LES EXUTOIRES DE LA MORT : la réincarnation, le purgatoire, l’annihilationisme

LES EXUTOIRES DE LA MORT :
la réincarnation, le purgatoire, l’annihilationisme

Daniel SAGLIETTO*

Lors d’un sondage CSA/La Vie/Le Monde fait en 2003[1], à la question : « Selon vous qu’y a-t-il après la mort ? », 39 % répondirent « rien », 33% « je ne sais pas », 16% « l’immortalité de l’âme », 6% « la réincarnation » et 4% « la résurrection des morts ». Ainsi, plus de 70% de la population française entrevoyait la mort comme un néant ou une terre inconnue. Puis, à la question sur l’existence d’un jugement après la mort, 60% n’y croyaient pas (contre 54% en 1994) et 74% disaient ne pas croire à l’enfer (contre 61% en 1994). Ainsi, ce qui se passe après la mort semble inconnu à la plupart de nos contemporains, qui ne désirent pas y associer les notions de jugement ou de peines éternelles. La grande diversité  des réponses à cette question constitue comme un trésor pour nos contemporains qui leur permet d’apprivoiser quelque temps leur gêne, voire leur crainte, face à la mort. Ces réponses ne constituent pas toujours une nouveauté liée à notre temps, car elles sont souvent l’expression d’anciennes croyances plus ou moins dépoussiérées grâce à un jeu herméneutique subtil afin de les rendre plus acceptables par la mentalité matérialiste et consumériste de notre société.

Nous allons étudier trois de ces exutoires qui permettent à l’être humain d’apaiser sa gêne et sa peur face à l’inconnu : la réincarnation, le purgatoire et l’annihilation. Cette peur n’est pas forcément mauvaise, car « elle est saine, et salutaire, quand elle représente la prise au sérieux d’un danger réel et qu’elle dissipe l’inconscience ou les illusions du divertissement ‹pascalien›[2] ». Mais ces trois sorties de secours ne sont pas des solutions acceptables. Le troisième exutoire (l’annihilationisme) retiendra davantage notre attention, car cette conception de l’après-mort a été acceptée, ces trente dernières années, par nombre d’évangéliques, dont certains étaient et sont des théologiens de renom.

I. La réincarnation

Les origines de la réincarnation (dans le monde occidental) remontent au système de croyance des communautés orphiques (VIe siècle av. J.-C.), qui conjugue immortalité et cycle de réincarnation. En effet, « exilée dans le corps, l’âme doit échapper à la triste nécessité des réincarnations, elle ne peut le faire que par l’ascèse et l’initiation orphique[3] ». L’orphisme[4] fait partie de la pensée grecque. Il a  fortement influencé Pythagore, qui y ajoutera la croyance en un nombre incalculable d’âmes qui flotteraient dans l’air. Platon  a été influencé à la fois par l’orphisme et par Pythagore. On le voit dans sa doctrine de la création des âmes d’après laquelle l’âme, après une première naissance, si elle n’honore pas les dieux, ne rejoint pas son astre correspondant et est réincarnée dans le corps d’une femme, puis dans un animal (métempsycose). Aristote a rejeté cette vision, car l’âme ne saurait exister sans le corps. Mais il ajoutera que seul le noûs (cœur intellectuel de l’âme) est immortel. Par la suite, les néoplatoniciens (Plotin…) réintroduiront la réincarnation et influenceront les Pères de l’Eglise (Origène, par exemple).

Ainsi, dans la pensée grecque, la réincarnation évoque, à la fois, une fatalité dont il s’agit de se libérer et une chance de libération. On trouve aussi, évidemment, les racines de la réincarnation en Orient, dans l’hindouisme[5] et le bouddhisme[6], dans lesquels elle est comprise comme le « cercle infernal de l’existence » dont il faut se libérer (un salut qui réside dans l’arrêt des retours sur terre). A noter que cela est différent de la vision assez positive occidentale qui voit dans la réincarnation une certaine grâce. Ce cycle, par un changement de corps, a pour but d’atteindre la liberté véritable (le nirvana). Et « le principe qui commande son voyage de corps en corps est le désir, ou loi du karma. L’homme de désir va, par la vertu du karma, au but auquel son esprit est attaché. La finalité de la spiritualité hindoue est de se délivrer de cet attachement karmique afin de pouvoir se fondre dans le brahnam[7]. »

Il faut souligner que l’hindouisme ne dit pas que c’est l’âme qui se réincarne mais le soi, « le principe d’identité personnelle (atman) qui habite en chacun de nous[8] ». L’hindouisme culmine ainsi dans une mystique de délivrance[9]. A la différence, le bouddhisme promet l’autodélivrance du monde de la souffrance. Il enseigne que les âmes sont impermanentes et il les considère comme un flux quasi informel en transformation incessante. Pourtant, à la mort, une flamme de vie (et non un principe personnel) demeure et va se réincarner : « Le but thérapeutique et spirituel du bouddhisme, c’est de se libérer du cycle des réincarnations, de ce qui fait retomber dans le kâma loca, le lieu du désir[10]. » C’est ce processus infernal de la réincarnation qui empêche d’atteindre le nirvâna[11]. Il est important de comprendre que le bouddhisme en tant que tel n’offre aucun appui à une philosophie de l’immortalité de l’âme. Finalement, « la réincarnation n’apparaît dans le bouddhisme que comme un reliquat hindou, qui passe en fait à l’arrière-plan[12] ». Le bouddhisme se préoccupe moins des questions métaphysiques que d’une qualité de vie « pour atteindre la libération des aliénations et des illusions de toutes sortes[13] ».

On retrouve les idées de la réincarnation dans les courants gnostiques[14] chrétiens du IIe siècle apr. J.-C., puis dans la cabale juive[15]. En effet, dans celle-ci, les âmes des justes rejoignent Dieu après la mort. Celles des pécheurs vont dans la géhenne, le lieu des tourments. Enfin, les âmes qui n’ont été  ni trop bonnes ni trop mauvaises passeront quelques mois dans la géhenne, puis obtiendront une nouvelle chance en revenant sur terre[16]. Cette croyance a connu un essor particulier après 1492, lorsque les Juifs ont été chassés d’Espagne[17]. De nos jours, elle fait toujours partie du paysage judaïque ; elle est avant tout source de consolation face aux souffrances et aux questions d’existence et de survie, tout en s’insérant dans les données les plus traditionnelles.

La réincarnation  a également reçu un accueil privilégié dans le monde philosophique occidental. Le philosophe G.E. Leising (1729-1781)[18] la considéra comme une hypothèse plausible, source d’un progressisme historique pour l’humanité. A la différence, Arthur Schopenhauer (1788-1860), au sein de son pessimisme existentiel radical, a réduit l’âme au simple « vouloir-vivre » et a considéré la réincarnation comme un cycle interminable de naissances[19] qui assure la transmigration de notre volonté individuelle. On retrouve aussi la réincarnation dans la théosophie moderne[20] : Allan Kardec (1804-1869), les Rose-Croix, Madame Blatvasky[21] (1831-1891), Annie Besant (1847-1933), qui avaient en commun leur désir de trouver dans leur système de pensée (dont la réincarnation est la pierre angulaire) « la consolation, une relativisation du mal et de la mort, une victoire sur la matière[22] ». Puis l’anthroposophie moderne[23] (Rudolf Steiner, 1861-1925), se basant sur la dichotomie aristotélicienne de l’âme (âme individuelle et âme en soi, noûs ou esprit), envisage l’homme comme trinitaire, de telle sorte que, seul, l’esprit est impérissable et transmet la vie à l’âme. Puis, l’âme « établit le lien entre le corps et l’esprit pendant chaque réincarnation terrestre[24] ». Ainsi, pour Steiner, la souffrance provient « d’une inadéquation de l’âme aux possibilités que lui offre la vie présente et non à une malédiction du corps[25] ». La réincarnation intervient ainsi comme le processus de libération, de développement et d’autorégulation. Elle se définit ainsi comme « une projection rationaliste et optimiste d’un désir d’immortalité et d’expériences sans limites, au détriment de l’expérience concrète que l’homme fait de tous les aspects, positifs et négatifs, de la réalité[26] ». La particularité de Steiner a été de lier sa pensée anthroposophique au Christ : il voit dans le Christ l’impulsion centrale et décisive de l’histoire mondiale ; l’incarnation de Christ serait, en effet, la partie visible d’un processus cosmique qui existait déjà sur terre et, grâce au cycle des réincarnations, il serait donné à tous de rencontrer le Christ[27].

