Les chrétiens sociologiques et le renouveau de l’église

LES CHRÉTIENS SOCIOLOGIQUES

ET LE RENOUVEAU DE L’ÉGLISE

 

 

Jeung Ou NAM*

 

 

Introduction

 

L’accroissement du nombre des chrétiens sociologiques («de nom») est un des grands challenges et un des dangers auxquels l’accompagnement pastoral et la mission ont à faire face au XXIe siècle. L’histoire nous apprend que les personnes qui connaissent Jésus mais le délaissent, qui connaissent l’Eglise mais ne vont pas au culte finissent par devenir des ennemis du christianisme et constituent une menace pour la mission chrétienne, supérieure à celle des non-chrétiens. Si nous ne prenons pas en compte sérieusement la réalité du christianisme «nominal», une révolution du même genre, tout en étant différente, du bolchévisme en Russie, en 1917, peut se produire au XXIe siècle et menacer le christianisme. Il y avait des chrétiens de nom parmi les leaders des révolutions communistes: par exemple Staline, Il-Sung Kim, notamment. Le nombre croissant des chrétiens de nom est le sujet important et inquiétant pour la mission au XXIsiècle.

 

Aujourd’hui, l’intérêt de notre Eglise est non seulement l’évangélisation du non-chrétien, mais aussi le souci que constituent pour nous les chrétiens de nom: «afin de ne pas aller à la dérive» (Hé 2.1), «que personne parmi vous n’ait un cœur méchant et incrédule, au point de se détourner du Dieu vivant» (Hé 3.12), «craignons… que personne parmi vous ne pense être venu trop tard» (Hé 4.1).

 

Qu’est-ce qu’un chrétien sociologique?

 

Un chrétien sociologique est une personne qui n’a de chrétien que le nom. Le chrétien sociologique est une personne qui ne participe pas régulièrement à la vie cultuelle, mais qui pénètre dans une église seulement lors d’un baptême d’enfant, d’un mariage, d’une cérémonie funèbre, qui sont, pour lui, comme des rites obligés dans une société «chrétienne». Il existe diverses façons d’être un chrétien sociologique.

 

On peut trouver des chrétiens sociologiques dans l’Eglise. Ces personnes se considèrent comme chrétiennes et le sont aussi par les autres. Mais trois choses d’importance leur manquent: la conviction que Jésus-Christ est «mon Seigneur et mon Dieu», une présence régulière au culte et une participation positive aux activités chrétiennes (mission, service, éducation).

 

Le problème de la «nominalité» existait déjà dans l’Eglise primitive. Par exemple: «Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur! et ne faites-vous pas ce que je vous dis?» (Lc 6.46) «(Les hommes) garderont la forme extérieure de la piété, mais ils en renieront la puissance.» (2Tm 3.5) «Je connais tes œuvres: tu as le renom d’être vivant, mais tu es mort.» (Ap 3.1)

 

Selon une étude de la Bible (Loth, Esaü, Saül, Judas Iscariote, Simon le magicien, Nicodème), la «nominalité» manifeste un doute quant à l’identité chrétienne de différentes manières, même si la personne est apparemment membre du peuple de Dieu. Elle se présente de façon diverse selon les régions et les pays et en fonction des rapports existant entre la société et l’Eglise.

 

L’accroissement du nombre des chrétiens sociologiques est un problème mondial

 

Ce problème ne se pose pas seulement dans les sociétés occidentales, et il n’est pas nécessairement lié à la théologie libérale. En 1995 déjà, Peter Brierley l’a montré dans le tableau ci-dessous. 

 

 

 

 

Continent

Total chrétiens

Taux

(chrétiens/

population totale)

Chrétiens pratiquants

Chrétiens de nom

Taux

(chrétiens sociologiques/ total chrétiens)

Afrique

243 700 000

33%

118 800 000

124 900 000

51%

Amérique du Nord

345 900 000

76%

210 300 000

135 600 000

39%

Amérique du Sud

308 100 000

96%

192 100 000

116 000 000

38% 

Asie

262 700 000

8%

137 500 000

125 200 000

48%

Europe

434 900 000

60%

241 900 000 

193 000 000

44%

Australasie

18 700 000

65%

8 700 000

10 000 000

53%

Total

1 614 000 000

28%

909 300 000

704 700 000

44%

 

    Tableau 1. Proportion par continents des chrétiens sociologiques.

 

Les chrétiens sociologiques représentent 44%, soit 700 millions du 1,6 milliard des chrétiens dans le monde. Ce taux n’est que de 1% en Australasie, où les chrétiens représentent 53% de la population totale. En Amérique du Sud, ces taux sont respectivement de 96% et 38%; en Amérique du Nord, ils sont de 76% et 61% et, en Europe, ils s’élèvent à 60% et 44%. En Asie, ils sont de 48% et seulement 8%. A noter que les taux de chrétiens sociologiques sont identiques en Europe et dans le monde entier, soit 44%. On peut remarquer également que 27% des chrétiens sociologiques se trouvent en Europe.

 

Cette enquête montre que la «nominalité» n’est plus un problème propre à l’Occident ou à la théologie libérale. Peter Brierley estime que les chrétiens sociologiques sont de plus en plus nombreux en Afrique et en Australasie.

