoi le calvinisme a-t-il été, au contraire, une école d’énergie et s’est-il manifesté dans l’histoire comme un dynamisme puissant?

Il répond :

C’est qu’à côté de ce principe de la souveraineté absolue de Dieu, Calvin a posé l’affirmation antithétique de la responsabilité de l’homme. Dieu est souverain absolu, cause première et suprême de tout ce qui arrive, et cependant l’homme doit prévoir et se prémunir, l’homme doit prier, l’homme doit agir, comme si l’avenir dépendait de sa seule volonté, comme si son action était susceptible de modeler le monde et l’histoire. Personne n’a affirmé plus fortement que Calvin la souveraineté absolue de Dieu, personne n’a affirmé plus résolument la responsabilité de l’homme[38].

Ainsi pour Calvin, par lui-même l’homme ne peut rien, mais Dieu renouvelle la volonté de l’homme et sa capacité d’action. Ainsi, en Christ, il peut mener à bout de grands desseins pour la gloire de Dieu. Mais c’est uniquement lorsque ces deux doctrines apparemment antithétiques sont simultanément et fortement affirmées que nous pouvons nous attendre à ce que les chrétiens puissent parvenir à accomplir ces oeuvres préparées pour eux d’avance par Dieu, avant même la création du monde. D’amener ainsi des hommes et des femmes à entrer dans le Royaume de Dieu n’est rien d’autre que participer à l’oeuvre par laquelle Dieu recrée toutes choses en Jésus-Christ.

Mais ici se pose une autre question: quelles sont donc ces actions que les hommes doivent entreprendre, avec toute l’énergie dont ils disposent, ainsi qu’avec la plus grande sagesse? Comment peut-on reconnaître ce qui doit être fait (ou ne doit pas être fait) ici et maintenant? Benoît montre que Calvin enseigne que c’est la providence de Dieu elle-même qui dirige les pas du chrétien, lui ouvrant ou lui fermant, comme il convient, les portes qui se trouvent placées devant lui. Il écrit :

Si la Bible nous indique le devoir, et de plus en plus clairement dans la mesure où nous obéissons, les circonstances aussi peuvent être à leur manière une manifestation de la volonté divine; elles peuvent, non pas tant nous révéler notre devoir, que nous inciter à accomplir à tel moment de temps, le devoir précis, le devoir justement exigé par les conjonctures où nous sommes, les facilités qui s’offrent, les possibilités qui nous sont données ou refusées[39].

Et Benoît cite le commentaire de Calvin sur les paroles de l’apôtre Paul, « L’huis [la porte] m’a été ouvert par le Seigneur. »

Cette similitude emporte que l’occasion s’est présentée d’annoncer l’Evangile. Car tout ainsi [autant] que nous pouvons entrer quand l’huis est ouvert, aussi les serviteurs du Seigneur font des avancements quand le moyen leur est offert. L’huis est fermé quand il n’apparaît nulle espérance de profiter. Or, tout ainsi [autant]que quand l’huis est fermé il vaut mieux chercher une autre adresse, qu’en passant outre nous tourmenter pour néant et nous travailler sans propos, aussi quand quelque moyen d’édifier apparaît estimons que l’huis nous est ouvert pour y introduire le Christ, et ne refusons point de nous employer en ce que nous pouvons servir, quand nous voyons que Dieu nous y invite si libéralement. (…) L’ouverture de l’huis est un témoignage évident que Dieu appelle[40].

