Les sectes entre sociologie et politique

Les sectes entre sociologie et politique

François-Georges DREYFUS*

A la suite d’incidents, des divers suicides collectifs, notre société, depuis quelques années, a découvert la secte que d’aucuns traitent comme la bête immonde. Que le mot secte vienne de sequire ou de seccare , les dictionnaires, au temps où ni le politiquement ni le religieusement corrects n’avaient cours, se contentaient de préciser: « Réunion de personnes qui professent une même doctrine – ex. La secte d’Epicure  » et précisaient parfois: « Nom donné à ceux qui se sont détachés d’une communion principale: La secte des Quakers . » Après tout, ils ne croyaient pas si bien dire; il faudra attendre rapports parlementaires et analyses pseudo-théologiques ou sociologiques pour donner au mot un sens nouveau. Un historien de l’art n’écrira-t-il pas, vers 1930: « Le Talmud, de même que le Coran, défend à ses sectaires la reproduction de la figure humaine. »

Sans doute parlementaires et juristes français s’échinent-ils aujourd’hui à nous trouver d’autres définitions qui apparaissent, à la lecture, plus que curieuses, discutables.

Pour le Robert, comme pour Littré, « la secte est l’ensemble des personnes qui font profession d’une même doctrine » ou « qui suivent une opinion accusée d’hérésie ou d’erreur ». Il est vrai que le Dictionnaire des Religions définit la secte comme « un groupe de contestation de la doctrine et des structures de l’Eglise entraînant le plus souvent une dissidence. Dans un sens plus étendu, tout mouvement religieux minoritaire. »[1]

S’appuyant sur Max Weber et sur Troltsch, le rapport parlementaire, rédigé sous la responsabilité de M. Guyard et déposé en 1996 devant l’Assemblée nationale, définit « la secte par opposition à celle d’Eglise » et ajoute pour préciser sa position:

La secte… se situe en retrait par rapport à la société globale et tend à refuser tout lien avec elle, et même tout dialogue. Elle a une attitude identique à l’égard des autres religions, de sorte qu’en ce sens, l’oecuménisme pourrait servir de critère pour distinguer église et secte.

Le propos est absurde car si on suit les auteurs de ce rapport, le judaïsme comme l’islam sont des « sectes » puisqu’ils se placent en dehors de la communauté dite oecuménique et se considèrent à part des autres communautés religieuses, tandis que Moon, qui considère avoir une dogmatique syncrétiste issue du christianisme, serait une Eglise !

Il est vrai que les critères mis en avant[2] par la commission parlementaire, s’appuyant sur un rapport des Renseignements généraux, sont fort peu convaincants: après tout, si l’on suit les auteurs, les communautés religieuses reconnues par les articles organiques de 1801 (Eglises catholique, réformée et luthérienne) et l’ordonnance de 1831 (Communauté juive) devraient, si elles étaient fidèles, être considérées comme des sectes.

Elles proposent, en effet, des « vérités incontournables », un véritable « engagement », la « rupture avec les valeurs de la société » (condamnation de l’avortement et du concubinage), « appartenance loyale au groupe », le « langage mobilisateur et le néolangage » (ne parle-t-on pas chez les huguenots le « patois de Canaan »?), « l’esprit de corps ».

Que signifie, d’autre part, la « déstabilisation mentale »: quand tel théologien catholique conduit le fils du président du Consistoire israélite de Strasbourg au baptême, ne pratique-t-il pas une véritable « déstabilisation mentale »?

Nos braves parlementaires auraient mieux fait de se reporter à l’excellente étude du président Jacques Robert, « Liberté de religion, de pensée et de croyance »[3] . Il consacre sa contribution à essayer de définir ce que peut être une secte… et il n’y arrive pas: ce n’est pas « le petit nombre des adeptes », « l’excentricité des doctrines » car, comme il le souligne, Tertullien expliquait: Credo quia absurdum , ce que confirme un arrêt du 4 décembre 1912 de la Cour d’appel de Paris. Ce n’est pas davantage « la nouveauté », la Réforme « atteste la possibilité de confessions nouvelles, instantanément dressées », formule qui est du pur « patois de Canaan », ce d’autant, rappelle-t-il, que « la religion est un phénomène collectif: ce n’est pas nécessairement un phénomène de masse ».