 

Par dénominations, on observe que plus de la moitié des chrétiens sociologiques est catholique romaine, viennent ensuite les pentecôtistes, les orthodoxes, les anglicans, les luthériens, et ainsi de suite. La plus forte proportion de chrétiens sociologiques se trouve chez les anglicans avec 80%, c’est-à-dire un taux double de la moyenne. Les presbytériens, soit 1% des chrétiens dans le monde, ont une proportion de chrétiens sociologiques de 51%. Ils sont suivis par les pentecôtistes, et ainsi de suite.

 

 


 

 

 

 

Dénomination

Total chrétiens

      Taux de

     chrétiens

      Chrétiens

          actifs

      Chrétiens

   sociologiques

Taux chrétiens actifs/total des chrétiens

Taux chrétiens       actifs/

chrétiens sociologiques

Episcopal

53 200 000

1%

10 600 000

42 600 000

6%

80%

Baptiste

67 100 000

1%

40 400 000

26 700 000

4%

40%

Catholique romain

912 600 000

16%

543 400 000

369 200 000

52%

40%

Aborigène

35 200 000

       – %

17 500 000

17 700 000

3%

50%

Luthérien

84 500 000

2%

52 200 000

32 300 000

5%

38%

Méthodiste

25 600 000

– %

14 900 000

10 700 000

1%

42%

Orthodoxe

139 500 000

2%

91 900 000

47 600 000

7%

34%

Pentecôtiste

105 800 000

2%

48 400 000

57 400 000

8%

54%

Presbytérien

48 000 000

1%

23 400 000

24 600 000

3%

51%

Etc.

142 500 000

2%

66 600 000

75 900 000

11%

53%

Total

1 614 000 00

28%

909 300 000

704 700 000

100%

44%

 

  Tableau 2. Taux de chrétiens actifs par rapport aux chrétiens sociologiques par dénominations.

 

 

Les chrétiens sociologiques anglicans, luthériens et orthodoxes sont particulièrement nombreux en Europe. Les chrétiens sociologiques baptistes se trouvent en Amérique du Nord. On trouve en Afrique les chrétiens sociologiques dans les Eglises issues de la mission, méthodistes, notamment, et en Amérique du Sud les pentecôtistes. En Asie, il y a les chrétiens sociologiques presbytériens et autres. Les chrétiens sociologiques catholiques romains se trouvent dans le monde entier.

 

Le problème que posent les chrétiens sociologiques prend une ampleur accrue dans la postmodernité.

 

Critères d’évaluation et analyse de la «nominalité»

 

Quel critère prendre pour distinguer un chrétien sociologique d’un vrai chrétien? Il n’est pas simple à déterminer car, selon la perspective dans laquelle on se place, le critère peut changer.

 

Les sociologues de la religion Rodney Stark et Charles Glock proposent les cinq éléments suivants: la croyance, l’activité religieuse (culte public, consécration personnelle), la connaissance des points principaux de la foi, l’expérience subjective de Dieu, la vie quotidienne selon la foi. Pour bien se prononcer sur la «nominalité», il faut être d’accord sur le contenu de ces cinq éléments. Envisageons, par exemple, le troisième élément: que faut-il savoir pour ne pas être considéré comme un chrétien sociologique? Connaître par cœur le Notre Père? Ou plus, le Symbole des apôtres et les Dix Commandements? On le voit, il n’est pas facile de trancher. De plus, dans cette appréciation, on risque de faire preuve de légalisme, puisque l’on juge sur des attitudes extérieures et des statistiques.

 

1. La croyance

Pour tenter de répondre à ces questions, Paul Hiebert propose deux concepts: la frontière et le centre1.

 

Le concept de frontière est bien adapté pour l’Occident. Il sépare les individus en personnes du dedans et personnes du dehors par rapport à une ligne fixe. Cette ligne est le critère du dogme chrétien et de l’éthique chrétienne. Si on est au-delà d’elle, on est un chrétien sociologique.

 

A la différence, le concept du centre classe les chrétiens par rapport aux questions suivantes: quel rapport le chrétien a-t-il avec l’essentiel? Est-il au centre? Quelle est son évolution par rapport à ce centre? S’en rapproche-t-il de plus en plus? Ou bien est-ce le contraire? L’important, dans cette conception, c’est la direction prise, pas la distance. La conversion est un changement de direction. Quand commence-t-on à être contre le Christ ou, au contraire, à aller vers lui? La distance qui nous sépare de lui n’a pas d’importance; ce qui importe, c’est la direction prise par rapport à lui. Ici, il n’est pas question de ligne mais de direction.

 

Dans l’appréciation de la «nominalité», le résultat varie selon la méthode utilisée.

 

2. L’implication dans la vie de l’Eglise

Tel est le critère le plus utilisé. Il correspond à la relation entre la présence et la croyance. On distingue trois niveaux selon l’implication concrète dans la vie de l’Eglise.

 

Le chrétien est inscrit sur les registres de l’Eglise, mais il n’est pas présent au culte.

