Suffisance abondante et efficacité intentionnelle – La rédemption particulière au Synode de Dordrecht

Suffisance abondante et efficacité intentionnelle
La rédemption particulière au Synode de Dordrecht


Lee Gatiss

Directeur de la Church Society et professeur d’histoire de l’Eglise à l’Union School of Theology au Royaume-Uni


Résumé

Cet article s’intéresse au contexte du Synode de Dordrecht (1618-1619) et examine le débat sur la question de la rédemption particulière ou de l’expiation définie, avec un accent particulier sur l’utilisation de la distinction classique entre suffisance et efficacité rendue célèbre par les Sentences de Pierre Lombard. Il examine également la variété des réponses réformées aux remonstrants, y compris celles sur la mort du Christ qui pourraient être qualifiées d’universalistes hypothétiques. Il remet en question l’utilité de la terminologie « calvinistes quatre points » pour décrire des délégués comme John Davenant1.

Au cours des dernières décennies, plusieurs études ont examiné en profondeur les débats et les conclusions du synode sur le sujet de l’expiation, qui demeure l’un des aspects les plus controversés de la doctrine réformée. La délégation britannique s’étant particulièrement impliquée sur cette question, des études sur son rôle sont également particulièrement utiles2. Mon objectif ici n’est pas nécessairement de répéter ce que ces études ont dit ni même de donner un exposé complet des délibérations du Synode. Pour éviter de traiter les Canons de Dordrecht de façon abstraite, je replacerai le synode dans son contexte historique et soulignerai la diversité des délégués. Je me concentrerai en particulier sur la distinction classique suffisant-efficace telle qu’elle a été employée à Dordrecht pour montrer que celle-ci a été soigneusement nuancée et clarifiée dans une direction particulière à la suite du conflit avec l’arminianisme. Je noterai aussi que, bien qu’il y ait eu un large consensus parmi les réformés sur la doctrine de la rédemption particulière, il n’y avait pas d’homogénéité monolithique mais une certaine diversité dans leurs réponses à la menace théologique.

I. Contexte historique

Le premier synode œcuménique des Eglises réformées s’est réuni entre novembre 1618 et mai 1619 dans la ville néerlandaise de Dordrecht (également connue sous le nom de Dordt ou Dort). Il était composé de la crème des théologiens réformés néerlandais, de représentants de la Grande-Bretagne et de plusieurs grandes villes allemandes, ainsi que de délégations distinctes représentant Genève et le reste de la Suisse. Des invitations ont également été envoyées à l’Etat récemment constitué de Brandebourg-Prusse et une rangée de chaises vides a été installée en l’honneur des délégués des Eglises réformées de France, auxquels Louis XIII avait interdit d’assister au synode. On ne saurait sous-estimer l’importance de ce rassemblement international de théologiens réformés, puisque c’est là que les « cinq points du calvinisme » ont été définis avec soin.

Les Provinces-Unies des Pays-Bas étaient réputées pour leur tolérance envers une certaine diversité religieuse. Après s’être libérées de la domination catholique romaine espagnole, elles se sont réunies dans l’Union d’Utrecht en 1579, qui stipulait que « personne ne doit être persécuté ou examiné pour des raisons religieuses »3. Près d’un siècle plus tard, un observateur étranger écrivait « combien de religions il y a dans ce pays, qui ont toute liberté pour célébrer leurs mystères et servir Dieu comme bon leur semble », y compris les catholiques romains, les luthériens, les arminiens, les anabaptistes, les sociniens et même les juifs et les turcs (musulmans), puisque « les Etats donnent une liberté illimitée à toutes les religions ; en Hollande vous trouverez davantage de sectes, ouvertes et reconnues, que dans le reste de l’Europe »4. Un délégué suisse à Dordrecht a fait l’expérience inhabituelle de séjourner dans une famille où la mère et la fille étaient réformées, le père et le fils catholiques, la grand-mère mennonite et l’oncle jésuite5.

Cette culture religieuse diversifiée existait toutefois sous l’égide de l’Eglise protestante réformée. L’Eglise de la République, politiquement dominante, souscrivait aux normes réformées de la Confession belge et du Catéchisme de Heidelberg. Le catholicisme romain, trop étroitement associé à la domination espagnole et à l’Inquisition, était interdit. Cet Etat officiellement réformé et confessionnel était cependant plus susceptible d’encourager une maîtrise sournoise de la dissidence religieuse que la stricte application de la loi ou le laxisme libertaire. A la fin du xviie siècle, il en est résulté ce que Jonathan Israel décrit comme « une semi-tolérance ambivalente […] bouillonnante de tensions, théologiques et politiques »6. Il est important de se rendre compte que c’est la toile de fond du Synode de Dordrecht et aussi, en partie, son héritage.

L’union entre la Hollande et la Zélande en 1575 comprenait un accord pour maintenir « la pratique de la religion évangélique réformée »7. En quoi consistait en fait cette religion est toutefois devenu un sujet de dispute lorsque Jacob Arminius a eu son premier conflit avec les autorités en 1592. Après avoir prêché une interprétation peu orthodoxe de Romains 7, il a reçu l’ordre d’oublier la dispute qu’il avait avec un autre prédicateur à ce sujet et de ne pas la laisser s’étendre au-delà de leurs communautés à Amsterdam8. Mais la controverse arminienne était destinée à semer le trouble pendant de nombreuses années et à s’inscrire dans une lutte politique entre les dirigeants de la république. Les passions politiques et religieuses étaient particulièrement vives lorsque, en 1607, on a tenté de persuader les dirigeants réformés d’autoriser un synode national visant à modifier leurs normes doctrinales et à élargir théologiquement l’Eglise publique.

Les dirigeants réformés ont insisté pour que la Confession ne soit pas modifiée. Ceux qui avaient été inspirés par Arminius (décédé en 1609) ont émis une vigoureuse protestation ou « Remonstrance » en 1610, dans laquelle ils détaillaient leurs objections à la doctrine officielle réformée9. Ce document, selon un théologien hollandais, a donné le ton au « libéralisme » de façon plus générale10 et a formulé cinq points doctrinaux classiques concernant la prédestination, l’étendue de l’expiation, le libre arbitre, la grâce résistible et la persévérance chrétienne. Concernant l’expiation, les arminiens affirmaient que Dieu a décrété de sauver ceux qui par sa grâce croient et persévèrent dans l’obéissance jusqu’à la fin, et

qu’en accord avec cela, Jésus-Christ, le Sauveur du monde, est mort pour tous les hommes, pour chaque individu, il a mérité la réconciliation et le pardon des péchés pour tous par la mort de la croix ; mais de telle sorte que personne ne jouisse réellement de ce pardon des péchés sinon ceux qui croient11.

