Des livres à lire
Peter STEPHENS: ZWINGLI le théologien (Genève: Labor & Fides, collection Histoire et société, 1999)
La préface d’André Gounelle fait bien le point des diverses publications sur Zwingli existant en français. Elles sont peu nombreuses. Les différents livres, relativement brefs, du professeur Jacques Courvoisier et du dominicain J. V. Pollet donnaient bien des informations sur la théologie du réformateur. Cependant il manquait un ouvrage de théologie systématique zwinglienne. C’est ce que nous offrent les Editions Labor & Fides avec l’ouvrage de Peter Stephens.
L’auteur définit, d’abord, le contexte dans lequel la théologie zwinglienne s’est épanouie. Ensuite, il aborde successivement différents thèmes dogmatiques: la Bible, Dieu, le Christ, le Saint-Esprit, l’homme, le salut, la Parole, les sacrements (baptême, et eucharistie), l’Eglise et le ministère et, enfin, l’Etat et nous expose l’opinion du théologien Zwingli sur chacun d’eux. Le livre se termine par un index général très utile et une bonne bibliographie.
S’il fallait vraiment faire une critique, elle ne serait que sur la forme. En effet, le très grand nombre de notes en bas de pages perturbe un peu le lecteur. Une édition postérieure gagnerait, selon l’importance des notes pour la compréhension du texte, soit à les reporter en fin de livre, soit à les incorporer dans le texte dont elles ne sont, parfois, que la continuation.
L’ouvrage de P. Stephens devrait rapidement figurer dans toutes les bonnes bibliothèques réformées pastorales ou paroissiales puisqu’il comble un vide. En effet, Zwingli est un théologien à part entière et le premier théologien réformé, avant même Bucer, Farel, Calvin ou Bullinger. Ce livre nous ramène ainsi à nos racines réformées les plus profondes. Il ne peut donc qu’être profitable à la réflexion théologique de chacun d’entre nous. Ajoutons que la traduction remarquable de Mireille Hébert rend ce livre lisible par la plupart des paroissiens de nos Eglises.
René REMOND: Religion et société en Europe. Essai sur la sécularisation des sociétés européennes aux XIX° et XX° siècles (1789-1998) (Paris: Seuil, 1998)
Voilà un livre très dense, très compact et très complet, dont le but est de rendre compte et de retracer, sur les deux derniers siècles, en Europe, l’histoire du processus de sécularisation. L’auteur préfère parler de sécularisation, terme plus usité dans les pays anglo-saxons et moins chargé d’équivoque que celui de laïcisation, pourtant mieux connu en France, ou d’autres mots tels que déchristianisation, déconfessionnalisation et même, en Angleterre, désétablissement. Il s’agit du processus qui retire à une religion le statut qui faisait d’elle une composante de l’état et un pilier de la société, pour en faire un simple choix dans la sphère du privé des individus.
Dans son introduction, l’auteur définit deux termes qui reviendront constamment dans sa réflexion, car les rapports institutionnels qu’ils entretiendront l’un avec l’autre constituent l’essentiel du sujet de l’ouvrage. Ce sont les termes de religion et de société. R. Rémond précise que « les seules religions prises » en compte seront celles qui professent une croyance en un Dieu personnel, proposent une voie de salut, possèdent une dogmatique et sont dotées d’une structure ecclésiale visible.
Des groupements religieux, comme, par exemple, l’Eglise de scientologie, ne sont pas pris en compte en raison de l’absence de référence à une transcendance personnelle. De même sont exclues du champ de ce livre « les grandes idéologies contemporaines », souvent appelées « religions séculières », dont le marxisme et son application le communisme sont les exemples les plus achevés.