Au terme de ce bref survol, il convient de noter que la réincarnation a marqué l’humanité depuis fort longtemps au travers de cultures assez différentes. Cela a mis en relief la question de la mortalité et du devenir à laquelle on a toujours essayé de trouver une réponse, mais une réponse qui écarte la transcendance exclusive du Créateur de l’homme. Or, comme le souligne justement Cornelius Van Til : « Le christianisme peut être démontré non comme ‹aussi bien que› ou même ‹meilleur› qu’une position non chrétienne, mais comme la seule position qui ne réduise pas l’expérience humaine à un non-sens[28]. » Nous allons donc montrer succinctement pourquoi la doctrine de la réincarnation n’est ni cohérente avec l’expérience humaine, ni compatible avec la foi chrétienne.

Tout d’abord, l’ensemble du témoignage biblique définit l’homme comme une unité (une âme vivante[29]) qui a été créée par Dieu ex nihilo. Le langage biblique désigne sans équivoque chaque être humain comme une créature[30] de Dieu. Bien que chaque individu ne soit pas le fruit d’une création comme celle d’Adam, il n’en demeure que tous les êtres humains sont des créatures de Dieu dont l’origine réside dans l’activité créationnelle de Dieu. Le fait que Dieu puisse œuvrer par le biais de causes secondes ne contredit pas cela[31]. La vision cyclique de la réincarnation est aux antipodes de la vision créationnelle de la Bible. Face à cela, la doctrine de la réincarnation produit des impossibilités logiques et éthiques :

La temporalité de l’existence humaine porte (…) en elle-même, tout à la fois, la promesse de la vie, le risque de l’échec, et la possibilité réelle de la mort. Déjà, la création comme telle donne à penser que la vie humaine est unique, puisque s’y jouent la vie et la mort de chaque individu. Vouloir multiplier les existences singulières et différer la prise de risque sur plusieurs vies successives, c’est, me semble-t-il, contredire le projet créateur de Dieu et la possibilité qu’il offre à l’homme d’être responsable[32].

Dans la Bible, l’identité personnelle est limitée à un lieu spatio-temporel défini. La parole du Christ au brigand sur la croix[33] en est un bel exemple, car elle souligne la continuité post mortem d’un être humain singulier et individuel, ainsi que le caractère irréversible de la mort.

La réincarnation est également incompatible avec la sotériologie biblique. Celle-ci dépeint le caractère limité de la vie humaine dans un cadre temporel terrestre, à savoir entre sa naissance et sa mort. En effet, l’homme naturel récolte ce qu’il a semé dans sa chair (Ga 6.8), ce qui souligne le déroulement linéaire de la vie entre la naissance et la mort avec la finalité eschatologique irréversible du jugement. Nous faisons face aux notions de jugement et de responsabilité qui sont inconciliables avec la réincarnation, car, « comme il est réservé aux hommes de mourir une seule fois, après quoi vient le jugement, de même Christ, qui s’est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra sans péché une seconde fois à ceux qui l’attendent pour leur salut[34] ». Le caractère unique et linéaire de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ constitue un paradigme normatif de la linéarité de la vie de chaque être humain. Il met en relief la finalité (l’étape nécessaire) du jugement de notre vie terrestre après la mort.

Ce caractère linéaire et irréversible est présent également dans la description paulinienne de la résurrection : « Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Semé corruptible, on ressuscite incorruptible. Semé méprisable, on ressuscite glorieux. Semé plein de faiblesse, on ressuscite plein de force. Semé corps naturel, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps naturel, il y a aussi un corps spirituel. C’est pourquoi il est écrit : Le premier homme, Adam, devint un être vivant. Le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant. Le spirituel n’est pas le premier, c’est ce qui est naturel ; ce qui est spirituel vient ensuite[35]. » Il n’existe donc pas, dans la pensée biblique, de notion de circularité de la vie. La résurrection est l’horizon eschatologique qui l’interdit : il y a continuité entre le corps semé naturel et le corps ressuscité incorruptible, comme cela a été le cas pour Christ. Même la question épineuse de l’état intermédiaire (l’état des morts avant le retour de Christ) ne permet pas d’envisager des successions de vies cycliques. La Bible considère, en effet, la mort physique comme irréversible[36] tout en soulignant une continuité de la personne : la rencontre du Christ avec Moïse et Elie sur le mont de la transfiguration en est un bel exemple[37].

La réincarnation constitue souvent un exutoire important pour l’homme d’aujourd’hui car, face à la souffrance et à la mort, elle lui apparaît comme la promesse d’un cheminement évolutif de sa propre vie au sein de laquelle l’épanouissement de son ego serait maître[38]. Alors qu’en fait elle n’est pas autre chose qu’une fuite de ses responsabilités vis-à-vis de son Créateur. Cette vision moderne de la réincarnation tire certainement son origine dans la rencontre de la pensée évolutionniste du XIXe siècle et l’idée gnostique du retour de l’âme vers son origine[39]. En effet : « A travers ce processus évolutif, l’Ego (le Soi, la racine supramentale et spirituelle qui transmigre de corps en corps) s’auto-réalise et, en quelque sorte, se divinise, en intégrant toujours plus les expériences accumulées[40]. » La réincarnation propose une maigre consolation et une espérance frelatée centrée sur l’homme. Contrairement à cela, la Bible offre une vision « qui respecte les limites de la condition humaine et qui donne les moyens de ne pas confondre Dieu et l’homme[41] » ; elle proclame un Evangile porteur d’une vraie espérance dont Jésus-Christ seul, le logos qui s’est incarné, est la source dans sa mort et sa résurrection.

II. Le purgatoire 

A l’opposé de la vision cyclique de la réincarnation, se trouve le purgatoire. Il désigne ce troisième lieu[42] (après le paradis et l’enfer) que le Catéchisme catholique définit de la manière suivante :

Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du ciel. L’Eglise appelle Purgatoire cette purification finale des élus qui est tout à fait distincte du châtiment des damnés. L’Eglise a formulé la doctrine de la foi relative au Purgatoire surtout aux Conciles de Florence (cf. DS 1304) et de Trente (cf. DS 1820 ; 1580). La tradition de l’Eglise, faisant référence à certains textes de l’Ecriture (par exemple 1Co 3, 15 ; 1P 1, 7), parle d’un feu purificateur (…)[43].

Ce troisième lieu, qui est défini comme un état dans la doctrine catholique, fait partie des points majeurs inconciliables avec la doctrine biblique réformée. Quelle en est l’origine ? On peut trouver les premières racines du purgatoire chez certains Pères de l’Eglise du IVe siècle qui pensaient que « les âmes de certains pécheurs pouvaient peut-être être sauvées pendant cette période en subissant probablement une épreuve ». Mais on ne trouvera le purgatoire en tant que croyance qu’à partir du XIIe siècle : il s’installera, de façon claire, entre 1150 et 1250 et sera défini (de façon schématique) comme « le lieu de purification des péchés véniels[44] ». Sa naissance au cours du Moyen Age n’est pas un hasard, car sa formulation est étroitement liée aux transformations de la société, comme la « spacialisation » de la pensée[45] et l’abandon d’une vision binaire de la société (riches et pauvres, clercs et laïcs) et l’apparition d’une catégorie intermédiaire (classe moyenne ou tiers ordre). Le purgatoire a été une solution proposée au problème de la structure de l’autre monde. Nous pouvons citer comme racines interculturelles possibles qui auraient nourri la naissance du purgatoire, du moins son imagerie :

–  L’hindouisme, les croyances des « trois voies hindoues »[46] : on retrouvera dans le purgatoire les idées « d’une voie moyenne de salut, le passage à travers le feu, la dialectique entre les ténèbres et la lumière, les améliorations d’état entre la mort et le salut définitif, la fonction de l’au-delà comme réceptacle d’âmes qui seraient alors autrement vouées à l’errance des revenants[47] ».

–  L’Iran : l’omniprésence du feu, l’idée d’un pont qui relie la terre au ciel et « l’enfer mazdéen »[48] qui s’apparente fortement à l’idée du purgatoire.

–  L’Egypte : bien que la notion de purgatoire proprement dit ne soit pas présente, « le purgatoire infernalisé qu’on rencontrera souvent dans la chrétienté médiévale s’est sans doute en partie nourri de cet héritage égyptien », comme, par exemple, la prolifération de cartographies de l’au-delà, les peines effroyables présentes dans l’au-delà, les puits de feu et les abymes.

–  La Grèce et Rome : la descente aux enfers (catabase), dont l’une des plus connues est celle d’Ulysse dans le livre XI de l’Odyssée. La notion de purification, d’échelonnement des peines et de châtiment intermédiaire dans la vision dualiste platonicienne (avec entre autres la métempsycose).