Un an plus tard, lors de la Conférence de La Haye entre les dirigeants des deux partis, les réformés ont publié une « Contre-Remonstrance ». Ils se plaignaient que la Remonstrance était délibérément ambiguë et malhonnête12. Ils ont souligné que Dieu avait d’abord décrété la fin, puis les moyens :

A cette fin, il leur a tout d’abord présenté et donné son Fils unique Jésus-Christ, qu’il a livré à la mort de la croix pour sauver ses élus, afin que, bien que la souffrance du Christ en tant que Fils unique de Dieu soit suffisante pour expier les péchés de tous les hommes, néanmoins, selon le conseil et décret de Dieu, celle-ci n’obtient efficacement la réconciliation et le pardon des péchés que pour les élus et les vrais croyants13.

Comme le souligne William den Boer, « pour les remonstrants, la suffisance présuppose une réelle obtention de la réconciliation pour tous, ainsi que la volonté de Dieu d’étendre à tous ce qui est suffisant pour tous »14. Pour les contre-remonstrants, la volonté, le décret et le conseil de Dieu visaient l’efficacité plutôt que la suffisance de la rédemption. La rencontre a donc été interrompue sans parvenir à un accord. Mais lorsque ceux qui étaient favorables aux réformés ont fini par remporter le combat politique, ils ont demandé la tenue d’un synode pour clarifier la situation ecclésiastique. Le but de ce synode national était de dynamiser le processus d’unification nationale des régions et des Etats qui, jusqu’alors, étaient restés relativement indépendants. Mais des personnes extérieures aux Pays-Bas ont également été invitées à participer. Le décor était planté pour le plus grand rassemblement international de théologiens réformés jamais organisé.

II. Les Canons de Dordrecht sur la mort du Christ

Nous pouvons apprendre beaucoup de choses sur le déroulement et la méthode du synode à partir de ses documents officiels et non officiels et des récits contemporains de son fonctionnement quotidien. Chaque délégation avait préparé son propre document où elle indiquait sa propre position sur les cinq doctrines choisies par les arminiens pour être débattues. Après lecture et discussion devant le synode réuni de ces documents, rassemblés et publiés par la suite15, les Canons ou les jugements du synode ont été rédigés.

Les Remontrants eux-mêmes ont pris la parole à plusieurs reprises lors du synode et on leur a demandé de présenter leurs désaccords avec la doctrine officiellement admise. Ils avaient contesté la Confession et cherché à l’amender pendant de nombreuses années, mais plutôt que de saisir l’occasion de défendre leur cause, ils se sont livrés à des manœuvres politiques d’obstruction. En raison de ce qu’un délégué britannique a appelé leur « incroyable obstination »16, ils ont finalement été congédiés en janvier 1619. Un commentateur affirme que cela « prouve que l’ensemble des démarches contre le parti arminien était celles d’une faction, se disputant la prééminence sans égard à la justice »17. Leurs opinions étaient pourtant bien connues et de notoriété publique, étant clairement exposées dans la Remonstrance, dans les nombreux documents de la Conférence de La Haye, dans le Sententia Remonstrantium présenté officiellement à deux sessions en décembre 161818, et dans les ouvrages publiés par leurs dirigeants tels que Simon Episcopius. Celles-ci ont été entendues équitablement par une assemblée internationale loin d’être homogène, qui ne saurait être considérée comme une simple « faction » au sein de l’Eglise néerlandaise19. Ceux qui ont rédigé et souscrit aux Canons de Dordrecht étaient très bien informés sur l’enseignement des remonstrants, et le compte rendu officiel célèbre la « diversité dans les questions secondaires » qu’on pouvait observer parmi eux et qui témoignait de la liberté de parole et de jugement qu’ils exerçaient tout en restant fermement antiarminiens20.

Quand est venu le temps de traiter les questions doctrinales, le synode n’a pas traité les points dans l’ordre auquel on pouvait s’attendre. Il est vrai que l’acronyme TULIP (total depravity, unconditional election, limited atonement, irresistible grace, perseverance of the saints)21 a été inventé plus tard comme moyen mnémonique pour les cinq domaines en litige à Dordrecht22. Cependant, le pétale central, le « L » de ce qu’on appelle « l’expiation limitée », était en fait le deuxième point de doctrine couvert par le synode, ce qui reflète sa place dans la Remonstrance arminienne23. Comme nous avertit Alan Sell, la nature des « cinq points » en tant que réponses devrait « nous mettre en garde contre le fait de penser qu’ils représentent la somme du calvinisme »24, ou même son noyau. La théologie réformée s’est également définie par les cinq solas de la Réforme pour se distinguer du catholicisme romain, ainsi que par une sacramentologie qui la distingue du luthéranisme et un trinitarisme qui la distingue du socinianisme – tous ces éléments, selon certains, sont plus importants que la rédemption particulière. Cela ne signifie pas pour autant que ces cinq points sont sans importance, puisqu’il s’agit de questions qui ont défini l’Eglise à un moment décisif.

1. La suffisance de la croix

J’en viens maintenant aux débats du synode sur la suffisance et l’efficacité de l’expiation et la diversité des réponses réformées à l’usage arminien de cette formule. Le premier élément traité par les Canons sur le deuxième point de doctrine concerne le besoin réel de rédemption. La justice suprême de Dieu, disent-ils, exige que nos péchés entraînent des punitions temporelles et éternelles. Nous ne pouvons y satisfaire par nous-mêmes, mais « Dieu, par sa miséricorde immense, nous a donné pour garant son Fils unique, qui a été fait péché et malédiction sur la croix pour nous ou à notre place »25. Cette déclaration est une description classique de la nécessité et de l’accomplissement de l’expiation comme substitution pénale26.

La position arminienne à Dordrecht était que le prix de la rédemption que le Christ avait offert à Dieu son Père était non seulement en lui-même et par lui-même suffisant pour racheter tout le genre humain, mais avait aussi été payé pour tous les hommes, chaque individu, selon le décret, la volonté et la grâce de Dieu le Père27.

Cette position reprend la première partie de la formule médiévale classique de Pierre Lombard (« suffisant pour tous, efficace pour les élus »), mais va encore plus loin28. Non seulement la croix était-elle suffisante, mais Dieu a en fait voulu qu’elle paie de manière efficace pour chaque personne en particulier. Comme ils l’avaient dit à la Conférence de La Haye, le Christ n’est pas mort seulement pour les élus ou pour ceux qui seront finalement sauvés, mais il a obtenu la réconciliation pour tous, et ce par le conseil et le décret de Dieu29. Ainsi, la position arminienne sur la rédemption faisait des affirmations explicites non seulement à propos de son étendue, mais aussi de son but et de son intention dans la volonté de Dieu.