Maintenant cette doctrine des portes ouvertes ou fermées par Dieu rend très exactement compte de la stratégie missionnaire adoptée par Calvin. Benoît l’explique ainsi :

Cette conception de la porte ouverte permet de comprendre que, malgré l’ordre donné à l’Eglise d’annoncer l’Evangile à toutes les nations, Calvin se soit désintéressé de la question missionnaire. Il s’est consacré tout entier à l’Europe, parce que l’Europe, comme Jérusalem aux apôtres, donnait alors « assez d’affaire à tous ». C’est là qu’il voyait, de par les circonstances mêmes, son poste de bataille, c’est là que la porte lui paraissait ouverte. Et de fait, au XVIe siècle, ne semble-t-il pas que pour l’Eglise réformée naissante, en butte dès ses premiers pas à d’implacables adversaires et aux prises avec d’inextricables difficultés, les portes fussent fermées sur le monde païen? Ne refusons pas, aurait dit Calvin « de nous employer en ce que nous pouvons servir », sans anticiper sur les desseins de Dieu de regarder au-delà de la tâche présente. (…) Il y a des devoirs que les circonstances facilitent et, par là, rendent impérieux, il y a des occasions qu’il faut savoir saisir sous peine d’être infidèle aux injonctions divines[41].
 

Le chrétien doit être attentif aux circonstances, capable de prendre des décisions rapides et, si nécessaire, de changer la direction de son action. Il doit être actif et souple dans la main de son Seigneur et efficace dans sa gestion des affaires de son Maître, car c’est la providence divine qui ouvre ou ferme les portes de l’action du chrétien. Ainsi, comme l’indique Benoît,

Il faut relever ici le caractère éminemment actif et social de la piété calviniste; cette piété est orientée non pas vers la quiétude mystique et la jouissance de Dieu mais vers le témoignage; elle ne replie pas le fidèle sur lui-même et sur ses états de conscience et ne le laisse pas s’enchanter d’une foi ensevelie au fond de l’âme; elle l’arrache au contraire à lui-même pour le jeter dans la mêlée[42].

Le but, nous l’avons vu, n’est pas simplement le salut personnel du croyant, mais la gloire de Dieu et les progrès de son Royaume. Pour Calvin, écrit Benoît:

La grande chose, c’est la gloire de Dieu et l’avancement du règne de Jésus-Christ; par là Calvin détache nos regards de nous-mêmes, et du point de l’espace que nous occupons, et de l’instant fugitif que nous vivons, pour évoquer devant nous les horizons les plus reculés du monde et les perspectives lointaines de l’histoire. Or, l’avancement du règne de Jésus-Christ exige avant tout le témoignage chrétien et la confession de la vérité. Non pas que Dieu ne puisse faire annoncer autrement son Evangile. De fait « il n’a nul besoin que nous lui soyons témoins ni avocats pour maintenir sa cause. Mais c’est autant d’honneur qu’il nous fait, nous employant à une chose si précieuse et digne. »[43]Ainsi Dieu se sert des hommes, des ministres d’abord, mais aussi de chaque chrétien « comme un ouvrier s’aide de son instrument. » (…)

Par là s’explique le caractère non seulement social, mais plus précisément missionnaire de la piété calviniste. (…) Il a insufflé à ses disciples un esprit de conquête, et s’il n’a pas créé la mission proprement dite, il a du moins forgé la piété de ces hommes qui, quand les temps seraient accomplis et les portes ouvertes, se lanceraient à corps perdu à la conquête du monde pour Jésus-Christ. Ne donnait-il pas ce mot d’ordre aux fidèles du Poitou: « Que chacun s’efforce d’attirer et gagner à Jésus-Christ ceux qu’il pourra. »[44]

Benoît note le caractère paradoxal de cet aspect conquérant de la piété calviniste:

D’aucuns estiment qu’avec les prémisses de la théologie de Calvin la seule attitude logique eût été une attitude fataliste: attendre passivement que Dieu nous meuve. Ils oublient que la conclusion de Calvin, toute aussi logique que celle dans laquelle ils prétendent l’enfermer, est celle-ci: Nous ne sommes point nôtres. Nous sommes, corps et âme, à son service. Ce sentiment d’appartenance totale, voilà l’aiguillon qui nous fait « prendre le frein aux dents » quand il s’agit de la cause de Dieu et de son règne.

