Les réformés confessants et l’avenir de l’église
Pierre COURTHIAL*
Les tensions sont telles aujourd’hui, dans le protestantisme réformé de notre pays, et notamment dans l’Eglise réformée de France, que plusieurs craignent qu’ils n’aillent au-devant de nouveaux schismes. Parallèlement, la situation à laquelle, depuis des années, étaient acculés les « réformés confessants » se trouve en fait débloquée, le temps étant venu pour eux d’entreprises positives qui requièrent leur application, leur hardiesse et leur joie.
Ayant désormais retrouvé la liberté d’être eux-mêmes au sein du protestantisme réformé français et – s’ils en sont membres – dans l’Eglise réformée de France, ayant conscience d’être les héritiers légitimes des Eglises réformées qui ont résolument confessé leur foi dans les synodes nationaux des XVIe et XVIIe siècles et, décidés à confesser la même foi au XXe siècle, ils vont de l’avant, sans aucune intention schismatique, sachant que l’avenir de l’Eglise est entre les mains de celui qui a promis: « Je bâtirai mon Eglise et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. »
I. Ce que doivent être les réformés confessants
Combats le bon combat de la foi. Saisis la vie éternelle à laquelle tu as été appelé et pour laquelle tu as prononcé cette belle confession de foi en présence d’un grand nombre de témoins.
(1 Timothée 6:12)
Toute vraie, toute belle confession de foi est du même mouvement à la gloire du Dieu vivant, Père, Fils et Saint-Esprit, qui s’est fait connaître en Jésus-Christ et dans la Sainte Ecriture qu’il a inspirée, et pour l’unité de sa sainte Eglise qui témoigne de son Evangile et de sa Loi dans un monde radicalement hostile. Aussi s’agit-il d’un combat, d’un bon combat.
La confession de foi ecclésiale n’est pas en mots et des lèvres seulement, mais jaillit profondément de la conviction des « cœurs ». Elle est tissée de la doctrine et de la prière qui ont leur source en la Parole de Dieu, en elle seule, en elle toute, par la puissance de l’Esprit saint vivifiant et illuminateur.
Les réformés confessants reconnaissent et font cordialement leur « la foi transmise aux saints une fois pour toutes » (Jude 3) telle qu’elle est proclamée dans les Symboles de l’Eglise ancienne (des Apôtres, de Nicée, Constantinople, d’Athanase) et dans les confessions de foi réformées des XVIe et XVIIe siècles; et cela non pas à cause de leur antiquité mais parce qu’ils sont conformes à la Parole de Dieu, à l’Ecriture sainte.
En un temps où trop de chrétiens n’osent plus croire en la vérité vraie qu’est la Parole de Dieu – Jésus-Christ et l’Ecriture –, où trop d’idéologies (d’idologies) ont, hélas! pénétré et vicié la pensée et la vie des Eglises, où l’Eglise comme Corps du Christ et communion de (et dans) l’Esprit saint est de moins en moins discernable et discernée dans les Eglises, où la théologie est rabaissée au rang de psychologie, de sociologie et de politique, les réformés confessants doivent attester hardiment, par leur foi et par leur vie, que Jésus-Christ est l’unique Sauveur et l’unique Seigneur à la gloire de Dieu le Père, et qu’il est le berger, l’époux, l’ami, le prophète, le sacrificateur et le roi de sa sainte Eglise, et que « toute autorité dans le ciel et sur la terre lui a été donnée ». (Mt 28:18)
Confesser la vérité révélée de Dieu, celle du Christ, la Parole éternelle incarnée une fois pour toutes, dans la réalité de notre histoire, en Jésus de Nazareth qui est né de la vierge Marie, qui a souffert sous Ponce Pilate, qui est mort et ressuscité et qui reviendra dans sa gloire; celle de l’Ecriture sainte, la Parole de Dieu inscrite une fois pour toutes dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Confesser la vérité dans l’amour, cela signifie, pour tout réformé confessant, l’endurance patiente dans un combat quotidien et plein d’espérance, d’écoute de la Parole, d’appel au Saint-Esprit, de prière, d’obéissance, de témoignage, de sanctification, de souffrances pour l’Eglise et pour le prochain et, quand il le faut, par l’Eglise et par le prochain; comme cela signifie aussi la fermeté et l’ouverture, les bénédictions et les larmes, les exaucements et les épreuves.