En réponse à cela, les délégués à Dordrecht ont séparé les deux questions de la suffisance et de l’intentionnalité. Comme les représentants de Groningen et d’Omlands l’ont dit dans leur exposé, la question n’était pas vraiment de savoir si la mort du Christ était suffisante, car ils n’avaient aucun doute que son sacrifice avait une telle puissance et une telle valeur qu’il était amplement suffisant pour expier les péchés de tous. Il n’y avait pas de défaut ou d’insuffisance dans la croix que l’on aurait pu juger responsable de la perte des réprouvés. Il s’agissait plutôt, disaient-ils, de savoir quelle était l’intention (singulière) de Dieu le Père et de Dieu le Fils, et si, ensemble, ils avaient conçu la mort du Christ pour obtenir réellement le pardon et la réconciliation pour plus que les seuls élus30. D’autres, du Palatinat, de Hesse, de Belgique et d’Utrecht, par exemple, ont également lié la suffisance du Christ à sa double nature et à sa parfaite obéissance31.

Les délégués genevois n’ont toutefois pas utilisé le concept de suffisance. Ils n’ont écrit qu’au sujet de la valeur infinie de la mort du Christ, à laquelle s’ajoute une intention efficace pour les élus32. En cela, ils suivaient Theodore de Bèze, qui considérait la distinction lombarde comme potentiellement ambiguë et source de confusion33. Les délégués de Hollande du Nord étaient quelque peu ambivalents au sujet de la suffisance34, et les ministres d’Emden ont traité la question en utilisant le terme adæquate plutôt que sufficienter35. L’énoncé qui a finalement été retenu exprime les choses comme suit :

Cette mort du Fils de Dieu est l’unique et très parfait sacrifice et la satisfaction de la justice de Dieu pour les péchés, d’une valeur et d’un prix infinis, qui suffit abondamment pour expier les péchés du monde entier.

Cette mort est d’une si grande valeur et dignité, parce que la personne qui l’a soufferte n’est pas seulement un homme vrai et parfaitement saint, mais est aussi le Fils unique de Dieu, d’une même essence éternelle et infinie avec le Père et le Saint-Esprit, tel que devait être notre Sauveur36.

Les scolastiques médiévaux se demandaient si le mérite du Christ dans sa vie et sa mort était infini à cause de sa nature divine, ou fini parce que mérité par sa nature humaine37. Les Canons de Dordrecht ont fondé le mérite infini du Christ à la fois sur sa nature divine et sa parfaite obéissance humaine38. Contrairement aux penseurs médiévaux, les théologiens réformés du xviie siècle considéraient que le Christ avait agi comme médiateur dans ses deux natures plutôt que dans sa seule nature humaine39, et il se peut que cela se trouve derrière les liens qu’ils établissent ici. Naturellement, les Eglises primitive, médiévale et réformée étaient d’accord que le Christ ne pouvait être médiateur que s’il était à la fois Dieu et homme40, c’est pourquoi l’article iv ajoute : « tel que devait être notre Sauveur ».

La délégation britannique n’a pas utilisé la distinction suffisant-efficace, parce qu’elle n’a pas réussi à s’entendre sur ce point41. Mais ils ont lié la « rançon du Christ pour les péchés du monde entier » à l’annonce sincère et universelle de l’Evangile42. D’autres ont préféré fonder la prédication universelle sur ce que Michael Thomas appelle « l’incapacité ministérielle à distinguer les élus des réprouvés »43. Thomas estime aussi que deux des délégations étaient teintées d’« hypercalvinisme », parce qu’elles ont pris de la distance avec l’idée selon laquelle il y a une stricte obligation d’évangéliser tout le monde. Mais l’article v, qui a finalement fait l’objet d’un accord, affirme assez clairement que

la promesse de l’Evangile est : afin que quiconque croit en Jésus-Christ crucifié, ne périsse point, mais ait la vie éternelle. Et cette promesse doit être indifféremment annoncée et proposée à toutes les nations et à toutes les personnes auxquelles Dieu, selon son bon plaisir, envoie l’Evangile, et cela avec le commandement de se repentir et de croire.

Cet article met en parallèle l’abondance du sacrifice du Christ et la nécessité d’une évangélisation universelle, sans toutefois établir explicitement un lien logique entre elles. Cela permettait aux Britanniques (et à ceux qui étaient dans la même situation) de faire eux-mêmes le lien s’ils le souhaitaient, sans pour autant mettre dans l’embarras ceux qui fondaient la proclamation universelle d’une autre manière (par exemple, sur une simple obéissance à Matthieu 28.18-20). Tout cela confirme l’affirmation de Robert Godfrey, ainsi que ma thèse dans cet article, selon laquelle « l’histoire du synode, si l’on y regarde de plus près, révèle que le calvinisme de Dordrecht n’était ni monolithique ni dépourvu de pertinence et de compromis »44.

Une chose était pourtant claire : si quelqu’un ne parvenait pas à croire et donc à hériter de la promesse de la vie éternelle par le Christ, Jésus sur la croix ne pouvait en être tenu pour responsable. Leur perte, avertit l’article vi, « n’arrive point par l’imperfection ou l’insuffisance du sacrifice de Jésus-Christ offert sur la croix (comme les délégués de Groningen l’avait formulé), mais par leur propre faute »45.

2. L’efficacité intentionnelle de la croix

Après cet avertissement qui donne à réfléchir, les Canons se penchent sur le second aspect de la distinction classique : l’efficacité de la croix pour les élus. L’efficacité de l’œuvre du Christ pour sauver réellement ceux qui lui ont été donnés par le Père (Jean 10.25-30) est intimement liée dans les Canons à la volonté divine. Ce que l’œuvre du Christ a accompli, c’est ce que Dieu a conçu et voulu qu’elle fasse. Les remonstrants avaient affirmé non seulement la suffisance universelle, mais aussi que le prix de la rédemption était « payé pour tous les hommes, chaque individu, selon le décret, la volonté et la grâce de Dieu le Père ». Cela signifiait que personne n’était empêché d’avoir part à la mort du Christ par un décret antérieur de Dieu, mais seulement par son propre mépris pour les dons de Dieu46. Or les réformés refusaient que la volonté éternelle de Dieu de sauver ceux qu’il voulait soit contrariée par la prétendue liberté humaine, et affirmaient au contraire qu’il avait décrété d’élire certaines personnes par sa grâce inconditionnelle et avait donc envoyé le Christ pour sauver ces personnes, leur donnant même la foi dont elles avaient besoin pour s’approprier ce salut47. Comme le résume bien Richard Muller :

Alors que la doctrine réformée de la volonté de Dieu tend à réduire toutes les distinctions à la seule volonté de Dieu, simple et éternelle, de réaliser certaines possibilités et d’en écarter d’autres, la doctrine arminienne tend à mettre l’accent sur les distinctions afin de soutenir une interaction entre Dieu et des événements véritablement libres ou contingents48.

