Divers – De la difficulté d’être Fidèle…

Divers – De la difficulté d’être Fidèle…

Dans l’allégorie célèbre de Jean Bunyan, puritain du XVIe siècle, Le Voyage du Pèlerin, Fidèle, le compagnon de Chrétien dans son pèlerinage vers la cité céleste, raconte les expériences qu’il a faites dans « La vallée de l’Humiliation » où il a rencontré Messire la Honte… Celui-ci lui a tenu les propos suivants… Bunyan s’est inspiré de Proverbes 3:35: « Les sages hériteront de la gloire, mais les insensés de la plus grande honte. »

Messire la Honte a critiqué la religion elle-même. Il m’a dit que s’occuper de religion était, pour un homme affaire piteuse, vulgaire, cafarde. Il m’a dit qu’une conscience scrupuleuse prouvait un manque de virilité et que s’observer à tous moments, quant à ses paroles et à ses actes, de sorte à s’aliéner cette liberté gaillarde, à laquelle sont accoutumés les braves de notre temps, ferait d’un homme la risée de son âge. Il m’a objecté de même que, parmi les grands, les riches ou les sages, peu d’hommes partageaient mon avis et qu’aucun n’eût d’ailleurs fait qu’on ne l’éût persuadé d’abord de perdre la raison et d’être volontairement assez fol pour risquer la perte de tous ses biens en vue d’une bénéfice hypothétique. Au surplus, il m’objecta la condition humble et basse de ceux qui furent essentiellement les pèlerins des temps où ils vécurent, leur ignorance et leur défaut d’entendement des arts naturels. Oui-dà, il m’a entretenu encore, pendant qu’il y était, d’un grand nombre d’autres choses. Par exemple, il m’a déclaré que c’est une « honte » d’écouter un sermon la larme à l’oeil, une « honte » de rentrer chez soi avec des soupirs et des gémissements, une « honte » encore de demander à son prochain pardon pour des peccadilles ou de restituer une bagatelle dont on a fait l’emprunt. Il m’a dit aussi que la religion éloignait un homme des grands de ce monde à raison de certains vices que le dévot baptise vertus et qu’elle l’amenait à honorer et estimer le bas peuple à raison de cette même fraternité religieuse. Et cela, s’est-il écrié, n’est-ce pas la « honte des hontes? »

Jean Bunyan, Le voyage du pèlerin (Paris: Je Sers, 1947), 95-96.
P. 96
 

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