L’appel reçu de Dieu est exigeant. Sa grâce demande à notre gratitude, émerveillée par le salut immérité qu’il nous a accordé en son Fils unique par la puissance du Saint-Esprit, de recevoir et d’accepter de bon cœur ce qui nous humiliera, ce qui nous mortifiera, en « suivant les traces » de Jésus.
Nous avons sans doute trop longtemps préféré la « grâce à bon marché » à la « grâce qui coûte ». Nous nous sommes sans doute trop longtemps laissé aller. L’heure vient, et elle est déjà venue, où il faut nous réveiller de notre sommeil et accepter d’être mobilisés et conduits. Pas à pas. Jour après jour. Mais la joie d’avoir été élus en Christ pour le service du Seigneur doit nous dominer en toutes circonstances.
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Nous avons à confesser tout ensemble la vérité de l’Evangile et la vérité de sa Loi. Nous avons à confesser tout ensemble la vérité de l’Evangile, c’est-à-dire la vérité de ce que Dieu a fait pour nous par amour, vérité manifestée tout au long de l’histoire de la Révélation, déclarée en claires paroles humaines inspirées aux prophètes et aux apôtres, et pleinement apparue en Jésus-Christ qui est « descendu aux enfers », qui est devenu « péché » (2 Co 5:21) et « malédiction » (Ga 3:13) à notre place, comme notre « substitut », lui, le Saint sans l’ombre de l’ombre d’un péché, afin que nous soyons justifiés par grâce par le moyen de la foi.
Et nous avons à confesser la vérité de la Loi, c’est-à-dire la vérité de ce que Dieu nous ordonne de faire pour lui par amour, en retour et en reconnaissance de l’Evangile de son amour pour nous, vérité manifestée tout au long de l’histoire de la Révélation, déclarée en claires paroles humaines inspirées aux prophètes et aux apôtres, et pleinement vécue par Jésus-Christ, qui nous a donné son exemple afin qu’en sa communion, justifiés par lui, nous puissions commencer à obéir vraiment et soyons sanctifiés par grâce par le moyen de la foi.
Ainsi, notre confession dogmatique, selon la vérité de l’Evangile, est, et doit demeurer, accompagnée de notre confession éthique, selon la vérité de la Loi, Jésus seul ayant pleinement accompli la Loi et l’Evangile pour qu’en la communion de sa mort et de sa résurrection nous vivions, à notre tour, par la puissance de son Saint-Esprit.
Etre re-formés par la Parole et l’Esprit du Père, être ainsi des hommes re-formés, des chrétiens re-formés, et des hommes, des chrétiens, réformés confessants, tel est le projet de vie que Dieu assigne à tous les siens et que, dans sa grâce miséricordieuse et souveraine, il veut et il peut, seul, réaliser en nous, comme il veut et il peut que nous le voulions et pouvions, lui qui, seul, crée en nous le « vouloir » et le « faire ».
II. Les tâches auxquelles sont appelés les réformés confessants
Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier après l’avoir purifiée par le bain d’eau avec la Parole, pour faire paraître cette Eglise glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut.
(Ephésiens 5:25-27)
Allez, faites de toutes les nations des disciples… enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit.
(Matthieu 28:19-20)
Selon ces deux paroles du Nouveau Testament, deux visées principales doivent dynamiser les réformés confessants: l’édification de la sainte Eglise et la proclamation de la Parole de Dieu, chacune en rapport avec l’autre.