Ainsi, les arminiens soulignaient la contingence et les conditions là où les réformés voyaient la souveraineté et la certitude. Les seconds admettaient l’offre gratuite de l’Evangile à tous ; comme le dit l’article II, vii : « ceux qui croient vraiment […] sont délivrés et sauvés des péchés et de la perdition par la mort de Jésus-Christ », pas juste potentiellement, mais réellement. Pour eux, l’expiation n’a pas simplement rendu quelque chose possible, mais a fait quelque chose. Pourtant, parallèlement à cette proclamation temporelle, au niveau humain, les réformés ont discerné (dans les Ecritures) la révélation d’un dessein divin éternel. Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. L’histoire du salut, disaient-ils, a été divinement ordonnée dès le début pour atteindre le but ultime de Dieu, qui ne pouvait être incertain ou hasardeux sans porter atteinte à la souveraineté de Dieu.

L’article viii, le plus long des articles positifs sur ce point de doctrine, expose le dessein particulier de Dieu :

Car tel a été le très libre conseil et la très favorable volonté et intention de Dieu le Père, que l’efficacité vivifiante et salutaire de la mort très précieuse de son Fils s’étendît à tous les élus, pour leur donner à eux seuls la foi justifiante, et par elle les amener infailliblement au salut. Autrement dit, Dieu a voulu que Jésus-Christ, par le sang de la croix (par lequel il a confirmé la nouvelle alliance), rachetât efficacement du milieu de tout peuple, de toute nation et de toute langue, tous ceux, et ceux-là seulement, qui de toute éternité ont été élus au salut, et lui ont été donnés par le Père ; qu’il leur donnât la foi, qu’il leur a, aussi bien que tous les autres dons du Saint-Esprit, acquise par sa mort ; les purifiât par son sang de tout péché et originel et actuel, commis tant après qu’avant la foi ; les conservât fidèlement jusqu’à la fin, et finalement les fît comparaître devant lui, glorieux, sans aucune tache ni souillure.

Pour les théologiens de Dordrecht, la distinction suffisant-efficace de Lombard devait donc être clarifiée à la lumière de l’erreur arminienne. Même les arminiens pouvaient affirmer que la croix était en définitive seulement « efficace pour certains »49. Mais ils faisaient de la volonté humaine de chacun, et non de la volonté de Dieu, le facteur décisif. Le synode a donc dit, avec plus de soin, que la croix était en quelque sorte suffisante pour tous, mais qu’elle n’était destinée à être efficace que pour les élus. En se concentrant sur le dessein divin et le but de la venue du Christ – il n’est pas venu pour nous rendre « rachetables » mais pour nous racheter – les réformés ont mis les décisions humaines dans ce qu’ils considéraient comme la bonne perspective biblique. Par conséquent, ils ont rejeté le point de vue de

ceux qui enseignent : Que Dieu, le Père, a destiné son Fils à la mort de la croix, sans aucun dessein certain et défini de sauver nommément quelqu’un ; de sorte que la nécessité, l’utilité et la dignité de tout ce que la mort de Jésus-Christ nous a acquis, eussent pu demeurer sauves et être en toutes leurs parties, parfaites, complètes et entières, alors même que la rédemption ainsi acquise n’eût jamais été réellement appliquée à aucune personne particulière.

Cette doctrine est injurieuse envers la sagesse de Dieu le Père et le mérite de Jésus-Christ, et contraire à l’Ecriture50.

Il y avait un accord presque unanime parmi les délégations sur le fait que la volonté de Dieu était à l’origine de l’efficacité de la croix pour les élus. Il y avait également un large consensus sur le fait que le rachat effectué par le Christ et son application avaient la même étendue, ce que les remonstrants niaient en rendant le rachat plus large que l’application51. Ceux de Nassau-Wetteravia, par exemple, soutenaient que le Christ avait été abandonné « par la volonté et l’intention du Père », pour acquérir et appliquer le salut à ceux qui lui avaient été donnés, en leur accordant simultanément l’Esprit de régénération et le pardon52. Ainsi, dans cette vision trinitaire, le Père donne les élus au Fils, qui meurt pour eux, et leur donne ensuite l’Esprit et la foi.

3. Variations réformées

Deux délégations étaient divisées sur ces questions. Celles de Grande-Bretagne et de Brême ont présenté des rapports au synode qui ont suscité des passions très fortes. La délégation britannique a dû faire appel à une aide extérieure pour réconcilier ses divisions internes, mais John Davenant a déclaré préférer qu’on lui coupe la main droite que de changer d’avis, de sorte qu’un compromis était inévitable53. Lorsque Matthias Martinius de Brême a exprimé certaines de ses opinions sans aucune délicatesse, Franciscus Gomarus a été si furieux qu’il a jeté le gant et l’a défié en duel ! Le président du synode a essayé de calmer les choses, mais Gomarus a renouvelé sa demande de combat54. Tous deux se sont de nouveau opposés (verbalement) pendant le synode d’une manière indigne qui a désolé les autres délégués étrangers, et même si certains membres de la délégation de Brême n’étaient pas d’accord avec Martinius, ils ont failli partir à cause de cette incivilité55.

Pourquoi toute cette agitation ? Certains soupçonnaient Martinius de pencher vers les positions des remonstrants, en particulier sur l’expiation, et celui-ci n’avait pas peur de le dire ou de critiquer fortement les deux partis56. Mais Davenant était farouchement dévoué à la cause de la modération et à la recherche d’une voie médiane sur cette doctrine. Ayant été chargés de ne pas perturber les relations avec les Eglises luthériennes (particulièrement offensées par les prises de position des contre-remonstrants), de ne pas être trop précis et de tenir compte des formulaires anglicans57, Samuel Ward et lui ont réussi à utiliser leurs positions dans la délégation britannique pour exprimer leur opinion minoritaire. Ward, par exemple, disait de la croix qu’elle rendait tous les hommes « rachetables », ôtant ainsi à l’expiation son caractère défini, à l’instar de Martinius58. Leur approche l’a finalement emporté sur celle des autres délégués britanniques. Davenant soutenait une forme sophistiquée de ce qu’on appelle aujourd’hui l’universalisme hypothétique59, ce qui a contribué à la soumission britannique. Cette approche affirmait clairement, pour commencer, que « le Christ est mort pour les élus en vertu d’une intention et d’un amour particuliers de Dieu le Père et du Christ, afin qu’il puisse vraiment obtenir et leur conférer infailliblement le pardon des péchés et le salut éternel ». Pour rendre cela effectif, Dieu donne aussi la foi et la persévérance à ceux qui sont élus ; ils ne sont pas sauvés « s’ils le veulent », mais « parce que Dieu le veut »60. Jusqu’ici, c’est antiarminien61. Mais en plus de cela, le rapport britannique attribuait une seconde intention à la croix : de même Christ

est mort pour tous, afin que tous et chacun, par la foi, puisse obtenir la rémission des péchés, et la vie éternelle en vertu de cette rançon62. Mais le Christ est ainsi mort pour les élus, afin que par le mérite de sa mort d’une manière particulière […] ils puissent obtenir infailliblement la foi et la vie éternelle63.

