Jésus et Pilate :  deux pouvoirs pour un même monde – Jean 18.33-38 et 19.10-11a

Jésus et Pilate : 
deux pouvoirs
pour un même monde

Jean 18.33-38 et 19.10-11a

Daniel BERGÈSE1

Introduction

J’ai choisi ce passage des Écritures en rapport avec une problématique parallèle au thème de ce carrefour, à savoir celle de la cohabitation de deux autorités au sein de la même société, l’autorité civile d’un côté et l’autorité morale ou religieuse de l’autre. Chacun perçoit instinctivement que ces deux autorités ne s’exercent pas sur le même plan. L’une vise uniquement l’extériorité, c’est-à-dire le vivre ensemble, l’organisation de la cité et l’exercice de la justice, tandis que l’autre s’adresse avant tout à la conscience individuelle.

Si on en restait à ce simple schéma, la cohabitation ne devrait pas poser de problème. Chacun chez soi et le troupeau sera bien gardé ! Mais, en réalité, les interférences entre ces deux domaines sont nombreuses. Peut-on concevoir une morale ou une religion qui ne concernerait que l’être intérieur, que le jardin privé de ma conscience, sans jamais s’exprimer par des choix de comportement et par quelque insertion dans la vie publique ? Et, à l’inverse, il faut être bien naïf pour croire (mais ici je pense qu’il y a beaucoup de naïfs !) à la neutralité parfaite du pouvoir civil, comme si les motifs moraux, idéologiques ou religieux n’inféraient en rien dans les décisions politiques, dans l’énoncé et l’application du droit. De fait, les points de rencontre, et souvent de friction, sont nombreux et récurrents.

En conséquence, dans chaque sphère on adopte des stratégies qui visent, autant que faire se peut, à conserver son espace propre contre les intrusions de l’autre. Pour ce qui est des groupes religieux, par exemple, c’est la tentation du ghetto, du communautarisme. Et du côté de l’État, la stratégie consiste en une volonté de promouvoir une idéologie qui conforte son autorité, l’idéal étant que cette idéologie pénètre au sein même des mouvements religieux et fasse ainsi disparaître les points de friction. L’exemple de l’islam en France est une illustration, on ne peut plus claire, de ces jeux de pouvoir. Mais, par contre coup, cet exemple nous interpelle en tant que chrétiens : comment notre foi nous positionne-t-elle par rapport à l’autorité civile, et plus largement encore par rapport au monde dans lequel nous sommes ? Quelques éclairages précieux vont se dégager des versets que nous venons d’entendre.

1. Un face à face instructif

Tout d’abord, ce qui est fort intéressant pour nous, c’est qu’il s’agit en effet de la rencontre entre deux autorités : celle de Jésus et celle de Pilate. L’un, en tant que Fils de Dieu, représente l’autorité de son Père, l’autorité de Dieu, autrement dit l’autorité morale et religieuse par excellence. L’autre est un représentant de l’autorité politique ultime, celle de l’empereur de Rome. Mais est-ce un choc, un face à face où l’un doit nécessairement faire plier l’autre ? Pas vraiment.

D’une part, Jésus ne considère pas l’homme politique qui est devant lui comme un ennemi. En effet, un peu après la section que nous venons de lire, lors de la deuxième rencontre que Jésus aura avec le préfet, Pilate va parler de son pouvoir en rappelant qu’il ne tient qu’à lui que l’accusé soit condamné ou libéré. La réponse de Jésus est significative : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut. » Il n’y a pas de choc frontal parce que, sans qu’il le sache, Pilate, dans sa fonction politique, est un subordonné du Dieu tout-puissant. Ainsi, parce qu’il a conscience d’être le Fils de Dieu, Jésus sait qu’il a une autorité supérieure à celle de Pilate, ce qui écarte d’emblée toute crispation. Il n’a pas à défendre l’autorité religieuse contre l’autorité civile : il sait d’emblée où se trouve l’autorité ultime qui coiffe toutes les autorités en ce monde. Et on remarquera, et c’est tout à fait conséquent, que cette position de supériorité dans l’échelle des pouvoirs, le Christ ne s’en sert pas pour courber, influencer, voire annihiler l’autorité du préfet romain. Il y a au contraire reconnaissance et respect du domaine d’autorité qui a été confié à Pilate. Si le Maître a agi ainsi, combien plus doit-il en être de même pour ses disciples !