Cela est particulièrement fréquent en Europe et se voit surtout dans les pays de christianisme traditionnel. On l’observe moins aux Etats-Unis. Les chrétiens de confession orthodoxe sont également inscrits sur la liste de l’Eglise, mais ne sont pas présents au culte. Les pays scandinaves (Norvège, Suède, Danemark) sont des pays luthériens; 85% de la population y reçoit le baptême d’enfant, dont la moitié fait sa confirmation à l’adolescence; 5% environ seulement sont présents au culte. Ce phénomène s’observe aussi chez les catholiques romains d’Irlande et de l’ancienne Tchécoslovaquie et chez les orthodoxes de Russie; 50% de la population catholique romaine ou anglicane de Grande-Bretagne reçoit le baptême d’enfant.

 

On discerne deux manières de non-présence: celle des personnes qui ne sont jamais présentes au culte et celle des personnes qui l’étaient autrefois mais ne le sont plus maintenant. Si on leur demande quelle en est la raison, elles répondent:

– Le culte est ennuyeux. Son style est très ancien. Il existe un décalage culturel.

– Il y a des insuffisances de la part du clergé.

– Il existe un décalage entre le clergé et les fidèles en ce qui concerne les objectifs sociaux et théologiques.

– Accueil insuffisant par les fidèles de l’Eglise.

– Raisons familiales.

 

Le chrétien est inscrit sur les registres de l’Eglise, mais il n’a pas la foi.

La fréquence de la présence dans l’Eglise et la foi professée sont liées. Mais cela se concrétise de façon différente selon la foi: conservatrice ou libérale. Dans les années 1970, des théologiens et le clergé anglais, suivant l’évolution socioculturelle, adoptent l’idée de «la mort de Dieu», avec Honest to God (Dieu sans Dieu) de John Robinson. Ce courant est renforcé par les révisionnistes des grandes dénominations, qui nient la divinité de Christ et l’existence du Jésus historique selon les évangiles. L’interprétation révisionniste a une influence directe sur les questions concernant l’avortement, l’euthanasie et la sexualité.

 

Depuis les années 1970, l’influence révisionniste, qui a sérieusement inquiété avec le désir des intellectuels de substituer au christianisme une nouvelle religion, a commencé à sombrer dans l’indifférence. Ainsi, le «nominalisme» présente, au fil du temps, diverses modalités concrètes. Quelques chrétiens rejettent le dogme orthodoxe, mais les deux tiers y adhèrent: Dieu le Père comme Créateur, la mort et la résurrection de Christ pour expier nos péchés.

 

Pourtant, les chrétiens sociologiques ne reconnaissent pas que Christ est le seul chemin pour aller au paradis, que le Saint-Esprit est une personne qui nous assure que Dieu est un en trois personnes.

 

Le chrétien qui n’est pas inscrit sur les registres de l’Eglise, mais qui a la foi. Tel est le sous-titre de l’ouvrage de Grace Davie: Religion in Britain Since 1945 (believing without belonging, croire sans appartenir).

 

Selon Grace Davie, les personnes qui ont quitté un milieu croyant sont plus problématiques pour l’Eglise que la société en général. Le cas du chrétien sociologique hors de l’Eglise est plus complexe que celui du chrétien dans l’Eglise en ce qui concerne l’organisation de l’Eglise, la politique missionnaire et l’épistémologie chrétienne. L’attitude actuelle de l’Eglise devant cette menace est soit positive, soit négative pour la mission dans l’avenir. Selon Davie, «on ne pourra pas bien comprendre le changement provoqué dans le domaine religieux, si on le sépare du changement social. L’Eglise a perdu petit à petit son prestige aux yeux de la société. Et ce prestige est maintenant réduit par rapport à celui des autres groupes.» En conséquence, le nombre des chrétiens qui ne sont plus inscrits sur les registres de l’Eglise mais qui ont la foi s’accroît.

 

Les deux côtés de la «nominalité»

 

Le problème de la «nominalité» n’est pas simple, parce que l’appréciation de la vitalité de la foi de quelqu’un et son attitude devant les problèmes de la vie n’est pas facile. Rien n’est plus simple que de juger de la qualité d’un chrétien à partir de sa participation à la vie de l’Eglise. Mais ce jugement ne tient pas compte de la personnalité profonde de ce chrétien. En tant que personne, il peut être dans le doute et loin de la ligne théologique de l’Eglise.

 

La «nominalité» n’a pas que des côtés négatifs. En examinant les perspectives et les opinions des personnes concernées, l’Eglise a l’occasion de vérifier son organisation, son message, sa publicité, ses préoccupations théologiques et ses problèmes internes. Pour cela, nous pouvons être reconnaissants aux chrétiens sociologiques.

 

En ce qui concerne le chrétien sociologique lui-même, nous devons nous poser les questions suivantes:

– Dans quelle direction cette personne avance-t-elle? Tend-elle à devenir un chrétien positif et vrai? Ou le contraire? Il faut réfléchir sur son évolution à venir.

– Après avoir quitté l’Eglise, vers quoi se dirige-t-elle?

– Est-elle opposée à l’activité positive de l’Eglise? A-t-elle été découragée d’y prendre part? Pourquoi devient-elle un chrétien sociologique?