–  Le récit de la descente aux enfers d’Enée dans l’Enéide de Virgile[49].

Les deux « inventeurs »[50] du purgatoire sont Clément d’Alexandrie (mort avant 215) et Origène (mort en 253/254). Pour Origène, la notion de « punir » était synonyme de celle d’éducation ; ainsi tout châtiment servirait au salut de l’homme[51], ce qui le poussa à voir l’enfer comme un purgatoire. Le Goff souligne avec justesse que

Origène pousse en effet à la limite la théorie de la purification, katharsis, qui lui vient de Platon, des orphiques et des pythagoriciens. Comme il ne peut admettre l’idée païenne grecque de métempsycose, de réincarnations successives, trop incompatible avec le christianisme, il croit à une variante de cette théorie qu’il estime pouvoir être chrétienne, la notion d’un progrès continu, d’un perfectionnement ininterrompu de l’âme après la mort qui lui permet, si pécheresse qu’elle ait pu être au départ, de retourner à la contemplation éternelle de Dieu, c’est l’apocatastase[52].

Mais c’est avec saint Augustin (354-430) que la doctrine du purgatoire va connaître une évolution importante, car, pour lui,

pour être sauvé du feu, il fallait avoir uni dans sa vie terrestre la foi et les œuvres. (…) Il ne faut pas simplement avoir dispensé les aumônes, il faut « avoir changé en mieux sa vie » et, en particulier, il faut s’être livré à une pénitence convenable et avoir fourni satisfaction, c’est-à-dire avoir accompli une pénitence canonique. Dans ce cas, la rémission pourra être achevée après cette vie grâce à un « certain feu purgatoire » sur lequel Augustin ne semble pas bien fixé mais qui est différent du feu éternel, du feu de l’enfer[53].

Saint Augustin avait ainsi admis l’existence d’un feu purgatoire. Ceci est important, car c’est sa conception qui, dans la préhistoire du purgatoire, décrit cette réalité prépurgatoire jusqu’au XIIe siècle et en restera un élément essentiel[54].

Ensuite, après une croissance d’écrits et de réflexions sur ce « feu purgatoire » jusqu’à la période médiévale, on peut situer la naissance du purgatoire avec l’apparition du terme « purgatoire » dans sa forme nominale et par la systématisation du terme purgatoire. Ce terme était déjà utilisé en tant qu’adjectif – feu purgatoire –, mais sa forme nominale faisait défaut. Cette utilisation se situe dans la transition du XIIe au XIIIe siècle, en plein essor de la scolastique[55], qui a fait suite à un XIIe siècle très riche en réflexions et en écrits sur le feu purgatoire. Le Goff  attribue cette nouveauté au milieu intellectuel parisien (école cathédrale du chapitre de Notre-Dame) et aux moines cisterciens de Cîteaux :

C’est au carrefour des deux milieux, entre 1170 et 1200, peut-être dans la décennie 1170-1180, sûrement dans les dix dernières années du siècle, qu’apparaît le purgatoire[56].

En 1254, le pape Innocent IV donnera la première définition du purgatoire[57] et la doctrine du purgatoire sera consolidée par les écrits de Thomas d’Aquin, qui en défend l’existence, lors du second concile de Lyon (1274)[58] (ses idées seront reprises dans le supplément de sa Somme théologique[59]). Ceci ne fera qu’approfondir le gouffre qui existe entre la théologie d’Orient et d’Occident. Les Grecs reprochent, en effet, aux Latins l’absence totale de cette doctrine dans les Ecritures et la considèrent comme une hérésie.

A noter, aussi, le rôle important que joua Dante au travers de sa composition de la Divina Comedia[60] (dont les deux premiers cantiques – « L’Enfer » et « Le Purgatoire » – furent achevés en 1319), en stigmatisant l’imaginaire de son temps et des siècles à venir dû à l’horreur et à l’effroi de ces deux dogmes. A la suite du concile de Florence (1439) qui confirmera cet enseignement, le concile de Trente (1545-1563, Session XXV) a proclamé, de nouveau, face aux accusations du mouvement de la Réforme, la doctrine du purgatoire comme étant une doctrine scripturaire. Enfin, de nos jours, la doctrine du purgatoire demeure un dogme canonique de l’Eglise catholique romaine. Le Compendium du Catéchisme de l’Eglise catholique (2005) définit le purgatoire comme « l’état de ceux qui meurent dans l’amitié de Dieu, assurés de leur salut éternel, mais qui ont encore besoin de purification pour entrer dans le bonheur du Ciel[61] ». Le pape Benoît XVI y fit allusion dans l’encyclique Spe Salvi (2007) :

L’Orient ignore la souffrance purificatrice et expiatoire des âmes dans « l’au-delà », mais connaît, de fait, divers degrés de béatitude ou aussi de souffrance dans la condition intermédiaire. Cependant, grâce à l’Eucharistie, à la prière et à l’aumône, « repos et fraîcheur » peuvent être donnés aux âmes des défunts. Que l’amour puisse parvenir jusqu’à l’au-delà, que soit possible un mutuel donner et recevoir, dans lequel les uns et les autres demeurent unis par des liens d’affection au-delà des limites de la mort – cela a été une conviction fondamentale de la chrétienté à travers tous les siècles et reste aussi aujourd’hui une expérience réconfortante[62]

En tant qu’exutoire, le purgatoire offre une note d’espérance pour soi et pour les proches. Bien qu’étant inconciliable avec l’enseignement de la réincarnation, il génère, il faut le remarquer, une espérance tout aussi cyclique que la réincarnation :

La dévotion qui s’exprime par les autels et les ex-voto aux âmes du purgatoire montre que, désormais, non seulement ces âmes acquièrent des mérites, mais elles peuvent les reporter sur les vivants, leur retourner, leur rendre assistance. (…) Le système de la solidarité entre les vivants et les morts à travers le purgatoire est devenu une chaîne circulaire sans fin, un courant de réciprocité parfaite[63].

Elle est ainsi une négation de la responsabilité irréversible de l’individu durant sa vie terrestre, ce qui constitue, d’un point de vue fonctionnel, une fuite devant la responsabilité de l’homme dans sa vie personnelle face à son Créateur. Jacques Le Goff se demande si le purgatoire n’aurait pas été le « prix payé par l’Eglise pour conserver l’arme absolue, la damnation[64] ». Finalement, le purgatoire serait-il un exutoire à la fois pour l’Eglise catholique et pour le pratiquant : un baume, chez la première, afin faire accepter le dogme de l’enfer, et une seconde chance et une fuite de ses responsabilités pour l’autre ?

Notre réponse, devant cet enseignement, ne peut être qu’un soupir douloureux et une aspiration à un retour à la vérité scripturaire qui se détache, à la fois, des apports mythologiques extérieurs et des interprétations erronées qui ont jalonné l’histoire de la tradition chrétienne. Les limites de cet article ne permettent pas de présenter une exégèse poussée des textes bibliques en question. Nous soulignerons seulement que l’exégèse catholique se révèle n’être qu’une eisegèse[65] accomplie au travers des lunettes de la tradition et de reliquats de la pensée platonicienne et orphique[66].

La Bible déclare le caractère irrévocable du jugement qui suit la mort, un jugement qui tiendra compte de la vie terrestre qui aura été vécue : « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps. » (2 Corinthiens 5.10, cf. Hébreux 9.27) Ainsi la pensée d’une seconde chance post mortem est totalement absente de la pensée biblique ; celui qui rejette l’œuvre propitiatoire du Christ meurt, en effet, dans ses péchés (Jean 8.24) et recevra nécessairement le salaire de ceux-ci. La distinction catholique entre péchés véniels et mortels est infondée, car les textes qui parlent d’un péché impardonnable (Matthieu 12.31) ou qui mène à la mort (1 Jean 5.16) doivent être interprétés selon l’analogie de la foi[67]. Le salaire du péché, quel qu’il soit, est la mort[68]. Jésus est venu couvrir nos péchés dans son œuvre expiatoire substitutive[69], tous nos péchés… sans aucune spécification. Ce don est offert à tous ceux qui sont unis à lui par le moyen de la foi. Ainsi, face aux deux versets évoquant un péché à caractère irréversible et considérant l’enseignement sotériologique biblique, nous ne pouvons accepter la distinction de l’exégèse catholique qui relève d’une lecture superficielle du texte. Le commentaire de Leon Morris sur Matthieu 12.31 offre une bonne piste de réflexion exégétique :

Le péché qui ne peut être pardonné ne peut être compris comme le simple fait d’un dire. Il est impossible de soutenir qu’une quelconque phrase puisse être impardonnable si, par la suite, le pécheur se repent et se tourne vers Dieu. Jésus est en train de parler d’une manière de vivre, et non d’un dire isolé. Quand une personne se met dans une position semblable à celle des pharisiens, et quand, non à cause d’une mauvaise compréhension, mais au travers d’une hostilité envers ce qui est bon, cette personne appelle le bien mal et, d’un autre côté, fait du mal son bien, alors celle-ci se place dans une position qui empêche le pardon. Ce n’est pas parce que Dieu refuse de pardonner ; mais c’est parce que la personne qui voit le bien comme mal et le mal comme bien est incapable de se repentir, et ainsi de venir humblement devant Dieu pour demander le pardon. Et il n’y a aucune voie autre vers le pardon que la repentance et la foi. (…) Les personnes dans une telle situation ne peuvent pas se repentir et rechercher le pardon : elles manquent du discernement du péché, elles rejettent la compétence de Dieu qui déclare ce qui est bon. C’est cette attitude continue qui est le péché ultime[70].

