Les sectes : éléments de synthèse

Les sectes : éléments de synthèse

Paul WELLS*

1. La définition d’une « secte »

En formuler une est presque impossible. Pourtant il est au minimum possible de dire qu’une secte est « une société fermée », ennemie de « la société ouverte », selon l’expression de Karl Popper.

Cette définition a, en effet, le mérite d’inclure toutes les manifestations sectaires, qu’elles soient de nature religieuse ou non. Les sectes existent, sous leurs divers visages – religieux, politique et social,… – en suite de la Chute, qui est le grand schisme de l’humanité vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis des autres. Nous sommes, nous, les humains, sectaires par nature, à cause de notre rébellion contre Dieu. Nous sommes divisés parce que nous sommes déchus de la grâce, de la vie, de l’amour et du bien[1].

2. Une illustration

Jung Chang, une Chinoise, décrit son pays sous la dictature de Mao dans une autobiographie qui fait frissonner, Les cygnes sauvages. Sous ce régime, il y avait:

  • un gourou;
  • un dieu, le parti;
  • un culte avec des rassemblements;
  • une bible, le « petit livre rouge », et une confession de foi marxiste;
  • une police « ecclésiastique » qui contrôlait tout;
  • un conditionnement psychologique orchestré (dès l’enfance);
  • une surveillance totalitaire (toute la population faisait fonction de KGB);
  • une impossibilité d’en sortir;
  • des ennemis (les « chiens capitalistes »);
  • des sacrifices: des vies humaines effacées par millions;
  • une espérance: la société nouvelle égalitaire.

Avec Primo Lévi, Alexandre Soljenitsyne et George Orwell, Jung Chang est un des écrivains les plus angoissants du XXe siècle. Comment pourrait-on ne pas en venir à conclure que la Chine sous Mao est devenue une secte totalitaire de la pire espèce?

3. Et en France?

Cette réflexion est utile, car il n’est pas sûr que les sectes religieuses soient le plus grand des dangers, comme on veut nous le faire croire, et comme le clament les médias. Si toute la Chine, sous Mao, a ressemblé à une secte, a vécu comme on vit dans une secte, que dire de ce qui s’est passé en d’autres lieux et en d’autres temps de l’histoire? Quand nous regardons les mormons, les témoins de Jéhovah ou les disciples de Moon comme des mouvements sectaires, comment ne pas admettre que leurs méthodes sont bien éloignées de celles qu’ont mises en oeuvre les dictatures du XXe siècle? Toutes les sectes, d’ailleurs, ne présentent pas le même danger, mais il est certain que plus grande est la puissance de manipulation et de contrôle, plus grand sera l’esclavage de leurs adeptes.

Il importe de ne pas oublier cela, en France notamment, où tout ce qui relève du religieux suscite une méfiance certaine. « Ni Dieu ni maître » est devenu « ni Dieu ni Eglise » et, enfin, « ni Dieu ni gourou ». C’est là que se trouve le danger pour nos Eglises, dès lors qu’elles contestent « le totalitarisme d’extrême centre » (J. Baubérot), d’être classées comme des phénomènes sectaires parmi d’autres.

4. Sur le plan pratique

Le péril que font courir les sectes, de tous ordres, est le danger de manipulation. Ce conditionnement s’effectue, à titre indicatif, selon le schéma suivant:

* intégration des individus en profitant, parfois, de leurs faiblesses et en suscitant peu à peu un dévouement quasi inconditionnel à un leader, selon le modèle ci-après :

—–> —–> —–>
le leader les disciples les sympathisants l’extérieur
<—– <—– <—–
  • ciblage de nouveaux adeptes selon un portrait-robot préétabli;
  • utilisation « d’appâts » correspondant aux aspirations présentes du candidat;
  • critique de la société ambiante ou de la famille (incitation à la désolidarisation);
  • pression psychologique destinée à façonner la mentalité des adhérents (conditionnement);
  • invitation à une fidélité inconditionnelle vis-à-vis du groupe et de son leader;
  • manoeuvres d’intimidation (surveillance);
  • contrôle financier;
  • menaces de représailles contre ceux qui manifestent le désir de quitter la secte.

5. Comment peut-on aider à sortir d’une secte?

i) Les difficultés de contact:

Selon l’expérience faite par des chrétiens ayant essayé d’entrer en relation avec des personnes, membres d’une secte, on se heurte à:

  • une mentalité fermée à tout ce qui n’est pas la vérité de la secte;
  • une profonde conviction d’avoir raison;
  • une méfiance, voire une haine, à l’encontre de ceux de l’extérieur;
  • une solidarité du groupe face à toutes les approches de l’extérieur.

ii) Les dangers courus par des personnes ayant appartenu à une secte:

Le danger de déstabilisation et de fragilisation est non négligeable car, en sortant, l’ancien membre d’une secte peut se sentir « perdu ». L’amour de Christ doit nous rendre sensibles aux difficultés suivantes:

  • la déconstruction de la personne;
  • le sentiment de solitude ou de persécution;
  • le deuil et l’absence d’avenir;
  • la culpabilité, la déception, la dépression et le risque de suicide;
  • la soif d’un accueil et d’un soutien fraternels.

iii) Approches:

Le chrétien doit:

  • s’attendre à rencontrer méfiance et même mépris;
  • connaître ce que croit le membre de la secte et ne pas oublier que celui-ci n’a aucune compréhension réelle du message de la Bible et de son sens;
  • savoir que le membre de la secte est aveugle, comme tout pécheur; aussi importe-t-il de faire preuve de patience à son égard, de s’en remettre au Saint-Esprit et de prier;
  • être au clair sur ce qu’il croit et en connaître le fondement biblique;
  • être convaincu de l’importance du contact personnel et du suivi des relations avec le membre, ou l’ancien membre d’une secte.

Conclusion

Il importe, aujourd’hui, dans notre société post chrétienne, de prendre conscience à nouveau de la vocation de l’Eglise, avec ses exigences énormes, et de l’ampleur de sa tâche, à savoir annoncer, sans compromis et dans sa plénitude:

tout l’Evangile, pour tout l’homme et à tout homme.


* P. Wells est professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

[1] Voir la brochure de W. Hénon et P. Wells, La séduction des sectes (Aix-en-Provence: Kerygma, 1997), 27 ss.

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