Chapitre 14. De la repentance et de la conversion de l’homme

Chapitre 14. De la repentance et de la conversion de l’homme

1. L’Evangile s’accompagne nécessairement de la doctrine de la repentance. En effet, le Seigneur parle ainsi dans l’Evangile: La repentance en vue du pardon des péchés sera prêchée en mon nom à toutes les nations1.

2. Nous comprenons par repentance cette reconnaissance des fautes et ce changement d’esprit chez l’homme pécheur, provoqués par la Parole de l’Evangile et l’Esprit saint, et reçus par une vraie foi. Le pécheur reconnaît de la sorte sa corruption naturelle ainsi que tous ses péchés, qui sont mis en accusation par la Parole de Dieu. Il en est réellement affligé; il n’en pleure pas seulement devant Dieu, les lui confessant avec honte, mais encore dans son indignation il les regarde avec dégoût, se résolvant sincèrement à s’en amender et à rechercher continuellement l’innocence et l’intégrité, afin de vivre tout le reste de sa vie dans la sainteté.

3. C’est donc ici la vraie repentance: se convertir sincèrement à Dieu et à tout bien, et se détourner soigneusement du diable et de tout mal. Mais nous disons expressément que cette repentance est un pur don de Dieu, et non une œuvre que produiraient nos propres forces. En effet, l’apôtre ordonne au serviteur fidèle de Dieu de redresser avec douceur les contradicteurs, dans l’espoir que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité2.

4. De même, la femme pécheresse dans l’Evangile, qui pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus3et Pierre, qui pleurait amèrement d’avoir renié son maître4, montrent manifestement de quel esprit l’homme repentant doit être animé: à savoir qu’il déplore réellement les péchés qu’il a commis.

5. Le fils prodigue aussi, ainsi que le péager dans l’Evangile, opposé au pharisien, nous présentent une formule des plus convenables pour confesser à Dieu nos péchés. Le premier disait: Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils; traite-moi comme l’un de tes employés5; le second, n’osant lever les yeux au ciel et se frappant la poitrine, s’écriait: Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur6. Nous ne doutons pas que Dieu les ait graciés, car l’apôtre Jean dit: Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur, et sa parole n’est pas en nous7.

6. Nous croyons que cette confession sincère faite à Dieu seul est suffisante, qu’elle se fasse en privé entre Dieu et le pécheur ou publiquement dans le culte, où une confession générale des péchés est récitée. Il n’est donc pas nécessaire, pour obtenir le pardon des péchés, de confesser ceux-ci à un prêtre, les lui chuchotant à l’oreille et recevant l’imposition des mains, en sorte qu’on reçoive l’absolution. Nous n’en voyons, en effet, aucun commandement ni aucun exemple dans l’Ecriture sainte. David en témoigne, disant: Je t’ai fait connaître mon péché, et je n’ai pas couvert ma faute; j’ai dit: Je confesserai mes transgressions à l’Eternel! Et toi, tu as enlevé la faute de mon péché8. Le Seigneur de même, nous apprenant à prier et à confesser nos péchés, a dit: Voici comment vous devez prier: Notre Père qui est aux cieux… pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés9.

7. Il est donc nécessaire de confesser nos péchés à Dieu notre Père et de nous réconcilier avec notre prochain si nous l’avons offensé. C’est de ce genre de confession que parle Jacques, en disant: Confessez donc vos péchés les uns aux autres10. D’autre part, si quelqu’un, étant oppressé par le poids de ses péchés ou troublé par la tentation, cherche en privé le conseil, l’instruction ou la consolation d’un pasteur ou d’un autre frère instruit dans la Loi de Dieu, nous ne saurions le désapprouver. De même, nous approuvons pleinement que la confession générale et publique des péchés (dont nous avons déjà parlé) se fasse régulièrement lors des assemblées religieuses, vu que cela est conforme à l’Ecriture.

8. A propos des clefs du royaume de Dieu que le Seigneur a confiées aux apôtres, on a raconté bien des choses étranges et on a fabriqué des épées, des lances, des sceptres, des couronnes, ainsi qu’un plein pouvoir sur des royaumes puissants, voire sur les corps et les âmes. Nous, en revanche, jugeant droitement et suivant la Parole de Dieu, nous disons que tous les ministres légitimement appelés ont et utilisent les clefs, et qu’ils s’en servent dans l’annonce de l’Evangile; autrement dit, lorsqu’ils enseignent, exhortent, consolent, censurent et corrigent par la discipline le peuple qui leur est confié. Ils ouvrent ainsi le ciel à ceux qui obéissent et ils le ferment à ceux qui désobéissent. Ce sont ces clefs-là que le Seigneur a promises à ses apôtres11, et qu’il a données12lorsqu’il a envoyé ses disciples, leur ordonnant de proclamer l’Evangile par tout le monde et de pardonner les péchés. L’apôtre déclare également que le Seigneur a donné à ses ministres le ministère de la réconciliation; et il explique aussitôt après en quoi cela consiste, en parlant de la parole (ou la doctrine) de la réconciliation13. S’expliquant plus clairement encore, il ajoute que les ministres du Seigneur sont ambassadeurs du Christ comme si, par eux, Dieu lui-même exhortait les peuples à être réconciliés avec Dieu, au travers d’une obéissance fidèle. Les ministres exercent donc le pouvoir des clefs en exhortant les hommes à la foi et à la repentance. C’est ainsi qu’ils réconcilient les hommes avec Dieu, qu’ils pardonnent les péchés, qu’ils ouvrent le royaume des cieux et y introduisent ceux qui croient. Partant, ils sont bien différents de ceux dont le Seigneur a parlé dans l’Evangile: Malheur à vous, docteurs de la Loi parce que vous avez enlevé la clef de la connaissance; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient14.