Ensuite, l’interprétation exclusive de séjour des morts (hades ou scheol) comme lieu du purgatoire est erronée. Ce terme est polysémique et peut désigner aussi bien le monde souterrain des esprits, un état de non-être, la mort ou la tombe[71]. C’est la raison pour laquelle les interprétations en faveur du purgatoire à partir du concept de séjour des morts ne peuvent pas être acceptées car, dans l’ensemble des cas, le terme pointe vers une réalité liée à la mort, mais jamais à la notion du purgatoire tel que celui-ci est défini dans la théologie catholique.

Finalement, les passages fameux qui parlent de l’évangile prêché aux morts (1 Pierre 3.19, 4.6) sont des passages complexes et difficiles, qui ne peuvent, en aucun cas, être utilisés pour établir un paradigme sotériologique. Ces  textes parlent clairement d’un événement qui a déjà eu lieu ; il n’est donc pas possible de le systématiser en vue d’obtenir un paradigme reproductible à l’infini. W. Grudem souligne que Pierre parle de « Christ ‹en esprit› qui était en Noé et qui prêchait au travers de lui la repentance et la justice à des incroyants qui étaient sur terre et qui sont dorénavant des ‹esprits en prison› (personnes en enfer)[72] ». Puis, en 1 Pierre 4.6, l’auteur parlerait de l’Evangile qui a été prêché à des personnes mortes maintenant, qui s’étaient repenties de leur vivant en écoutant cette prédication. Mais, encore une fois, ces textes parlent d’un événement qui a déjà eu lieu et non d’une autre possibilité de salut.

Ainsi, le purgatoire comme réponse à la question de la mort et de l’enfer ne peut pas être acceptée bien qu’elle apparaisse comme une seconde chance et une consolation pour le pécheur et les proches de celui-ci. Jésus-Christ seul demeure notre unique espérance et notre seule consolation accessibles exclusivement durant notre vie terrestre par le moyen de la foi. En effet, celui qui ne naît pas de nouveau ne peut pas entrer dans le royaume de Dieu.

III.  L’annihilationisme  

L’annihilationisme est une question épineuse et très sensible, étant d’abord un refus, très souvent émotionnel, de la vision traditionnelle de la manifestation eschatologique du jugement de Dieu. Certains l’ont justifié avec des arguments assez osés comme celui-ci :

Laissez-moi vous dire que je considère que le concept de l’enfer comme tourment physique et psychique éternel est une doctrine scandaleuse, une énormité théologique et morale, une mauvaise doctrine traditionnelle qui doit être changée. Comment les chrétiens peuvent-ils décrire un dieu d’une telle cruauté et si vindicatif, dont les actions incluent de soumettre ses créatures, aussi pécheresses qu’elles soient, à des tortures éternelles ? Certainement, un dieu qui agirait ainsi ressemblerait plus à Satan qu’à Dieu, du moins selon nos standards moraux ordinaires, et selon l’Evangile lui-même… Certainement, le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas un démon ; torturer les gens sans fin n’est pas ce que notre Dieu fait[73].  

Il existe plusieurs formes d’annihilationisme ; nous distinguerons les trois formes principales[74] :

–  La vision matérialiste qui lie à la mort du corps la destruction totale de la personne. Cette vision n’est pas présente dans les théologies chrétiennes.

–  L’immortalité conditionnelle : c’est la vision de l’annihilationisme la plus répandue dans les cercles chrétiens. Elle prône, à l’opposé de toute vision platonicienne de l’âme, la mortalité de l’âme et souligne que celle-ci ne revêtira une immortalité que sous certaines conditions, à savoir le don de Dieu dans son offre du salut. Ainsi, tous ceux qui rejettent l’offre du salut de leur vivant demeurent dans un état de condamnation, et leur peine sera la destruction finale de leur personne[75]. Le jugement de ces personnes s’accomplit dans cette destruction. Généralement, cette destruction est située après un temps post mortem pendant lequel la personne aura vécu la colère de Dieu[76]. Il y a donc un châtiment dont le pécheur est conscient, mais qui n’est pas éternel[77].

–  L’annihilationisme proprement dit considère l’âme humaine comme immortelle. Ainsi, la personne meurt totalement non pas simplement à cause de sa mort physique, mais suite à un jugement direct de Dieu. Cette destruction intervient au moment de la mort ou après la mort, à la fin d’une période de punition.

Dans les trois cas, l’objectif est le même : l’âme de la personne impénitente est détruite, elle ne vit pas des tourments éternels. Le fait de vouloir insister sur la notion de peines éternelles dans la vision traditionnelle ne provient pas du désir pernicieux de voir souffrir le méchant. Il exprime surtout le désir de rester fidèle aux Ecritures. Ainsi, nous sommes face à une question douloureuse qui appelle une réponse permettant de savoir si la vision traditionnelle du jugement eschatologique, à savoir un châtiment éternel et conscient de l’homme pécheur, est bien biblique.

Ce rejet de toute vision de l’enfer comme châtiment éternel et conscient n’est pas propre au XXIe siècle. Comme le souligne Richard Bauckham : « Jusqu’au XIXe siècle, la quasi-totalité des théologiens enseignaient la réalité des tourments éternels en enfer. Ici et là, en dehors du courant dominant théologique, il y avait quelques personnes qui croyaient que l’impie serait finalement annihilé. (…) Même quelques-uns furent les avocats d’un salut universel, parmi lesquels des théologiens importants de la période patristique. (…) Depuis 1800, la situation a entièrement changé, et aucune autre doctrine chrétienne n’a autant été abandonnée de façon aussi générale que la doctrine de la punition éternelle[78].

En effet, dès la période patristique, Origène avait une vision assez hétérodoxe de l’enfer. Il estimait que les feux de l’enfer détenaient une vertu purifiante :

Donc la fin du monde et la consommation viendront quand les pécheurs auront achevé de subir un châtiment proportionné à leurs crimes. Dieu seul en connaît le temps. Mais nous pensons que la bonté de Dieu, par la médiation du Christ, ramènera toute créature à une même fin, après avoir dompté et assujetti les ennemis… En effet, la fin est toujours semblable au commencement ; et comme la fin de toutes choses est une, le commencement doit avoir été un. Tous les êtres, malgré leur diversité, ont une même fin ; ainsi d’un commencement identique sont sorties les variétés et les différences actuelles qui, par la bonté de Dieu, dans la soumission au Christ et l’unité du Saint-Esprit, seront ramenées à un même dénouement, semblable à l’origine[79].

Voici les quatre principaux arguments le plus souvent avancés[80] :

–  Le vocabulaire biblique de la destruction et la mortalité de l’âme humaine. Le vocabulaire lié à la destruction doit être compris comme une destruction totale (Matthieu 10.28). La Bible ne décrit pas l’âme comme étant immortelle en son essence ; c’est cela même qui cause sa destruction finale, Dieu ne lui donnant pas cette grâce de la vie éternelle qui réside en Christ seul.

–  L’imagerie du feu de l’enfer. Elle a pour but d’exprimer l’efficacité du jugement et de son accomplissement total et radical, et non le fait d’un jugement qui perdure. Elle est avant tout de nature qualitative et non quantitative.

–  L’argument de la justice de Dieu et de la proportionnalité des peines. Comment Dieu pourrait-il infliger une torture éternelle à un pécheur qui n’a été tel que pendant le temps limité de sa vie ? Ou pour des péchés qui ont un caractère fini et limité ? Cela serait disproportionné, déraisonnable et contraire au Dieu qui se définit aussi comme étant Amour.

–  L’argument universaliste. Comment la victoire eschatologique de Dieu qui sera tout en tous (quand la réconciliation cosmique accomplie à la croix sera consommée)  pourrait-elle s’accommoder d’un lieu où le péché, la rébellion et le jugement continueraient de s’exercer ?

