Chapitre 2. De l’interprétation de l’Ecriture sainte, des Pères de l’Eglise, des conciles et des traditions
1. L’apôtre Pierre déclare qu’aucune prophétie de l’Ecriture ne peut être l’objet d’une interprétation particulière1; nous ne recevons donc pas sans examen toute explication proposée. Par conséquent, nous ne reconnaissons pas comme vraies et authentiques les interprétations de l’Eglise romaine, que leurs défenseurs voudraient que l’on accepte aveuglément. Nous ne regardons comme véritables et orthodoxes que les explications tirées de l’Ecriture elle-même (en prêtant attention au génie de la langue dans laquelle les livres saints sont écrits, en tenant compte des circonstances particulières et en examinant les passages parallèles qui, semblables ou différents, sont plus clairs, afin de les comparer avec ceux qui sont plus obscurs). Ces explications doivent également être conformes à la règle de la foi et de la charité, et servir à la gloire de Dieu ainsi qu’au salut de l’homme.
2. Nous ne méprisons donc pas les Pères de l’Eglise, tant grecs que latins, ni leurs argumentations ou ouvrages sur la religion, pour autant qu’ils soient conformes à la Parole de Dieu. Mais nous nous en éloignons avec humilité lorsque nous y trouvons quelque chose qui s’écarte de l’Ecriture ou y est contraire. Nous croyons en cela ne leur faire aucun tort, vu que tous défendent de mettre leurs écrits au même rang que les Ecritures canoniques. Ils déclarent, au contraire, que leurs affirmations doivent être mises à l’épreuve, pour que l’on reçoive ce qui est conforme à l’Ecriture et que l’on rejette ce qui y est contraire.
3. Nous portons ce même jugement sur tous les décrets et ordonnances des conciles.
4. Par conséquent, nous ne reconnaissons pas l’autorité des Pères ou des conciles comme apportant des preuves incontestables dans les controverses religieuses ou les questions de foi. Nous nous laisserons encore moins convaincre par la seule force des traditions, de la multitude des suffrages ou de l’autorité de l’Antiquité. Nous n’admettons, dans les questions de foi, d’autre juge que Dieu lui-même, qui nous enseigne par les Saintes Ecritures ce qui est vrai, ce qui est faux, ce que nous devons suivre et ce que nous devons rejeter; et nous n’acquiesçons qu’aux jugements tirés de la Parole de Dieu par des hommes de foi. Assurément, Jérémie et les autres prophètes ont condamné avec force les directives que les sacrificateurs établissaient contre la Loi divine; et ils nous ont avertis avec insistance de ne pas écouter les pères, ou de ne pas marcher dans leurs voies — eux qui, suivant leurs propres inventions, se sont écartés de la Loi de Dieu.
5. Nous rejetons également les traditions des hommes, même si elles sont parées de titres respectables (tels que « divines » ou « apostoliques ») qui laissent croire qu’elles ont été transmises à l’Eglise par la voix des apôtres et des évêques qui leur ont succédé. Si elles s’opposent à l’Ecriture, elles ne sauraient venir des apôtres. Puisque ceux-ci ne se sont pas contredits les uns les autres, leurs disciples, de même, n’ont rien pu enseigner qui leur soit contraire. Ce serait même une impiété d’avancer que les apôtres auraient enseigné de vive voix quelque chose qui contredirait leurs écrits.
6. Paul déclare expressément aux Corinthiens qu’il a enseigné les mêmes voies partout dans toutes les Eglises2; et il leur dit encore: Nous ne vous écrivons pas autre chose que ce que vous lisez et que vous savez3; il témoigne ailleurs que lui et ses disciples (c’est-à-dire les successeurs des apôtres) marchent dans le même esprit, sur les mêmes traces4. Les Juifs aussi avaient autrefois des traditions orales reçues des pères; mais le Seigneur les a catégoriquement rejetées, faisant comprendre qu’il n’était possible de s’y conformer qu’en s’éloignant de la Loi de Dieu, et que ceux qui les suivaient honoraient Dieu en vain5.
1 2 P 1:20-21.
2 1 Co 4:17.
3 2 Co 1:13.
4 2 Co 12:18.
5 Mt 15:7, 9; Mc 7:6, 9.