 

La «nominalité» dans l’histoire de l’Eglise

 

Dans l’histoire de l’Eglise, le problème de la «nominalité» surgit à l’époque de l’empereur Constantin, au IVe siècle. Avant lui, il est difficile d’être un chrétien baptisé; après cet empereur, il est dangereux de refuser d’être baptisé chrétien.

 

L’Eglise chrétienne jouit d’une grande liberté grâce à l’empereur Constantin. Elle commence à s’identifier au monde. C’est pourquoi il est nécessaire de distinguer le chrétien véritable et le chrétien sociologique, entre le vrai et le faux croyant. Avant l’empereur Constantin, le christianisme, en tant que minorité, connaît des difficultés et fait l’objet de persécutions. A cette époque-là, il n’y avait pas de chrétiens sociologiques. Il n’y a ni raison ni nécessité. Le problème de la «nominalité» a surgi lorsque l’Eglise, après l’empereur Constantin, a bénéficié de la liberté de conscience.

 

On trouve ce phénomène tout au long de l’histoire de l’Eglise. C’est pourquoi il est utile d’étudier sérieusement la question du chrétien sociologique.

 

La «nominalité» selon l’Ecriture

 

Le problème de la «nominalité» n’est ni d’hier, ni d’aujourd’hui. On peut l’observer depuis l’Ancien Testament. On y trouve les conseils, les avertissements et les jugements des prophètes à propos de la désobéissance d’Israël et de la rupture de l’alliance.

 

On voit déjà des traces de «nominalité» dans le Nouveau Testament, spécialement dans les épîtres et dans les messages adressés aux sept Eglises de l’Apocalypse. Les responsables des communautés éprouvent de grandes inquiétudes à propos de la tiédeur spirituelle. On peut discerner six types de chrétiens sociologiques dans l’Ecriture.

1. Loth, la «nominalité» provoquée au sein de la parenté

Selon la Genèse, Loth vit dans une famille qui serait qualifiée de croyante, il reçoit l’aide de sa parenté, mais il n’adopte pas sa croyance. Sa famille est celle d’Abraham. Loth croit en Dieu, mais il n’est pas très fervent. Il a passé son enfance dans la grande ville d’Our en Chaldée, il vit avec Abraham, mais il ne peut pas se départir de sa mentalité profane. Après avoir quitté Abraham, il est attiré par la manière de vivre de Sodome et de Gomorrhe et il vit dans une ville profane. Loth choisit pour lui tout le district du Jourdain et Abraham a habité dans le pays de Canaan (Gn 11.27, 13.10-12). La cité de Sodome est détruite par le soufre et le feu, seule la famille de Loth est sauvée, mais sa femme devient une statue de sel (Gn 19, Lc 17.32). Loth, après avoir été sauvé difficilement, a une relation incestueuse avec ses filles. La naissance de deux fils devient la cause de relations malheureuses entre Israël et Ammon-Moab. Loth est, selon la Genèse, un modèle de «nominalité» par la faiblesse de sa personnalité

 

2. Esaü, la «nominalité» provoquée au sein de la famille

Le grand-père d’Esaü est Abraham, son père est Isaac. Il naît dans une famille qui a la foi. Il est le préféré de son père; sa mère Rebecca préfère Jacob. Esaü a le cœur plein de haine contre son frère (Gn 25 et 27). De là s’établit le désaccord entre Israël de Jacob et Edom d’Esaü. Esaü, en vendant son droit d’aînesse, devient un symbole de la perte de toute espérance pour l’éternité (Hé 12.16-17). Esaü, qui s’est détourné de sa famille, épouse une femme infidèle et devient l’ancêtre d’Edom. Edom menace sans cesse Israël. Esaü est un modèle de «nominalité» à la suite d’une éducation mal orientée.

 

3. Saül, la «nominalité» provoquée par le pouvoir

Nous rencontrons Saül dans le premier livre de Samuel (9-31). Il est le fils de Qich, descendant d’un Benjaminite. Il dépassait tout le peuple de la tête et des épaules.

Les anciens d’Israël demandent à Samuel un roi pour qu’il les conduise, comme en ont toutes les nations. Après une rencontre avec Samuel, qui lui a indiqué où trouver les ânesses que son père l’avait envoyé chercher, Saül devient le roi d’Israël. Il établit sa capitale à Guibéa, remporte la victoire sur Moab, Ammon, Edom, les Philistins, Amalek, notamment. Mais il a déçu Dieu et Samuel en accomplissant un acte irrespectueux (1S 13.8-14). Cet acte contrevient aux règles et suscite la jalousie de Saül vis-à-vis de David. Saül essaie de tuer David (18.10, 22.10-18). Le peuple d’Israël préfère David à Saül (18.8). Saül est roi dans une période de transition. Il perd trois fils et se suicide sur la montagne de Guilboa (chap. 31). Comme il a été abandonné par Dieu, les livres des Chroniques décrivent seulement sa mort (1Ch 10.) L’histoire du roi Saül est un modèle de «nominalité» par l’abandon de Dieu.