Chacun de ces arguments mériterait un traitement approfondi dépassant le cadre de cet article[81]. Nous énoncerons seulement les principaux arguments bibliques qui démontrent que la vision scripturaire du jugement eschatologique des impénitents ne peut pas correspondre à la vision annihilationiste de l’enfer.

1. Le vocabulaire de la destruction et l’immortalité de l’âme

Le langage biblique possède clairement une certaine valeur métaphorique, car, par exemple, comment pourrait-on concilier les termes « ténèbres »[82] et « feu »[83] qui désignent tous deux la même réalité de l’enfer. Mais la valeur métaphorique du langage utilisé n’est pas là pour vider de son sens la réalité que décrit la Bible. Au contraire, un tel langage est utilisé pour dépeindre avec vivacité une réalité effroyable et réelle évoquée lorsque le sujet de l’enfer est abordé. Il y a un rappel vétérotestamentaire indéniable[84] du caractère vindicatif du jugement. L’appropriation de ces images fortes de jugement qui est faite dans le Nouveau Testament ne peut pas être réduite à une lecture horizontale limitée à cet aeon, sous prétexte que le sens concret et direct pouvait en être légitimement déduit par les premiers auditeurs dans nombre des prophéties vétérotestamentaires. En effet, les auteurs du Nouveau Testament ne le permettent pas étant donné le vocabulaire sur la souffrance et sur l’éternité qu’ils associent à cette imagerie vétérotestamentaire. Par exemple, on lit en Matthieu 25.46 : « Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle. » Or le mot grec « éternel » ne peut pas avoir deux sens différents dans la même phrase : la notion du don de la vie eschatologique qui se prolonge dans l’éternité (une succession infinie de temps) est ici contrastée avec la notion du châtiment éternel, un châtiment qui perdure éternellement ; de sorte que celui-ci est parallèle à la vie qu’ont reçue les élus. De plus, ce châtiment est qualifié quelques versets plus tôt (verset 41) comme « le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges ». Ainsi, avec la description du caractère psychologique de ce châtiment faite en Matthieu (8.12, 13.42, 13.50, 22.13, 24.51, 25.30) et de l’apport intertextuel justifié des passages tels que Apocalypse 14.10 et 20.10, il nous est impossible de nier la dimension psychologico-temporelle (peines éternelles) qui caractérise ce châtiment éternel, cette seconde mort qui est le juste salaire des cœurs impénitents de leur vivant.

Les images vétérotestamentaires de « vers qui ne meurent pas » ou de « feu qui ne s’éteint pas », qui détenaient nécessairement une dimension physique, finie et temporelle dans leur compréhension in situ, étaient porteuses, dans une dynamique typologique, d’une réalité bien plus effroyable ex situ, c’est-à-dire dans l’appropriation néotestamentaire qu’en ont fait les auteurs apostoliques. Cet emploi voulait clairement lier les notions de jugement et de souffrances éternelles. La parabole de Lazare et du riche (Luc 16) en est un très bon exemple.

Parallèlement à cela, il convient de souligner que c’est avec raison que le monde évangélique a été averti de ne pas avoir une anthropologie platonicienne, qui voyait l’homme comme une âme immortelle enfermée dans un corps. Bien qu’une telle réflexion soit juste[85], elle mérite néanmoins d’être réenvisagée de façon équilibrée. En effet, la Bible ne reconnaît jamais à l’âme une propriété intrinsèque d’éternité, mais elle n’envisage pas non plus une non-existence post mortem :

(…) La mort retranche l’homme pécheur de la communion des vivants et lui ôte ses capacités d’action, pour l’empêcher de continuer à sévir (…), l’homme ne cesse pourtant pas d’exister. Tel est le privilège – à double tranchant – de l’être créé en image de Dieu : même coupé de la Source de la vie, il ne meurt pas comme les bêtes (Qohéleth 3.19, 12.7)[86].

Et c’est bien cette erreur que font les annihilationistes : en s’appuyant sur ce caractère de mortalité de l’homme, ils y associent un raisonnement sotériologique, imposant ainsi à une caractéristique anthropologique vraie un raisonnement eschatologique étranger aux Ecritures :

Mais l’erreur qui vicie l’effort démonstratif d’un Fudge, c’est la confusion entre la mort et la non-existence ; elle procède pour une part d’une lecture trop rigide des métaphores (la ruine, strictement, n’anéantit pas, mais désorganise, défait) et, d’autre part, d’une pétition de principe associée à une intuition passionnément retenue. Qu’on analyse la notion de mort (de la première mort, à partir de laquelle se forme le concept ensuite transposé pour la seconde mort), et l’on verra qu’elle est, pour l’Ancien Testament déjà, une forme d’existence, marquée par la coupure des liens et l’incapacité d’agir (« retranché de la terre des vivants » ; le thème de la disparition concerne précisément la scène des vivants). L’évocation du she’ôl, en Esaïe 14 ou Ezéchiel 32, ne laisse aucun doute. Fudge ignore superbement le judaïsme intertestamentaire, pour lequel la doctrine d’un châtiment perpétuel se dessine nettement : des adversaires du Seigneur, Judith, par exemple, déclare qu’« ils pleureront dans la souffrance à toujours » (16.17, klausontaï en aïsthèsei héôs aiônos). Harmon relève que Fudge doit faire se succéder la souffrance (qu’il conserve pour une durée limitée, afin de sauvegarder la gradation des peines) et l’annihilation, alors que l’Ecriture ne suggère rien de pareil mais fait de la destruction même le châtiment douloureux[87].

De plus, un tel raisonnement ne résiste pas aux paroles du Christ : « Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement. » (Jn 5.29) Comment peut-on ressusciter pour un jugement tout en étant dans un état de non-existence ? Ou alors faut-il comprendre le jugement comme l’annihilation ? Or cette dernière option est inconcevable, car elle introduirait une certaine incohérence dans les paroles du Christ ;  elle signifierait que le jugement est finalement une sorte d’euthanasie eschatologique libératrice qui rendrait le bien-être de l’homme impénitent prioritaire par rapport à la juste et sainte colère divine. Et surtout, elle négligerait totalement l’arrière-plan vétérotestamentaire de cette parole, à savoir Daniel 12.2, où ce jugement est décrit comme : « l’opprobre, pour la honte éternelle ». Une fois de plus, nous voyons que le jugement éternel est caractérisé par la notion de tourment éternel.

2. Responsabilité, justice de Dieu et proportionnalité des peines

La perspective non traditionnelle soulève un autre problème : celui d’une cohérence entre la responsabilité de l’homme et le jugement divin. Tout d’abord, la notion d’une destruction finale dévalue le caractère décisif de la vie sur terre et de la responsabilité humaine dans le jugement divin[88].

Dieu, en maintenant cette existence [post mortem], honore la responsabilité (faculté de lui répondre) liée à la création en image de Dieu : c’est pourquoi il y a une suite à l’événement de la mort, qui n’est un « point final » que pour l’apparence terrestre, à savoir l’état intermédiaire pour « les garder punis » (kolazoménous tèrein, 2 Pierre 2.9) en attendant le jugement, puis la résurrection « pour la honte éternelle », puis le jugement, puis le châtiment final. La destination paraît solidaire du privilège de l’image de Dieu, puisqu’elle distingue l’homme de l’animal: le « souffle » (ou esprit, rûah) de l’homme monte vers le Créateur alors que celui de la bête descend et se dissipe (Qohéleth 12.7, répondant au doute et à la question de 3.19-21). (…) Le langage de l’Ecriture conduit à dire que la vie, dont a bénéficié l’individu, est alors passée. Il existe en relation avec ce passé, portant le poids de sa responsabilité, fixé dans la conscience finale d’avoir vécu à contresens ; d’accord avec Dieu, il abhorre ce qu’il a été (Daniel 12.2), et c’est son tourment fixe dans une durée sans devenir ; il sait seulement, puisqu’il ne peut plus ignorer la vérité, qu’il est par là même rendu à l’ordre des créatures et contribue par son exclusion à « sanctifier » le Seigneur. L’avantage d’une telle perspective, outre qu’elle permet de proclamer l’entière victoire du Christ, est de faire ressortir comme une évidence la justice du châtiment et sa parfaite proportion avec la responsabilité : il s’agit précisément de percevoir la vérité de la conduite passée. Il apparaît aussi (de façon presque certaine) que le châtiment est objectivement (et donc subjectivement, pour toute créature) préférable au néant. Certains auteurs ont déjà affirmé cette préférence, même avec la représentation courante des peines éternelles, tant ils sentent contraire au statut de l’humanité une simple annihilation ; l’élucidation proposée confirme cette intuition. Jésus a dit du réprouvé qu’il eût mieux valu pour lui n’être pas né (comparant son sort à celui de l’enfant mort dans le sein de sa mère), et non pas qu’il eût mieux valu ne pas avoir été[89].

