LA GUERRE SAINTE DANS LA BIBLE ET DANS L’ISLAM

LA GUERRE SAINTE DANS LA BIBLE ET DANS L’ISLAM1

Le terme djihad est un mot arabe qui signifie « épreuve », « s’efforcer », « lutter » ou « mener un combat ». Très souvent, on le traduit en français par « guerre sainte ». Dans cet article, nous allons comparer la guerre sainte2 telle qu’elle est présentée dans la Bible et la guerre sainte telle qu’elle est présentée dans l’islam3.

La guerre sainte dans la Bible

Commençons par la guerre sainte dans sa version biblique. Cela peut surprendre certains, mais la Bible parle bien de guerre sainte. Ce n’est pas un sujet qui se limite à l’islam, même si, comme nous le verrons, les deux perspectives sur ce concept et leurs applications diffèrent radicalement.

Le Seigneur combat pour son peuple

Le plus grand acte rédempteur de l’Ancien Testament se trouve dans l’Exode. C’est là que nous voyons les débuts de la guerre sainte, bien que le peuple ne combatte pas, ni n’attaque, ni même ne se défende. Seul le Seigneur combat pour son peuple. Le Seigneur est le guerrier qui combat contre les ennemis de son peuple. Puis le peuple se réjouit de la défaite et de la destruction du pharaon et de son armée, comme nous l’observons dans le cantique de Moïse, en Exode 15.1-34 :

Alors Moïse et les Israélites chantèrent ce cantique en l’honneur de l’Éternel : « Je chanterai en l’honneur de l’Éternel, car il a fait éclater sa gloire ; il a précipité le cheval et son cavalier dans la mer. L’Éternel est ma force et le sujet de mes louanges, c’est lui qui m’a sauvé. Il est mon Dieu : je le célébrerai. Il est le Dieu de mon père : je proclamerai sa grandeur. »

Et remarquons particulièrement le verset 3 :

L’Éternel est un vaillant guerrier, son nom est l’Éternel.

Le Seigneur est un guerrier, et c’est le guerrier saint par excellence, puisqu’il est parfaitement saint dans tout ce qu’il fait. C’est son caractère et sa sainteté qui définissent la guerre sainte.

Les batailles défensives d’Israël

Les batailles auxquelles prend part le peuple d’Israël commencent dans le livre des Nombres. En Nombres 21.1-3, nous voyons un exemple de combat défensif de la part d’Israël :

Le roi d’Arad, un Cananéen qui habitait le sud, apprit qu’Israël venait par la route d’Atharim. Il combattit Israël et emmena des prisonniers. Alors Israël fit ce vœu à l’Éternel : « Si tu livres ce peuple entre mes mains, je vouerai ses villes à la destruction. » L’Éternel exauça Israël et lui livra les Cananéens. On les voua à la destruction, ainsi que leurs villes, et l’on appela cet endroit Horma.

Le roi cananéen d’Arad est l’agresseur, c’est lui qui engage le combat et Israël se défend, cherchant à sauver ceux qui ont été faits prisonniers.

Dans la Bible Annotée (ou Bible de Neuchâtel), on trouve au verset 2, pour l’expression « vouer à la destruction », une note de bas de page qui renvoie à Lévitique 27.28-29, passage commenté ainsi : « L’objet ne peut être purifié et doit être sacrifié, détruit, en l’honneur de l’Éternel. […] Dieu ayant condamné à mort l’homme coupable de certains actes, les Israélites, comme peuple ou comme individus, peuvent et doivent ratifier la sentence divine en faisant vœu de l’exécuter. » D’ailleurs, Horma signifie « destruction ».

Autrement dit, le peuple d’Israël avait interdiction de toucher au butin ; ce dernier était entièrement remis à Dieu en étant totalement détruit. Le terme hébreu est apparenté à un mot arabe très courant, haram (avec les mêmes consonnes : ḥ, r et m), qui signifie « interdit », bien qu’il signifie aussi parfois « saint » et « consacré à Dieu ». La grande mosquée de La Mecque est dite haram, dans la mesure où elle est sacrée et consacrée à Dieu. Ce que nous observons en Nombres 21.1-3, c’est la destruction de gens et de villes pour servir Dieu, autrement dit, une guerre sainte.

