Les origines du réveil au XIXe siècle

Les origines du réveil au XIXe siècle

Jean-Marc DAUMAS*

Le Réveil est une réaction contre le rationalisme qui avait envahi les Eglises au cours du XVIIIe siècle.

Les revivalistes cherchent à remettre en honneur les principales affirmations doctrinales des Réformateurs. Mais beaucoup plus que par la Réforme elle-même, ils sont marqués par une forte tendance individualiste et aussi par la sentimentalité romantique, issue en partie du « piétisme » du siècle précédent. Ils affirment, avec force, que le christianisme est une vie avant d’être une doctrine[1] .

Le mouvement apparaît en Grande-Bretagne, berceau de la révolution industrielle, et réussit particulièrement bien en Ecosse, mais aussi en Angleterre. En Allemagne, le Réveil est beaucoup moins populaire, beaucoup moins orienté vers l’action pratique. Il se fait plutôt littéraire et intellectuel.

Dans les pays francophones, la pensée théologique n’est pas autonome; elle dépend de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne[2] .

Le Réveil a revêtu des formes très diverses. Il convient de parler des Réveils (au pluriel) plutôt que du Réveil. L’historien Emile Léonard (1891-1961) en a distingué trois[3] :

* Le premier est le « Réveil piétiste »[4] à la poursuite du Dieu-vie avec Robert Haldane, H.-L. Empeytaz, Ami Bost, puis les méthodistes.

* Le second est un « Réveil orthodoxe » illustré par César Malan, Félix Neff, Adolphe Monod, le dogmaticien Louis Gaussen, Jean de Visme, le restaurateur des Eglises du Nord, avec une théologie plus ferme.

* Le troisième est un « Réveil intellectualiste », ou libéral, représenté par Samuel Vincent, Louis-Ferdinand Fontanes, Timothée Colani, professeurs à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, et les membres de « l’Ecole de Strasbourg ». Pourtant, pour cette troisième forme, le mot de « Réveil », à notre avis, ne convient pas. Car ce terme, marqué historiquement, exprime un renouveau de ce qui a été aux origines.

En vérité le Réveil est un ressurgissement dans la vie de l’Eglise de quelque chose que l’on suppose avoir déjà existé autrefois. Il faut respecter ce terme. Cependant, d’aucuns pourraient plaider en ce qui concerne Colani qu’étant de « l’école de Strasbourg », influencé par Edouard Reuss, il fut un descendant de Sébastien Castellion (1515-1563) qui avait écrit De l’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir .

I. LES PREMIERS SIGNES DU RÉVEIL

Au seuil du XIXe siècle, l’Académie de Genève et la Compagnie des pasteurs de cette ville restent fidèles au libéralisme. Mais il s’agit, le plus souvent, d’un libéralisme qui est le fils du rationalisme du XVIIIe siècle. Jusqu’en 1850, tout au moins, il n’est guère influencé par les théologiens libéraux:

– qu’il s’agisse de Friedrich Schleiermacher (1768-1834) pour qui la religion est essentiellement le sentiment d’une dépendance à l’égard de l’Absolu (réinterprétant toute la doctrine chrétienne, il fait de la subjectivité la règle de la théologie);

– ou qu’il s’agisse des membres de l’école historico-critique. Pour David-Friedrich Strauss (1808-1874), les évangiles rapportent des mythes et pour Ferdinand-Christian Baur (1792-1860), ils doivent être relus et datés à la lumière de la dialectique hégélienne[5] .

La théologie de l’Eglise de Genève n’est plus celle de Calvin. Du christianisme du Réformateur, on a passé insensiblement au rationalisme le plus desséchant[6] .

Or, un mouvement latent éclate parmi les étudiants en théologie de Genève. Notons l’influence sur eux de quelques pasteurs fidèles comme Cellerier père (1753-1844), Demellayer (1765-1839) et Moulinié (1757-1836), qui les réunit chez lui pour des leçons bibliques ayant pour but de contrebalancer et tempérer les insuffisances de l’enseignement offert par la Faculté de théologie. Ami Bost, qui entre dans celle-ci en 1809, dénoncera, dans ses Mémoires , un relâchement presque incroyable:

La Bible était inconnue dans les auditoires. On n’y ouvrait l’Ancien Testament que pour apprendre un peu d’hébreu et le Nouveau-Testament n’y paraissait jamais.

Quelques jeunes s’agrègent entre 1802 et 1805 à une humble réunion d’inspiration morave, animée par le père d’Ami Bost, chantre de l’Eglise de la Madeleine. Notons parmi eux: Emile Guers, étudiant en théologie, Henri-Louis Empeytaz (1796-1853), Jean-Guillaume Gonthier; plus tard, Henry Pyt (1796-1835). Ils y goûtent ce qu’ils ne trouvent pas dans les temples.

Un sermon du pasteur Moulinié sur les moeurs des premiers chrétiens, à la fin novembre 1812, pousse Guers, Empeytaz et Pyt à fonder la Société des amis. Celle-ci est en liaison avec les moraves suscités par le comte de Zinzendorf (1700-1760). Elle a comme but de « secourir les pauvres et les affligés par tous les moyens ».

On rencontre à la Société des amis les Bost père et fils, Gonthier – qui, trop scrupuleux face à la dignité du ministère, abandonnera ses études de théologie -, le calligraphe John Boissonas, François Roget, le futur professeur à la Faculté des lettres… Quel est leur programme? Ils sont avides d’un renouveau spirituel. Ils souhaitent ramener dans les familles le culte domestique et la piété des ancêtres.