 

4. Judas Iscariote ou la «nominalité» parmi les disciples

Judas, un des douze disciples, a livré Jésus (Mc 19). Le qualificatif d’Iscariote provient de Qeriyoth, situé dans le pays de Moab (Jr 48, Am 2.2). On relie Qeriyoth à Qeriyoth-Hetsrôn, situé à 19 kilomètres d’Hébron (Jos 15.25). Judas Iscariote tient la bourse et prend ce qu’on y a mis (Jn 12.6, 13.29). Lorsque Marie verse un parfum sur la tête de Jésus, Judas critique: «Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux pauvres?» Il a livré Jésus, pour bien moins que cela, aux principaux sacrificateurs (Mc 14.11; Mt 27.3). L’occasion de le livrer arrive la nuit de la première cène. En s’adressant à Judas, Jésus lui donne un morceau de pain et lui recommande de se hâter. Il dévoile la réunion à Gethsémané, où les soldats du gouverneur arrêtent Jésus. Judas a donné un signe: «Celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui, saisissez-le!» (Mc 14.44) Il y a deux textes qui évoquent la fin de Judas: Matthieu 27.3 et Actes 1.18-19. Selon les Actes (1.25), «Judas a quitté (le ministère et l’apostolat) pour aller à la place qui est la sienne». Jésus a choisi Judas et celui-ci est un des douze disciples. Jésus lui a donc demandé plusieurs fois d’être fidèle. Mais Judas ne l’écoute pas et devient malheureux. Il est avec Jésus, mais il ne partage pas de communion spirituelle avec lui (Rm 8.9-10). Les opinions sont diverses à propos de la trahison de Judas. La convoitise, la jalousie, la peur du ministère, le désir de se sauver… Le cas de Judas est un modèle de «nominalité» par les responsables appelés de l’Eglise en l’absence d’une repentance authentique.

 

5. Simon le magicien, la «nominalité» imputable à l’apparence

Selon les Actes, Simon le magicien est un chrétien qui essaie de progresser par tous les moyens. Il est influencé par Philippe, qui prêche l’Evangile avec force en Samarie. Il suit Pierre et Jean à Jérusalem, mais son véritable intérêt est autre. Quand Simon vit que le Saint-Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres: «Il leur apporta de l’argent et dit: ‹Donnez-moi aussi ce pouvoir; que celui à qui j’imposerai les mains reçoive l’Esprit Saint.» (Ac 8.19) Seul son intérêt le guide. Il ne s’intéresse pas à l’essence du christianisme. Ce cas est un modèle de la «nominalité» qui a été courante dans l’Eglise primitive.

 

6. Nicodème, modèle de «nominalité» dissimulée

Nicodème suit Jésus, mais se cache à cause de sa position sociale. Joseph d’Arimathée et Nicodème sont des disciples cachés de Jésus. Ils sont riches, occupent des postes importants en Israël et suivent Jésus. Nicodème confesse: «Tu es un docteur venu de la part de Dieu.» (Jn 3.2) Il ne le rencontre pas dans la journée, mais secrètement la nuit. Joseph d’Arimathée aussi est un membre éminent du Conseil. C’est un «homme bon et juste» (Lc 23.50), qui attendait le royaume de Dieu (Mc 15.43); il «n’avait point participé à la décision et aux actes des autres» (Lc 23.52). Il proteste par le silence. Joseph et Nicodème ne sont plus mentionnés dans la Bible. Après la dispersion des disciples, Joseph a pris le corps de Jésus. Cet acte est moins significatif de l’excellence de Joseph et de Nicodème que de l’échec des disciples (Jn 19.38-42). S’ils ont la foi, ils doivent suivre Jésus comme disciples. Mais ils se cachent derrière la vérité. Après la mort de Jésus, ils pleurent à chaudes larmes. Ils représentent une autre «nominalité», celle du remords coupable. Pourquoi Joseph et Nicodème deviennent-ils des chrétiens sociologiques? A cause de la peur des Juifs (Jn 19.38). «Ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.» (Jn 12.43) Autrement dit, ils estiment que leur dignité et leur réputation sont plus importantes que Jésus. Ils n’ont pas confessé publiquement leur foi et ils n’étaient pas dans la chambre haute. Ils n’ont pas de relation intime avec Jésus. Ils ont seulement une relation avec le cadavre de Jésus. Cela est vraiment désolant. Pilate, le gouverneur romain, appartient aussi apparemment à cette catégorie de «nominalité». Pilate respecte Jésus, mais il craint plus l’empereur romain que Dieu.

 

Tels sont quelques cas de «nominalité» selon la Bible.

 

La réalité «nominale»

 

On peut distinguer huit espèces de «nominalité» parmi ceux qui se disent chrétiens:

 

Chrétiens selon l’identité raciale et religieuse

La solidarité raciale (tribale) et religieuse prime sur la confession de foi personnelle. Par exemple, un Russe ne participe pas au culte; comme il est Russe et donc Slave, il se considère comme orthodoxe. Un Anglo-Saxon se considère comme anglican.

Chrétiens de la deuxième génération

La foi des parents sans confession personnelle des enfants est considérée comme conférant la qualité de chrétien. Ces personnes sont acceptées comme membres de l’Eglise par la présence de leurs parents.