On dit: Dieu fait tout; l’homme n’a qu’à laisser faire Dieu. C’est l’attitude des bras croisés et des mains jointes, dans l’expectative de la manifestation divine. Calvin tire de cette affirmation première une tout autre conséquence: Dieu fait tout. Mais comment? Par le moyen des hommes le plus souvent; les hommes sont ses instruments. Offrons-nous donc à Dieu, comme des instruments entre ses mains, pour voir, pour essayer, pour tenter s’il voudra se servir de nous et faire son oeuvre par nous. Dieu fait tout. Et dans la logique calvinienne cette affirmation devient un principe fécond d’activité, en même temps qu’il maintient l’homme dans l’humilité, car, ce que cet homme fait, ce n’est pas lui qui le fait, c’est Dieu qui le fait par lui. Ecrivant au Sénat de Genève, Calvin expose qu’il prolongera quelque peu son voyage, car « d’être venu si loin pour m’en retourner sans rien faire, c’eut été une chose trop ridicule ». Et il ajoute ce mot significatif, où se rejoignent et s’harmonisent l’activité humaine et la souveraineté divine: « J’ai bien voulu devant mon retour tenter si Dieu voudra faire quelque chose. »[45]

Et Benoît de conclure:

Précisément parce qu’il ignore s’il n’est pas dans les desseins de Dieu de se servir de lui, l’homme doit agir et mettre en oeuvre toutes ses possibilités. abandonnant à Dieu le résultat de son action. Cette logique d’activité et de vie, la vraie logique du calvinisme, vaut bien la logique d’inaction et de passivité à laquelle on a parfois voulu l’acculer[46].
 

Conclusion

Pour une évaluation correcte de l’oeuvre de Calvin, nous ne devons pas oublier que, malgré ses labeurs immenses, tant dans la prédication et l’enseignement que par ses publications sans nombre, peut-être la partie la plus fondamentale de son oeuvre en vue de faire avancer et croître le Royaume de Dieu se situe dans le domaine peu chiffrable de ses continuels contacts, tant sur le plan personnel, que par le moyen de sa prodigieuse correspondance. Il restait disponible pour tous ceux qui cherchaient à entrer en contact avec lui tant personnellement que par lettre. On a calculé qu’il devait chaque jour écrire en moyenne une dizaine de lettres importantes. Cette correspondance étendit son influence à travers l’Europe entière. Si ces lettres étaient aujourd’hui toutes disponibles, leur collection aurait une étendue comparable à celle de ses sermons et de ses commentaires. Pendant bien des années, il avait l’habitude d’écrire ses lettres à la main par respect pour ses correspondants.

Le travail récent de Jean-François Gilmont consacré à Jean Calvin et le livre imprimé nous permet d’entrevoir un Calvin bien différent du tyran austère et implacable de la légende noire de la vision officielle. Ecoutons Gilmont:

Toutes les activités de Calvin sont sous-tendues par la conscience qu’il a de sa mission. Qu’il prêche, qu’il commente l’Ecriture, qu’il intervienne dans la politique, Calvin est au service de la vérité. Lorsqu’il est en chaire, c’est la Parole divine qui s’exprime par sa bouche. (…) Cette conviction entraîne une double conséquence. La première est la moins évidente: c’est l’humilité du Réformateur qui ne tire pas son autorité de lui-même mais d’un Autre. (…) Tout le travail d’explication de la Bible qui représente une de ses principales occupations est aussi fondé sur une conscience aristocratique de sa mission. La masse du peuple chrétien n’est pas capable de comprendre seul l’Ecriture. Il faut le lui expliquer. De là l’importance du sermon et de la traduction de la Bible. Car celui qui est bien exercé dans l’Ecriture peut, en connaissance de cause, relire les originaux hébreu et grec et les interpréter de façon correcte. C’est l’office d’enseigner que remplit inlassablement le Réformateur. Il lui vient d’un don de Dieu, don qu’il fait fructifier par un travail incessant de recherche et d’étude[47].