Ainsi, en plus de mourir efficacement pour les élus, le Christ avait aussi l’intention de mourir conditionnellement pour tous. Comme Davenant l’a expliqué plus tard, « la volonté ou l’intention divine désigne parfois simplement le choix des moyens pour parvenir à une fin, bien qu’il n’existe en Dieu aucune volonté déterminée de produire cette fin par ces moyens »64. Cela semble conjuguer l’insistance réformée sur une volonté unique et simple de Dieu et les distinctions arminiennes concernant la contingence ; c’est dans les grandes lignes la même via media que celle suggérée par l’évêque anglican John Overall dans un document influent, où il parle aussi d’une seconde « intention conditionnelle » de Dieu comme étant derrière la grâce générale de la promesse évangélique65.

De plus, comme l’explique une lettre des théologiens britanniques à l’archevêque de Cantorbéry, il y a « quelques fruits de la mort du Christ, non compris dans le décret d’élection, mais accordés plus généralement, bien que limités à l’Eglise visible (à savoir des grâces véritables et spirituelles accompagnant l’Evangile, et accordées à quelques non-élus) »66. Autrement dit, il y a des bienfaits spirituels indépendants de la conversion (comme ceux dont il est question en Hébreux 6.4-5) qui sont mérités par la croix et dispensés à ceux qui ne sont pas élus67. Il faut toutefois noter qu’ils ne sont disponibles que « dans l’Eglise » (l’Eglise visible), selon les Britanniques68. La Parole et l’Esprit sont inséparablement unis dans le ministère de la parole, affirmaient-ils, de sorte que lorsque l’Evangile est proclamé, l’Esprit est à l’œuvre, même parmi les non-élus. La Parole « s’insinue dans les recoins les plus secrets de l’âme » pour éveiller les croyants ou éventuellement endurcir les obstinés69.

Beaucoup ont estimé que les Britanniques avaient joué un rôle majeur dans l’assouplissement des Canons de Dordrecht sur ce point de doctrine, en particulier concernant la suffisance et l’appel évangélique70. De toute évidence, leurs points de vue ont été grandement respectés71 et ils se sont montrés utiles dans la gestion de nombreux différends. Pourtant, les déclarations synodales finales sur la suffisance peuvent être comprises de manière satisfaisante comme reflétant l’opinion majoritaire du synode, sans supposer qu’un contrepoids britannique ait été nécessaire pour compenser l’aversion des Genevois pour ce concept. En tout état de cause, les Britanniques n’ont pas utilisé la distinction classique suffisant-efficace dans leurs observations. Ils étaient divisés entre eux sur la question de savoir si le langage universel dans des versets tels que 1 Jean 2.2 (en partie repris dans leur livre de prière) devait être limité aux seuls élus72. Il se peut que cela n’ait pas non plus été défini dans les articles en raison des interrogations britanniques, mais là encore, il s’agit d’une spéculation73.

Les questionnements britanniques sont probablement à l’origine de l’énoncé de la promesse évangélique de l’article II, v. Celui-ci n’étend toutefois pas la grâce au-delà des élus per se, comme Davenant l’aurait souhaité, ni ne propose une nouvelle alliance inconditionnelle pour les élus à côté d’une alliance évangélique conditionnelle pour tous74, ni même n’associe la suffisance théorique à la proclamation universelle. Or ce que Davenant voulait protéger au moyen de sa théorie de la double intention, c’était l’idée que si certains ne sont pas sauvés, « cela vient d’eux seuls, et de la dureté de leur cœur repoussant les moyens du salut »75. Les Canons, comme plusieurs délégations, ont exprimé exactement cela à l’article II, vi, sans qu’il soit nécessaire de postuler que la volonté éternelle de Dieu est soumise à la contingence ou à la conditionnalité. L’article II, viii affirmait que « Dieu a voulu que Jésus-Christ […] rachetât efficacement […] tous ceux, et ceux-là seulement, qui de toute éternité ont été élus », mais cela offrait une porte de sortie à Davenant et d’autres en ne niant pas réellement une rédemption universelle ultimement inefficace, malgré le rachat efficace des élus76. D’autres déclarations réformées sur le sujet étaient formulées de manière à exclure ce point de vue, mais Dordrecht s’est abstenu de le faire77. Sans la pression britannique sur le synode sur ces points, les Canons n’auraient peut-être pas été aussi soigneusement énoncés.

Le délégué genevois Giovanni Diodati s’est plaint que les Anglais étaient « si scrupuleux et spéculatifs » sur ces questions et faisaient tant de difficultés qu’il avait fallu beaucoup de temps et d’efforts pour trouver « le point central »78. Mais il ne voyait pas leur universalisme hypothétique comme une grave menace pour l’unité réformée79. Walter Balcanquhall a rapporté à l’ambassadeur britannique, à la fin de toute la dispute, qu’en ce qui concernait l’expiation,

il n’y a pas eu d’accord aussi uniforme dans la manière de formuler ce deuxième article que pour le premier : mais il y a certainement eu un accord plus grand que ce qu’on pouvait espérer de la part d’un si grand nombre de savants concernant un article si difficile et controversé80.