La recherche sera de type sociologique et tentera de rendre compte, non pas de l’acte de foi mais du fait religieux qui en est le corollaire. « Ce livre n’est pas une étude d’histoire religieuse et ne s’intéresse pas aux convictions individuelles ». Il va tenter de répondre, entre autres, à la question suivante: « Dans quelle mesure la religion a-t-elle exercé et continue-t-elle aujourd’hui d’exercer une influence dominante ou restreinte sur la conduite des sociétés? »
R. Rémond a décidé d’étudier le développement de la sécularisation à travers toute l’Europe. Selon lui, une étude globale du phénomène permettra de « saisir l’essentiel du problème des rapports de fond entre religion et société dans l’histoire contemporaine ». C’est un pari difficile. « Visant à discerner les enjeux communs, à mettre en évidence les convergences ». Le livre ne tente pas de narrer les évolutions particulières de chaque état européen, mais s’attache « en priorité à dégager les lignes maîtresses de la complexité des situations. »
L’ouvrage se subdivise en quatre livres:
– Livre 1:L’héritage et la rupture.L’auteur précise quelques vérités oubliées. Ainsi il rappelle que l’Europe est le plus vieux continent chrétien du monde. Les nations européennes ont toutes un minimum de 1000 de chrétienté derrière elles. Il rappelle également que « cette commune appartenance chrétienne est une composante de l’identité européenne. » Le christianisme a modelé l’Europe, « l’a recouverte d’un grand manteau blanc d’Eglises, de monastères et de cathédrale s », de croix éparpillées à tous les carrefours et a imposé son calendrier liturgique. L’unité chrétienne du continent européen est à peine achevée que survient une première rupture entre l’Est (Byzance) et l’Ouest (Rome) du continent. Une deuxième rupture survient au XVI° siècle avec la Réforme, qui a consommé la division de l’Europe chrétienne. « Il y a désormais plusieurs europes religieuses »s’affrontant au nom de la vérité.
– Livre 2:Les données permanentes. Dans ce chapitre, l’auteur précise les enjeux de la question religieuse. Il aborde le problème de Rome et de la papauté. Enfin, il évoque les deux réalités universelles que sont la religion et la nation ainsi que leurs relations symbiotiques ou conflictuelles selon les lieux ou les époques.
– Livre 3: L‘âge libéral de la sécularisation.L’auteur montre dans ce chapitre comment l’Europe est passé en trois étapes (abrogation des discriminations confessionnelles, désétablissement et enfin, par le principe du pluralisme institutionnalisé, séparation et laïcisation) de l’époque des états confessionnels à celle de la neutralité de l’Etat.
Livre 4: Le second âge de la sécularisation.L’auteur y rappelle les éléments de permanences, les facteurs de renouvellement et les problèmes liés à la sécularisation sous toutes ses formes.
L’ouvrage se termine sur un constat: on observe une résurgence des débats, la pérennité des enjeux, de nouveaux sujets d’interrogation, mais aussi, la mise en place de ce qui pourrait être un modèle européen des relations entre religion et société.
La lecture de ce livre sera précieuse, d’une part, à tous ceux qui cherchent à comprendre comment et pourquoi le christianisme s’est laissé, aussi rapidement, rejeter tellement loin dans la sphère du privé des individus et, d’autre part, à tous ceux qui cherchent à comprendre pourquoi cela ne s’est pas fait plus vite.
Bernard de Visme, aumônier militaire
Francis A. Schaeffer: L’héritage du christianisme face au XXIe siècle, « Comment le vivre? » (Paris, Genève: La Maison de la Bible, collection Veritas, 2000)
Dans les années 1970, Francis Schaeffer publiait How Should We Then Live?, majestueuse fresque de la civilisation occidentale qu’il choisit de débuter avec l’Empire romain pour nous entraîner jusqu’à nos jours.
Le public francophone attendait impatiemment la traduction. C’est chose faite désormais, avec la publication de L’héritage du christianisme face au XXIe siècle, sous-titre « Comment le vivre? ».
Un héritage, le christianisme. En treize chapitres, l’époque romaine et le culte rendu au Christ ou á l’empereur, avec les martyrs chrétiens, dont l’officier Maurice, le Moyen Age, la Renaissance, la Réforme, les Lumières, la révolution scientifique, la manipulation des esprits par les élites (une préface á la pensée unique?). Schaeffer parle d’art, d’architecture, de musique (du chant liturgique de saint Ambroise au dodécaphonique, jusqu’à Bob Dylan et aux Beatles), de théologie, philosophie, science. Il dresse un tableau passionnant des civilisations marquées par le protestantisme (l’équilibre des libertés et des devoirs, de la responsabilité comme d’autres l’ont écrit).
Le livre met en lumière une palette de philosophes, hommes d’Eglise, peintres, sculpteurs, musiciens, écrivains, révolutionnaires même, passés en revue dans la perspective d’un thème très « schaefferien », tel un homme pense, tel il agit: Aristote, Thomas d’Aquin, Luther, Galilée, Newton, Giotto, Kierkegaard, Sartre, Bach, Beethoven, Schônberg. On passe des motifs spiritualistes des peintres du Moyen Age au réalisme de Rembrandt le croyant réformé, des questions de Gauguin aux touches impressionnistes, avec une évocation très pertinente de Pablo Picasso. « La pensée, ce monde intime et personnel qui fait de chaque individu un être unique et qui détermine ses actions, ses valeurs, sa créativité », ses décisions politiques », écrit Schaeffer en ouverture.