La vénérable Compagnie voit d’un mauvais oeil cette société, dont l’existence même est une accusation contre son enseignement académique. Les étudiants en théologie, les Amis se rendent souvent chez le pasteur Moulinié, lisent l’Imitation de Jésus-Christ , Le catéchisme de Heidelberg , Les sermons de Jean-Frédéric Nardin (1687-1728), pasteur du Pays de Montbéliard. Une école du dimanche et du jeudi s’ouvre. Les étudiants en théologie sont tentés par le catholicisme et par un mysticisme illuministe.

La vénérable Compagnie proclame que ceux qui fréquentent les moraves ne peuvent être admis au saint ministère. Guers veut passer outre. Empeytaz, à qui Moulinié conseille la soumission, trouve appui auprès de la fameuse baronne de Krüdener. Cette Balte mitigée slave, ayant d’abord mené une vie aventureuse dans la plus haute société, a ensuite beaucoup voyagé, prêchant « aux têtes couronnées comme aux laboureurs l’amour du Christ »[7] . Empeytaz organise, alors, des réunions chez lui, sans aucune idée séparatiste. La Compagnie l’exclut du ministère. Il rejoint, à ce moment-là, sa protectrice Julie de Krüdener, qui l’entraîne dans ses voyages missionnaires. Etrange et attirant personnage que cette mystique qui stimula le Réveil.

Le 10 mars 1814, Ami Bost et Louis Gaussen sont consacrés au saint ministère. Bost commente: « Deux sociniens[8] signèrent mon diplôme d’aptitude. Ils s’en repentirent plus tard. »

On confie à Louis Gaussen le service de trois heures, comprenant des lectures bibliques et, normalement, les Réflexions d’Osterwald. Il remplace ces dernières par des méditations de son cru. L’assistance passe de quatre ou cinq personnes à dix, vingt, soixante, cent, deux cents auditeurs. La Compagnie intime l’ordre à Gaussen d’en revenir aux Réflexions d’Osterwald. En dépit de tout, Louis Gaussen voit sa théologie renouvelée par une lecture assidue de Calvin et par des contacts répétés avec le pasteur de Satigny: Jean-Isaac Cellérier.

Il y a, dans le Réveil, un courant et même un terreau autochtones. Mais il y a aussi le rôle des agents venus de l’étranger. La pensée théologique n’est pas autonome. Elle dépend de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne. Comme au XVIe siècle, il y a l’influence de trois laïcs britanniques.

II. RICHARD WILCOX, UN CALVINISTE

1. R. Wilcox est un homme d’affaires, un négociant, un disciple de George Whitefield (1714-1770), calviniste comme lui. En 1816, il organise, dans sa maison, des réunions. On y retrouve J.-G. Gonthier, H. Pyt, qui sera grand orateur et apologète, E. Guers, A. Bost, A. Porchat, qui sera plus tard pasteur en France. R. Wilcox multiplie les entretiens avec ce groupe de jeunes théologiens. Il insiste avec force sur la doctrine de l’assurance du salut. Il appuie surtout « sur l’éternel amour et la compassion du Père et sur la certitude et l’immuable fermeté du salut accompli par le Fils ».

2. Pendant le séjour de Wilcox se passe un événement très remarquable. Le 6 août 1816, le Genevois H.-L. Empeytaz – à qui l’on doit l’hymne solennel « Grand Dieu nous te bénissons » – écrit du lieu de « sa retraite », en Allemagne, un pamphlet contre la Compagnie des pasteurs de Genève. La brochure lancée, telle une bombe, paraît en novembre 1816, publiée à Lyon (pour Léonard, c’est à Paris, p. 190). Elle aura un retentissement international puisqu’elle sera traduite en anglais et en néerlandais. L’irritante Alice Wemyss, dans son Histoire du Réveil [9] , suppose gratuitement qu’elle est de la plume de l’abbé Jean-François Vuarin.

Le titre du pamphlet est Considérations sur la divinité de Jésus-Christ, adressées à Messieurs les étudiants de l’auditoire de théologie de l’Eglise de Genève , avec cette épigraphe:

Ceux qui nient la divinité de Jésus-Christ renversent de fond en comble tout le plan de la religion chrétienne.

La Compagnie des pasteurs de Genève est alors un pouvoir clérical dans l’Eglise. L’ouvrage est une mise en accusation violente et pluriforme.

i) Accusation par les sermons

Empeytaz avait dépouillé les sermons imprimés en français au XVIIIe siècle. Il affirme:

Dans 197 sermons prêchés par nos pasteurs depuis plus d’un demi-siècle, pas un seul où l’on trouve une profession de foi sur la divinité du Sauveur.

Il accuse la Vénérable Compagnie des pasteurs de ne plus professer le dogme de la divinité de Jésus-Christ.

Chacun, disent-ils, peut adopter sur ce point l’opinion qui lui convient. Si les chefs de la Réformation ont professé le dogme de la divinité de Jésus-Christ, c’est un tribut qu’ils ont payé aux idées généralement reçues dans leur siècle. Depuis cette époque, la raison et les Lumières ont fait des progrès et des découvertes.

Ne suffit-il pas d’ailleurs de prêcher une bonne morale sans s’inquiéter du dogme?

