Encadrés

Péché et connaissance de soi

Le christianisme ne peut opérer en vous que si vous comprenez qu’il existe une Loi morale que vous avez violée et une Puissance directrice dont vous êtes devenu l’adversaire. Quand on se sait malade, on écoute le médecin. Et, dans ce sens, ce n’est que lorsque votre position est désespérée que vous commencez à comprendre ce dont parlent les chrétiens. C.S. Lewis, Voilà pourquoi je suis chrétien (Guebwiller : LLB, 1979), 45.

Le péché est un sujet qu’il est vital de connaître… Si vous ne savez rien du péché, vous ne pouvez pas vous comprendre vous-mêmes, ni vos semblables, ni le monde ambiant, ni la foi chrétienne. La Bible elle-même ne sera qu’une incohérence, car elle expose précisément la solution de Dieu au probléme du péché de l’homme. J.I. Packer, Les mots en question (Mulhouse : Grâce et Vérité, 1991), 69.

La grande doctrine du péché originel

Cette doctrine est d’une grande importance. Tout le monde le reconnaîtra si elle apparaît comme étant vraie. Car, s’il est exact que toute l’humanité est, par nature, dans un état de ruine totale, en ce qui concerne le mal moral dont elle est atteinte, elle est victime du mal qui l’afflige de l’extérieur; le deuxiéme étant la conséquence et la punition du premier, l’Evangile doit en tenir compte. Sans aucun doute, le grand salut de Christ est en relation directe avec cette ruine, dont il est le reméde. Toute vraie foi, toute vraie notion de l’Evangile doivent être construites sur elle.

Jonathan Edwards, préface (26 mai 1757) à son livre La grande doctrine chrétienne du péché originel défendue avec l’administration des preuves de sa vérité et des réponses aux arguments contraires (republié dans The Works of Jonathan Edwards, I, Edimbourg : The Banner of Truth Trust, 1974).

Le péché… une blessure qui suppure…

Aprés le baptême, le péché originel est comme une blessure qui commence à guérir. C’est une véritable blessure, mais cependant, elle guérit, et ne cesse de se fermer, bien que parfois elle suppure, oppose de la résistance et fait souffrir. Le péché originel subsiste évidemment dans les baptisés jusqu’à ce que nous mourrions, mais journellement et sans cesse nous tuons ce péché. On lui a coupé la tête et il ne peut faire mettre en accusation et damner un chrétien… Le péché originel ressemble à une barbe. Aujourd’hui, elle est bien rasée, et vous avez le museau propre, mais dés demain, elle a repoussé. Cette croissance des cheveux et de la barbe ne s’arrête point tant qu’un homme vit. Mais quand on tasse sur lui la terre à grands coups de pelle, elle cesse. De même, le péché originel subsiste en nous et s’agite tant que nous vivons. Mais il lui faut résister et le faire rogner sans cesse, comme les cheveux.

Martin Luther, Propos de table (Paris: Aubier, 1992), 157-158.

Comment on doit chasser les idées noires et les pensées de mort

Comme il voyait un jour un homme trés triste, le docteur Martin Luther déclara: « Pauvre homme, que fais-tu? Ne peux-tu donc que penser à tes péchés, ta mort et ta damnation? Détourne les yeux de ces objets et regarde cet homme qu’on nomme le Christ. Il est écrit de lui qu’il a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert, est mort, a été enterré, le troisiéme jour il est ressuscité des morts, est monté aux cieux… Pourquoi imagines-tu donc que tout cela est arrivé? Pour que tu puisses te consoler de la mort et du péché. Aussi cesse de craindre et de trembler, tu n’en as vraiment aucun motif. Si le Christ n’était pas là et n’avait pas fait tout cela pour toi, tu aurais peut-être lieu de craindre; mais il est là, souffre pour toi la mort, remporte la victoire pour te réconforter et te protéger, et s’assied à la droite de Dieu, le Pére Tout-Puissant, afin de plaider pour toi. Et c’est le témoignage de Moïse que tout ce qui n’est point cette parole ne peut apporter qu’angoisse et frayeurs. Martin Luther, Propos de table (Paris: Aubier, 1992), 331-332.