Naturellement, « tout mouvement religieux, Eglise, association ou secte doit répondre de ses actes » et respecter l’ordre public. Dès lors, l’escroquerie, les pressions psychologiques abusives, l’embrigadement des enfants et les dérives sexuelles doivent être poursuivies; les textes existent, mais ils ne sont pas toujours appliqués.

Peut-on faire une sociologie des sectes?

Les Renseignements généraux s’y sont essayés, écartant à juste titre « les mouvements ésotériques ou se rattachant à l’anthroposophie » ainsi que « la majorité des groupes se réclamant du Nouvel Age ».

Si l’on en croit l’abbé Trouslard[4] , on doit considérer comme « sectes », au sens « actuel » du terme, les mouvements ayant un comportement totalitaire (sic) à caractère « pseudo-religieux ». L’abbé Trouslard, dans sa dérive, rejoint le rapport parlementaire, mais le professeur Robert a montré que ce critère était pour le moins discutable. Est une secte, la communauté qui cherche à manipuler les esprits par le moyen de « cours, stages ou séminaires », qui tend à détruire la personne, la famille, la société.

Le moins que l’on puisse dire est que cela n’est pas très simple. En effet, si l’on tente une typologie des sectes, on s’aperçoit tout de suite, à suivre le classement des Renseignements généraux, qu’on a mélangé toutes les communautés religieuses ou philosophiques sans tenir compte d’un certain nombre de réalités. On peut discuter à perte de vue sur le New Age, mais quand on sait le nombre d’ouvrages que des théologiens universitaires catholiques ou protestants, lui ont consacrés en termes très sympathiques, on peut difficilement admettre comme « sectaire » cette communauté religieuse qui se fonde sur ce que l’on pourrait appeler « l’astrologie historique ». En effet, le New Age estime qu’après l’ère chrétienne du Poisson, on passe à l’ère « post chrétienne » du Verseau, se fondant sur une nouvelle prise de conscience des rapports entre société et spiritualité à la mesure de la civilisation du XXIe siècle qu’il décrit – souvent à juste titre – comme totalement différente des civilisations antérieures. Le rapport parlementaire conclut toutefois que

le Nouvel Age est dangereux, parce qu’il peut prédisposer ses adeptes à s’engager dans des voies plus périlleuses de type apocalyptique, par exemple. L’approche de l’an 2000 pourrait correspondre à une multiplication considérable des groupes apocalyptiques ou millénaristes, à partir de messages mal compris (car fondamentalement optimistes) des new agers . En outre, de gros bataillons d’adeptes, déçus des rangs évangéliques (témoins de Jéhovah, adventistes) ou syncrétiques, pourraient nourrir ce mouvement.

On pourrait faire des constatations analogues à propos de l’anthroposophie issue de l’enseignement de Rudolf Steiner, lui-même profondément marqué par la pensée de Goethe.

A côté des communautés qui relèvent du courant Nouvel Age et de l’anthroposophie dont le caractère « sectaire » reste à démontrer, le rapport distinguait les groupes orientalistes mélangeant allégrement toute une série de communautés de type oriental, dont il aurait été judicieux de voir quels pouvaient être leurs liens avec le taoïsme, le bouddhisme ou le confucianisme, religions incontestables depuis des siècles. En tout cas, que l’on soit d’accord ou non avec la Soka Gakaï , il ne faudrait pas oublier que c’est une communauté religieuse d’origine bouddhiste, diffusant les doctrines d’un moine japonais du XIIIe siècle dont la théologie – comme c’est d’ailleurs le cas des diverses formes de religiosité japonaise, à commencer par le Shinto – est « nationaliste et intolérante ».

Il y a les communautés de guérisseurs qui préconisent des thérapies à caractère spirituel que l’on a analysées un peu trop rapidement (combien de maladies n’ont-elles pas un caractère psycho somatique?) et dont on se contente de dire qu’elles recrutent « un nombre non négligeable de professionnels de la santé », ce qui devrait quand même faire réfléchir.

Il y a aussi les communautés plus ou moins gnostiques, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait la place que la gnose tient dans les préoccupations de certains intellectuels contemporains.