L’argument de l’auteur est mis en relief par quelques illustrations judicieusement choisies par l’éditeur.
Avant l’heure, Francis Schaeffer a entrevu l’évolution de notre culture, les risques liés á la recherche scientifique. Il propose une vibrante défense et illustration du christianisme face aux drames du XXe siècle ensanglanté par le nazisme et le communisme. Il nous fait écouter le Winston Churchill du discours á la Chambre des communes après Munich: « Et n’allez pas croire que c’est fini. Ce n’est que le début du règlement de compte. Ce n’est que la première gorgée, le premier avant-goût d’une coupe amère qui nous sera présentée, année après année, á moins que… ». En lisant Schaeffer nous revient l’envie de relire Soljenitsyne pour ne pas oublier le Goulag ni les mensonges du marxisme-léninisme.
Le lecteur de L’héritage du christianisme face au XXIe siècle devient spectateur du goût prononcé de Francis Schaeffer pour l’art, la musique; il ne reste pas insensible aux accents de cœur du penseur proche des gens, de l’intellectuel sensible, du théologien passionné par la Vérité, du pasteur préoccupé par les besoins moraux et spirituels de sa génération, des jeunes en particulier.
L’analyse de la pensée occidentale est pertinente. Lire Schaeffer, c’est aller á la rencontre d’un esprit universel (ou, plutôt, c’est lui qui vient á nous), généreux, compatissant mais lucide dans sa description des dérives du monde contemporain, dans lequel le chrétien vit!
En publiant L’héritage du christianisme face au XXIe siècle, l’éditeur de Genève (La Maison de la Bible, qui nous avait déjà habitués á Schaeffer mais qui, là, n’a pas lésiné sur les moyens) s’est surpassé. Il offre au public une véritable adaptation française de How Should We Then Live?. Les références littéraires, artistiques, historiques, scientifiques, politiques ont été revisitées: un bain d’histoire pour le traducteur, cette histoire, pourtant nôtre, qu’il est de bon ton de délaisser de nos jours mais qui demeure source d’inspiration et de richesse! Sous la plume de Schaeffer, elle est aussi beauté.
Pour le passionné d’histoire justement, le livre contient un excellent index chronologique où les événements, les hommes et leurs œuvres sont mis en relation.
Il convenait de jeter un pont entre l’édition américaine, qui date de près d’un quart de siècle, et la traduction française de l’aube du XXIe siècle. C’est fait! En prolongement du travail de Francis Schaeffer, Udo Middelmann, son gendre, directeur de la Fondation Schaeffer, a rédigé une postface impressionnante, véritable bouquet final d’une construction majestueuse. Au fond et en conclusion, l’édition originale n’a pas pris une ride, même légère. Schaeffer n’aurait pas aimé, mais on peut se demander aujourd’hui si, quelque part, dans son intuition et son intelligence, il n’était pas prophète.
Vous ouvrirez L’héritage du christianisme face au XXIe siècle. Les premières pages, superbe préface, sont de la plume du doyen Pierre Berthoud, de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence. Il fut collaborateur très proche de Francis Schaeffer, á L’Abri, á Huémoz, en Suisse. Son attachement á l’auteur est perceptible á travers les mots qu’il emploie pour parler de l’homme Schaeffer, de son ministère, de ses livres. On ne pouvait trouver meilleur guide pour ce long parcours avec Francis Schaeffer. Il offre une clef précieuse pour ouvrir la porte du livre. Et renouer avec l’Héritage.
Jean-Marc Genet
Rose-Marie et Jean-Marc Berthoud: Mysticisme d’hier et d’aujourd’hui (Lausanne: l’Age d’homme, collection Messages, 2000)
Voici un excellent complément ou, mieux, une illustration par l’histoire, de l’ouvrage de Florent Varak, La foi charismatique. Ce livre, dont le principal auteur est Rose-Marie Berthoud, remet à l’honneur un mode d’argumentation tombé en désuétude: la polémique. Le style y est vif, les idées simples (mais non simplistes) et l’abondance des citations permet au lecteur un survol, à la fois général et profond, de l’évolution du christianisme réformé de ces trois derniers siècles. R.-M. Bethoud se contente d’illustrer cette décadence (car c’est là le sens de cette « évolution ») en citant abondamment des textes clefs, qu’elle commente avec une heureuse verve, dont on avait perdu la saveur depuis l’âge héroïque de la Réformation – ou du moins du christianisme militant.