Commençons pas faire les gens bons; nous en ferons des chrétiens quand nous le pourrons. (p. 3)

ii) Accusations par le catéchisme

Il y a le silence absolu sur la divinité du Christ dans le Catéchisme [10] consacré à l’instruction chrétienne de la jeunesse et de tous les fidèles. (p. 5)

iii) Accusation par la liturgie

Silence également dans La liturgie ou la manière de célébrer le service divin dans l’Eglise de Genève [11] . Jésus-Christ n’y est désigné que par les qualificatifs de Fils de Dieu, Sauveur, Rédempteur, Maître, Roi, Législateur. La Confession de foi de La Rochelle n’est plus imprimée à la suite de la Bible ou de la liturgie, à partir de 1802.

iv) Accusation par la traduction de la Bible

Dans la nouvelle traduction de la Bible, publiée en 1805 par la Compagnie des pasteurs, plusieurs passages relatifs à la divinité de Jésus-Christ ont été altérés… (p. 10)

v) Accusation des philosophes eux-mêmes

a) D’Alembert dans L’Encyclopédie (1758, tome VII), article « Genève »:

Il s’en faut de beaucoup (disait-il) que les ministres pensent tous de même sur les articles qu’on regarde ailleurs comme les plus importants à la religion. Plusieurs ne croient plus à la divinité de Jésus-Christ, dont Calvin leur chef était si zélé défenseur… Pour tout dire, en un mot, plusieurs pasteurs de Genève n’ont d’autre religion qu’un socinianisme parfait, rejetant tout ce qu’on appelle mystères… La religion dans Genève est presque réduite à l’adoration d’un seul Dieu, du moins chez presque tout ce qui n’est pas peuple: le respect pour Jésus-Christ et pour les Ecritures est peut-être la seule chose qui distingue d’un pur déisme le christianisme de Genève. (p. 12)

La Compagnie avait publié, le 10 février 1758, une déclaration faible et vague.

b) Sur quoi Jean-Jacques Rousseau, dans La seconde lettre de la montagne (1767):

On demande, écrit-il, aux ministres de Genève, si Jésus-Christ est Dieu; ils n’osent répondre. On leur demande quels mystères ils admettent; ils n’osent répondre… Un philosophe jette sur eux un coup d’oeil rapide, il les pénètre, il les voit ariens, sociniens; il le dit et pense leur faire honneur… Aussitôt, alarmés, effrayés, ils s’assemblent, ils discutent, ils s’agitent, ils ne savent à quel saint se vouer; et après force consultations, délibérations, conférences, le tout aboutit à un amphigouri[12] où l’on ne dit ni oui ni non… Ce sont, en vérité, de singulières gens que Messieurs vos ministres! On ne sait ni ce qu’ils croient, ni ce qu’ils ne croient pas; on ne sait pas même ce qu’ils font semblant de croire; leur seule manière d’établir leur foi est d’attaquer celle des autres. (p. 13)

c) Voltaire écrivait en 1768 à M. le marquis de Villevieille qu’il « n’y a pas dans Genève vingt personnes qui n’abjurent Calvin autant que le pape »[13] .

3. Suite à la bombe d’Empeytaz, une partie de l’opinion s’émeut. Les étudiants en théologie, sous la présidence de Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872), se réunissent dans la salle du Consistoire pour défendre la Compagnie. Ils protestent solennellement contre les « attaques odieuses » dont la Compagnie a été l’objet et l’assurent de leurs sentiments absolus de confiance et de dévouement. La Compagnie les félicite.

Deux d’entre les étudiants, Pyt et Guers, membres de la Société des amis, jugeant arienne la Compagnie, ne signent pas avec leurs condisciples et se solidarisent avec Empeytaz. La Compagnie, suite à ce qui s’est passé, exige leur confession de foi écrite. Ceux-ci recopient, simplement, une partie de La Confession de foi de La Rochelle . Ils collationnent ainsi les articles mettant l’accent sur la chute et le relèvement de l’homme, la justification par la foi, de la Confessio Gallicana . Curieusement, le texte n’a pas été reconnu (aux deux sens du mot). Il n’est pas accepté, car il ouvrirait la porte à toutes les licences. Il n’est pas reconnu, car le professeur qui a demandé cette confession de foi – pourtant professeur d’histoire ecclésiastique – ne discerne pas l’origine de ces morceaux choisis. Il déclara que « c’étaient là des doctrines propres à faire des hommes des brigands ».

En janvier 1817, après un an de séjour, Richard Wilcox s’en va.

III. ROBERT HALDANE, « LA MAIN DE DIEU »

1. C’est lui, un laïc écossais, qui remplace Wilcox. Né à Londres en 1764, mort à Edimbourg en 1842, Robert Haldane, d’abord marin, puis cultivateur, traverse une crise religieuse à l’occasion de la Révolution française, à laquelle il était très attentif. Un peu secoué, il se convertit, subit l’influence du théologien calviniste Charles Simeon (1759-1836) et devint évangéliste en Ecosse[14] .

Après vingt ans de ministère dans son pays, il entreprit, en 1816, à 50 ans, une tournée d’évangélisation sur le continent. Il a passé par Paris, il est à Genève, et il s’apprête à quitter une ville où il n’a que faire, lui semble-t-il, quand le pasteur Molinié, malade la veille de son départ, le met en rapport avec un étudiant, James, pour qu’il lui fasse visiter la ville. Haldane se rend compte, au cours de sa visite, de la totale ignorance de l’étudiant quant à la Bible. Aussi décide-t-il de rester.