Beaucoup plus dangereuses, les communautés de caractère satanique ou druidique, à fondement initiatique ou occultiste. Ces groupes inspirent, dit le rapport,

des craintes qui ne doivent pas être prises à la légère, car, à l’instar de leurs coreligionnaires des Etats-Unis et des pays scandinaves, les lucifériens français sont susceptibles de délaisser leurs activités folkloriques actuelles pour des actions criminelles: profanation de cimetières, trafic de drogue, crimes de sang.

Peut-on mettre sur le même pied les groupes néo païens? Mais le rapport s’attaque aussi très directement à des mouvements chrétiens traditionalistes comme Tradition Famille Propriété, ou Avenir de la culture, à cause de leurs campagnes contre le Minitel rose, la pornographie, l’avortement, les préservatifs. Que le veuillent ou non les rédacteurs du rapport, ce n’est pas parce que les Eglises chrétiennes ont abdiqué que l’on doit condamner ceux qui sont restés fidèles envers et contre tout à la Parole de Dieu. A la limite, on s’étonne de ne pas trouver dans cette liste les communautés juives très strictes comme les loubavitch!

Sur tous ces points, l’ouvrage collectif, Pour en finir avec les sectes (Dervy), aligne clairement combien il faut se méfier du rapport parlementaire rédigé par des personnalités peu compétentes sur les sectes[5] , même si, à certains égards, lorsqu’il s’agit des communautés issues de la gnose, des sciences occultes ou de l’hypnose, il est plus crédible.

En fait, le rapport ne s’est guère interrogé sur deux points essentiels: qui fréquente les sectes et pourquoi fréquente-t-on une secte plutôt qu’une communauté religieuse traditionnelle?

* * *

Qui fréquente une secte? Toutes les enquêtes sont unanimes: il n’y a pas de « profil déterminé ». Les membres de ces communautés sont, au départ, des Français comme les autres; le rapport de la commission parlementaire est très clair:

Il serait faux de présenter le développement des sectes comme se réduisant exclusivement à la manipulation de personnalités fragiles par des groupes coercitifs et par l’application de techniques psychologiques éprouvées.

Bien plus, on constate, si on regarde de près, que les membres de ces groupes appartiennent à des milieux relativement aisés ou même très aisés, de surcroît à des milieux intellectuellement développés, que l’on attire par un discours quasi scientifique, faisant appel au perfectionnement individuel: il suffit, dans la plupart des villes universitaires, de lire les affiches de la Nouvelle Acropole proposant des conférences au titre souvent alléchant, ou des séminaires sur des thèmes intéressants.

Le perfectionnement individuel sur lequel ces communautés mettent l’accent insiste généralement sur trois points: l’exemple personnel , le prosélytisme , le tout fondé sur une ascèse certaine (abstention de tabac, d’alcool, de viande, appel à la prière régulière, invitation à réduire son temps de sommeil). A bien des égards, certaines sectes utilisent tout simplement les règles des ordres religieux du Moyen Age, à commencer par la règle de saint Benoît: beaucoup de ces communautés savent combiner ces règles plus que millénaires avec notre temps, d’autres, au contraire, conduisent, note le rapport,

à la rupture avec les relations antérieures, au travail, au bénéfice partiel ou exclusif de la secte, voué à la vie en commun. Une telle attitude de repli sur soi ou sur un groupe restreint est en contradiction avec tout un engagement extérieur à la secte.

Sans doute! Mais, à la limite, les monastères des religieux d’aujourd’hui, les couvents de religieuses cloîtrées, se vouant à la prière et au travail manuel, seraient, tout comme certaines communautés piétistes, si l’on prenait le rapport à la lettre, des groupements sectaires!

Sociologiquement, on peut constater que deux groupes d’àge sont particulièrement sensibles au mouvement sectaire :

  • les jeunes adultes de 25 à 35-40 ans pour le Nouvel Age, les groupes orientalistes ou gnostiques, sans doute parce que le message des Eglises ne les satisfait pas;
  • les personnes entre 50 et 60 ans pour les « groupes de prière ou de guérison ».
  • Quant aux « adeptes », ils appartiennent, quoi qu’en dise le rapport, à deux groupes sociaux bien distincts:

  • les milieux modestes constituent le plus important groupe social des témoins de Jéhovah;
  • les autres communautés recrutent essentiellement dans les classes moyennes et même aisées, souvent – nous l’avons dit – dans des milieux intellectuels.
  • Ce sont d’ailleurs les scientifiques qui constituent un des groupes intellectuels les plus attirés par les nouvelles communautés: d’abord, ils sont intéressés par des « mouvements » qui proposent une « explication globale » des problèmes sociaux, scientifiques et humains; ensuite, note le rapport, parce qu’ils s’estiment moins manipulables que le citoyen ordinaire. Selon le rapport, « la vulnérabilité des élites réside précisément dans la certitude de ne pas être manipulables » Mais après tout, si des intellectuels sont attirés par ces groupes, si des hommes et des femmes ayant relativement réussi dans la vie veulent s’intégrer à une secte, on ne voit pas au nom de quoi – tant que l’organisation ne commet ni crimes ni délits – on pourrait les en empêcher.

Si, de surcroît, ces hommes et ces femmes connaissent des difficultés individuelles, ont des problèmes familiaux, on conçoit assez bien qu’ils se tournent vers des communautés qui montrent, par leur prosélytisme, qu’elles s’intéressent à eux. Nous sommes ici, sans doute, au noeud du problème.

Depuis près de soixante ans, les Eglises traditionnelles en Europe, dans toute l’Europe, se sont à peu près désintéressées des classes moyennes et aisées[6] . Certaines remarques judicieuses devraient intéresser très particulièrement les responsables des Eglises dont les ministres ont rejeté avec mépris col romain et complet gris pour faire plus peuple…

« L’aspect « jeune cadre dynamique » des scientologues conviendra… au « démarchage » dans les cités universitaires, les clubs de gymnastique ou les cafés à la mode… Qui ne sait reconnaître les jeunes évangélistes aux cheveux coupés ras, à l’éternel blazer bleu marine et à la cravate club discrète? Comment ne pas noter le caractère bon chic bon genre mais un peu désuet des témoins de Jéhovah? Tout ceci fait l’objet de choix délibérés. »

Les responsables ecclésiastiques, catholiques ou protestants, pourraient y réfléchir et inviter – s’ils souhaitent réellement contrebalancer l’influence des nouvelles communautés – leurs ministres à renoncer au débraillé et au refus du prosélytisme. Il ne suffit pas d’accuser la mentalité contemporaine, « la recherche du confort matériel », « l’athéisme pratique qui se développe partout en Europe », comme l’écrivent les évêques du Synode Est-Ouest en 1991; il faut aller au-devant de ceux qui sont en recherche et sont très vraisemblablement moins athées que ne le croient les évêques.

En tout cas, « les associations concernent directement ou indirectement environ un demi million de Français », c’est-à-dire presque autant que les protestants ou les juifs. Elles recrutent et continuent de recruter sur « l’initiative d’agents » qui font du prosélytisme en s’appuyant sur des thèmes très différents, parmi lesquels ont citera :

  • les questiosn éthiques que l’on découvre assez nombreuses dans l’Eglise de scientologie, qui contrôlerait une « commission des citoyens pour les droits de l’homme » par le Mouvement pour la paix en Europe ;
  • les questions culturelles , où l’on constate une forte présence de tous ces groupes dans des directions très diverses avec aussi bien des propositions de conférence ou des cours de rattrapage, et même des séminaires pour le perfectionnement des cadres d’entreprise;
  • les questions naturistes , qui vont de l’écologie à la médecine naturelle, la psychologie à la parapsychologie en passant par la méditation transcendantale.

Ces divers problèmes sont annoncés, soit par des affiches, des petites annonces ou tout simplement le démarchage à domicile. Mais n’hésitons pas à le souligner, les membres de ces communautés sont consentants: seul se pose le problème des enfants pour qui, trop souvent, les parents ou leurs enseignants laissent faire.