Et, d’autre part, l’interrogatoire fait bien apparaître que Pilate, non plus, ne considère pas Jésus comme un ennemi, comme quelqu’un de dangereux pour le pouvoir de Rome. Il conclut en effet cet entretien par ce qui sonne comme un verdict : « Moi, je ne trouve aucun motif de condamnation en lui. » Cette sentence montre à l’évidence que, s’il n’a pas tout saisi des propos de Jésus, il a au moins perçu qu’il s’agissait de questions religieuses, et non politiques, et que donc cela n’entrait pas dans sa sphère d’autorité. Même si cela lui était dicté par le fait qu’il ne comprenait rien à la religion juive (cf. la fameuse réplique « Suis-je donc juif moi ? »), son attitude apparaît comme une sorte de reflet de celle de Jésus. De même que notre Seigneur a respecté le domaine d’autorité de Pilate (pour les raisons que nous avons vues), de même Pilate a respecté le caractère singulier des convictions religieuses, à propos desquelles il ne s’estime pas juge.

Et, finalement, cette confrontation improbable entre Jésus et Pilate n’a eu lieu que sur la base d’un malentendu. Ce malentendu s’inscrit profondément dans le messianisme juif, que beaucoup de gens à l’époque concevaient, au moins partiellement, sur un plan politique. La fameuse accusation portée par les chefs religieux selon laquelle Jésus prétendait être le « roi des Juifs » nous est bien connue. Elle n’est pas reprise explicitement dans l’évangile de Jean (qui souvent présuppose acquises les données que l’on trouve dans les synoptiques), mais ce motif apparaît quand même dans notre texte. Au verset 33, Pilate demande à Jésus : « Es-tu le roi des Juifs ? » Et Jésus lui renvoie : « Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou bien est-ce d’autres qui te l’ont dit de moi ? » Le lecteur est amené à comprendre qu’il y a fort peu de chance que cette idée soit née spontanément dans l’esprit de Pilate ! Mais, contrairement à ce que cette accusation affirme, Jésus n’est pas venu pour s’opposer au gouvernement de Rome, mais c’est la foi populaire et les théologiens du temps qui ont propulsé Jésus au sein d’un conflit qui n’était pas le sien. La confrontation est donc née d’une certaine conception de l’espérance, d’une certaine conception sotériologique, et donc d’une erreur théologique ! Il y a là déjà un avertissement pour nous : il n’y a pas d’emblée un conflit entre notre foi et l’autorité civile, mais nous pouvons nous égarer en dressant Jésus contre Pilate.

2. Dans le monde mais pas du monde (v. 36)

Mais, bien sûr, là ne se limite pas l’enseignement que nous pouvons puiser dans ce passage biblique. Heureusement, car cela donnerait l’impression qu’une fois les choses bien posées, il n’y aurait plus de problèmes. Or cela n’est pas vrai, comme je l’ai indiqué dès le début. Il nous faut considérer maintenant les paroles échangées entre Jésus et Pilate. Elles vont nous apporter de nouvelles lumières.

On constatera que cet échange roule entièrement sur la question de la royauté de Jésus. A l’évidence, Jésus n’a pas répondu au préfet en réfutant clairement cette vision messianique dans laquelle, pourtant, il ne se reconnaissait pas. Il a plutôt laissé cette question ouverte, et ceci afin de pouvoir apporter un enseignement à ce sujet et préciser en quoi sa royauté consiste (v. 36-37). « Ma royauté n’est pas de ce monde. » La formule est bien connue, mais que veut-elle dire exactement ? Un premier niveau de compréhension est simple et s’impose avec évidence : Pilate ne doit pas imaginer qu’il s’agit d’une royauté semblable à celles que l’on connaît dans le monde. Jésus ne revendique pas un pouvoir politique. Tout son ministère confirme d’ailleurs le propos. Mais s’il est facile de comprendre ce que cette royauté n’est pas (et cela suffit pour Pilate), il est beaucoup plus délicat de dire ce qu’elle est, sur qui elle s’exerce, et où.