Dans sa préface, le pasteur D. Vaughn exprime en des termes incisifs et nets la légitime réprobation qu’a toujours exprimée la foi réformée orthodoxe à l’encontre des manifestations de « mysticisme ». Que recouvre donc cette notion? Loin de condamner le légitime aspect personnel et subjectif de l’appropriation des vérités bibliques, qui constitue l’expérience chrétienne du salut et de la sanctification, D. Vaughn fait ressortir l’opposition essentielle entre une foi tournée vers l’intérieur – d’où est sensée sortir la vérité sous forme de « révélation » sans cesse réactualisée – et une foi fondée sur une réalité objective transcendante, extérieure à l’homme, qui existe par elle-même indépendamment du témoignage des sens.
Pour expliquer les démagogies ambiantes, il n’est pas besoin d’évoquer le rôle des théologies dites « libérales ». Au contraire, il semble bien qu’elles ne constituent, en somme, qu’un phénomène secondaire. L’origine de l’actuelle décadence de l’Eglise – et par conséquent de la société – provient plutôt du rejet de toute assise objective de la foi. Ainsi « pour le mystique, la chose la plus importante dans sa relation avec Dieu est ce qu’il ressent et ce qu’il expriment en lui-même. » (p. 11) ce n’est plus tant la vérité théologique qui fixe, pour le croyant, le cadre de sa relation avec Dieu, qui lui donne la capacité de discerner entre le légitime et l’illégitime, que ce qu’il ressent et qu’il s’imagine être vrai pour lui.
Notre époque, fondée sur le primat de la « spontanéité » et le refus de toute norme (pour ne pas dire de toute Loi) s’est déshabitué du réalisme philosophique pour lequel les mots renvoient à des idées conceptuelles et existent en soi, pour ne plus pratiquer que l’aberrant schéma hégélien thèse-antithèse-synthèse, origine du relativisme impénitent des « enfants de ce siècle ». Après Apologie pour la Loi de Dieu de Jean-Marc Berthoud,, qui a fait constater les origines piétistes de la démission de l’Eglise de son rôle d’arbitre et de conservateur de la société, Mysticisme d’hier et d’aujourd’hui vient à point pour montrer aux chrétiens qu’aveugle encore le mythe du Progrès, l’inéluctable dégénérescence de la foi réformée, dégénérescence engendrée par l’ultime addition des multiples petites déviances qui ont fait passer la foi « réformée » de l’état de vision du monde scripturaire et cohérente à celui de mutant bibliocole dégingandé et remuant.
On ne répétera jamais assez que les « évangéliques » ne sont plus désormais les dépositaires de la « foi biblique » naïve et inébranlable dans leur refus du libéralisme. Des poussées autrement subversives, à l’œuvre depuis longtemps, ont effectué un véritable travail de sape, débouchant sur des aberrations héla! désastreuses. Même s’il est douloureux de l’affirmer, il n’en demeure pas moins vrai qu’un long cheminement logique relie la doctrine optimiste d’un John Wesley aux élucubrations mystico-totalitaristes d’un Rick Joyner.
Il est certain que nombre d’« évangéliques », qui se sont convertis ou ont fait un certain nombre d’expériences dans les milieux pentecôtistes, charismatiques ou de la « Troisième vague », jugeront cet ouvrage dithyrambique et caricatural. N’oublions pas, cependant, que dans sa « vision », rapportée aux pages 127 et suivantes, M. Joyner (prédicateur charismatique américain bien connu) met en cause l’intégrité spirituelle, non seulement des Réformateurs du XVIe siècle – allant jusqu’à laisser entendre que ceux-ci n’étaient que des hypocrites bouffis d’orgueil (p. 130) – mais encore de S. Paul lui-même, dont il prétend avoir recueilli les confidences, qui se désole, du haut du paradis, de ce que l’on ait pris toutes ses paroles comme paroles de Dieu! (p. 136). Sans vouloir justifier l’outrance des uns par celles des autres, on comprendra néanmoins que, face à des attaques et des calomnies d’un tel niveau de misère intellectuelle et spirituelle, la tradition millénaire de l’Eglise se rebiffe.