Quant à la puissance financière de ces communautés, qui est incontestable, elle doit nous rappeler un certains nombre de réalités:

  • depuis deux siècles, les Eglises protestantes américaines – séparées de l’Etat – vivent très bien: si l’on en croit les statistiques fédérales, les émoluments d’un pasteur varient entre 35 000 et 80 000 dollars par an (soit entre 200 000 et 400 000 francs français); il paraît difficile de reprocher à ces communautés, qui sont souvent nées aux Etats-Unis, de vivre comme elles le font outre-Atlantique en utilisant les mêmes procédés: elles ne sont pas marquées par le triple sceau bien français du socialisme, du ruralisme, du catholicisme, et n’ont pas de complexe à gagner de l’argent;
  • on a l’air d’oublier que, de 1802 à 1950, les Eglises chrétiennes ont reconstitué (ou constitué dans le cas des protestants) un patrimoine considérable que l’on gaspille aujourd’hui: il suffit de penser aux innombrables bien immobiliers plus ou moins bradés depuis une trentaine d’années; au reste, les communautés catholiques demeurées traditionnelles semblent disposer aujourd’hui de moyens considérables (cf. leurs acquisitions immobilières, Gaussan dans l’Aude, le Barroux dans le Vaucluse);
  • après tout, les communautés juives de France (avec environ 600 000 âmes) semblent disposer, toutes choses égales d’ailleurs, d’infiniment plus de moyens que la Fédération protestante de France (1 million d’âmes), de même l’Eglise catholique (environ 40 à 45 millions d’âmes), étant bien entendu qu’il ne s’agit que des nombres théoriques, les fidèles et donateurs réels devant être respectivement de l’ordre de 100 000, 150 000 pour les unes et 5 millions pour l’autre.

En définitive, il est bien difficile de cerner vraiment ce que l’on appelle aujourd’hui le phénomène « secte » et, par conséquent, de lui appliquer un régime particulier, d’autant que l’on compte environ 1150 associations que les Renseignements généraux considèrent, à tort ou à raison, comme des « sectes ». C’est pourquoi le rapport ne propose pas de législation nouvelle, mais demande une application efficace et « rigoureuse » des dispositifs existants: on regrettera simplement la rédaction de certaines propositions telles celles concernant les pratiques de déstabilisation mentale (assez largement en contradiction avec les constatations du rapport), plus encore celles suggérées pour « battre en brèche les exigences financières exorbitantes de certaines sectes ». Mais, surtout, rappelons que ce que le rapport considère comme secte – telle l’Eglise dite de scientologie – est considéré comme Eglise – avec tout ce que cela implique là-bas de privilèges fiscaux – par les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Comme le rappelle très justement le professeur JoÎl-Benoît d’Onorio,

la France est devenue un pays « catholaïque » en raison d’une très longue tradition consacrée par une série de textes qui vont des lois organiques de 1802 aux accords du début des années 20 entre la République et le Saint-Siège; cela est vrai pour les autres cultes anciennement reconnus (protestant et israélite).

Il en tire l’idée d’un régime juridique spécifique pour les mouvements religieux, thème repris par Philippe Gast, car cela permettrait d’élaborer « des critères permettant de distinguer les mouvements religieux et les mauvaises sectes des bonnes « . Mais la commission parlementaire n’a pas jugé souhaitable de donner suite. Elle estime qu’une « législation spécifique au phénomène dit des sectes… risquerait de porter atteinte à cette liberté fondamentale » qu’est la liberté de conscience. « L’arsenal dont nous disposons, dira le député Vivien, est tout à fait suffisant, il suffit de l’appliquer. »

En réalité, ce n’est pas l’Etat qu’il convient d’interpeller sur les sectes, mais les anciens cultes reconnus qui, pour la plupart, ont abdiqué et n’ont pas su répondre aux interrogations des hommes de notre temps qui, lorsqu’ils ne rejoignent pas une « secte », se contentent des devins et astrologues.


* F.-G. Dreyfus est professeur à l’Université de Paris-Sorbonne et professeur associé de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

[1 ] On rappellera, avec J. Baubérot, qu’au début du siècle, l’Armée du Salut était considérée comme une secte anti sociale qui manipulait les esprits et exploitait les porte-monnaie.

[2 ] Pages 24 et 25 du rapport parlementaire.

[3 ] J. Robert, « Liberté de religion, de pensée et de croyance » dans Droits et libertés fondamentaux (Paris: Dalloz, 1995).

[4 ] Christus, janvier 1997.

[5 ] On notera que les auteurs ont découvert un précurseur de la sociologie de la religion, le dénommé Tite Live, auteur des Sectes religieuses en Grèce et à Rome , p. 45.

[6 ] Cf . nos remarques dans F.-G. Dreyfus, « La crise du protestantisme français », dans Foi et Vie , avril 1996.

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