Reconnaissons-le, il y a toute une tradition protestante qui tranche en invoquant ici le ciel. Si la royauté du Christ n’est pas de ce monde, c’est qu’elle est au ciel. La solution semble aller de soi : il y a sur la terre des autorités civiles qui gèrent les royaumes terrestres englués dans le péché, et dans le ciel un souverain qui règne dans un royaume de lumière formé des anges et des saints parvenus à la perfection. Il y a deux mondes, deux règnes… et point final.

C’est simple, en effet, mais, dans ce cas, la simplicité n’est pas vraiment évangélique ! Tout d’abord pourquoi introduire ce concept de ciel dans un passage où il ne figure pas ? Et plus encore, une telle vision, en situant le règne de Dieu et du Christ au ciel, semble curieusement restreindre la souveraineté divine. Or, nous l’avons vu, même le gouvernement de Pilate dépend du bon vouloir de Dieu. À la fin de l’évangile de Matthieu, Jésus, qui va rejoindre le Père, annonce : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. » (Mt 28.18) Et il n’est pas question de renvoyer cela à la parousie. Non seulement la grammaire de la phrase, mais aussi le contexte de cette parole dans Matthieu ne laisse aucun doute. C’est bien ici et maintenant que s’exerce ce pouvoir souverain du Christ. Ainsi, dire « ma royauté n’est pas de ce monde » ne signifie pas nécessairement qu’elle s’exerce ailleurs que sur la terre.

Il faut constater cependant que bien des traductions (Segond, Segond 21, BFC, notamment) rendent le grec basiléia par « royaume », ce qui n’est peut-être pas le meilleur choix. Le mot veut en effet tout aussi bien dire « royauté » (traduction NBS, TOB) ou « règne » que royaume. Or, il est difficile en entendant le mot « royaume » de ne pas y adjoindre automatiquement une dimension spatiale, la vision d’un territoire particulier. Si le royaume du Christ est un espace, alors où se situe-t-il ? Et le ciel arrive naturellement comme un lieu, comme un deuxième espace qui fera pendant à « ce monde ». Il serait donc plus judicieux de conserver ici la traduction « règne », qui n’a pas cette connotation spatiale, et qui est déjà utilisé ailleurs, notamment dans le Notre Père.

À la fin du verset 36, Jésus précise néanmoins : « En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » À nouveau la tentation nous prend de la renvoyer dans « l’au-delà » ! D’autant plus si nous suivons nombre de traductions qui enrichissent le « ici » par un « ici-bas ». Mais dans ce cas encore la traduction a tendance à nous tromper. Le mot enteuthen n’a pas du tout le sens technique de la notion « ici-bas » en français. Il s’agit tout simplement d’un adverbe de lieu qu’on peut traduire par « ici » ou « là » (ce qu’ont fait les traducteurs de la NBS et de la TOB). De plus, il s’attache fréquemment à cet adverbe une notion d’origine ou de cause. Être « d’ici » ne veut donc pas forcément dire qu’on est là, mais plutôt que l’on vient de là. Ainsi, dans notre passage, la négation « n’est pas d’ici » signifie que le règne du Christ ne surgit pas de ce monde, que son origine est autre, même si en définitive il va bien s’exercer sur le monde.

Et, bien sûr, il faut considérer l’usage du mot « monde » dans l’évangile de Jean. C’est un mot particulièrement typique du style de l’auteur. Il revient pas moins de 79 fois dans l’évangile, dont trois fois dans les quelques versets que nous avons lus. Mais sous ce même mot, l’auteur peut désigner trois réalités sensiblement différentes. Soit il s’agit de la création de Dieu dans son ensemble (comme en Jean 17.24), soit du monde des hommes, c’est-à-dire de l’humanité dans son ensemble (c’est sans doute l’usage le plus fréquent), soit encore une partie seulement de l’humanité, celle qui s’oppose à la révélation de Dieu en Jésus-Christ (comme en Jean 17.14). Et comme il s’agit du même vocable, c’est à la lumière du sens global de la phrase que l’on peut déterminer celui du mot (avec quelquefois des doutes légitimes).