Le combat contre l’idolâtrie

En Nombres 25, nous voyons que ceux qui incitent Israël à l’idolâtrie sont tués. Nous lisons aux versets 16 à 18 :

L’Éternel dit à Moïse : « Traite les Madianites en ennemis et tuez-les. En effet, ils se sont montrés vos ennemis en vous séduisant par leurs ruses dans les affaires de Peor et de Cozbi, la fille d’un chef madianite, leur sœur, tuée le jour du fléau qui a surgi à l’occasion de Peor. »

Le peuple de Madian avait trompé le peuple d’Israël, il l’avait séduit et amené à rendre un culte au Baal de Peor, ainsi qu’à commettre des actes immoraux ; c’est pourquoi le Seigneur ordonne à Israël de tuer les Madianites. Au chapitre 31, aux versets 1 à 4, il est fait de nouveau référence à cet incident :

L’Éternel dit à Moïse : « Venge les Israélites des Madianites. Ensuite, tu iras rejoindre les tiens. » Moïse dit au peuple : « Équipez parmi vous des hommes pour l’armée et qu’ils marchent contre Madian afin d’exécuter la vengeance de l’Éternel contre Madian. Vous enverrez à l’armée 1000 hommes par tribu, de toutes les tribus d’Israël. »

Nous constatons ici que ce n’est pas la vengeance d’Israël mais la vengeance du Seigneur qui est exercée contre les Madianites. Cette guerre a été commandée par Dieu et menée par les Israélites pour son compte.

Par la suite, d’autres versets montrent qu’il ne s’agit pas d’une guerre ordinaire, mais d’une guerre sainte. On lit au verset 6 :

Moïse envoya ces mille hommes par tribu à l’armée, et avec eux le fils du prêtre Éléazar, Phinées, qui portait les instruments sacrés et les trompettes retentissantes.

Moïse envoie le prêtre, un représentant religieux, équipé de divers instruments issus du sanctuaire, manifestant la « sainteté » de cette guerre. Dans les versets 21 à 23, des instructions spécifiques sont données pour la purification rituelle du butin. Les objets qui pouvaient résister à la chaleur sont passés dans le feu puis dans l’eau afin d’être ainsi purifiés par ce rite, et les objets qui ne pouvaient pas résister à la chaleur sont seulement rincés dans l’eau. Même les soldats sont soumis à la purification rituelle, comme le montrent les versets 19, 20 et 24. Il s’agit d’une guerre « sainte ».

Cependant, parce qu’il s’agit d’une guerre sainte et qu’elle est menée par un Dieu saint, la guerre sainte peut se retourner contre le peuple même de Dieu quand il n’est pas saint. Nous observons cela au début du chapitre 25 du livre des Nombres, aux versets 1 à 5 :

Israël était installé à Sittim. Le peuple commença alors à se livrer à la débauche avec les femmes moabites. Elles invitèrent le peuple aux sacrifices en l’honneur de leurs dieux et le peuple mangea et se prosterna devant leurs dieux. Israël s’attacha au dieu Baal-Peor et la colère de l’Éternel s’enflamma contre Israël. L’Éternel dit à Moïse : « Rassemble tous les chefs du peuple et fais pendre les coupables devant l’Éternel en face du soleil, afin que la colère ardente de l’Éternel se détourne d’Israël. » Moïse dit aux juges d’Israël : « Que chacun de vous tue ceux des siens qui se sont attachés à Baal-Peor. »

La colère ardente et sainte du Seigneur est tombée sur son propre peuple parce que ce dernier s’était livré à l’idolâtrie.