Epitaphe de Martin Luther pour sa fille

Je repose ici, Madeleine, fille du docteur Luther,
En ma couchette, entourée de tous les saints.
Moi qui étais née dans les péchés
Et qui aurais dû être perdue à jamais,
Je vis et ai le bonheur,
Ô Seigneur Christ, rachetée par ton sang.

Epitaphe de Martin Luther pour sa fille, Madeleine, morte à l’âge de 14 ans, dans Propos de table (Paris: Aubier, 1992), 327.

Le péché originel selon Jean Calvin

Si Christ est venu afin de nous racheter de la calamité où Adam était tombé et avait précipité toute sa race avec lui, nous ne pouvons pas trouver un meilleur moyen pour voir bien clairement ce que nous avons en Christ que quand on nous aura montré ce que nous avons perdu en Adam (…) Le péché a précédé, et du péché la mort s’est ensuivie (…) et ce péché dont il parle ici ne signifie rien d’autre, sinon que nous sommes tous corrompus. Car cette perversité naturelle que nous portons du ventre de notre mére, bien qu’elle ne produise pas tout de suite ses fruits, est quand même péché devant le Seigneur, et mérite son jugement. C’est le péché qu’on appelle originel. Car comme Adam en sa premiére création avait reçu les dons de Dieu tant pour lui-même que pour ses successeurs, ainsi en se détournant de Dieu, par sa chute, il a en sa personne corrompu et perdu notre nature. Car étant privé de cette justice en laquelle consistait la ressemblance à Dieu, il n’a pu engendrer qu’une descendance semblable à lui. Nous avons donc tous péché, en tant que nous sommes tous abreuvés d’une corruption naturelle, et par conséquence iniques et pervers.

Jean Calvin, Commentaire sur l’Epître aux Romains (Aix-en-Provence: Kerygma/Farel, 1978), 124-125.

Le péché – un abîme de misére

Hélas! notre aveuglement est extraordinaire, notre misére profonde, notre lâcheté haïssable. Nous sommes appelés au repos et nous cherchons le travail. Nous sommes invités à la consolation et nous allons vers la souffrance. La joie nous est promise, et nous désirons la tristesse! Misérable est notre faiblesse, plus misérable encore notre perversité! Nous sommes devenus comme insensibles et presque inférieurs aux idoles, puisque nous avons des yeux et nous ne voyons pas, des oreilles et nous n’entendons pas, une raison et nous ne discernons pas, « prenant ce qui est amer pour ce qui est doux et ce qui est doux pour ce qui est amer ». Ô Dieu, qui corrigera de tels égarements? D’où viendra pour nous la satisfaction pour une si grande faute?… Vous seul pouvez nous corriger, satisfaire pour nos offenses, qui seul savez de quoi nous sommes formés, vous, notre Salut et notre Rédemption, qui n’opérez ce changement qu’en ceux qui, connaissant la profondeur de leur misére, attendent de vous seul d’en être arrachés. Elevons vers Dieu les yeux de notre âme et considérons en quel abîme nous sommes tombés, car celui qui ignore sa propre chute n’a nul souci de se relever. Du fond de l’abîme, crions avec force vers le Seigneur, afin qu’il nous tende sa main miséricordieuse; elle ne sera jamais trop courte pour sauver. Je t’en prie, ne perdons pas une confiance qui sera largement récompensée. Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, remportons le prix de notre foi, c’est-à-dire le salut de nos âmes.

Extrait de « La lettre dite des XXV choses mémorables », Saint Bonaventure, Œuvres, edition V.-M. Breton (Paris: Aubier, 1943), 213.