Dans le récit qui nous occupe, l’usage au verset 37 ne fait guère de mystère. En disant qu’il est né et qu’il est venu « dans le monde », Jésus parle bien de son incarnation, c’est-à-dire de sa naissance sur la terre, de son entrée dans la bonne création de Dieu. En revanche, ce n’est certainement pas de cela dont il s’agit au verset précédent. En complément de ce qui a été dit au sujet de l’adverbe enteuthen, sur sa faculté à désigner l’origine ou la cause d’une situation, on trouve avec le mot « monde » la petite particule ek (ek tou kosmou), qui elle aussi renvoie à une origine, à un mouvement de sortie. On peut donc comprendre : le monde dont Christ est le roi « ne sort pas de ce monde », c’est-à-dire ne doit rien aux principes qui ont cours dans ce monde. On remarquera aussi que le démonstratif « ce » (« ce monde », en grec tou kosmou toutou) peut renvoyer aux propos de Pilate qui vient de lui parler de « roi des Juifs », de « nations » et de « chefs des prêtres ». En quelque sorte, Jésus répond : je ne suis pas de ce monde-là, mon royaume ne procède pas selon les modalités qui ont cours dans ce monde-là. Pilate peut en avoir une preuve dans le fait que les « serviteurs »2 de Jésus n’ont pas combattu au moment où leur maître a été arrêté. La violence et la coercition sont en effet une expression des modalités du pouvoir dans ce monde-ci.

3. Le pouvoir de la vérité (v. 37)

Et cependant, il n’y a pas à en douter, c’est bien dans le monde, dans le monde des hommes et dans la bonne création de Dieu, que le règne du Christ va se manifester. Et inévitablement des conflits d’autorité auront lieu, car ce monde est sous l’emprise du péché. Jésus est bel et bien roi, et viendra le jour où tous ses ennemis seront mis sous ses pieds (1Co 15.25). Ici (au verset 37), il faut s’écarter un peu de la traduction NBS. En effet, à la question de Pilate : « Tu es donc roi ? » la réponse de Jésus, dans cette traduction, ne semble guère affirmative : « C’est toi qui dis que je suis roi. » Il semblerait que Jésus, en définitive, laisse à Pilate la responsabilité de cette parole, lui-même ne la faisant pas sienne. Mais ceci paraît aller à l’encontre de l’enseignement précédent et surtout mettre la fin du verset, c’est-à-dire le témoignage à la vérité, en opposition à l’idée de royauté. Or, justement, cette dernière parole de Jésus est celle qui vient nous révéler par quelle modalité son pouvoir royal va s’exercer dans le monde. Les traductions du genre : « Tu le dis, je suis roi » (Segond 21), plus affirmatives, s’inscrivent mieux dans la démonstration, et rien, grammaticalement, n’oblige à suivre le choix de la NBS.

Et nous arrivons donc ici au dernier aspect de cette brève étude de texte. Mais c’est peut-être là que réside le foyer lumineux le plus original. Le Christ est venu dans le monde « pour rendre témoignage à la vérité » et « quiconque est de la vérité » écoute sa voix. Christ va donc exercer sa royauté au milieu des hommes par le pouvoir de la vérité.

Accorder à la vérité un pouvoir est particulièrement intéressant. Bien entendu, il faut entendre le concept de vérité tel qu’il se présente dans l’Écriture, et particulièrement dans la littérature johannique. Écartons d’emblée le raccourci qui a eu son heure de gloire dans la théologie protestante du xxe siècle, à savoir : la vérité, c’est le Christ, et le Christ seulement3. Dans notre passage, cela donnerait un drôle de résultat : le Christ serait venu pour rendre témoignage au Christ ! Mais plus fondamentalement, si l’on résume la vérité à la personne du Christ, sans l’inscrire dans un contexte plus large, cette notion finira par perdre sa substance même. Dans l’Écriture, la vérité, c’est ce qui s’oppose au mensonge et à l’erreur. C’est une notion de combat. En outre, et c’est bien sensible dans les écrits de Jean, c’est aussi une notion holistique, c’est-à-dire qu’elle s’exprime tout autant par des paroles vraies que par un comportement juste.

