Chapitre 15. De la vraie justification par la foi

Chapitre 15. De la vraie justification par la foi

1. « Justifier » signifie, dans les discussions de l’apôtre à ce sujet, pardonner les péchés, absoudre de la culpabilité et de la peine, recevoir en grâce et déclarer juste. En effet, l’apôtre dit aux Romains: Dieu est celui qui justifie! Qui condamnera?1Justifier et condamner s’opposent ici l’un à l’autre. Dans les Actes, l’apôtre annonce: Par lui le pardon des péchés vous est annoncé, et en lui quiconque croit est justifié de tout ce dont vous ne pouviez être justifiés par la Loi de Moïse2. Dans la Loi et les prophètes aussi nous lisons: Lorsque des hommes auront un procès et se présenteront pour être jugés, on justifiera l’innocent et l’on condamnera le coupable3; et de même: Malheur à ceux qui justifient le coupable pour un présent4.

2. Il est absolument certain que, par nature, nous sommes tous pécheurs et injustes, accusés d’impiété devant le tribunal de Dieu et passibles de mort. Mais nous sommes justifiés, c’est-à-dire absous du péché et de la mort par Dieu notre juge, en raison de la grâce du Christ seul et sans tenir compte d’aucune qualité ni d’aucun mérite en nous. Qu’y a-t-il de plus clair que le dire de Paul? Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus5.

3. En effet, le Christ a pris sur lui et porté les péchés du monde, et il a satisfait à la justice divine. Dieu nous regarde donc favorablement en raison du Christ seul, qui a souffert et est ressuscité. Et il nous impute, non nos péchés, mais la justice du Christ pour qu’elle soit nôtre. De la sorte, nous ne sommes pas seulement lavés de nos péchés et nettoyés, ou saints; mais encore, nous sommes dotés de la justice du Christ et acquittés de nos péchés, de la mort et de la condamnation. Bref, nous sommes justifiés et héritiers de la vie éternelle. Ainsi, à proprement parler, c’est Dieu seul qui nous justifie — et ce à cause du Christ seul —, ne nous imputant pas nos péchés, mais nous attribuant sa justice6.

4. Du reste, puisque nous ne recevons pas cette justification par les œuvres, mais par la foi en la miséricorde de Dieu et en Christ, nous enseignons et nous croyons avec l’apôtre que l’homme pécheur est justifié uniquement par la foi en Christ, et non par la Loi ni par aucune œuvre. L’apôtre dit: Car nous comptons que l’homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la Loi7. De même: Si en effet Abraham a été justifié par les œuvres, il a sujet de se glorifier. Mais devant Dieu il n’en est pas ainsi; en effet, que dit l’Ecriture? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut compté comme justice. Or, à celui qui ne fait pas d’œuvre, mais croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est comptée comme justice8. Et encore: C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie9. De la sorte, puisque la foi reçoit Christ notre justice et attribue tout à la grâce de Dieu en Christ, la justification est attribuée à la foi, principalement à cause du Christ et non parce qu’elle serait notre œuvre; car c’est un don de Dieu. Or, que nous recevions Christ par la foi, le Seigneur nous le montre longuement en Jean 6, où il emploie « croire » à la place de « manger » et « manger » à la place de « croire ». Car, de même qu’en mangeant, nous recevons la nourriture, de même en croyant, nous participons au Christ.

5. Par conséquent, nous ne divisons pas le bienfait de la justification, l’attribuant en partie à la grâce de Dieu ou du Christ, et en partie à nous, à notre amour, à nos œuvres ou à nos mérites; mais nous l’attribuons tout entier à la grâce de Dieu en Christ, par le moyen de la foi. D’ailleurs ni l’amour ni les œuvres ne pourraient plaire à Dieu, s’ils étaient faits par des injustes; nous devons donc d’abord être justes, pour pouvoir aimer ou faire des œuvres justes. Nous sommes véritablement rendus justes comme nous l’avons dit, au travers de la foi en Christ, par la pure grâce de Dieu qui nous impute, non nos péchés, mais la justice du Christ; et c’est par le moyen de la foi en Christ qu’il nous accorde cette justice. De plus, l’apôtre, de façon très claire, fait découler l’amour de la foi en disant: Le but de cette recommandation, c’est l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans hypocrisie10.

6. Par conséquent, nous ne parlons pas ici d’une foi factice, vaine, oisive ou morte, mais d’une foi vivante et vivifiante. Elle est vraiment vivante, car elle saisit le Christ qui est vivant et qui fait vivre. De plus, elle démontre qu’elle est vivante par des œuvres vivantes. Aussi Jacques ne combat-il aucunement cette doctrine en parlant d’une foi vaine et morte dont certains se glorifiaient, alors qu’ils n’avaient pas le Christ vivant en eux par la foi. Et s’il dit que les œuvres justifient, il ne contredit pas l’apôtre (puisque autrement il serait à rejeter); mais il montre qu’Abraham a fait apparaître, par ses œuvres, que sa foi était vivante et justifiante11. C’est ainsi que font tous les croyants qui, pourtant, mettent leur confiance en Christ seul et nullement en leurs œuvres. En effet, l’apôtre dit encore: Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi; ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi. Je ne rejette pas la grâce de Dieu; car si la justice s’obtient par la Loi, Christ est donc mort pour rien12.


1 Rm 8:33.

2 Ac 13:38-39.

3 Dt 25:1.

4 Es 5:23.

5 Rm 3:23-24.

6 2 Co 5:21; Rm 4:24-25.

7 Rm 3:28.

8 Rm 4:2-3, 5.

9 Ep 2:8-9.

10 1 Tm 1:5.

11 Jc 2.

12 Ga 2:20 et 21.

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