III. Après le synode

Aussitôt après le synode, environ deux cents remonstrants ont été privés de leur droit de prêcher par les autorités. Un cinquième d’entre eux sont rentrés dans le rang par la suite et ont été réintégrés, tandis qu’environ soixante-dix ont accepté de ne pas prêcher ou enseigner mais de mener une vie tranquille en tant que citoyens privés. Les autres, qui ont refusé de suivre l’une ou l’autre de ces voies, ont été bannis des Provinces-Unies, qui pouvaient difficilement se permettre des conflits internes ou une guerre civile potentielle, alors que la trêve de douze ans avec l’Espagne prenait fin et que l’Europe se préparait à ce qui allait devenir la guerre de Trente Ans81. Pour achever sa consolidation du pouvoir dans les provinces fragmentées, le prince d’Orange a veillé à ce que son rival (et protecteur des arminiens) van Oldenbarnevelt soit exécuté avant que ce conflit sanglant et religieux n’éclate. Hugo Grotius a été emprisonné mais s’est rapidement évadé vers la France catholique romaine, où d’autres dirigeants arminiens ont également fui. Les délégations étrangères ont exhorté les Néerlandais à la douceur et à la paix au moment de leur départ et, en effet, la Fraternité des remonstrants a été ouvertement tolérée après quelques années, mais en dehors de l’Eglise nationale officielle.

L’Eglise réformée française, dont les délégués avaient été tenus à l’écart du synode, a adopté les Canons comme normatifs pour les Eglises et les universités82. Il y a également eu des tentatives en Angleterre, alors que l’arminianisme commençait à y faire son apparition, d’apporter la paix à l’Eglise en adoptant officiellement les Canons à côté des Trente-Neuf Articles, mais elles se sont finalement avérées infructueuses83. En 1646, cependant, l’Assemblée de Westminster a débattu de la question de l’étendue de l’expiation et les divisions de Dordrecht ont jeté leur ombre sur les débats, avec la reconnaissance de toute une gamme d’opinions réformées84. Les Canons de Dordrecht ont depuis lors été acceptés comme faisant partie de la composition confessionnelle de plusieurs dénominations et institutions du monde entier et, étant donné leur noble origine, sont souvent considérés comme une pierre de touche de l’orthodoxie réformée.

Le fait que les Canons de Dordrecht aient soigneusement laissé certaines questions en suspens et qu’ils aient été conçus de manière à permettre l’adhésion de Davenant et Ward est significatif. Il a été suggéré que Davenant adhérait à une conception amyraldienne de l’ordre des décrets de Dieu – avant Amyraut. Il n’y a pas réellement de preuve à l’appui de cette supposition85, mais il est clair que Davenant a adopté une variante de l’universalisme hypothétique réformé. Il n’est pas vrai que la position d’Overall-Davenant (partagée dans une large mesure par d’autres, comme l’archevêque Ussher) ait représenté la position définitive de l’Eglise d’Angleterre sur le sujet, comme le prétend Peter White86. Les autres délégués britanniques ne le pensaient pas, pas plus que l’archevêque de Cantorbéry87. Il restait de nombreuses batailles à mener pour établir le point de vue officiel de l’Eglise anglicane88.

Ceux qui ont adhéré depuis aux variantes réformées de l’universalisme hypothétique se sont parfois qualifiés de « calvinistes quatre points ou quatre points et demi ». Toutefois, cette désignation pourrait bien être techniquement inexacte pour certains. Malgré des désaccords avec d’autres délégations, Davenant et Ward ont souscrit volontiers à la déclaration initiale du « calvinisme cinq points ». Il est alors possible que d’autres, qui adoptent un point de vue moins « strict », non genevois, sur cette question, puissent aussi revendiquer, historiquement parlant, les cinq pétales de la TULIP(E). De toute évidence, Richard Baxter estimait être en accord avec Dordrecht, malgré son célèbre désaccord avec John Owen sur la question89. Il a déclaré en effet que « les décrets doctrinaux du Synode de Dordrecht sont si modérés et bienfaisants que là où la violence a été écartée et la raison utilisée, beaucoup ont été pacifiés par eux »90. Mais la question est de savoir si lui ou les universalistes hypothétiques d’aujourd’hui sont aussi prudents que les Britanniques à Dordrecht pour éviter la pente glissante de l’arminianisme, et si les réformés sont maintenant aussi disposés qu’à Dordrecht à tolérer une certaine diversité dans leurs solides débats internes, et à éviter également un hypercalvinisme faisant obstacle à l’évangélisation.


  1.  Article traduit de l’anglais avec permission. L’article original a été publié dans Unio cum Christo, vol. 4, no 2, octobre 2018. Une version plus longue et plus détaillée a été publiée sous le titre “The Synod of Dort and Definite Atonement”, in From Heaven He Came and Sought Her : Definite Atonement in Historical, Biblical, Theological, and Pastoral Perspective, sous dir. David Gibson et Jonathan Gibson, Wheaton, Crossway, 2013, p. 143-163 ; voir aussi W. Robert Godfrey, “Tensions within International Calvinism : The Debate on the Atonement at the Synod of Dort” (thèse de doctorat, Stanford University, 1974) ; Stephen Strehle, “The Extent of the Atonement and the Synod of Dort”, Westminster Theological Journal 51.1, 1989, p. 1-23 ; and Michael Thomas, The Extent of the Atonement : A Dilemma for Reformed Theology, Carlisle, Paternoster, 1997.↩︎

  2.  Nicholas Tyacke, Anti-Calvinists : The Rise of English Arminianism, Oxford, Clarendon Press, 1987 ; Peter White, Predestination, Policy and Polemic, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; et Anthony Milton, The British Delegation and the Synod of Dort, Woodbridge, Boydell, 2005.↩︎

  3.  Christiane Berkvens-Stevelinck, Jonathan Irvine Israel et G.H.M. Posthumus Meyjes, sous dir., The Emergence of Tolerance in the Dutch Republic, Leiden, Brill, 1997, p. 41.↩︎

  4.  Jean-Baptiste Stouppe, La Religion des Hollandais, Cologne, 1673, p. 32, 79.↩︎

  5.  Voir Judith Pollmann, “The Bond of Christian Piety”, in Calvinism and Religious Toleration in the Dutch Golden Age, sous dir. Ronnie Po-Chia Hsia et Henk van Nierop, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 56.↩︎

  6.  Jonathan Israel, The Dutch Republic : Its Rise, Greatness, and Fall, Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 676. Cf. Joke Spaans, “Religious Policies in the Seventeenth-Century Dutch Republic”, in Po-Chia Hsia et van Nierop, Calvinism and Religious Toleration, p. 72-86.↩︎

  7.  Jonathan Israel, Dutch Republic, p. 362.↩︎

  8.  Carl Bangs, Arminius : A Study in the Dutch Reformation, Nashville, Abingdon, 1971, p. 140-146.↩︎

  9.  La Remonstrance était en harmonie avec l’enseignement d’Arminius, bien que non inspirée par lui seul, et la théologie arminienne s’est développée davantage après sa mort.↩︎