Nous atteignons là le point névralgique, le talon d’Achille du raisonnement annihilationiste : la mesure de la responsabilité de l’homme dans sa réponse à son Créateur est à la mesure de la valeur même du Créateur. C’est un argument rejeté en bloc par les partisans adverses du fait qu’ils considèrent que le jugement eschatologique du perdu doit être proportionnel à sa faute, celle-ci étant essentiellement mesurée de façon horizontale, c’est-à-dire au niveau de ses conséquences terrestres. Ce raisonnement de proportionnalité est, certes, juste dans la perspective des rétributions matérielles au sein du système cultuel vétérotestamentaire de la loi du talion, mais il est totalement étranger à la façon dont Dieu juge et condamne le pécheur, et cela dès l’Ancien Testament. En effet, quel type de proportionnalité est-il présent dans la condamnation de la chute adamique, par laquelle le péché et la mort sont entrés dans le monde, ont touché et condamné l’humanité entière qui n’était pas encore là (Rm 5.12-21) ? Et que dire de ce verset : « Car le salaire du péché, c’est la mort (…)[90] », dans lequel on observe que la même peine capitale est encourue pour n’importe quel péché. Ce concept de proportionnalité ne répond pas aux critères bibliques : il est anthropocentrique alors que la justice de Dieu est théocentrique et théonormée. C’est Dieu seul qui est la norme et la mesure de sa justice et ainsi de son jugement. Dans la problématique du péché, c’est bien lui qui est le principal offensé[91] et le jugement comme le châtiment qui est donné répondent aux exigences de la gloire et de la sainteté de Dieu.

Voilà pourquoi le sacrifice de milliers de taureaux ou d’agneaux ne pouvait effacer une seule faute du cœur de l’homme (Hé 10), car le locus de l’offense ne se trouve pas au niveau de l’homme mais au niveau de Dieu. Voilà pourquoi les auteurs du Nouveau Testament ont utilisé les notions de propitiation : ils soulignaient par là que, avec en arrière-plan le sang des animaux versé sur le couvercle propitiatoire de l’arche une fois par an (Lv 16), l’expiation et le pardon des péchés étaient, avant tout, une conséquence du fait que la colère et le jugement de Dieu dus à notre péché avaient été « détournés » au moyen d’une offrande substitutive (Jésus-Christ). C’est cet acte expiatoire et propitiatoire qui est le fondement d’une relation rédemptrice entre l’offensé (Dieu) et l’offenseur (le pécheur repentant). C’est dans ce cadre allianciel que Dieu se réconcilie et devient propice à sa créature[92]. Nous découvrons ainsi que l’ampleur de notre faute a nécessité que l’offrande substitutive ne puisse être que Dieu lui-même s’incarnant parmi nous et « s’offrant en rançon pour nous ». Ceci confirme clairement que la gravité de notre faute est à la mesure de la grandeur et de la gloire du Dieu que nous avons offensé et que, seul, Dieu lui-même, s’offrant à nous en devenant pleinement homme, pouvait être une offrande substitutive acceptable. On pourrait alors dire qu’il y a effectivement une certaine proportionnalité des peines, mais elle devra être comprise à la mesure de l’offrande substitutive qui a été acceptée par Dieu, à savoir Dieu le Fils lui-même, qui s’est incarné et s’est offert pour son peuple. En termes de jugement, c’est bien Christ qui a pris le jugement de son peuple, ce jugement qui demeure sur ceux qui préfèrent les ténèbres (Jn 3.18). Ainsi, quelle serait la période de souffrance post mortem acceptable (pour un homme pécheur) et donc de commune mesure avec la beauté ineffable, la valeur incommensurable et la gloire éternelle de Jésus-Christ notre Seigneur ? Aucune, en termes de période finie. Seule l’éternité peut rendre compte du gouffre infranchissable qui nous sépare de la qualité de la personne qui mourut sur la croix. Seule l’éternité peut rendre compte de la gloire éternelle qui fut bafouée lors de la chute et qui l’est encore toutes les fois que l’homme préfère adorer la créature plutôt que le Créateur qui est béni éternellement. Ceci a été souligné, il y a longtemps, par Thomas d’Aquin (qui s’appuyait lui-même sur Anselme) :

L’étendue de la peine répond à l’étendue de la faute (…) (cf. Deut 25.2) (…) Or le péché que l’on commet contre Dieu est infini. Car l’offense est d’autant plus grave que la personne contre laquelle on pèche est plus élevée. Ainsi, c’est un plus grand crime de frapper un prince que de frapper un particulier. Et comme la grandeur de Dieu est infinie, il s’ensuit qu’on doit infliger un châtiment infini pour un péché commis contre Dieu[93].

Clarck Pinnock[94] fait remarquer à juste titre que cette comparaison est caduque du fait que Thomas d’Aquin imposait une différence de valeur en fonction des catégories sociales. Thomas d’Aquin a été très certainement influencé par sa propre culture et par l’argument ontologique d’Anselme. Néanmoins, sa réflexion demeure pertinente en termes d’analogie, car l’offensé est notre Dieu Créateur et nous ne sommes que créatures : « La chose essentielle est que les degrés de la légitimité de notre blâme ne dérivent pas de la quantité de temps pendant laquelle nous avons offensé Sa dignité, mais du fait que combien est grande Sa dignité que nous avons offensée[95]. » Nous nous devons donc de prendre en compte la réalité Créateur/créature dans notre appréciation du degré des peines et du jugement que mérite notre péché.

Enfin, il nous est souvent rétorqué qu’une telle vision de l’enfer est incompatible avec le fait que Dieu est amour. Soulignons, d’abord, que cet argument est devenu très emblématique de notre génération, en partie à cause de l’individualisme et de la surenchère de la place du ressenti et des émotions humaines dans la société occidentale. Néanmoins, la Bible définit la manifestation de l’amour de Dieu dans l’acte historique le plus injuste qu’il ait été donné de voir dans toute l’histoire de l’humanité : la mort de Jésus-Christ[96]. Au travers de l’infamie de l’œuvre de la croix (qui a été l’expression de la volonté et de l’amour de Dieu[97]), nous ne pouvons pas voir une contradiction entre l’amour que Dieu peut manifester à ses créatures et sa justice, même si cela peut constituer un paradoxe dans notre compréhension : « Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures dans cette bonté ; autrement, toi aussi tu seras retranché[98]. » Ceux qui seront jugés en enfer seront séparés de la communion avec Dieu et de son amour[99]. Ils seront sous la colère eschatologique active de Dieu. En effet, Paul parle de deux types de colère de Dieu dans ses épîtres : une colère et un jugement présents et actifs qui se manifestent dans le fait que Dieu a livré l’humanité aux ténèbres de la dynamique de sa propre rébellion (Romains 1.18-32 ; Ephésiens 4.17-19 ; 1 Thessaloniciens 2.16) ; mais aussi une colère active future, eschatologique (Romains 2.5, 8 ; 1 Thessaloniciens 1.10, 5.9). Cette dernière colère ne possède aucune vertu réformatrice, comme le pensaient les platoniciens de Cambridge du XVIIe siècle, Sterry et  White. Elle est vindicative et finale, comme le soulignent les versets précédemment cités. Ainsi, il n’est pas acceptable d’enfouir la réalité biblique de la colère vindicative de Dieu dans son jugement eschatologique envers les pécheurs sous prétexte de la définition que nous aimerions donner à l’amour de Dieu[100].

Au terme cette étude sur l’annihilationisme, nous pouvons conclure que cette doctrine est bibliquement infondée. Elle constitue un exutoire face aux réalités que sont la sainteté de Dieu, le jugement et la colère de Dieu. Le malheur est que cette pensée est aussi un exutoire évangélique pour ceux d’entre nous qui, refusant de comprendre la justice comme étant théocentrique et théonormée, imposent une surcharge émotionnelle humaine sur la compréhension de l’amour de Dieu. Il est bien vrai que la question de l’enfer est parmi les doctrines les plus pénibles de l’enseignement biblique… elle doit être maintenue pour que l’Eglise continue à proclamer un Evangile biblique qui préserve un juste équilibre entre la profondeur tragique du péché et la gloire incommensurable de l’œuvre substitutive accomplie par Christ pour son peuple.