Chrétiens formels

Ces chrétiens prennent part aux cérémonies de Pâques, de Noël, de mariage, d’enterrement, de souvenir, entre autres, mais ils ne professent pas la foi chrétienne. 

Chrétiens syncrétistes

Certains chrétiens adoptent le christianisme comme une religion parmi d’autres, à cause de sa perspective, de sa valeur morale, par exemple. Ils reconnaissent également Confucius, Bouddha comme des chemins à Dieu.

Chrétiens épuisés

Des chrétiens travaillent jusqu’à l’épuisement dans l’Eglise et sur les chantiers chrétiens. Ils le font par activisme sans avoir de conviction personnelle. Ils répandent le parfum de la laïcité ou du bénévolat, mais pas le parfum de Christ.

Chrétiens dont le christianisme est un hobby

Ces chrétiens donnent la priorité à l’aspect formel, à l’activité ou aux célébrations plus qu’à la foi en tant que telle. Ce sont des chrétiens inversés. Ils se rendent à l’église comme on visite une source d’eau minérale et cessent d’y venir lorsqu’ils ont à faire face à un changement de leur situation de vie.

Chrétiens aliénés

Certains chrétiens ne s’adaptent pas à l’Eglise culturellement et socialement. Dans les années 1970, bien des chrétiens ont quitté la campagne pour s’installer en ville et sont devenus des chrétiens sociologiques parce qu’ils ne trouvaient pas une communauté d’accueil et ne s’adaptaient pas à l’Eglise de grande ville.

Chrétiens blessés (Church damaged)

Il y a des chrétiens que blesse la dynamique inversée dans l’Eglise. Le cas est fréquent en Corée. Dans l’ordre patriarcal, les personnes qui ont une position élevée sont souvent hautaines vis-à-vis de celles dont la position est inférieure. C’est pour cela que celles-ci ne viennent pas au culte. A cela s’ajoutent d’autres raisons diverses: la préférence régionale, le préjugé intellectuel, la distinction économique et sociale, l’exemple des pasteurs.

 

L’analyse des causes de l’essor de la «nominalité»

 

Pourquoi parmi les chrétiens contemporains trouve-t-on de plus en plus de christianisme nominal? On discerne trois raisons:

– l’influence sociale, l’indifférence ou l’aspect social;

– l’état spirituel de l’Eglise, l’aspect ecclésial;

– le manque de foi, l’aspect individuel.

 

1. La société

En deux siècles, les modes d’existence se sont transformés rapidement. L’environnement social avec l’athéisme, le matérialisme et le scientisme est à la base de la «nominalité». Après les années 1990, la frontière entre la science et la religion a commencé à s’effondrer. Progressivement, une perspective globale est mise en évidence, les notions de sacré et de profane évoluent. La «foi» correspond à une attitude ouverte sur ce qui est transcendant et spirituel, mais pas par l’adoption de l’orthodoxie. «Si le sacré emprunte au profane dans les années 1960, le sacré est attaqué par le profane dans les années 1990.» La génération postmoderne est incitée à la «nominalité».

 

2. L’Eglise

Kosmin Barry estime que l’Eglise est l’incubateur de la «nominalité». Il met en évidence comment l’Eglise influe sur ce phénomène. Tout en montrant que la «nominalité»  est produite par les scissions, la concurrence et les crises internes, il indique le manquement de l’Eglise. La «nominalité» est en augmentation constante lorsque l’Eglise se trouve dans une situation de dégénérescence. Ceux qui fréquentent l’Eglise ne distinguent, en pratique, plus entre le bien et le mal. Ils favorisent la «nominalité».  De plus, les causes de celle-ci se trouvent dans l’Eglise:

– l’Eglise ne guide pas les chrétiens pour qu’ils reçoivent l’Evangile par la puissance du Saint-Esprit;

– l’Eglise ne reconnaît pas l’autorité de l’Ecriture;

– l’Eglise confond Parole de Dieu et légalisme;

– les fidèles ne sont pas heureux dans les petits groupes de l’Eglise;

– le culte de l’Eglise ne tient pas compte de l’environnement culturel;

– les pasteurs changent de poste trop souvent;

– les fidèles ne sont pas invités à prendre part aux décisions;

– l’Eglise n’apporte aucun apaisement aux soucis, ni de solutions aux problèmes des chrétiens.

 

La fidélité de l’Eglise baisse et se réduit peu à peu. Les fidèles ne considèrent pas l’Eglise comme étant là pour eux-mêmes. Ils s’ennuient au culte. Et l’esprit communautaire s’affaiblit. L’hypocrisie des fidèles nuit à l’esprit fraternel dans l’Eglise. Quand l’organe directeur de l’Eglise adopte des décisions importantes sans prendre en considération l’opinion des petits groupes dans l’Eglise, ceux-ci se sentent mis à l’écart. Les femmes ne sont pas satisfaites que les hommes prennent des décisions les concernant sans leur en parler. Une grande distance sépare l’Eglise idéale et l’Eglise actuelle. Pour ces raisons, les chrétiens sociologiques sont le résultat de problèmes provenant de l’Eglise.