Gilmont, à partir de l’étude méticuleuse du détail des faits quotidiens de la vie de Calvin donne une appréciation, pour le moins inhabituelle, de son caractère:

A plusieurs reprises, il se reproche son indolence et son inertie. Cela semble à peine croyable lorsqu’on constate l’importance du travail accompli. Mais il manifeste par là l’impatience et le caractère excessif de son tempérament extrêmement sensible. (…) Sa sensibilité très vive exige d’ailleurs le soutien de ses proches. Comme Réformateur en général, comme auteur en particulier, Calvin n’est jamais un homme seul, même si sa personnalité domine largement son milieu. Très sûr de la qualité de ses écrits, Calvin n’hésite cependant pas à les soumettre à son entourage avant de les publier. Il privilégie les collaborateurs les plus intimes comme Farel, Viret et Bèze. (…)
Les détails que j’ai rassemblés sur sa sensibilité révèlent un homme fragile dont les réactions physiques sont fortes. (…) La hâte et l’impatience constituent la toile de fond de toute son activité. Quoi qu’il en dise parfois, Calvin ne prend jamais le temps de faire quelque chose « à loisir ». Ce qu’il publie ce sont plutôt des « embryons à peine conçus dans l’utérus ». Le mot est de lui. La qualité de ses écrits et le rayonnement de son oeuvre n’en sont que plus remarquables[48].

Pour ce qui concerne la qualité du rapport qu’il avait avec ceux qu’il fréquentait, l’appréciation suivante d’un homme qui fut un temps son secrétaire particulier, puis plus tard son collègue dans le ministère, permet de dissiper les légendes qui circulent toujours sur le caractère épouvantable du Réformateur. Nicolas de Gallars, pasteur de l’Eglise de Paris et plus tard de l’Eglise très influente de Londres, écrivait les lignes qui suivent au sujet de son ami et collègue Jean Calvin:

Aucune parole ne peut décrire la fidélité et la prudence avec lesquelles il donnait conseil, la bonté avec laquelle il recevait tous ceux qui venaient à lui, la clarté et la rapidité avec laquelle il répondait à tous ceux qui cherchaient son avis sur les questions les plus importantes et son habilité extrême à démêler les difficultés et les problèmes qu’on lui présentait. Et il m’est également impossible d’exprimer toute la douceur avec laquelle il savait consoler les affligés et relever ceux qui étaient tombés et ceux qui se trouvaient prostrés par la douleur[49].

Mais telle n’était pas l’appréciation de Calvin sur sa propre vie devant Dieu. A la « Vénérable compagnie des pasteurs » venue à son chevet lui faire ses derniers hommages, Calvin mourant disait:

J’ai eu bien des infirmités que vous avez dû supporter et, en plus, tout ce que j’ai fait n’était d’aucune valeur. Les impies se saisiront de ces paroles mais je les répète : tout ce que j’ai fait n’a rien valu et que je ne suis qu’une créature misérable. Mais je peux certainement dire ceci: que mes vices m’ont toujours déplu et que la racine de la crainte de Dieu a toujours été dans mon coeur; et vous pouvez ajouter que la disposition était bonne; et je vous prie que le mal me soit pardonné et que, s’il y a eu quelque bien, vous y conformiez vos vies et en fassiez un exemple[50].

Nous terminerons cette étude par la lecture de deux des innombrables prières par lesquelles il terminait toujours ses prédications. Ecoutons ensemble comment il s’adressait au Dieu vivant, au tout-puissant et miséricordieux Seigneur qu’il avait cherché, dès sa jeunesse, à servir de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toute sa force. Voici les prières qu’il adressait à Dieu à la fin de ses prédications sur le chapitre 13 du deuxième livre de Samuel, le lundi 7 et le mardi 8 septembre 1562, quelque vingt mois avant que le Seigneur Jésus-Christ reprenne dans la patrie céleste Jean Calvin, son serviteur fidèle qui, au travers de tant de luttes, avait combattu le bon combat de la foi et qui, pour finir, en était sorti dans la victoire:

Or nous nous prosternons devant la majesté de notre bon Dieu en reconnaissance des fautes innombrables dont nous sommes coupables, le priant qu’il nous les fasse tellement sentir que ce soit pour nous attendre à patience et que nous apprenions de jour en jour de nous dépouiller de toutes corruptions, de nos cupidités charnelles et vanités de ce monde, afin d’être revêtus de sa justice et reformés à sa volonté, et cependant montrer tellement les fruits de notre repentance que ce soit pour nous ramener au bon chemin duquel nous avons été détournés et, quant et quant [en même temps], y attirer les autres. Que non seulement il nous fasse cette grâce, mais à tous les peuples de la terre.
Le lendemain à la fin de sa prédication, Calvin priait à Dieu à nouveau en ces termes:

Or nous nous prosternons devant la majesté de notre bon Dieu en reconnaissance des fautes innombrables dont nous sommes coupables, le priant qu’il nous les fasse tellement sentir que ce soit pour le réclamer toujours et avoir notre refuge à la grâce de son Esprit, afin que nous soyons conduits et gouvernés en telle sorte que le diable ne trouve nulle entrée en nous et que nous bataillions vaillamment contre toutes tentations et que ce soit pour glorifier ce bon Dieu en nous assujettissant à lui et en lui attribuant la louange qu’il mérite. Que non seulement il nous fasse cette grâce, mais à tous les peuples et nations de la terre. 