L’énigme du péché

En français, il existe une proverbe qui dit Tout comprendre, c’est tout pardonner… mais dans le contexte de notre péché, la synthése entre la compréhension et le pardon ne peut être que rejetée. Certes, nous voyons des motifs multiples au péché et à l’impuissance de l’homme; nous sommes conscients des conséquences du manque d’amour et de la rébellion et de ce que le cœur de l’homme est le siége de son péché. Néanmoins, l’énigme du péché persiste, que Bavinck a qualifiée « d’énigme incompréhensible ».

G.C. Berkouwer, Sin (Grand Rapids: Eerdmans, 1971), 147.

Le péché – détournement du bien

L’Ecriture dit, et la foi et la vérité aussi, que le péché n’est rien d’autre que le fait que la créature se détourne du Bien immuable et se tourne vers ce qui est muable, c’est-à-dire que les créatures se détournent du parfait et se tournent vers ce qui est partie, imparfait et le plus souvent vers elles-mêmes. Prête alors attention! Si la créature s’approprie quelque chose de bien, comme le sont être, vie, savoir, connaissance, puissance, bref tout ce que l’on doit appeler bien, ou si elle pense qu’elle est cela, que cela est sien ou lui appartient ou vient d’elle, aussi souvent qu’il en est ainsi, c’est une aversion. Que fit d’autre le diable, ou que fut sa chute ou son aversion, si ce n’est qu’il s’appropria d’être aussi quelque chose, pensant que quelque chose était sien ou lui appartenait? Cette appropriation, ses « je », « moi », « à moi », « mien », ce fut son aversion et sa chute. Il en est encore ainsi.

Une théologie germanique, édition J.J. Anstett (Paris, PUF, 1983), chap. 2.

« Le péché » dans L’Encylopédie du protestantisme *

« La théologie protestante souligne tout particuliérement que le péché n’est pas un défaut touchant une partie seulement de l’humain; il est fausse orientation générale de la personne entiére. Il n’est pas défini d’abord dans les relations horizontales… constitutives de cette personne, mais en fonction du rapport fondamental (originel) entretenu avec Dieu… A ce titre, il a des répercussions sur toutes les autres relations constitutives de la personne humaine. Fermeture de l’homme sur lui-même par souci de soi, le péché peut prendre des formes de l’indifférence comme de l’agressivité à l’égard de Dieu, et dés lors à l’égard de l’autre, de la nature, de la société. »

 

 

Commentaire : « La grande doctrine du péché originel » est absente de ce texte. La faute originelle s’aplatit, dans une perspective kierkegaardienne, en une « fausse orientation » de tout homme par rapport à Dieu. La solidarité dans le péché n’est plus historique mais seulement relationnelle, existentielle. Dire que le péché concerne la « personne entiére » ne répond pas à la question: la dépravation du péché est-elle totale, comme dans les textes classiques du protestantisme? Appeler le péché « fermeture sur soi-même », n’est-ce pas brader l’affirmation de l’incapacité de l’homme pécheur à faire le bien? Le péché est plus grave qu’une « agressivité à l’égard de Dieu »; n’est-il pas aussi, de façon plus fondamentale, comme chez les Réformateurs, rébellion et haine contre Dieu? Aussi, dans ces lignes, ne trouvons-nous aucune référence à l’alliance entre Dieu et l’homme ou à la Loi de Dieu, à la condamnation juste de Dieu contre le péché, au fait que nous portons ce jugement en nous-mêmes sous forme de souillure et de corruption de notre nature; c’est pourquoi, selon l’Ecriture, le péché conduit à la mort. Et le serpent? Il a filé dans les buissons de la post modernité… Le silence du non-dit de ce texte est assourdissant: le péché n’est plus l’énigme historique insensée de la désobéissance à la Loi de Dieu, mais simplement un mal-être irrationnel. C’est bien une tragédie, mais comme le diagnostique est erroné, le reméde contre le « péché » ne peut se trouver que dans une foi irrationnelle. P. W.

* P. Gisel et L. Kaennel, éditeurs, L’Encyclopédie du protestantisme (Paris/Genéve, Editions du Cerf/Labor et Fides, 1995), 1143.

Les commentaires sont fermés.