 

3. L’individu

 

Une personne qui quitte l’Eglise le fait pour des raisons diverses. Voici celles qu’énumère l’étude faite par Leslie Francis et Philip Richter en 1997:

– l’insatisfaction dans l’Eglise (28%);

– une modification de l’environnement (déménagement, divorce, maladie) (26%);

– la perte de la foi (23– un changement de situation sociale (11%);

– disparité entre la foi individuelle et la position de l’Eglise (8%).

 

Où les croyants vont-ils en quittant l’Eglise? Selon Peter Kaldor, ils adhèrent soit au mouvement du Nouvel Age, soit au mouvement écologique, soit à des actions sociales et politiques.

 

La discussion de contre-mesures

 

Selon l’enquête de Peter Brierly sur la «nominalité», les trois quarts des chrétiens sociologiques croient à l’existence de Dieu, au pouvoir de la prière, à l’incarnation et à la souffrance de la croix. Même s’ils deviennent des chrétiens sociologiques, ils n’oublient pas les principes fondateurs. Ils ont fondamentalement besoin de l’Evangile. Celui-ci est comme une source dont le tuyau qui amène l’eau est vieux et on ne boit pas l’eau ainsi apportée. Mais on ne renonce pas pour autant à l’eau.

 

Le problème le plus important à résoudre face à la «nominalité» est celui de la relativité des expressions et des situations et la valeur durable de l’Evangile et du message chrétien. Il existe quatre domaines à analyser face à ce problème dans le domaine de la mission et de l’instruction dans la foi.

 

1. La culture

 

Le monde actuel est soumis à une globalisation culturelle et enregistre, de ce fait, un changement sans précédent. La modernité éclairée que l’Occident a connue depuis les Lumières a fait place, à partir de 1980, au postmodernisme. L’Eglise doit essayer de comprendre cela et de développer des programmes pour le culte et pour l’éducation. Les fidèles vivent l’expérience de la rupture qui est intervenue dans la structure traditionnelle de la famille et sa valeur. Ils ont beaucoup plus de relations avec différents groupes sociaux qu’avec l’Eglise. Donc la mission et le ministère ne doivent plus concerner seulement la famille. L’Eglise doit enseigner comment vivre dans la société et dans le cadre de cette culture.

 

En même temps, l’Eglise doit se préoccuper non seulement de voir comment répondre au changement social et culturel, mais aussi de faire preuve de sagesse devant ces changements. Il lui revient aussi de réfléchir sur l’incidence de son action dans la culture. L’Eglise a besoin d’analyser les raisons du changement social intervenu et les conséquences de celui-ci. Elle a également à se préoccuper des personnes éloignées de l’Eglise à cause de la culture, de l’âge, du sexe, de la race, des handicaps physiques et mentaux, des déficits économiques, par exemple.

 

2. Les enfants et la jeunesse

 

Le changement intervenu dans la culture a un impact direct sur les enfants et la jeunesse; 65% des jeunes chrétiens quittent l’Eglise avant d’être adultes. Ce phénomène se voit dans divers pays, y compris en Corée du Sud. Selon les statistiques, dans les années 1993-1995, la population des 5-29 ans a fléchi de 0,9%, mais les croyants de la même tranche d’âge ont diminué de 3%. Cela représente une réduction du nombre des croyants par rapport à la population totale. 

 

L’Eglise doit essayer de développer des programmes et de préparer les enfants et les jeunes afin qu’ils deviennent des chrétiens mûrs, parce que l’avenir de l’Eglise dépend en partie d’eux.

 

3. La communication

 

L’Eglise doit encourager un environnement ouvert qui permet aux opinions diverses de s’exprimer. Pour éviter l’apparition de la «nominalité», l’Eglise ne rejette pas les chrétiens qui doutent ou qui ont une attitude provocante; elle fait plutôt place au dialogue. L’Eglise s’efforce d’enseigner l’Evangile en utilisant les techniques et les procédés contemporains de telle sorte que les croyants soient enracinés dans l’Evangile.

 

4. Les dons des responsables

 

L’exigence la plus forte à une époque bouleversée concerne le leadership ou le «talent de dirigeant» efficace. Au centre d’un travail réussi, il y a toujours une personne bien adaptée. Face aux défis, il faut de bons dirigeants. Malheureusement le contraire existe aussi! Beaucoup dépend de la personne. Ceci est capital. Il faut bien la choisir. L’Eglise doit s’appliquer à sélectionner ceux qui peuvent comprendre les exigences de la société et les chrétiens placés dans  une société sécularisée.

 

Conclusion: pour l’accompagnement pastoral

 

La réalité de la «nominalité» exige un renouvellement et une réforme de l’Eglise. Comment cela peut-il se faire? Selon le Dr Jeong-Hun Seo, l’ex-président de la Faculté protestante de Jang-Shin (Presbyterian College and Theological Seminary), «le renouvellement et la réforme de l’Eglise dépendent du retour à la Bible, et non d’un mouvement mystique». Voici ce qu’il dit: «L’Eglise doit se renouveler. Sinon elle mourra. Le renouvellement ou la réforme ne signifie pas une totale nouveauté, mais un retour sur soi-même, aux fondements de l’Evangile. La nouveauté est donc un retour à la Bible.»