[* J.-M. Berthoud habite Lausanne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : ]Des actes de l’Eglise. Le christianisme en Suisse romande (1993); Une religion sans Dieu. Les droits de l’homme contre l’Evangile (1993); Apologie pour la Loi de Dieu (1996); L’école et la famille contre l’utopie (1997): tous publics, aux éditions de l’Age d’Homme à Lausanne. Ce texte fait partie d’un ouvrage qui sera prochainement publié aux mêmes éditions sous le titre: Calvin et la France.
[1] Henri Meylan, La Haute Ecole de Lausanne. 1537-1937 (Lausanne: Rouge, 1937); D’Erasme à Théodore de Bèze. Problèmes de l’Eglise et de l’Ecole chez les réformés; Henri Vuilleumier, Histoire de l’Eglise Réformée du Pays de Vaud, Tome I, « L’âge de la Réforme » (Lausanne, 1927).
[2] Voyez : Jean-Marc Berthoud, « Pierre Viret et le refus de l’Eglise de plier devant la puissance de l’Etat » in Des Actes de l’Eglise (Lausanne: L’Age d’Homme, 1993), 45-58.
[3]W. Stanford Reid, « Calvin and the Founding of the Academy of Geneva »,Westminster Theological Journal (Philadelphie, 1955), 18.
[ ]4 Ibid., p. 15.
[ ]5 Voyez les deux chapitres de notre ouvrage, Jean-Marc Berthoud, L’école et la famille contre l’utopie (Lausanne: L’Age d’Homme, 1997): « L’idole de notre temps » et « Les différentes formes de causalité et la pensée de la Bible ».
[ ]6 W. Stanford Reid, « Calvin and the Founding of the Academy of Geneva », op. cit., 18.
[7] Ibid., 19.
[8] Voyez les ouvrages collectifs suivants: Richard A. Muller et John L. Thompson, Eds., Biblical Interpretation in the Era of the Reformation (Grand Rapids: Eerdmans, 1996) et David C. Steinmetz, Ed., The Bible in the Sixteenth Century (Durham: Duke University Press, 1990) ainsi que les études suivantes: David Steinmetz, Calvin in Context (Oxford: Oxford University Press, 1995); Susan Schreiner, Where Shall Wisdom be Found. Calvin’s Exegesis from Medieval and Modern Perspectives (Chicago: University of Chicago Press, 1994); Eugène F. Rogers, Thomas Aquines and Karl Barth, Sacred Doctrine and the Natural Knowledge of God (Notre Dame: University of Notre Dame Press, 1995); William C. Placher, The Domestication of Transcendance. How Modern Thinking about God Went Wrong (Louisville: Westminster John Knox Press, 1996). Voyez également Jean-Marc Berthoud, « Lire l’Ecriture avec saint Augustin », « Thomas d’Aquin et Jean Calvin » à paraître dans Résister et Construire.
[9] Ici Calvin rejoint, dans une large mesure, les procédés exégétiques d’interprétation littérale du texte biblique d’un Thomas d’Aquin. Voyez de Florent Gaboriau, L’Ecriture seule (Paris: Fac Editions, 1997); Thomas F. Torrance, « Scientific Hermeneutics according to St. Thomas Aquinas », Journal of Theological Studies (Oxford, 1962), 259-289.
[10] Jean-François Gilmont, Jean Calvin et le livre imprimé, op. cit., 367 et 369.
[11]W. Stanford Reid, ibid., 20.
[12] T.L.H. Parker, John Calvin, (Berkhamstead: Lion Publishing, 1977), 108. Sur la prédication de Calvin voyez, T.L.H. Parker: The Oracles of God: An Introduction to the Preaching of John Calvin (Londres: Lutterworth, 1947) ainsi que son ouvrage plus récent: T.L.H. Parker Calvin’s Preaching (Edimbourg: T. & T. Clark, 1992).
[13] T.L.H. Parker, Calvin’s New Testament Commentaries (Londres:S.C.M. Press, 1971) et Calvin’s Old Testament Commentaries (Edimbourg:T. & T. Clark, 1986); David L. Puckett, John Calvin’s Exegesis of the Old Testament (Louisville: Columbia Theological Seminary, 1995).
[14] T.L.H. Parker, John Calvin, op. cit., 110.
[15]Ibid. 113-114.
[16] John Murray, Calvin on Scripture and Divine Sovereignty (Grand Rapids: Baker, 1960).
[17]Voyez à ce sujet les études fondamentales suivantes qui démontrent les liens étroits entre l’affaissement de l’autorité culturelle de la pensée biblique que fut l’arminianisme et l’idéologie scientiste des Lumières: Henning Graf Reventlow, The Authority of the Bible and the Rise of the Modern World, (Londres:S.C.M. Press, 1984); François Laplanche, L’Ecriture, le sacré et l’histoire. Erudits et politiques protestants devant la Bible en France au XVIe siècle (Amsterdam:APA- Holland University Press, 1986); La Bible en France entre mythe et critique XVIe-XIXe siècle (Paris: Albin Michel, 1994); Dominique Tassot, La Bible au risque de la science: de Galilée au Père Lagrange (Paris: F.-X. de Guibert, 1997); Hans W. Frei, The Eclipse of Biblical Narrative. A Study in Eighteenth and Nineteenth Century Hermeneutics (New Haven: Yale University Press, 1974). Sur le développement ultérieur de l’athéisme moderne, qui fut le fruit de ce rejet critique de l’autorité de la Bible, voyez: Frédéric Rouvillois, L’invention du progrès, aux origines de la pensée totalitaire (Paris: Kimé, 1996); Jean-Marie Paul, Dieu est mort en Allemagne. Des Lumières à Nietzsche (Paris: Payot, 1994); Augusto Del Noce, L’irréligion occidental (Paris: Fac Editions, 1995); Vincent P. Miceli, The Gods of Atheism (N.Y.: Roman Catholic Books, Harrison, 1971); Michael J. Buckley, At the Origins of Modern Atheism (New Haven: Yale University Press, 1987).
[18]Jean Calvin, « Against the Fantastic and Furious Sect of the Libertines Who Are Called Spirituals » (1545), in John Calvin, Treatises against the Anabaptists and against the Libertines (Grand Rapids: Baker, 1982), 188-189.
[19] W. Stanford Reid, « La prédication réformée au XVIe siècle », in Aaron R. Kayayan (éditeur) La Proclamation de l’Evangile (Palos Heights, Illinois: Perspectives Réformées, 1981), 106.
[20]Ibid., 107.