Les condisciples de l’étudiant de la Faculté de théologie rencontrent Haldane. Et le 6 février 1817, devant une vingtaine d’étudiants, il commente l’épître aux Romains, insistant sur la justification par la foi seule. A ceux déjà nommés, il faut ajouter Frédéric Monod, le frère d’Adolphe, qui le traduit et, par la suite, J.-H. Merle d’Aubigné, qui deviendra célèbre grâce à sa majestueuse Histoire de la Réformation au XVIe siècle et au temps de Calvin , en treize volumes, et à son influence, par ses sermons à La Haye, sur le Réveil ou deuxième Réformation des Pays-Bas, par la conversion de Groen van Prinsterer.

2. Ecoutons les témoins de ces premières heures:

i) Jamais, dira un étudiant, depuis François Turretin et Bénédict Pictet, de sainte et vénérée mémoire, (jamais) docteur n’avait exposé le conseil de Dieu avec cette pureté, cette force, cette plénitude; jamais si vive lumière n’avait resplendi dans la Cité de Calvin.

ii) Il connaissait les Ecritures, note H. Pyt, comme peut les connaître un chrétien qui a eu pour maître le Saint-Esprit qui les a dictées.

iii) E. Guers, pour sa part, déclare: « Robert Haldane fut la main de Dieu pour ouvrir la porte du sanctuaire. »[15]

iv) Frédéric Monod (1794-1863), le futur grand pasteur de l’Eglise libre de Paris, rend aussi un témoignage reconnaissant à celui qui l’a « engendré en Christ par l’Evangile »:

Ce qui me frappa beaucoup et nous frappa tous, ce fut sa manière solennelle de procéder. Il était évident qu’il s’occupait sérieusement de nos âmes, et des âmes de ceux qui pourraient être placés sous nos soins pastoraux. De tels sentiments nous paraissaient à tous bien nouveaux. Ensuite la débonnaireté, la patience à toute épreuve avec laquelle il prêtait l’oreille à nos sophismes, à nos ignorantes objections, aux essais que nous faisions de l’embarrasser par des difficultés de notre invention, et ses réponses à tout et à nous tous.

Mais ce qui m’étonna et me fit réfléchir plus que toute autre chose, ce fut sa connaissance pratique de l’Ecriture, sa foi implicite à la divine autorité de cette parole, dont nos professeurs étaient presque aussi ignorants que nous, et qu’ils citaient, bien moins pour en référer à la source unique et infaillible de la vérité religieuse que pour relever leurs propres enseignements. Nous n’avions jamais rien vu de semblable.

Maintenant encore, ajoute Monod, après un si grand nombre d’années, je me représente cet homme de haute taille, plein de dignité, environné d’étudiants, sa Bible anglaise à la main, maniant la seule arme de la Parole qui est l’épée de l’Esprit, réfutant chaque objection, écartant chaque difficulté, répondant promptement à toutes les questions par des citations variées, au moyen desquelles il abordait et éclaircissait convenablement ces objections, ces difficultés et ces questions, et concluait bientôt d’une manière pleinement satisfaisante.

Il ne perdait jamais son temps à argumenter contre nos prétendus raisonnements; il montrait immédiatement la Bible avec son doigt, ajoutant ces simples paroles:

– Regarde ici, comment lis-tu? Cela est écrit ici avec le doigt de Dieu.

Il était, au sens parfait de ce mot, une concordance vivante.

Les premières réunions nous préparèrent à écouter, avec une plus grande confiance, les enseignements plus didactiques qu’il commença bientôt, en nous expliquant l’épître aux Romains, que plusieurs d’entre nous n’avaient probablement jamais lue, et qu’aucun ne connaissait.

En suivant régulièrement cette épître, il eut l’occasion de nous mettre sous les yeux un corps complet de théologie et de morale chrétienne. Cet enseignement, par la bénédiction de Dieu qui s’y fit puissamment sentir, atteignit la conscience et le coeur de plusieurs de ses auditeurs qui, comme moi, font remonter à ce vénérable et fidèle serviteur de Dieu leur première connaissance de la voie du salut et de l’Evangile de vérité. J’envisage comme l’un des plus grands privilèges de ma vie, maintenant avancée, d’avoir été son interprète presque durant tout le temps qu’il expliqua cette épître, étant presque le seul qui connût assez bien l’anglais pour être honoré de cet emploi… Le nom de Robert Haldane est inséparablement lié à l’aurore du réveil de l’Evangile en Suisse et en France[16] .

C’est un grand moment de l’histoire du protestantisme. Ces explications de l’épître aux Romains ont été publiées en français.

Chez Haldane, la foi implicite en l’autorité de l’Ecriture va de soi. Dans son exposition, le gentilhomme écossais se montre nettement calviniste. Au chapitre 9, il y expose la doctrine de l’élection de grâce, sans aucun égard pour les oeuvres. Sa lettre au professeur Jean-Jacques Chenevière (1793-1871) prouvera aussi, sans hésitation possible, son adhésion à la foi réformée. Toutefois, Haldane avait des vues baptistes concernant le baptême, mais il ne les a jamais mises en avant.

v) César Malan, étant déjà consacré pasteur, n’assistait pas aux études bibliques de Haldane, mais il lui rend, à son tour, ce beau témoignage:

Cet homme grave et profondément versé dans la connaissance de la sainte Bible, vint séjourner quelques mois à Genève… Je le vis chez un ami, et je lui rendis visite le premier; car c’était un homme retiré, très modeste, et qui ne cherchait ni à se faire connaître, ni à se faire écouter. Vous ne pouvez vous former une idée trop belle de la merveilleuse douceur, de la prudence réservée qui accompagnait toutes les paroles, toutes les actions de ce vieillard (en fait de « vieillard », il n’avait que 53 ans, mais il portait la perruque et les cheveux poudrés comme les Anglais de sa classe).