Sous le fallacieux prétexte que l’Eglise ne sera jamais vraiment et pleinement pure ici-bas et que la proclamation de la Parole de Dieu n’y sera jamais exhaustive et parfaite, d’aucuns nous invitent à ne tendre ni à la pureté de l’Eglise, ni à la perfection de la proclamation et de l’enseignement de la Parole de Dieu. C’est comme s’ils disaient que, puisqu’il y aura toujours en nous ici-bas, et dans les fidèles les plus saints, des restes de péché, nous n’avons pas à « tendre à la perfection » (2 Co 13:11). Au mépris de la parole de Jésus: « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5:48)
Mais le Christ, lui, veut faire paraître son Eglise « sans tache, ni ride ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut » et le Christ, lui, veut que sa Parole soit proclamée et enseignée à chaque nation selon « tout ce qu’il a prescrit ».
Comme l’a écrit le réformé confessant Francis Schaeffer:
Nul n’est parfait. Aucun d’entre nous n’est entièrement fidèle à notre divin époux. Nous sommes tous faibles. Souvent, nous sommes infidèles en un sens positif ou en un sens négatif dans nos pensées ou nos actions. Mais l’Ecriture établit une claire distinction entre l’imperfection de tous les chrétiens et l’adultère spirituel qui se produit quand ceux qui affirment être gens de Dieu cessent d’écouter ce que Dieu a dit et se tournent vers d’autres dieux. Au sens biblique, il y a alors apostasie.
Si tant d’Eglises aujourd’hui sont dans une situation spirituelle catastrophique, c’est parce qu’elles se sont laissées pénétrer par l’apostasie, c’est parce que d’autres dieux que Dieu corrompent les intelligences, égarant les chrétiens par leurs mensonges.
Les réformés confessants, jaloux au sujet de leurs Eglises d’une jalousie de Dieu, viseront – et d’abord en eux-mêmes – au redressement des intelligences et à la soumission d’amour au seul époux de l’Eglise qui est le Christ.
Les hérésies diverses, tendant toutes à l’apostasie, sont des adultères.
Le pluralisme, tant prôné aujourd’hui, mariant l’eau et le feu, veut faire cohabiter dans les Eglises la fidélité à la Parole de Dieu et l’hérésie, le mariage avec le Christ et l’adultère, la soumission au Dieu révélé et l’apostasie.
Nos contemporains, jusque dans les Eglises, n’aiment pas, ne veulent pas, qu’il soit parlé d’hérésies, d’adultère et d’apostasie. Ils accusent les réformés confessants, qui rejettent le pluralisme, d’intolérance.
Quand elle a confessé sa foi et condamné les hérésies, aux premiers siècles et au temps de la Réforme, l’Eglise de la Parole a été, de même, accusée d’intolérance. Comme si l’amour devait tolérer l’infidélité! Comme si l’époux et l’épouse pouvaient tolérer l’adultère! Comme si la jalousie de Dieu n’était pas fondée sur la réalité vivante de son amour! Comme si la maison de Dieu pouvait devenir une maison de tolérance!1
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Les réformés confessants témoignent, protestent que l’Eglise ne peut recevoir et enseigner n’importe quelle doctrine, n’importe quelle théologie, mais qu’elle doit garder et transmettre la « saine doctrine »2, la théologie selon la Parole de Dieu (incarnée et écrite).
Pour reprendre les expressions de saint Paul, il ne faut pas que « l’intelligence se corrompe » et que soit abandonné l’« attachement fidèle et pur au Christ ». Précisément, parce que nous ne disposons pas de la vérité révélée pour la tourner en « mensonges habiles », nous devons tenir à la vérité révélée pour qu’elle nous tienne. Sans nous laisser « égarer ». Il y va de l’amour fidèle de l’Eglise pour son époux. Il y va de l’honneur du Christ, époux de son Eglise. L’Eglise ne doit pas devenir une Babylone pluraliste avec « sept têtes et dix cornes ». Elle n’a qu’une tête, qu’un chef, qu’un époux: le Seigneur Jésus son Sauveur, vrai Dieu et vrai homme.
Ces affirmations – bibliques! – atteindront peut-être d’autres comme des flèches acérées et blessantes. Elles vous atteignent sûrement, et d’abord nous-mêmes, jusqu’à ce que cède en nous toute résistance à l’amour et à la seigneurie du Christ Jésus. L’amour du Seigneur pour son Eglise est un amour jaloux et il n’est jamais dur que pour nos infidélités. Que d’autres fassent ce qu’ils croient devoir faire! Nous avons, nous, réformés confessants, à faire ce que Dieu nous impose, lui dont le joug est doux et le fardeau léger.