Conclusion 

Les exutoires étudiés, bien qu’ils ne soient pas identiques, sont néanmoins l’expression flagrante du rejet d’une vision théocentrée de la mort (en tant que jugement) ainsi que du rejet d’une compréhension théonormée de la justice de Dieu. Ils suscitent une dégradation, voire une destruction, de la responsabilité de l’homme durant sa vie terrestre. De prime abord, on pourrait penser que la raison fondamentale de l’existence de tels exutoires est la peur et la crainte de cette inconnue qu’est la mort. Cependant, nous ne pensons pas qu’il en soit ainsi ; ces exutoires sont plutôt malheureusement l’expression du rejet du caractère absolu et saint de Dieu, tel qu’il se révèle dans les Ecritures et tel qu’il s’est révélé tout au long de l’histoire de la rédemption. Ce rejet entraîne nécessairement le rejet ou, du moins,  l’incompréhension (dans le cas de l’annihilationisme) de la mort et de la résurrection du Christ : c’est là que la gloire de Dieu est la plus manifeste pour l’homme ; c’est là aussi que nous pouvons comprendre le caractère irréversible de la mort, le jugement inéluctable et sans compromis de l’homme et la glorieuse justice du second Adam qui, elle seule, est source de la vie eschatologique par le Saint-Esprit. Jésus-Christ demeure l’unique réponse vraie et nécessaire face à la mort :

–  Sa vie, sa mort et sa résurrection soulignent l’impossibilité de la folie circulaire de la  réincarnation : Jésus est le seul chemin, une voie qui ne contient pas de carrefours giratoires perpétuels.

–  La manifestation de la justice divine dans la résurrection de Christ ne peut admettre  le purgatoire : Jésus est le seul chemin et seule sa justice nous réconcilie avec Dieu.

–  Le jugement que Christ a supporté à notre place sur la croix n’a pas été une annihilation de sa pleine et entière humanité, mais bien les tourments liés à la sainte colère de Dieu contre notre péché. L’événement historique de la mort et de la résurrection du Christ sont les loci bibliques par excellence qui permettent de comprendre, à sa juste mesure, la manifestation de la justice de Dieu vis-à-vis de notre péché.


* D. Saglietto est étudiant en master à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence et chargé des cours de grec.

[1] http://medias.lemonde.fr/medias/pdf_obj/sondage030416.pdf (18.09.2012).

[2] H. Blocher, « Les peines éternelles », in La Revue réformée, n° 206, 2000/1.

[3] D. Müller, Réincarnation et foi chrétienne, Genève, Labor et Fides, 1986,15-16.

[4] Orphée est un personnage mythologique, fils du roi Thrace Œagre et de la muse Calliope. Il savait charmer les animaux et émouvoir les êtres inanimés avec sa lyre.

[5] IIIe millénaire av. J.-C.

[6] Ve siècle av. J.-C.

[7] D. Müller, Réincarnation et foi chrétienne, Labor et Fides, 1986, 20.

[8] Ibid., 21.

[9] Dans son livre, Müller souligne la contradiction mise en lumière par Schweitzer, qui a montré que la pensée brahmanite (la plus ancienne) ne comportait ni négation du monde, ni mépris mystique pour l’éthique. Elle entrevoyait plutôt un salut universel où toutes les âmes seraient unies à Brahman. Alors que la doctrine de la réincarnation présuppose un processus de punition et une vision de la matière considérée comme une entrave.

[10] D. Müller, op. cit., 27.

[11] Le nirvana est à la fois un rien ; ce n’est pas un lieu mais un état de délivrance, de non-désir. Mais pour l’école Vaibhâsika, il est un lieu de béatitude.

[12] D. Müller, op. cit., 28.

[13] Ibid., 28.

[14] Le livre le plus connu fut alors « Le livre secret de Jean ». Les gnostiques interprétaient la parole de Paul : « je vivais autrefois sans Loi » (Rm 7 .9) de la manière suivante : « Avant de venir dans ce corps, je vivais dans une espèce de corps qui n’est pas sous la Loi : un corps de bétail ou d’oiseau. » (D. Müller, op. cit., p.30).

[15] Courant juif entre le IIe siècle et le XVIe siècle, dont le rabbi Siméon Bar Yochaï fut le fondateur.

[16] Le Ghilgoul, ou la migration des âmes.

[17] Ecole d’Isaac de Louria qui écrit le Livre des transmigrassions de l’âme.

[18] Il comprend la réincarnation comme « la possibilité d’acquérir de nouvelles connaissances et d’accomplir de nouvelles réalisations ». D. Müller, op. cit., 38.

[19] Cycle englobant la métempsycose et la palingénésie (cf. A. Schopenhauer, Métaphysique de la mort, Paris 10/18, 160).

[20] Elle est un mouvement syncrétique qui se base sur les traditions hindouistes et bouddhistes. Elle constitue un mouvement philosophique ésotérique qui tente de connaître « le Divin et les mystères de la vérité » au travers d’un système initiatique.

[21] Madame Blatvasky, Doctrine secrète, 1888. Elle définit la réincarnation de l’Ego (qui est septénaire) de la façon suivante : « L’Ego intérieur qui se réincarne en revêtant corps après corps, qui emmagasine les impressions des vies successives, qui acquiert l’expérience et l’adjoint à l’Ego divin (l’Esprit ou atma), qui souffre et qui jouit durant une immense période d’années, est le cinquième principe, manas. » Clés de la Théosophie VI, Le livre de la réincarnation, 536, cité dans D. Müller, op. cit., 49.

[22] D. Müller, Réincarnation et foi chrétienne, op. cit., 52.

[23] « L’anthroposophie est avant tout une pratique, une pratique de transformation personnelle et sociale qui permet de concilier recherche spirituelle et engagement quotidien, éducation de soi et évolution du monde. L’homme s’auto-éduque par un effort de conscience dans son expérience de la réalité sensible et suprasensible. Cet effort repose sur l’activité de l’âme avec toutes ses facultés, celles de la pensée, celles du cœur et celles de la volonté. » Définition donnée sur le site www.anthroposophie.fr (22.09.2012).

[24] D. Müller, op. cit., 58.

[25] Ibid., 59.

[26] Ibid.

[27] Ibid., 62.

[28] C. Van Til, A Christian Theory of Knowledge, 1969, 19, cité dans Greg Bahnsen, « The Crucial Concept of Self-Deception », WTJ, Spring, 1995, vol. 57/1, 3.

[29] Gn 2.7, 1 Co 15.45.

[30] Jb 31.15, Col 1.16ss.

[31] En ce qui concerne l’origine de notre âme, nous n’entrerons pas dans le débat qui oppose traducianistes et créationistes, bien que nous pensions que la Bible soit clairement plus du côté d’une vision créationiste (Es 42.5), cf. W. Grudem, Théologie systématique, Excelsis, 2011, 530.

[32] D. Müller, op. cit., 113.

[33] Lc 23.43.

[34] Hé 9.27-28.

[35] 1 Co 15.42-46.

[36] Mt 10.39.

[37] Lc 9.30ss. La parabole de Lazare et du riche est aussi un très bon exemple de cette irréversibilité et de la responsabilité éthique individuelle qui interdit toute espérance d’une réincarnation. Ce qui est d’autant plus intéressant dans cette parabole est le fait que, lorsque la possibilité d’un retour sur terre est demandée par le riche, la réponse d’Abraham souligne que ce retour se ferait par une résurrection et non une réincarnation qui dépersonnaliserait la notion d’individu. Il y a là un profond présupposé biblique : l’homme est unique en tant que personne et son corps lui est propre, il n’est pas interchangeable avec un autre corps, il est uniquement ressuscitable. L’homme est un être singulier personnel dont la vie est inscrite dans un continuum de vie linéaire et responsable qui interdit toute circularité.

[38] Il faut noter qu’une telle vision est contraire à la vision hindouiste ou bouddhiste traditionnelle dont la finalité est la libération de ces cycles de réincarnation.

[39] D. Müller, op. cit.,116.

[40] Ibid.

[41] Ibid., 118.

[42] Nom donné par Luther, cf. J. Le Goff, La naissance du purgatoire, Paris, Gallimard, 1981, 9.

[43] Catéchisme du Vatican (1992), articles 1030 & 1031 de 1-2-3-12 (Art. III), http://www.vatican.va (23.09.2012).

[44] J. Le Goff, La naissance du purgatoire, Gallimard, 1981, 17. Par opposition au péché mortel, le péché véniel est  défini ainsi : « On commet un péché véniel quand on n’observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement. » Catéchisme du Vatican (1992), articles 1862 de 3-1-1-8 (Art. IV), http://www.vatican.va.