Son visage était paisible et serein. Il y avait dans son regard une charité si profonde, qu’il était impossible devant lui de juger, de condamner personne… Pour l’ordinaire, le sage Haldane attendait que je lui fisse une question et je n’allais chez lui que pour écouter ses réponses! Souvent il me la faisait répéter, afin de s’assurer qu’il avait bien compris.

– Que pensez-vous là-dessus? me disait-il.

Alors il me demandait de l’appuyer sur l’Ecriture. C’est ainsi qu’il me convainquait d’ignorance ou de faiblesse; et quand il me voyait arrêté par mon défaut de connaissance de la Bible, il commençait à m’établir la vérité en question, par des passages si clairs, si formels, qu’il était impossible que je ne me rendisse pas à l’évidence. Si l’un de ces passages ne me paraissait pas concluant, il en produisait aussitôt quatre ou cinq autres, qui appuyaient ou expliquaient le premier, et mettaient le vrai sens hors de doute. Dans toute cette discussion, il ne disait que quelques mots. C’était son index qui parlait; car à mesure que sa Bible, usée, à la lettre, à force d’avoir été lue et relue, s’ouvrait ici ou là, son doigt se posait sur le passage et pendant que je lisais, lui me fixait, comme s’il eût voulu démêler l’impression que l’épée de l’Esprit faisait sur mon âme… Jamais il ne m’a produit une seule opinion qui ait pu me faire supposer qu’il fût « séparatiste », comme on dit. Il témoignait, et avec justice, une grande horreur pour l’hérésie; mais je n’ai rien vu chez lui qui annonçât des idées étroites ou particulières[17] .

3. Haldane ne poussait pas à la séparation. Pourtant, la Vénérable Compagnie s’inquiète. A Noël 1816 déjà, Jean-Isaac-Samuel Cellérier, depuis deux ans retraité, a prêché sur la divinité de Jésus-Christ.

En mars 1817, c’est le sermon de César Malan (1787-1864) sur le salut par grâce. Malan était pasteur de l’Eglise de Genève depuis 1810. Mais c’est, d’après son témoignage, en 1816, « l’année de la délivrance » que la lecture des épîtres pauliniennes, et en particulier Ephésiens 2, l’amena à la certitude personnelle du salut par grâce.

Un jour je lisais l’Evangile à mon pupitre, dans la classe, pendant que les écoliers faisaient un devoir… Je lus le deuxième chapitre des Ephésiens, et quand j’arrivai à cette parole: « Vous êtes sauvés par la grâce et non par la loi; cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu », le livre m’a semblé lumineux et je sortis dans la cour du collège où je marchais en m’écriant:  » Je suis sauvé! je suis sauvé! »

Dès lors, il se mit à lire des ouvrages de doctrine calviniste: La théologie , de Bénédict Pictet (1655-1724), la Confession de foi du synode de Dordrecht .

Malan fait la connaissance de Haldane. Les deux hommes étaient faits pour s’entendre. Malan a décrit lui-même dans son traité sur Le conventicule de Rolle l’impression faite sur lui par le pieux Ecossais, qui le confirma dans ses certitudes. C’est alors que, le 15 mars 1817, Malan fut invité à prêcher au temple de la Madeleine, l’un des plus grands temples de la ville. Devant une église bondée, il médita sur « l’homme ne peut être sauvé que par la foi »[18] . Emporté par son éloquence, comparant Genève à la Babylone de Nabuchodonosor, il s’écria:

Si cette main s’avançait et qu’elle traçât sur cette muraille l’histoire de votre vie… Si ces signes véridiques révélaient ici ce que vous avez fait et pensé loin des regards des hommes et dans le secret de vos coeurs!… Quel est celui de vous qui oserait y porter les yeux? Cette supposition seule ne vous fait-elle pas frémir?

Et aussi ces fortes paroles contre les bonnes oeuvres:

Si vous prétendez, gens de bien selon le monde, vous rendre agréables à Dieu et finalement sauver vos âmes par votre propre justice et vous passer ainsi du Sauveur Jésus-Christ crucifié, vous êtes des orgueilleux, des insensés qui, volontairement, ne voyez pas que tout ce que vous pouvez faire de bien, s’il n’est pas fait avec foi et dans l’unique dessein de plaire à Dieu votre Sauveur, loin de lui être agréable, n’est que péché devant lui.

Ce sermon fut accueilli avec stupeur, puis avec irritation. Il rentra chez lui « couvert de mépris et accablé ». Mais sur le seuil de sa porte, il rencontra R. Haldane qui lui dit, en lui serrant les mains avec infiniment de bienveillance: « Bénis soit Dieu! L’Evangile est de nouveau prêché à Genève. » La prédication souleva des tempêtes.