La saine doctrine, la théologie fidèle, ne peut être maintenue vivante qu’au prix d’un dur labeur opposé à tout facile rabâchage, d’une patiente persévérance dans l’examen minutieux du contenu de sens de l’Ecriture sainte, d’un amour toujours renouvelé du Seigneur et de sa Parole, d’un respect (sans idolâtrie!) tant pour l’œcuménisme historique (la tradition des Pères en la foi) que pour l’œcuménisme géographique (la communication avec les frères en la foi), d’une ouverture réelle à ce que les adversaires mêmes de la sainte doctrine, de la théologie fidèle, peuvent nous apporter de juste et de vrai, malgré leurs funestes erreurs, et par la grâce universelle de Dieu.
Nous ne sommes pas, grâce à Dieu (grâces à Dieu!) de malheureux orphelins seuls au monde et devant une table rase, mais les héritiers de Pères, de Docteurs, de Réformateurs, porteurs avant nous et mieux que nous, de la grande tradition ecclésiale fidèle à la Sainte Ecriture: Tertullien pour la doctrine de la Trinité, Athanase pour celle de la personne du Christ, Augustin pour celle de l’homme, Anselme pour celle de l’expiation, Luther pour celle de la justification, Calvin pour celle de l’autorité – ce ne sont que quelques exemples; pensons aussi à ceux plus récents, d’un Kuyper, d’un Bavinck, d’un Warfield, d’un Lecerf! – ont beaucoup, beaucoup à nous apprendre. Et nous avons aussi des frères contemporains, tels Packer, Van Til ou Kline!
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L’avenir de l’Eglise ne peut pas être, ne doit pas être, celui d’une Eglise pluraliste, chaotique, Babylone à sept têtes et à dix cornes, affirmant à la fois, dialectiquement le oui et le non, maison de tolérance et de prostitution, d’adultère et d’apostasie. Ce « projet » n’est rien moins qu’abominable. Historiquement, hélas! il est possible: Jésus lui-même n’a-t-il pas dit: « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » (Lc 18:8); et la description apocalyptique de la grande prostituée n’évoque-t-elle pas le « mystère » affreux d’une Eglise apostate des derniers jours? Thomas d’Aquin, dans son œuvre monumentale apparemment tranquille, n’a pas hésité à enseigner qu’il faut s’attendre au règne universel du Malin à la fin des temps3.
Mais les réformés confessants ne doivent pas, ne peuvent pas, se résigner à cet horrible avenir de l’Eglise.
Certes, nous ignorons ce que Dieu a décrété, mais, en revanche, nous savons ce que Dieu a ordonné. Et c’est à ce que Dieu ordonne que nous devons nous tenir. Et Dieu nous ordonne l’édification de l’Eglise selon la vérité révélée de sa Parole: Jésus-Christ et l’Ecriture. Et Dieu nous ordonne la proclamation de sa Parole, de tout ce qu’il a dit et prescrit, à toutes les nations de la terre et au peuple d’Israël.
L’avenir de l’Eglise sur la terre, dans l’histoire temporelle, peut être celui d’une apostasie générale. Mais il peut aussi être celui d’une nouvelle Réformation selon la Parole et l’Esprit de Dieu. Et c’est cet avenir-ci et non pas cet avenir-là que les réformés confessants veulent et doivent préparer.