On est donc reconnaissant à R.-M. Berthoud d’avoir su dévoiler la mauvaise foi des pseudo-prophètes des temps modernes et d’élever une légitime protestation de la part des tenants de la foi biblique, c’est-à-dire des chrétiens réformés confessants. Devant la veulerie et les lâcheté de trop de théologiens français actuels , Dieu a voulu qu’une nouvelle Déborah brandisse l’étendard de la Croix.
Lorsque des non-charismatiques ont l’inconséquence d’aller jusqu’à affirmer, en parlant de l’activité de ces « mystiques modernes », que leur « faire » est préférable à « notre rien faire », nous sommes en droit de nous demander si de tels propos sont issus d’un esprit sain. il est vrai que l’étonnante ardeur pour l’« évangélisation » que déploient les milieux visés par Mysticisme d’hier et d’aujourd’hui doit avoir pour fonction de stimuler dans les « chrétiens bibliques » un zèle pour la Vérité. Mais les encourager et y prendre part – c’est-à-dire à communier à leurs croyances x relève du suicide spirituel, étant donné la somme de doctrines mortifères véhiculée par ce christianisme devenu hérétique.
Le livre de R.-M. Berthoud est une contribution estimable sur le plan du combat des idées, en ce qu’il replace dans leur contexte historique les germes des déviances que nous voyons aujourd’hui. Trop souvent, les « évangéliques » s’imaginent que leurs opinions et leurs pratiques sont issues directement des temps apostoliques sans avoir conscience de leurs origines parfois plus que surprenantes.
N’oublions pas que l’audace de la nouveauté a, bien souvent, pour rançon des bouleversements imprévisibles à long terme.
Simon Scharff
Jean-Marc Berthoud: Calvin et la France. Genève et le déploiement de la Réforme au XVIe siècle (Lausanne: Ed. L’Age d’Homme, coll. Mobiles historiques, 1999)
Dans ce livre assez court, Jean-Marc Berthoud tente de tordre le cou aux affirmations les plus classiques contre Jean Calvin: théocratique, autoritaire et tranchant, dominateur, démobilisateur des chrétiens à cause de sa doctrine de l’élection, etc.
Après une courte introduction, le livre débute par un bref aperçu de la vie de Jean Calvin, qui n’apporte rien de bien nouveau, mais qui a le mérite de bien la situer en perspective. L’auteur présente, ensuite, l’arrière-plan païen de la société française du XVIe siècle. Il montre que si J. Calvin s’installe à Genève, ce n’est pas par peur du danger, mais pour avoir un lieu sûr, une tête de pont à partir de laquelle rayonner pour la gloire de Dieu et l’avancement de son Royaume, d’abord en France, mais aussi dans toute l’Europe.
L’auteur insiste beaucoup sur la position, non seulement spirituelle, mais aussi politique de Jean Calvin à Genève. Il montre qu’il n’était ni le dictateur que certains ont présenté ni le simple pasteur sans pouvoir que d’autres ont voulu décrire. Calvin était effectivement salarié de la Ville et n’est devenu bourgeois de Genève que quelque temps avant sa mort. Il était, cependant, également un personnage public important de par ses fonctions de pasteur et de responsable de la Compagnie des pasteurs de Genève.
L’auteur aborde successivement plusieurs thèmes (confessionnalité nécessaire de toute Eglise réformée, formation et choix des futurs pasteurs envoyés en France, souveraineté de Dieu et évangélisation, etc.). Il explique quelle lecture il en fait dans les écrits de Calvin. Ensuite, s’appuyant sur les citations d’un certain nombre d’auteurs spécialistes, il montre combien l’image de Calvin qu’a le grand public est tronquée, fausse et même souvent à la limite de la diffamation. Cela entraîne de très nombreuses citations qui alourdissent un peu le texte, mais démontrent clairement que si des auteurs fameux ont pu dire du mal de Calvin, d’autres auteurs tout aussi fameux que les premiers en ont dit du bien. La balance penche finalement en faveur des seconds par rapport aux premiers, ce que souhaitait démontrer notre auteur.
Calvin est au service de la Vérité. Il rappelle constamment que si Dieu est souverain, la responsabilité de l’homme est engagée en toutes ses actions. Bien que Jean-Marc Berthoud n’évoque ces évidences que dans ses dernières pages, pour lui, elles sous-tendent tout son livre. En conclusion, relevons que le but de la piété calviniste n’est pas simplement le salut personnel du croyant, mais la gloire de Dieu et les progrès de son Royaume.