4. Le 3 mai 1817 paraît alors le Règlement émané de la Compagnie des pasteurs de Genève, pour mettre fin aux polémiques. Tous les proposants devront le signer:

La Compagnie de l’Eglise de Genève, pénétrée d’un esprit d’humilité, de paix et de charité chrétienne, est convaincue que les circonstances où se trouve l’Eglise confiée à ses soins exigent de sa part des mesures de sagesse et de prudence, arrête, sans prétendre porter un jugement sur le fond des questions suivantes, et sans gêner en aucune manière la liberté des opinions, de faire prendre, soit aux proposants qui demanderont à être consacrés au saint ministère, soit aux ministres qui aspireront à exercer dans l’Eglise de Genève des fonctions pastorales, l’engagement dont voici la teneur: « Nous promettons de nous abstenir, tant que nous résiderons et que nous prêcherons dans les Eglises du canton de Genève, d’établir, soit par un discours entier, soit par une partie de discours dirigée vers ce but, notre opinion:

1. sur la manière dont la nature divine est unie à la personne de Jésus-Christ;

2. sur le péché originel;

3. sur la manière dont la grâce opère ou sur la grâce efficiente;

4. sur la prédestination. »

Il faut promettre aussi de ne pas combattre les opinions des autres pasteurs:

« Nous promettons aussi de ne point combattre, dans des discours publics, l’opinion de quelques pasteurs ou ministres sur ces matières. Enfin, nous nous engageons, si nous sommes conduits à émettre notre pensée sur l’un de ces sujets, à le faire sans abonder dans notre sens, en évitant les expressions étrangères aux saintes Ecritures, et en nous servant autant que possible des termes qu’elles emploient. »

Texte choquant s’il en est que celui de cette bulle, de cet ukase de haute politique dans la Cité de Calvin. Ce « genevianisme »[19] de la Compagnie repousse la divinité essentielle du Christ, car ne nous y trompons pas, en interdisant l’union des deux natures en Christ, c’est cette union même que l’on interdit d’affirmer – le péché originel et la prédestination.

Comme on l’aura remarqué, la Compagnie, véritable néo sanhédrin, proscrit les grandes doctrines pauliniennes, augustiniennes et calvinistes pour se contenter d’un vague déisme christianisé. Elle sape la base dogmatique du christianisme.

Ce texte est soumis aux étudiants pour qu’ils puissent se présenter aux examens. Guers refuse son adhésion et n’est pas admis. Il est renvoyé dans la dissidence. Plusieurs pasteurs refusent d’approuver le règlement funeste: Cellérier (père), Moulinié, Demellayer, Malan. Certains étudiants cèdent pour pouvoir passer leurs examens ou désertent la Faculté, comme Pyt.

Un groupe d’étudiants décide, le 18 mai 1817, un dimanche, de constituer un noyau de vrais croyants. Il s’agit de Pyt, Porchat, Gonthier, Guers, Privat, Coulin… Haldane ne prend aucune part à ces décisions. Il s’est contenté d’enseigner. Il a voulu susciter la foi. Comme Wilcox, il ne prêche pas la dissidence. Ils parlent tous deux de fidélité à l’Eglise établie. La prédication de Haldane a toujours été, volontairement, donnée à une heure différente de celle du culte officiel. Il a su maintenir l’exigence de la catholicité.

Haldane quitte Genève le 20 juin 1817 pour Montauban, afin d’y gagner quelques étudiants en théologie à ses idées. Après son départ, le groupe biblique cesse à Genève. Haldane participera encore à l’édition de la Bible de Montauban (en 1817). Il collecte des fonds. Le doyen de la Faculté de théologie de Montauban le désignera comme « un météore désastreux parmi les étudiants ». Il retournera en Ecosse, en passant par Paris, où il organisera La Société continentale de Londres , dont le but principal était l’évangélisation de la France.

IV. HENRY DRUMMOND, L’ORGANISATEUR

Un autre Anglo-Saxon, le troisième, Henry Drummond (1786-1860), arrive à Genève au moment où Haldane en part.

1. Jeune, riche et généreux, ancien membre du Parlement, il s’installe à la campagne, à Sécheron (canton de Genève)![20] Fin, distingué, très dandy, le gentleman possède tout pour séduire les jeunes étudiants romantiques. Ce mécène leur vient en aide par son hospitalité et par son argent.

2. Le Consistoire envoie à H. Drummond le physicien Marc-Auguste Pictet, conseiller d’Etat, et Chenevière, pasteur, pour lui demander s’il avait l’intention d’exposer aux étudiants une doctrine semblable à celle de Haldane. Drummond adresse le 21 août une lettre à la Compagnie, dans laquelle il précise que tout l’amour que l’on éprouve pour les fidèles de telle ou telle Eglise n’empêche pas, si celle-ci s’éloigne des fondements du christianisme, de se séparer d’elle:

Que ceux qui professent la doctrine de la divinité de Jésus-Christ tenaient les ariens pour des blasphémateurs de Jésus-Christ, et qu’il était inévitable que les ariens, de leur côté, regardassent les orthodoxes comme des idolâtres.

3. C’en fut trop. La Compagnie demande au Conseil d’Etat que Drummond soit expulsé. Celui-ci se réfugie à Ferney-Voltaire, sur territoire français.

Les étudiants, influencés par l’esprit séparatiste de Drummond, fondent le 25 août 1817 une première Eglise indépendante. Elle élit, d’abord, comme pasteur, César Malan, qui se récuse. Le 22 septembre, H. Pyt, J.-G. Gonthier et le Français Pierre Méjanel sont désignés comme conducteurs spirituels.