[45] Voir J. Le Goff, op. cit., 13.

[46] Dans les premières Upanishad au VIe siècle av. J.-C.

[47] J. Le Goff, op. cit., 33.

[48] Issue de la religion mazdéenne d’Iran, dont le dieu principal est Ahura Mazda.

[49] Récit qui s’inspire largement de l’Odyssée et qui fut écrit entre 29 et 19 av. J.-C.

[50] J. Le Goff, op. cit., 79.

[51] Ibid., 80. « Celui, dit-il, qui est sauvé par le feu est purifié, de manière à ce que le feu cuise et résolve tout ce qu’il y a en lui de vil alliage, pour faire de lui un or fin. » (Origène, Homil. 6 in Exod., cité dans Abbé Théodore Perrin, Le purgatoire : Traité historique, dogmatique et moral, 1837, 230.) Nous pouvons trouver d’autre citations pertinentes dans les écrits suivants : De Principiis, II, 10, 6 ; De Oratione, 29 ; Patres Groeci, XIII, col. 445, 448.

[52] Voir  J. Le Goff, op. cit., 83.

[53] Ibid., 105. Voir dans les écrits de l’Enchiridion 69-70 de saint Augustin ainsi que dans la Cité de Dieu, Livre XXI (chapitres XIII, XXIV & XXVI).

[54] Voir J. Le Goff, op. cit., 117.

[55] « Enseignement philosophique qui fut donné en Europe du Xe au XVIe siècle et qui consistait à relier les dogmes chrétiens et la Révélation à la philosophie traditionnelle dans un formalisme complet sur le plan du discours. (Cet enseignement était fondé sur les concepts grammaticaux, logiques, syllogistiques et ontologiques issus d’Aristote.) » (Larousse)

[56] Voir  J. Le Goff, op. cit., 229.

[57] Ibid., 380.

[58] Ibid., 381.

[59] Ibid., 357-372.

[60] Ibid., 449.

[61] Question 210. http://www.vatican.va/archive/compendium_ccc/documents/archive_2005_compendium-ccc_fr.html (23.09.2012).

[62] Article 48 dans Benoît XVI, Spe Salvi. http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20071130_spe-salvi_fr.html (23.09.2012).

[63] Ibid., 482.

[64] Ibid., 485.

[65] Lecture et interprétation subjective du Texte pour y trouver le sens que nous voulons y trouver.

[66] « La doctrine platonicienne est dominée par l’idée qu’il y a dans la faute une part de volonté, donc de responsabilité, et une part d’ignorance qui ne peut être effacée par un processus complexe. Le sort des âmes dépend donc à la fois de leur propre choix et d’un jugement des dieux. » (Le Goff, 37) Platon a donc vu dans les cycles de la réincarnation une via media entre l’enfer et la contemplation parfaite. Ainsi, le purgatoire est le lieu où « les âmes qui ne sont pas assez coupables pour mériter des peines éternelles achèvent de se purifier », et ceci « proviendrait de l’hellénisme païen et particulièrement des doctrines orphiques » (Le Goff, 39).

[67] Dans le respect de l’enseignement de toutes les Ecritures canoniques (ce qui pose un problème vis-à-vis de la dogmatique catholique, qui reconnaît beaucoup d’écrits apocryphes comme canoniques et qui donne une place normative aux écrits de la tradition), les passages les plus clairs étant ceux qui sont utilisés pour éclairer ceux qui sont le plus obscurs.

[68] Rm 6.23.

[69] 1 Jn 3.9, 4.10.

[70] Leon Morris, Matthew, Grand Rapids, Eerdmans, 1992, 318.

[71] Le grand dictionnaire de la Bible, Excelsis (2004), 1564.

[72] W. Grudem, 1 Peter, Tyndale New Testament Commentaries, 1988, 204.

[73] C.H. Pinnock, The Destruction of the Finally Impenitent, cité dans Robert A. Peterson, Hell on Trial, Phillipsburg, P&R Publishing, 1995, 161.

[74] M.J. Erickson, Is Hell Forever ?, Bibliotheca Sacra, 152 : 607 (1995), 259-272.

[75] D. Carson, The Gagging of God, Leicester, Apollos, 1996, 517.

[76] Ceci correspond à l’interprétation par Guillebaud (Righteous Judge, 14) de la parabole de Lazare et du riche.

[77] W. Grudem, Théologie systématique, Excelsis, 2011, 1278.

[78] R. Bauckham, Universalism : A Historical Survey, Themelios 4:2, January 1978, 48, cité dans R.A. Peterson, Hell on Trial : The Case for Eternal Punishment, R&R Publishing, 162.

[79] Origène, Traité des principes, 1.6.2. A notre époque, on trouve parmi les plus grands défenseurs d’un tel point de vue H. Guillebaud (The Righteous Judge, 1941), Basil Atkinson (Life and Immortality, 1960), Leroy Edwin Froom (The Conditionality Faith of our Fathers, 1965), Edward Fudge (The Fire That Consumes : A Biblical and Historical Study of Eternal Punishment, 1982), John Stott (Evangelical Essentials, 1988 (312-320), John Wenham (The Case for Conditional Immortality, 1992) et, enfin, Clark Pinnock (The Destruction of the Finally Impenitent, CTR 4 (1990) ; Four Views on Hell, 1992).

[80] R.A.Peterson, op. cit., 162.

[81] Voir ibid ; « Enfer » dans le Dictionnaire de théologie biblique, Excelsis, 556 ; et W. Grudem, op. cit., 1277-1283.

[82] Mt 25.30.

[83] Ap 14.10.

[84] Comme, par exemple, « les vers qui ne meurent pas » (Es 66.24), la « fumée » (Es 34.10), un « feu qu’on ne peut éteindre » (Jr 4.4). Voir l’article de E. Fudge, « The Final End of the Wicked », JETS 27, 325-334. Et voir, entre autres, la réponse de W.V. Crockett, « Wrath that Endures Forever », JETS 34, 195-202 ; et R. Peterson,  « A Traditionalist Response to John Stott’s Arguments for Annihilationism », JETS 37, 1994, 553-68.

[85] Hé 1.4 et Ac 17.28.

[86] Dictionnaire de théologie biblique, 557 ; voir aussi D. Carson, The Gagging of God, 535.

[87] H. Blocher, « Les peines éternelles », in La Revue réformée, n° 206, 2000/1.

[88] Il est intéressant de noter ici un point sur lequel diffèrent H. Blocher et D. Carson. En effet, contrairement à H. Blocher, D. Carson pense que les hommes impénitents demeureront dans leur état de rébellion après la mort (D. Carson, The Gagging of God, 533). Cette hypothèse est exégétiquement possible et très pertinente, car elle poserait la question supplémentaire de la raison et du fondement quasi sotériologique (car une destruction finale demeure une sorte de libération vis-à-vis de la souffrance du jugement) pour laquelle Dieu détruirait un être post mortem encore rebelle : la justice et la gloire de Dieu s’en trouveraient bafouées.

[89] Ibid.

[90] Rm 6.23.

[91] Dans cette optique, il est intéressant de voir la confession de David dans le Psaume 51. On pourra noter que, bien que sa faute ait été dirigée envers des êtres humains (Urie et Bath Sheba), il confesse que c’est Dieu seul qu’il a offensé. David avait compris que le péché était, avant toute chose, une faute envers Dieu.

[92] Pour une défense complète de la notion de propitiation au sein de la sotériologie, voir l’excellent livre de L. Morris, The Apostolic Preaching of the Cross, Wm. B. Eerdmans Publishing, 1955, 144 à 213.

[93] Thomas d’Aquin, Somme théologique, 1a2a.e/87:4.

[94] W. Crockett (éd.), Four Views on Hell, Grand Rapids, Zondervan (1992), 152.

[95] J. Piper, Let the Nations be Glad !, cité dans D. Carson, The Gagging of God, 534, n. 52. Voir aussi Jonathan Edwards, Works, Edimbourg, Banner of Truth Trust, 1974, 1:669.

[96] 1 Jn 4.7-10.

[97] D’autant plus que nous ne pouvons pas parler de l’amour de Dieu comme si celui-ci existait sous une forme unique. Il existe bien une différence entre l’amour de Dieu le Père envers son Fils unique, l’amour de Dieu envers ses élus (son épouse), l’amour de Dieu envers sa création… Voir D. Carson, The Difficult Doctrine of the Love of God, Crossway, 2000.

[98] Rm 11.22.

[99] W.V. Crockett, « Wrath that Endures Forever », JETS 34, 198-199.

[100] Pour un traitement très intéressant de la nature de Dieu, voir D. Carson, The Difficult Doctrine of the Love of God.

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