[21] Susan E. Schreiner, The Theater of His Glory. Nature and Natural Order in the Thought of John Calvin (Durham: The Labyrinth Press, 1991), 110.
[22] Susan E. Schreiner, op. cit., 111.

[23] Voyez de Lord Acton les trois volumes de ses Selected Writings (Indianapolis: Liberty Classics, 1985). Les implications sociales et économiques des enseignements de la Bible pour la pensée de Calvin sont étudiées en détail dans l’ouvrage d’André Bieler, La pensée économique et sociale de Calvin (Genève: Georg, 1961). Nous retrouvons exactement les mêmes préoccupations dans l’oeuvre de l’ami et étroit collaborateur de Calvin, Pierre Viret, dont l’oeuvre majeure, Instruction chrestienne en la doctrine de la Loi et de l’Evangile (Genève: Jean Rivery, 1564), contient une application détaillée des enseignements de la Loi de Dieu à tous les aspects de la réalité de son temps. Voyez également sur cet auteur: Robert Dean Linder, The Political Ideas of Pierre Viret (Genève: Droz, 1964), ainsi que l’étude de Claude-Gilbert Dubois, La conception de l’histoire au XVIe siècle 1560-1610 (Paris: Nizet, 1977).
[24]W. Stanford Reid, « Calvin’s Interpretation of the Reformation »,The Evangelical Quarterly, 29 (1957), 18.
[25] Susan E. Schreiner: The Theater of His Glory, op. cit., 119-120.
[26] Ibid., 114.
[27] Pierre Marcel, « Calvin et Copernic. La légende ou les faits? La science et l’astronomie chez Calvin », La Revue réformée, No 121, Tome XXXI (1980), 103-104. Voyez également sur ce thème, mais dans une tout autre perspective, Richard Stauffer, Dieu, la création et la providence dans la prédication de Calvin (Berne: Peter Lang, 1978).
[28]Jean Calvin, Commentaires du Nouveau Testament (Meyrueis: Paris, 1855, Tome IV), 379a. Commentaire sur Hébreux 2:5.
[29] Marcel, op. cit., 104-105.
[30] Douglas Kelly, Introduction dans John Calvin, Sermons on 2 Samuel (Edimbourg: Banner of Truth, 1992, vol. I), p. xiv.
[31] W. Stanford Reid, La prédication réformée au XVIe siècle, op cit, 106-107.
[32] Jean-Daniel Benoît, L’Institution de la Religion chrestienne, édition française de 1560 comprenant en notes toutes les variantes des éditions précédentes (Paris: Vrin, 5 vol., 1957-1963).
[33] Jean-Daniel Benoît, Calvin directeur d’âmes. Contribution à l’histoire de la piété réformée (Strasbourg: Oberlin, 1947). Voyez aussi: Ronald S. Wallace, Calvin’s Doctrine of the Christian Life (Tyler: Geneva Press, 1982).
[34] Jules Bonnet, Lettres de Jean Calvin. Lettres françaises (Meyrueis, Paris: 1854, 2 vol.).
[35] Jean-Daniel Benoît, Calvin directeur d’âmes, op. cit., 72.
[36] Ibid., 73.
[37] Ibid., 74.
[38] Ibid., 83.
[39]Ibid., 92.
[40]Ibid., 92.
[41] Ibid., 93.
[42]Ibid., 99-100.
[43] Jules Bonnet, op. cit., vol. II, 255.
[44] Jean-Daniel Benoît, op. cit., 100-101 citant Jules Bonnet, op. cit., vol. I, 434.
[45] Jean-Daniel Benoît, op. cit., 101, citant Jules Bonnet, op. cit., vol. I, 83.
[46] Jean-Daniel Benoît, op. cit., 101-102.
[47] Jean-François Gilmont, Jean Calvin et le livre imprimé (Genève: Droz, 1997), 362-363.
[48] Ibid., 368-369.
[49] Ronald S. Wallace, Calvin, Geneva and the Reformation, op. cit., 181.
[50]T.L.H. Parker, John Calvin, op. cit., 183.

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