En guise de conclusion : la faculté en tant que prédication

En guise de conclusion : la faculté en tant que prédication

Peter JONES*

Parfois est posée la question: « Une faculté de théologie est-elle un établissement d’enseignement supérieur ou une école de prophètes ? » Cette question touche au cœur même de la raison d’être d’une faculté de théologie. La réponse qui lui est faite va décider de la structure et du caractère fondamentaux d’une telle faculté.

Le ministère essentiel de l’Eglise, c’est la proclamation prophétique de la Parole de Dieu. Cette tâche de proclamation revient, en premier lieu, au pasteur, dont le ministère, sur ce point, doit servir de modèle à tous les autres ministères de l’Eglise. Une Eglise vivante est celle dont les ministres sont prophétiques.

Si une faculté de théologie veut servir le corps du Christ, elle doit former de tels pasteurs, de tels serviteurs, des hommes qui, dans leur ministère, font de la Parole dominicale et apostolique le fondement de l’Eglise (Ep 2:20). Comment peut-elle éviter de manquer son but en suggérant, implicitement ou explicitement, que le travail signifiant et passionnant se ferait dans le milieu intensément académique de la faculté, tandis que le ministère pastoral et ecclésial ne serait qu’une vocation seconde, inférieure, réservée à de moins doués? C’est là une tentation permanente pour une faculté de théologie, rien de moins qu’un renversement de rôle. Le schéma qui suit cherche à esquisser un antidote possible.

L’outil fondamental du pasteur, dans sa tâche de proclamation prophétique, c’est la prédication. Dans la mesure où elle interprète fidèlement l’Ecriture sainte dans son actualité, la prédication est à la fois la norme et le test de la vie de la communauté chrétienne. L’outil qu’est la prédication se prépare dans la faculté de théologie et les diverses disciplines doivent toutes concourir à cette préparation. Nous pouvons donc établir la comparaison suivante entre l’œuvre de la proclamation apportée par l’Eglise au monde et l’œuvre d’une faculté de théologie au service de cette proclamation.

LA PRÉDICATION

LE PASTEUR DANS SON BUREAU ———> LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE ET LA CHAIRE

1. L’exégèse du texte de la prédication ——> 1. Les disciplines bibliques

Pour que le pasteur soit fidèle en tant que ministre de la Parole de Dieu, il doit étudier le texte saint aussi minutieusement que possible, dans la langue originale et dans son contexte, et ce afin que le texte même parle plutôt que de servir de tremplin aux idées subjectives du pasteur. A la faculté, ces disciplines de l’exégèse et de l’histoire de la révélation, dans le texte hébraïque de l’Ancien Testament et le texte grec du Nouveau Testament, préparent le pasteur à l’étude du texte de la prédication. L’étude des langues, l’histoire, la théologie biblique et la critique textuelle n’ont d’autre justification ultime que la claire proclamation de la Parole de Dieu.

Dans le bureau du pasteur comme dans la salle de cours, l’exégète veut soumettre ses pensées et son discours à la pensée de Dieu, la Parole de Dieu étant l’autorité normative.

2. La prédication dans son contexte ———> 2. La dogmatique et l’éthique confessant

En proclamant la Parole dans un texte, le pasteur doit tenir compte du contexte théologique plus étendu et des problèmes contemporains soulevés par le texte. En interprétant ce texte, il ne doit pas oublier le contexte confessant reçu par l’Eglise de toute l’Ecriture sainte et attesté par les confessions de foi. En dirigeant ainsi sa réflexion, il se mettra en bonne voie dans son herméneutique et évitera une exégèse déséquilibrée, ne tenant pas compte de l’ensemble de la vérité confessée par l’Eglise fidèle, conduite par l’Esprit saint, au long de l’histoire. Ces disciplines cherchent à comprendre les Ecritures de façon systématique dans le contexte des pensées passées et contemporaines. Elles appliquent les résultats des disciplines bibliques. Elles rappellent les enseignements et les affirmations des confessions de foi et servent ainsi d’antidotes aux exégèses individualistes ou idéalistes.