4. Drummond fonde La Société continentale de Londres pour réévangéliser l’Europe. Elle est organisée sur un plan interecclésiastique. Haldane y prend une large part. Elle limite moins la liberté des ouvriers que d’autres sociétés. Guers en fut le premier agent central. En cette qualité, il publia de 1818 à 1822 Le Magazine évangélique , qui apportait des nouvelles missionnaires du monde entier. En furent les agents: Ami Bost, l’un des premiers missionnaires de cette société en Alsace, Henri Pyt, Antoine Porchat ainsi que Jean-Frédéric Vernier, évangéliste en Isère.

Aidé de Marc Dejoux, Drummond fait réimprimer L’Institution chrétienne de Calvin. Il fait aussi rééditer, à ses frais, la Bible David Martin. Cette Bible est la révision en 1707, puis en 1723, de la version d’Olivétan de 1535. La réédition au XIXe siècle de la Bible Martin a pour but de remplacer la version publiée en 1805 par la Compagnie, que Drummond a attaquée avec violence, en l’appelant « ce livre que la Compagnie a publié en 1805, sous le nom de la Bible ».

Les conseils du professeur Verne d’utiliser une langue « mâle et verte » n’ont point été suivis. On a trop cédé au beau langage. On avait même demandé conseil à Montesquieu pour l’emploi du « tu » ou « vous » à l’égard de Dieu. Montesquieu avait conseillé « vous ».

Méjanel est expulsé en janvier 1818, comme étranger. Il est remplacé à la tête de l’Eglise naissante par Empeytaz, revenu de Saint-Pétersbourg, et par Guers. C’est au Bourg-de-Four qu’en septembre 1818 se fixe l’Eglise indépendante. Elle sera connue dès lors, et jusqu’en 1839, sous le nom d’Eglise du Bourg-du-Four (non loin du temple saint-Pierre). En 1824, l’Eglise compte environ trois cents membres. L’insuffisance des locaux du Bourg-de-Four engage l’Eglise à construire, en 1839, une chapelle rue de la Pélisserie.

Remarquons, en passant, que César Malan, restant éloigné des principes séparatistes en matière ecclésiale, s’est tenu à l’écart de l’Eglise indépendante. Il s’est fait construire, en 1820, dans son jardin, une chapelle qui subsistera jusqu’en 1863, appelée chapelle du Témoignage.

5. Louis Gaussen demande que la Compagnie publie une confession de foi. En fait, Genève n’a plus de confession de foi depuis 1705. La décision avait été prise, à cette date, par la Compagnie. Mais le gouvernement avait accepté, par prudence, seulement en 1725, l’abrogation de la signature des pasteurs au bas de La Confession helvétique postérieure , de 1566, rédigée par Henri Bullinger[21] .

Au XIXe siècle, Genève professe ouvertement ne pas avoir de confession de foi. « Notre Eglise, a dit quelqu’un, a pris le silence pour symbole. »

Devant le refus de la Compagnie de publier une confession de foi, Gaussen publie en 1819, avec Cellerier père, une nouvelle édition de la Confession helvétique postérieure . Ces deux hommes, restés fidèles au sein de la Compagnie à la pensée des Réformateurs, insistaient dans leur préface sur la nécessité des confessions de foi. Ils protestaient aussi, énergiquement, contre le Règlement du 3 mai – les quatre points du « genevianisme » -, sans toutefois le mentionner expressément. Les deux orthodoxes Cellerier et Gaussen justifient cette réédition parce que la Confession helvétique postérieure 

est celle des Eglises de la Suisse notre chère patrie, parce qu’il n’y en a jamais eu qu’on n’ait plus soigneusement examinée, ni plus généralement approuvée; parce qu’elle nous a paru l’une des plus simples et des plus propres à rallier les esprits. (p. XI)

Cette réédition entendait montrer que, dans ses décisions, la Compagnie n’était plus fidèle à la confession de foi et s’était éloignée des dogmes de la Réforme. La Compagnie embarrassée fait des observations à Cellérier et Gaussen concernant cette publication, leur parlant des « dangers qu’ils font courir à la religion » en faisant « paraître leur confession de foi »: ce sont les propres termes de Chenevière.

Cette publication sera extrêmement reprochée à Gaussen et sera à l’origine des dissentiments qui amèneront, en 1830, sa séparation d’avec la Compagnie, sur la question du catéchisme officiel, qu’il avait remplacé par une instruction uniquement biblique. César Malan affirme:

Si mes supérieurs m’eussent désigné telle ou telle confession de foi déjà connue ou bien établie par eux, qu’ils m’eussent prescrit de la suivre, que je m’y fusse soumis, et que je l’eusse ensuite repoussée dans mes enseignements, je serais coupable sans doute. Mais comme cela n’a pas eu lieu, qu’au contraire la vénérable Compagnie a publiquement déclaré n’admettre aucune confession, ne suis-je pas en droit, selon le principe fondamental de la bienheureuse Réformation, de suivre dans mes enseignements celle des confessions de foi que ma conscience préfère, savoir la Confession de foi des Eglises helvétiques, admise et jurée dans nos cantons protestants, et à laquelle, dans des temps meilleurs, Genève avait souscrit?

En 1818, Chenevière, l’adversaire le plus décidé du Réveil, est promu au rang de professeur à la chaire de dogmatique.

Un avocat original, Jacques Grenus, accuse la Compagnie d’avoir illégalement abandonné le terrain des Ordonnances de Calvin et d’avoir ainsi transgressé les lois constitutives de la République:

Ainsi, tout à la fois, ils sont parjures et (pour ne pas dire le mot propre) usurpateurs du bien d’autrui, de l’argent de la République, qui n’est destiné qu’à ses pasteurs chrétiens[22] .