  10.  Lambertus Jacobus van Holk, “From Arminius to Arminianism in Dutch Theology”, in Man’s Faith and Freedom : The Theological Influence of Jacobus Arminius, sous dir. Gerald McCulloh, Eugene, Wipf & Stock, 2006, p. 41.↩︎

  11.  Philip Schaff, The Creeds of Christendom, vol. 3, The Creeds of the Evangelical Protestant Churches, New York, David McKay, 1877, p. 546, citant Jn 3.16 et 1Jn 2.2.↩︎

  12.  Cf. l’évaluation de Jan Rohls, “Calvinism, Arminianism and Socinianism in the Netherlands until the Synod of Dort”, in Socinianism and Arminianism : Antitrinitarians, Calvinists and Cultural Exchange in Seventeenth-Century Europe, sous dir. Martin Mulsow et Jan Rohls, Leiden, Brill, 2005, p. 19.↩︎

  13.  Peter Y. De Jong, Crisis in the Reformed Churches : Essays in Commemoration of the Great Synod of Dort, Grand Rapids, Reformed Fellowship, 1968, p. 247-250.↩︎

  14.  William den Boer, God’s Twofold Love : The Theology of Jacob Arminius, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2010, p. 234. Cf. The Writings of James Arminius, Grand Rapids, Baker, 1956, 3, p. 345-346.↩︎

  15.  Acta Synodi Nationalis, Leiden, 1620, 1, p. 78-126 ; 3, p. 88-153. Voir Donald Sinnema, Christian Moser et Herman Selderhuis, sous dir., Acta et Documenta Synodi Nationalis Dordrechtanae, 1618-1619, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2015.↩︎

  16.  John Hales, Golden Remains of the Ever Memorable Mr. John Hales, London, imprimé par Tho. Newcomb, pour Robert Pawlet, 1673, 2, p. 73 ; Nicholas Tyacke, Anti-Calvinists, p. 95.↩︎

  17.  Frederick Calder, Memoirs of Simon Episcopius, New York, T. Mason et G. Lane, 1837, p. 327.↩︎

  18.  Acta, 1, p. 113, p. 116-118.↩︎

  19.  Plusieurs sessions du synode ont été consacrées à la lecture des pages. Voir, par exemple, John Hales, Golden Remains, 2, p. 108, 113.↩︎

  20.  Voir la fin de « Præfatio ad Ecclesias », in Acta, 1.↩︎

  21.  En français : corruption totale, élection inconditionnelle, expiation limitée, grâce irrésistible et persévérance des saints.↩︎

  22.  William Aglionby, The Present State of the United Provinces, London, John Starkey, 1669, p. 283, parle d’une époque où « l’engouement pour les tulipes régnait sur tous les Pays-Bas ». Il n’est donc pas tout à fait inapproprié d’associer cette fleur à un synode hollandais !↩︎

  23.  L’expiation définie ne portait pas le nom d’« expiation limitée » aux xvie, xviie ou xviiie siècles, bien que le mot « limitée » ait parfois été utilisé, comme dans William Troughton, Scripture Redemption, Restrayned and Limited, London, imprimé par J.M. pour L. Chapman, 1652.↩︎

  24.  Alan Sell, The Great Debate : Calvinism, Arminianism and Salvation, Eugene, Wipf & Stock, 1998, p. 14. Richard A. Muller, “How Many Points ?”, Calvin Theological Journal 28, 1993, p. 425-433.↩︎

  25.  Canons de Dordrecht : le solide fondement, Kerygma, Aix-en-Provence, 1988, articles II, i-ii, p. 51.↩︎

  26.  Voir Catéchisme de Heidelberg, 10-13.↩︎

  27.  Acta, 1, p. 116.↩︎

  28.  Voir Peter Lombard, Sententiae 3.20.5. Cf. Lee Gatiss, For Us and For Our Salvation, p. 66.↩︎

  29.  Collatio Scripto Habita Hagae Comitis, p. 139.↩︎

  30.  Acta, 3, p. 139.↩︎

  31.  Acta, 2, p. 86, 89 ; 3, p. 88, 117 ; Catéchisme de Heidelberg, 14-18.↩︎

  32.  Acta, 2, p. 101.↩︎

  33.  W. Robert Godfrey, “Reformed Thought on the Extent of the Atonement to 1618”, Westminster Theological Journal 37.2, 1975, p. 142.↩︎

  34.  Acta, 3, p. 107-108.↩︎

  35.  Acta, 2, p. 120.↩︎

  36.  Articles II, iii-iv, p. 52.↩︎

  37.  Voir Richard A. Muller, Dictionary of Latin and Greek Theological Terms, Grand Rapids, Baker, 1985, p. 190-191.↩︎

  38.  Les Britanniques ont parlé du thesaurus meritorum, « trésor de mérites », du Christ (Acta, 2, p. 79), ce qui rappelle la terminologie médiévale, mais est une manière différente de discuter de la suffisance.↩︎

  39.  Aquinas, Summa Theologiae III, Q. 26, Art. 2 ; Lombard, Sentences 3.19.6-7 ; John Owen, Χριστολογία (London, 1679), p. 312-313 ; Westminster Confession, 8.7.↩︎

  40.  Cf. Augustine, Enchiridion, p. 108 ; Lombard, Sentences 3.2.3.2.↩︎

  41.  Voir Anthony Milton, British Delegation, 215 ; John Hales, Golden Remains, 2, p. 130-131.↩︎

  42.  Acta, 2, p. 78-79. La seconde était fondée sur les mérites de la première.↩︎

  43.  Thomas, Extent, p. 149.↩︎

  44.  Godfrey, “Tensions”, p. 268.↩︎

  45.  Voir articles I, v, iii/IV, ix.↩︎

  46.  Acta, 1, p. 113-114, 116.↩︎

  47.  Rejet des erreurs II, iii, p. 56-57.↩︎

  48.  Richard A. Muller, God, Creation, and Providence in the Thought of Jacob Arminius, Grand Rapids, Baker, 1991, p. 189.↩︎

  49.  Raymond A. Blacketer, “Definite Atonement in Historical Perspective”, in The Glory of the Atonement : Biblical, Historical and Practical Perspectives : Essays in Honor of Roger Nicole, sous dir. Charles E. Hill et Frank A. James, Downers Grove, InterVarsity Press, 2004, p. 311.↩︎

  50.  Rejet des erreurs II, i, p. 55.↩︎

  51.  Voir Rejet des erreurs II, vi, p. 58-59, sur l’usage arminien de cette distinction comme introduisant « le venin pernicieux du pélagianisme ».↩︎

  52.  Acta, 2, p. 96-97. D’autres s’appuyaient aussi sur Jean 17.9 pour associer sacrifice et intercession du Christ, excluant les réprouvés de l’un comme de l’autre.↩︎