Dans l’interprétation ecclésiale de la Parole de Dieu, les pasteurs se rappellent et les théologiens rappellent qu’avant (et au-dessus de) l’Ecriture sainte est Dieu lui-même et que c’est dans son univers que nous existons par son gouvernement et sa providence souveraine. Puisque Dieu se révèle dans sa Parole – les Ecritures – et sa création qu’il maintient, celui qui interprète le texte biblique ne le fait pas en spectateur neutre et impartial, mais il s’en approche comme une créature rebelle dont « l’intelligence s’est obscurcie » (2 Co 3:14; cf. 4:3-4) ou comme une créature nouvelle: « Vous qui avez été engendrés à nouveau par une semence non pas corruptible mais incorruptible, par la Parole vivante et permanente de Dieu. Or, cette Parole, c’est l’Evangile qui vous a été annoncé. » (1 P 1:23-25)

3. Exemples et illustrations ——————–> 3. L’histoire de l’Eglise

Le pasteur cherche, au moyen d’illustrations tirées de l’histoire passée ou présente, à éclairer le sens du texte et siècles et, par ces illustrations et exemples, à montrer comment celui-ci a porté du fruit dans la vie des croyants de toujours. L’histoire de l’Eglise décrit la portée efficace de la Parole de Dieu au long des siècles et, par ces illustrations et exemples, peut servir de guide à l’Eglise d’aujourd’hui. L’histoire de l’Eglise fournit ainsi à la prédication une collection très étendue d’illustrations et d’exemples à la prédication.

4. La prédication elle-même et son but pastoral ————-> 4. La théologie pratique

Il ne suffit pas de préparer la prédication. Il y a aussi l’action de prêcher. La prédication doit être audible, claire, logique. En outre, l’exécution de la prédication n’achève pas la tâche pastorale. Elle doit mener inévitablement à l’entretien pastoral qui est établi sur d’autres bases que les diverses psychologies freudienne, rogerienne ou autres. De plus, la prédication doit être proclamation au dehors, aux incroyants. Par la théologie pratique, le futur pasteur apprend la théorie et les méthodes de la proclamation, du témoignage, de l’entretien pastoral. La théologie pratique se préoccupe aussi des implications missionnaires et évangélisatrices de la proclamation de la Parole de Dieu.

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Une telle structure a des conséquences d’ordre pratique pour une faculté de théologie. Etant donné que la fonction normative du ministère pastoral est la proclamation et l’application actuelle de la Parole de Dieu, fonction exercée par excellence dans la prédication (sermon, catéchèse, entretien pastoral), l’enseignement de la faculté, conçu en vue du ministère ecclésial, est lui-même comme une longue « prédication » à laquelle contribuent toutes les disciplines théologiques. Et, de même qu’une prédication valable doit avoir une cohérence interne, de même l’enseignement de la faculté doit avoir une unité profonde, dans l’homogénéité de toutes les disciplines. Alors que trop d’universités – en dépit du sens de ce mot – ne sont que des milieux pluralistes pleins de contradictions, et en fragmentation constante, semblables à un marché aux idées, à une agora (c’est à Athènes que l’université trouve son origine) où l’on sacrifie aux autels des dieux connus on inconnus, la faculté de théologie doit être une école de prophètes trouvant son modèle dans le groupe apostolique, rassemblé autour du Seigneur, et proclamant jusque dans l’Aréopage et dans la puissance et la démonstration de l’Esprit saint, Jésus et la résurrection.

C’est une école de prophètes, non seulement parce que c’est là que des prophètes sont formés, mais aussi parce que, dans les personnes des étudiants et des professeurs, assemblés autour du Seigneur vivant, elle proclame, en paroles et en actes, la Parole divine des Ecritures et peut dire, avec l’autorité apostolique: « Ainsi parle le Seigneur! »

Que le modèle de la prédication prophétique soit toujours, pour notre faculté de théologie réformée d’Aix-en-Provence, une occasion de renouveler son serment d’être fidèle à l’Eglise, au ministère pastoral, à la proclamation de la Parole de Dieu et, par-dessus tout, à Jésus, le « souverain pasteur et gardien de nos âmes ».


* P. Jones est professeur au Westminster Seminary à Escondido (Etats-Unis, Californie), après avoir enseigné le Nouveau Testament à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence. Cet article, publié dans Etudes évangéliques (1975:1-2), rappelle les perspectives qui ont motivé cette dernière à ses débuts.

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