Comme l’a dit Calvin: « L’espérance n’est rien autre que la constance de la foi. » En maintenant intrépidement sur la terre « la foi transmise aux saints une fois pour toutes », les réformés confessants sont des chevaliers de l’espérance, envers et contre tout. Seules, l’édification de l’Eglise selon la « saine doctrine » et la proclamation de la Parole de Dieu urbi et orbi sont porteuses de l’espérance du monde. Et nous ne pouvons, avec C. H. Spurgeon, qu’affirmer
La plénitude du Christ n’a pas changé, pourquoi alors agissons-nous avec tant de faiblesse? La Pentecôte ne serait-elle qu’une tradition? Les jours de la Réformation ne seraient-ils que des souvenirs? Je ne vois pas de raison pour que nous n’ayons pas une plus grande Pentecôte que celle qu’a vue Pierre, une Réformation plus profonde en ses fondements et plus réelle en ses constructions que toutes les réformes réalisées par Luther ou Calvin. Nous avons le même Christ, souvenez-vous-en. Les temps ont changé, mais Jésus est l’Eternel, et le temps ne l’altère pas… Notre paresse ajourne l’œuvre de conquête, notre lâcheté la remet à plus tard, notre peur et notre manque de foi radotent au sujet du millénium alors qu’il s’agit d’écouter aujourd’hui la voix de l’Esprit. Des jours favorables commenceraient, dès maintenant, si seulement l’Eglise se réveillait et se revêtait de force, car toute plénitude habite son Seigneur4.
Et nous ne pouvons, avec le même Spurgeon, que prier:
Oh! Esprit de Dieu, ramène ton Eglise à la foi en l’Evangile! Ramène tes ministres à le proclamer de nouveau par l’Esprit saint, et à ne pas rechercher seulement l’intelligence et le savoir. Alors nous verrons s’étendre ton bras, ô Dieu, aux yeux de tout le peuple, et des multitudes seront amenées à se rassembler autour du trône de Dieu et de l’Agneau. L’Evangile doit triompher; il triomphera; rien ne l’empêchera de triompher; une foule qu’aucun homme ne peut compter sera sauvée!5
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Dans la situation de détresse de l’Eglise universelle, et en particulier des Eglises réformées en France, et précisément parce que nous avons à cœur l’avenir de l’Eglise, nous, réformés confessants, ne pouvons plus nous taire ni laisser faire. Nous taire et laisser faire, alors que l’apostasie s’étend, serait en être complices. En conscience, nous ne le pouvons pas, nous ne le devons pas, nous ne le voulons pas. Que les réformés confessants se rassemblent pour s’entraider à tenir bon, à tenir ferme, à contre-courant s’il le faut, dans la prière et l’étude de la Bible! Ils prieront fidèlement pour leur pasteur et leur Eglise, même et surtout là où ils souffrent par leur pasteur et par leur Eglise. Avec persévérance. Avec espérance. N’oublions pas que c’est une humble villageoise de Beesd, aux Pays-Bas, Pietronella Ballus, qui fut l’instrument dont le Seigneur se servit, dans les années 1860, pour convertir à la foi réformée Abraham Kuyper, tout docteur en théologie de l’Université de Leyde qu’il était! Le jeune pasteur, dans sa première paroisse, qu’était alors Kuyper, revint à la « saine doctrine » par la prière de Pietronella et les entretiens « pastoraux » qu’il eut avec elle (mais, des deux, le « pasteur » fut d’abord la villageoise!).
Kuyper reçut alors de Dieu la paix et la conviction qui surpassent toute connaissance. Il sortit d’un dur combat spirituel avec la « vision réformée » qu’il gardera, approfondira et servira jusqu’à sa mort. Le plus grand théologien réformé de la fin du XIXe siècle et du début du XXe fut gagné à la vraie foi par le moyen d’une jeune paysanne, réformée confessante.