Ainsi Jésus a parfaitement rendu témoignage à la vérité, tant dans ses enseignements que par sa vie. La croix, en particulier, a été un extraordinaire témoignage à la vérité en ce qu’elle a révélé la totale culpabilité de l’homme et l’immensité de l’amour de Dieu. Et ce que Jésus affirme ici devant Pilate, c’est que cela suffit. Pour exercer son autorité royale, pour inaugurer son royaume dans le monde, le Christ n’a nullement besoin des formes de pouvoir qui paraissent indispensables à tous les Pilate de la terre. Ici, revient en mémoire la parabole du berger et des brebis : « Mes brebis écoutent ma voix, je les connais, et elles me suivent. » (Jn 10.27)

Il y a dans ses paroles une sorte de tranquille assurance. Ceci peut paraître étonnant dans la mesure surtout où la vérité, comme je l’ai signalé, s’inscrit dans un combat contre l’erreur et le mensonge. De cette opposition, il semble qu’il n’y ait pas de trace, ni ici, ni là. Mais ce serait oublier dans quel contexte ces paroles sont données ! Jésus va à la croix. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Le combat s’exprime dans la vie de celui qui veut rendre témoignage à la vérité. Ce n’est pas un combat frontal contre « la chair et le sang », mais contre les « puissances de ce monde de ténèbres », contre « les esprits du mal dans les lieux célestes » (Ep 6.12). En d’autres termes, la confrontation des pouvoirs n’est pas celle qu’on croit. Et du coup, pour le témoin, la victoire ou la défaite n’est pas nécessairement celle qui s’impose à la vue. C’est en mourant sur la croix que le Christ a définitivement gagné son combat pour la vérité.

Conclusion parénétique

Il se dégage de cela, me semble-t-il, quelques avertissements et un précieux réconfort. Tout d’abord, prenons garde à ne pas perdre de vue le combat dans lequel tout disciple du Christ est engagé. Dans un contexte comme le nôtre, où le pouvoir politique et les règles mêmes du bien vivre en société tendent sans cesse à marginaliser le message religieux, la tentation d’édulcorer la foi chrétienne n’est pas mince. Un christianisme gentil, une grâce à bon marché, un comportement et des opinions qui vont dans le sens du vent garantissent le bon accueil dans le monde. Mais c’est au prix d’une capitulation sur le champ de bataille de la vérité. À l’inverse, le chrétien qui se veut radical court le risque de confondre tous les combats et de se laisser fasciner par le désir d’obtenir quelques jolies victoires. La volonté de résultat, qui est tellement dans l’air du temps, peut l’entraîner à vouloir utiliser les armes du monde pour lutter contre le monde. Mais lorsqu’on saisit les armes du monde, on ne peut plus lutter sur le terrain spirituel de la vérité. À vrai dire même, une telle initiative nous fait passer d’emblée dans le camp adverse. Mais la meilleure manière de résister à cette tentation, c’est de prendre de la hauteur, c’est de réaliser que la victoire qui compte, ce n’est pas la mienne, c’est celle de la vérité. Et si j’ai combattu pour rendre témoignage à la vérité, si je suis fermement resté attaché à la vérité, alors, même si je suis confronté à un échec, même si mon association ou mon Église subissent des revers, je sais que je suis vainqueur ! Car la vérité, c’est le pouvoir du Christ par lequel il établit son règne. Et ce pouvoir, personne n’a la capacité de s’y opposer. Paul exprime cette certitude ainsi : « Nous n’avons pas de puissance contre la vérité, nous n’en avons que pour la vérité. » (2Co 13.8) C’est ici le précieux réconfort : au-dessus de tous les pouvoirs du monde, le Christ est roi, et en conséquence la vérité fera son chemin dans le monde, et avec elle le salut. « Quiconque est de la vérité entend ma voix. »


  1.  Daniel Bergèse est pasteur et chargé de cours d’histoire à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

  2.  La NBS traduit « mes gens », car il ne s’agit pas ici de l’un des deux mots utilisés fréquemment pour désigner le serviteur (doulos ou diakonos), mais du même terme que celui qui apparaît en 18.3, 18 et 22, et qui désigne précisément les gardes du temple. Ceci donne un poids supplémentaire à l’argument de Jésus.

  3.  En excluant par là même les écrits bibliques. Cette position qui veut restreindre la vérité à la personne de Jésus s’est affirmée sur la base non seulement d’une dévalorisation du texte biblique, mais plus encore sur un présupposé philosophique qui exclut l’idée que la vérité puisse être énoncée de manière univoque dans un langage verbal, au travers de concepts et de doctrines.


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