 

Nous avons décrit six modèles de «nominalité» (Loth, Esaü, Saül, Judas Iscariote, Simon le magicien, Nicodème). Le corps pastoral doit tenir compte de ces modèles et pratiquer la politique qui s’impose dans le ministère:

 

1. En veillant sur les jeunes au sein des familles croyantes, où la tentation de la «nominalité» est présente (comme Loth, neveu d’Abraham).

2. Afin que le cas d’Esaü, le frère aîné de Jacob, ne se reproduise pas, en veillant à bien instruire les jeunes dans les familles croyantes.

3. Pour que ne se reproduise pas l’incident vécu par Saül dont l’action influe directement sur la progression de la «nominalité», il faut encourager l’humilité, l’obéissance, la droiture, notamment, parmi les responsables des communautés.

4. Il faut prévenir le risque de «nominalité» parmi les responsables de l’Eglise, à l’instar de Judas Iscariote.

5. Il convient de faire attention aux croyants qui pourraient utiliser la communauté de l’Eglise pour mener leurs intérêts personnels. Pierre a vigoureusement repris Simon le magicien, qui a dû se repentir (Actes 8.20-24). Si l’Eglise ne parvient pas à museler les pasteurs sociologiques, elle en favorise le développement.

6. Il y a, parmi les chrétiens, des personnes comme Nicodème. Celui-ci a plus peur des hommes que de Dieu. L’Eglise a le devoir de leur enseigner ce qu’implique la vie de disciple.

 

Michael J. Fanstone propose cinq moyens adaptés à un ministère auprès des chrétiens sociologiques: prière, repentance, renouvellement, éducation, visite du pasteur:

 

– prier pour les chrétiens qui ont quitté l’Eglise;

– réfléchir sur nous-mêmes, en tant que croyants et responsables de l’Eglise;

– nous transformer nous-mêmes: renouveler l’Eglise et sa structure;

– développer une communauté vivante dans l’Eglise;

– trouver le point de contact en utilisant le ministère de visites.

 

L’Eglise coréenne a grandi de façon spectaculaire depuis cent ans. Parmi les cinquante plus grandes Eglises dans le monde, la moitié se trouve en Corée. De 10 000 en 1905, le nombre des membres a atteint 10 millions en 1990. Selon une enquête de KBS réalisée en janvier 2005, il y a 120 chrétiens parmi les 299 députés au parlement et plus de 60 000 Eglises, 12 millions de chrétiens et 124 000 pasteurs. La Corée est le deuxième pays pour l’envoi de missionnaires, après les Etats-Unis.

 

Mais, actuellement, la croissance de l’Eglise coréenne se ralentit. Le 1er novembre 2005, la population totale de Corée était de 47 280 000 personnes. En ce qui concerne les religions, le bouddhisme représente 22,8%, le protestantisme 8,3%, le catholicisme 10,9%. Le bouddhisme a progressé de 3,9%, le catholicisme de 7,4%; en revanche, le protestantisme a diminué de 1,6%. Les autres religions ont augmenté, le protestantisme s’est réduit. Ces résultats ont été analysés et il est apparu qu’il n’était pas possible de dire que l’Eglise est maintenant en situation de croissance. On ne s’explique pas la raison de cette situation. Il y a donc un sujet d’inquiétude.

 

Parce qu’on s’est imaginé que la croissance numérique est la croissance de l’Eglise, on s’en est préoccupé, et on a perdu de vue ce qui constitue l’essence de l’Eglise. Dès maintenant, nous devons prendre conscience du problème que posent les chrétiens sociologiques et procéder au renouvellement et à la réforme du ministère. Si on se contente de la croissance numérique et des indices visibles, la tragédie qui s’est produite en Russie guette notre Eglise. En 1917, quand la révolution a éclaté en Russie, 80-90% de la population étaient orthodoxes… Comment ne pas s’inquiéter, aujourd’hui, en Corée?

 

La vie chrétienne n’est pas simple, parce qu’elle implique un engagement personnel et spirituel. La mission et l’évangélisation ne sont pas simples non plus. Elles ne sont pas un acte accompli une seule fois. Il faut planter, dans les âmes, la semence de la personne divine de Jésus-Christ afin qu’elles croissent dans sa connaissance. Selon les modèles bibliques, il faut développer, jour après jour,

– la vie cultuelle et la connaissance de Dieu,

– la vie relationnelle dans le corps de Christ et

– la préoccupation du ministère dans le monde.

 

Par rapport à l’idéal indiqué, les Eglises coréennes offrent, jusqu’à un certain point, une image de l’Eglise ou le «nominalisme» est en croissance. Mais la fidélité et l’obéissance au Christ sont leurs tâches pour toute la vie.

 

 

 

 

 

 

* Jeung-Ou NAM est docteur en théologie et professeur de missiologie à la Faculté presbytérienne de Séoul. Il a été missionnaire en Russie et aumônier de l’armée coréenne. Il est actuellement pasteur principal de l’Eglise Emmanuel, à Séoul.

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