L’objectif sera de promouvoir l’évangélisation et la constitution de nouvelles Eglises dans notre pays. Une Eglise qui n’évangélise pas ne s’édifie pas. Une Eglise qui ne s’édifie pas n’évangélise pas. Les deux vont, doivent aller ensemble. L’Evangile doit être offert à tous, sans distinction. Il est fatal qu’une Eglise pluraliste ne sachant plus – et ne voulant plus savoir – ce qu’elle croit, laisse péricliter la vraie mission de l’Eglise telle que l’a ordonnée le Seigneur. Il est fatal que ceux qui affirment que « personne ne peut savoir au juste ce qu’est l’Evangile » n’aient plus d’Evangile à annoncer et n’évangélisent plus. Il est fatal que les théologiens, tels pasteurs, pluralistes, dans les « dialogues » publics et télévisés qu’ils ont avec tels athées, déconcertent ces athées, lorsqu’ils cherchent, en affirmant davantage leurs doutes que la Foi – déconcertent les athées auxquels l’Eglise doit dire l’Evangile… et scandalisent ces plus « petits » des chrétiens qui étaient en droit d’attendre d’eux une parole simple claire et ferme. Le renouveau de l’évangélisation rendra cœur à ces « petits » en leur rendant l’amour des athées qui attendent – qu’ils le sachent ou non – que leur soit annoncée la Parole de Dieu, sans démagogie, sans fausse honte, selon le dire de notre Seigneur aux siens:
Quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. (Mc 8:38)
III. Les armes spirituelles du combat
Fortifiez-vous dans le Seigneur et par sa force souveraine. Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable.
(Ephésiens 6:10-11)
Dans les versets 10 à 18 (car il faut lire au-delà de la citation ci-dessus jusqu’au verset 18) du chapitre 6 de la lettre aux Ephésiens, l’apôtre Paul nous révèle quelles doivent être les armes de Dieu à saisir, à garder et à employer, dans ce grand, ce beau combat où nous sommes engagés.
Ce n’est pas à des hommes, à chair et sang, que nous en avons; c’est à des puissances spirituelles mauvaises qui nous enveloppent et nous assaillent. Contre elles, nos forces humaines ne peuvent rien, ne sont pas d’attaque. Il y faut les « armes de Dieu ». Rien de moins.
Nous devons être portés, pas à pas, par « les bonnes dispositions que donne l’Evangile de paix ». Ce sont là les « chaussures » dans la panoplie nécessaire au combat. Loin de nous, par conséquent, un zèle amer, une fermeture à autrui, des dispositions mauvaises. Alors même que nous sommes engagés, nécessairement, dans des controverses, ayons et gardons les « bonnes dispositions » au long du combat. L’Evangile est un Evangile de paix. Nous ne combattons pas pour le plaisir de nous battre, mais en vue du triomphe de la paix du Christ.
Nous devons être ceints de vérité. Non pas de la vérité de ceux qui orgueilleusement veulent « avoir raison », mais de la vérité du Christ et de l’Ecriture. Prêts à rectifier ce que nous pensons et disons selon cette vérité. Sachant que nous sommes, comme quiconque, susceptibles d’erreurs.
Protégés par le « bouclier de la foi », non pas de notre foi, mais de la foi, don de Dieu à sa sainte Eglise et à ses membres, et par le « casque du salut », non pas du salut que nous mériterions, mais du salut qui, tout entier, est de Dieu, employons « le glaive de l’Esprit qui est la Parole de Dieu »!
L’Ecriture n’est pas un outil, une arme, à utiliser n’importe comment et pour n’importe quoi! Mais, comme le dit saint Paul, « pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour éduquer », et d’abord nous-mêmes! Mais l’arme spirituelle qui doit être nôtre en toutes circonstances, favorables ou non, c’est « la prière par l’Esprit », non pas la prière selon les pensées, les désirs et la volonté de notre esprit, mais la prière selon le Saint-Esprit qui, lui, peut nous vivifier, nous affermir, nous conduire dans le combat de la foi. C’est lui, l’Esprit que nous devons mendier, supplier, qui illuminera notre chemin. Oui Veni Creator Spiritus! Viens Esprit réformateur!
* P. Courthial est pasteur à la retraite de l’Eglise réformée de France et doyen honoraire de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence. Ce texte a paru dans la revue Ichthus en mai 1974.
1 A la suite de Francis Schaeffer, citons quatre textes scripturaires d’une brûlante actualité: Exode 34:12-15; Ezéchiel 16:30-32; Osée 4:12-13; Apocalypse 17:1-5.
2 1 Tm 1:10; 2 Tm 4:3; Tt 1:9 et 2:1.
3 Quaestiones quodlibetales, 4, 20.
4 Metropolitan Tabernacle Pulpit, vol. 20, 234.
5 Ibid., vol. 60, 198.