  53.  John Hales, Golden Remains, 2, p. 101, 182.↩︎

  54.  Martinius n’y a jamais donné suite.↩︎

  55.  John Hales, Golden Remains, 2, p. 109.↩︎

  56.  Hales dit que Martinius « adhérait en effet aux principes des remonstrants » (Golden Remains, 2, p. 131) ; Acta, 2, p. 103-108.↩︎

  57.  Ibid., p. 216-222.↩︎

  58.  Voir Anthony Milton, British Delegation, p. 201-203.↩︎

  59.  Voir sa Dissertationes duæ : Prima de morte Christi, Cambridge, Ex officina R. Daniel, 1650, et Jonathan D. Moore, English Hypothetical Universalism : John Preston and the Softening of Reformed Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 2007, p. 187-213.↩︎

  60.  Acta, 2, p. 78.↩︎

  61.  La première des trois « thèses hétérodoxes » rejetées par les Britanniques réfute également l’idée que la seule intention de Dieu en envoyant le Christ était « suspendue à l’acte contingent de la foi de l’homme » (Acta, 2, p. 81).↩︎

  62.  The Collegiat Suffrage of the Divines of Great Britain, London, R. Milbourne, 1629, p. 47, ajoute « a payé une fois pour toute l’humanité ».↩︎

  63.  Acta, 2, p. 79.↩︎

  64.  Anthony Milton, British Delegation, p. 399.↩︎

  65.  Cambridge University Library, MS Gg/1/29, fo. 6v.↩︎

  66.  John Hales, Golden Remains, 2, p. 185.↩︎

  67.  Ibid., 2, p. 187.↩︎

  68.  Acta, 2, p. 79.↩︎

  69.  Collegiat Suffrage, p. 52. L’article III-IV, ix des Canons de Dordrecht semble refléter ce point de vue, lorsqu’il dit que « divers dons » sont conférés par Dieu à ceux qui sont appelés par le ministère de la Parole, même s’ils ne viennent pas au Christ.↩︎

  70.  Peter White, Predestination, p. 191 ; Godfrey, “Tensions”, p. 263-264 ; et Moore, English Hypothetical Universalism, p. 213.↩︎

  71.  Le point de vue britannique est toujours placé en premier dans les textes développant les prises de position étrangères dans les Acta, ce qui indique une certaine mise à l’honneur.↩︎

  72.  John Hales, Golden Remains, 2, p. 101, 130-131 ; Anthony Milton, British Delegation, p. 215.↩︎

  73.  Nicholas Tyacke, Anti-Calvinists, p. 98. Nous attendons une étude définitive par Sinnema et Milton des documents épars relatifs à la formation des Canons, qui nous éclaireront sur ces questions.↩︎

  74.  Le schéma d’alliance de Davenant, tel que compris par Milton, British Delegation, p. 398-399.↩︎

  75.  Ibid., p. 397, 401.↩︎

  76.  Jonathan D. Moore, “The Extent of the Atonement”, in Drawn into Controversie : Reformed Theological Diversity and Debates within Seventeenth-Century British Puritanism, sous dir. Michael A.G. Haykin et Mark Jones, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011, p. 145-146.↩︎

  77.  Synopsis Purioris Theologiae, Leiden, 1625, XXIX.xxix, dit : « La fin, l’objet et le ‹pour qui› (ᾧ ou cui) de la satisfaction est seulement les élus et les vrais croyants. »↩︎

  78.  MS Lullin 53, fols. 55r-55v.↩︎

  79.  Nicolas Fornerod, “A Reappraisal of the Genevan Delegation”, in Revisiting the Synod of Dort, 1618-1619, sous dir. Aza Goudriaan et Fred A. van Lieburg, Brill’s Series in Church History 49, Leiden, Brill, 2011, p. 211.↩︎

  80.  John Hales, Golden Remains, 2, p. 132.↩︎

  81.  Israel, Dutch Republic, p. 462-463 ; Spaans, “Religious Policies”, p. 78 ; Archibald Harrison, Beginnings of Arminianism to the Synod of Dort, London, University of London Press, 1926, p. 287-288.↩︎

  82.  Articles Agreed on in the National Synode of the Reformed Churches of France, Held at Charenton, Oxford, imprimé par John Lichfield et James Short, 1624.↩︎

  83.  Anthony Milton, British Delegation, p. 383. Nicholas Tyacke, Anti-Calvinists, p. 152, 170, 176-177.↩︎

  84.  Voir mes deux chapitres sur l’Assemblée de Westminster in Lee Gatiss, Cornerstones of Salvation : Foundations and Debates in the Reformed Tradition, Welwyn, Evangelical Press, 2017, p. 117-158.↩︎

  85.  Moore, English Hypothetical Universalism, p. 188, n. 74, contre Thomas, Extent, p. 151, 165.↩︎

  86.  Peter White, Predestination, p. 191.↩︎

  87.  Anthony Milton, British Delegation, p. 215. George Carleton savait que certains évêques adhéraient à un point de vue plus arminien sur l’expiation, mais il confessa : « Je n’ai jamais pensé que leurs opinions étaient la doctrine de l’Eglise d’Angleterre. » (John Hales, Golden Remains, 2, p. 180)↩︎

  88.  Voir Henry Hickman, Historia Quinq-Articularis Exarticulata, London, imprimé pour Robert Boulter, 1673. Pour le siècle suivant, Augustus Toplady, Historic Proof of the Doctrinal Calvinism of the Church of England, London, imprimé pour George Keith, 1774, est une défense classique des références réformées anglicanes sur ce point et sur d’autres.↩︎

  89.  Dans Richard Baxter’s Confession of His Faith, London, 1655, p. 25, Baxter écrit : « Dans l’article sur l’étendue de la rédemption, par rapport auquel je suis le plus suspecté et accusé […] je souscris au Synode de Dordrecht, sans aucune exception, restriction ou interrogation quant aux termes employés. » Voir Hans Boersma, A Hot Pepper Corn : Richard Baxter’s Doctrine of Justification in its Seventeenth-Century Context of Controversy, 1993, repr., Vancouver, Regent College, 2004, p. 209-219.↩︎

  90.  Richard Baxter, The True History of Councils, London, T. Parkhurst, 1682, p. 184. Cf. le point de vue de Baxter sur Dordrecht in Catholick Theologie, London, imprimé par Robert White, pour Nevill Simmons, 1675, I, i, p. 124-126 ; ii, p. 51-54 ; iii, p. 67-69 ; II, p. 57-59, 61, et Universal Redemption of Mankind, London, pour John Salusbury, 1694.↩︎

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