9. Par conséquent, les ministres donnent une absolution de façon droite et efficace lorsqu’ils proclament l’Evangile du Christ et, en lui, la rémission des péchés promise à chaque croyant, et même à chaque baptisé, et qu’ils témoignent que cette promesse concerne chacun en particulier. Nous n’imaginons pas que cette absolution soit rendue plus efficace parce qu’elle serait murmurée dans l’oreille ou sur la tête de quelqu’un en particulier. Cependant, nous estimons qu’il faut instruire les hommes avec diligence du pardon des péchés par le sang du Christ, et avertir chacun que c’est à lui-même qu’appartient ce pardon.

10. Toutefois, les exemples de l’Evangile nous apprennent quelle vigilance et quel soin doivent avoir ceux qui se repentent, en s’adonnant à la vie nouvelle, en mettant à mort le vieil homme et en revêtant l’homme nouveau. En effet, le Seigneur disait au paralytique qu’il avait guéri: Voici, tu as retrouvé la santé, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire15; et à la femme adultère aussi, il a dit: Va, et désormais ne pèche plus16. Il n’a pas voulu dire, par ces paroles, que l’homme puisse ne pas pécher tout en vivant dans cette chair! Mais il nous recommande la vigilance et une application soutenue; nous devons donc nous efforcer par tous les moyens et supplier Dieu, dans la prière, de ne pas retomber dans les mêmes péchés dont, pour ainsi dire, nous avons été ressuscités, et pour n’être pas vaincus par la chair, le monde et Satan. Zachée, ce péager que le Seigneur a gracié, s’écrie dans l’Evangile: Voici Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mon bien, et si j’ai fait tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple17. De la même manière, nous prêchons que la restitution et la miséricorde, ainsi que l’aumône, sont nécessaires pour ceux qui se repentent réellement. Et, de façon générale, nous exhortons tous, par la parole de l’apôtre, et nous disons: Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel, et n’obéissez pas à ses convoitises. Ne livrez plus vos membres au péché, comme armes pour l’injustice; mais livrez-vous vous-mêmes à Dieu, comme des vivants revenus de la mort, et offrez à Dieu vos membres, comme armes pour la justice18.

11. Nous condamnons donc tous les discours impies de ceux qui abusent de l’Evangile et disent: « Il est aisé de revenir à Dieu. Le Christ a expié tous les péchés; le pardon des péchés s’obtient facilement. En quoi donc peut-il être nuisible de pécher? Rien ne sert de s’appliquer grandement à la repentance! etc. » Cependant, nous enseignons toujours que pour tous les pécheurs il y a accès auprès de Dieu, et que celui-ci pardonne à tous les croyants tous leurs péchés, excepté un seul, le péché contre le Saint-Esprit19.

12. Par conséquent, nous condamnons les Novatiens et les Cathares, tant anciens que nouveaux. Et nous condamnons surtout la doctrine lucrative du pape, au sujet de la pénitence; contre ces simonies et indulgences, nous nous servons de cette sentence de Simon Pierre: Que ton argent aille à la perdition avec toi, puisque tu as pensé acquérir le don de Dieu à prix d’argent. Il n’y a pour toi ni part ni lot dans cette affaire, car ton cœur n’est pas droit devant Dieu20.

13. Nous désapprouvons de même ceux qui, par leurs propres pénitences, pensent effacer les péchés qu’ils ont commis. Car nous enseignons que le Christ seul, par sa Passion et sa mort, est la satisfaction, la propitiation et l’expiation de tous les péchés. Néanmoins, comme nous l’avons déjà dit, nous ne laissons pas d’inciter à la mise à mort de la chair. Mais nous ajoutons qu’on ne saurait la faire valoir orgueilleusement auprès de Dieu comme une satisfaction pour les péchés. Il faut, au contraire, s’y adonner dans une attitude d’humilité qui convient aux enfants de Dieu, comme une obéissance nouvelle, rendue avec reconnaissance pour la libération et la pleine satisfaction que nous ont obtenues la mort et l’expiation du Fils de Dieu.


1 Lc 24:47.

2 2 Tm 2:25.

3 Lc 7:38.

4 Lc 22:62.

5 Lc 15:18-19.

6 Lc 18:13.

7 1 Jn 1:9-10.

8 Ps 32:5.

9 Mt 6:9-12.

10 Jc 5:16.

11 Mt 16:19.

12 Jn 20:23; Mc 16:15; Lc 24:47.

13 2 Co 5:18-19.

14 Lc 11:52.

15 Jn 5:14.

16 Jn 8:11.

17 Lc 19:8.

18Rm 6:12-13.

19 Mc 3:28-29.

20 Ac 8:20-21.

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