Conclusions

1. Bilan de l’influence de ces étrangers:

* L’Evangile est répandu dans le peuple. Les étrangers ont apporté une impulsion, un enthousiasme, par leur ministère direct et indirect.

* Cette action eut une grande étendue sociale vers tous les milieux; par exemple, à Genève, le milieu étudiant est atteint par Haldane.

* Ils contribuent à rééditer des classiques protestants comme Calvin.

* La caractéristique commune de l’action de ces étrangers est leur effacement volontaire dans bien des cas.

2. Souvenons-nous qu’un Réveil ne dépend pas plus de nous que les autres affaires du monde, et qu’en cela comme en toutes choses, le fait survient où, quand et comme Dieu le veut, puisque c’est de lui seul que la grâce de la foi descend dans le coeur des hommes. La force de persuasion de ses ministres fidèles et l’exemple même de leur conviction ne sont que les instruments par lesquels il éclaire les croyants pour susciter en eux une réponse vraie.

Si les hommes du Réveil attendent et espèrent le repentir des pécheurs, ils savent bien que la prédication de leurs pauvres bouches humaines n’aura d’efficacité qu’autant que, par l’effet de la grâce divine, elle sera scellée en nous du sceau de l’Esprit saint.

A l’exemple de nos frères persécutés des premiers temps de l’Eglise, il ne nous reste plus, pour recevoir encore cette grâce, et toujours, qu’à nous tourner vers le Seigneur[23] .


* J.-M. Daumas est professeur d’histoire à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

[1] Sur le XIXe siècle, voir les travaux d’André Encrevé, en particulier Les protestants en France de 1800 à nos jours. Histoire d’une réintégration (Paris: Stock, 1985).

[2] Sur le Réveil, l’ouvrage classique, pénétrant, gardant toute sa valeur reste: Léon Maury, Le Réveil religieux dans l’Eglise réformée à Genève et en France (Paris, 1892), 2 vol.

[3] « 1848 et l’essai de réorganisation du protestantisme français », Revue de théologie et d’action évangéliques (Aix, n 1, janvier-mars 1948), 50. Mais E. Léonard se borne à en distinguer deux formes – « le Réveil piétiste » au sein duquel il reconnaît Malan et Gaussen comme représentant une ferme théologie et le « Réveil intellectualiste » avec S. Vincent – dans sonHistoire du protestantisme (Paris: PUF, Que sais-je?, n° 427 ancien), 103-104; sans doute simplifie-t-il en s’adressant au grand public.

[4] E. Léonard, Histoire générale du protestantisme , tome III « Déclin et renouveau  » (Paris: PUF, 1964), 193.

[5] K. Barth, La théologie protestante au XIXe siècle (Genève: Labor & Fides, 1969).

[6] Baron H. von der Göltz, Genève religieuse au XIXe siècle , traduit de l’allemand par César Malan fils (Genève, 1862).

[7] F. Ley, Madame de Krüdener, 1764-1824. Romantisme et Sainte-Alliance (Honoré Champion, 1995), 470 p.

[8] Le socinianisme est la doctrine opposée au dogme de la Trinité par l’Italien protestant Socin (1525-1562). La forme actuelle de cette pensée est l’unitarisme.

[9] (Paris: Les Bergers et les Mages, 1977.)

[10] (Chez J.-J. Paschoud, 1814.)

[11] (Chez J.-J. Paschoud, 1807.)

[12] N. m. Ecrit ou discours sans suite et inintelligible.

[13] Recueil des Lettres de Voltaire , tome IX, Lettre 331.

[14] A. Haldane,The Lives of Robert and James Alexander Haldane (1852; Edinburgh: The Banner of Truth Trust, 1990, réédition). Robert et James Haldane, leurs travaux évangéliques en Ecosse, en France et à Genève (Lausanne, 1859, traduit par Petitpierre), deux volumes. J.A. Haldane, Journal of a Tour (Edinburgh, 1798). Dudley Reeves, « James Haldane: The Making of a Christian », ] The Banner of Truth (juillet-août 1971), 18. Id. « James Haldane : The Making of an Evangelist », The Banner of Truth (avril 1972, n°103).

[15] E. Guers, Histoire du premier Réveil à Genève , 1871.

[16] Robert et James Haldane, leurs travaux évangéliques en Ecosse, en France et à Genève (Lausanne, 1859, traduit par Petitpierre), tome II, 24ss.

[17] C. Malan, Conventicule de Rolle , 62ss.

[18] Des fragments de ce sermon ont été publiés dans C. Malan junior, La vie et les travaux de César Malan par un de ses fils (Genève: Cherbuliez,1869), 57-59.

[19] Néologisme du même type que l’arianisme.

[20] Sécheron est devenu un quartier de Genève, connu actuellement pour son église catholique romaine sphérique (une bulle).

[21] Cf. l’article de P. Sanders dans le numéro précédent de La Revue réformée .

[22] Correspondance de l’avocat Grenus avec M. le professeur Duby, vice-président de la Société biblique (Genève, 1818), 87.

[23] Cf. l’article de J.-M. Daumas, « Des principaux facteurs du renouveau dans l’histoire de l’Eglise « , La Revue réformée , 154 (1988-2), 12-21(n.d.l.r.) .

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