Nous avons vu pour commencer un exemple de guerre sainte où ce n’est pas le peuple qui combat, mais Dieu. Puis nous avons vu un exemple où le peuple de Dieu mène une guerre sainte défensive. Nous avons également vu que la guerre sainte exprimait la vengeance de Dieu contre ceux qui tentaient et séduisaient son peuple pour le mener à se profaner. Nous avons également vu la guerre sainte dirigée contre le peuple même de Dieu à cause de sa profanation.

À présent, voici un exemple où le peuple de Dieu mène une guerre sainte offensive, une guerre menée pour servir Dieu, où le peuple de Dieu engage les hostilités sur ordre de Dieu.

La guerre sainte offensive

Nous lisons en Nombres 33.50-56 :

L’Éternel dit à Moïse dans les plaines de Moab, près du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho : « Transmets ces instructions aux Israélites : Lorsque vous aurez passé le Jourdain et que vous serez entrés dans le pays de Canaan, vous chasserez devant vous tous les habitants du pays. Vous détruirez toutes leurs idoles en pierre et en métal fondu, et vous éliminerez tous leurs hauts lieux. Vous prendrez possession du pays et vous vous y établirez, car je vous ai donné ce pays pour qu’il soit votre propriété. Vous partagerez le pays en tirant au sort en fonction de vos clans. À ceux qui sont plus nombreux vous donnerez une portion plus grande, et à ceux qui sont moins nombreux vous donnerez une portion plus petite. Chacun possédera ce qui lui sera attribué par tirage au sort. Vous le recevrez en propriété selon les tribus de vos ancêtres. Mais si vous ne chassez pas les habitants du pays devant vous, ceux d’entre eux que vous aurez laissés deviendront des épines dans vos yeux et des pointes dans vos côtes, ils seront vos ennemis dans le pays où vous allez vous établir. Alors je vous traiterai comme j’avais décidé de les traiter eux. »

Il s’agit là clairement d’une offensive : pénétrer dans le pays de Canaan et déclencher une guerre. Notons que le peuple d’Israël n’avait pas son mot à dire dans l’affaire. Dieu leur a ordonné de faire cela. Dieu les prévient que s’ils ne le font pas, « alors je vous traiterai comme j’avais décidé de les traiter eux ». Ainsi Israël devait entrer en Canaan, chasser ses habitants, détruire leurs idoles et prendre leurs terres. Les Israélites devaient établir la vraie religion, le culte véritable. Ils devaient sanctifier Canaan.

Bien sûr, il y avait des règles et des limites à la guerre sainte. Par exemple, il y avait des limites au territoire que le Seigneur avait donné à Israël. Le chapitre 34 les précise. En Deutéronome 2.9, nous lisons :

L’Éternel m’a dit : « N’attaque pas Moab et ne t’engage pas dans un combat contre lui, car je ne te donnerai rien à posséder dans son pays : c’est aux descendants de Lot que j’ai donné Ar en propriété. »

Le même principe s’applique aux Ammonites en Deutéronome 2.19 :

[…] et tu t’approcheras des Ammonites. Ne les attaque pas et ne t’engage pas dans un combat contre eux, car je ne te donnerai rien à posséder dans le pays des Ammonites : c’est aux descendants de Lot que je l’ai donné en propriété.

Ce que nous montrent ces limites est que la guerre sainte n’était pas le programme ou la méthode pour conquérir le monde entier et établir ainsi la vraie religion, le culte véritable sur toute la planète. C’était une guerre limitée sur le plan géographique.

Qui plus est, si le peuple d’Israël désobéissait ou se mettait à rendre un culte à des idoles (profanant ainsi le pays de Canaan), alors le Seigneur les chasserait eux aussi et les éparpillerait, comme il l’a fait plusieurs fois dans l’Ancien Testament.

Le but de la conquête de Canaan était de faire de ce territoire un royaume saint, entièrement consacré au Seigneur, saint parce que la sainte présence de Dieu s’y manifesterait d’une manière particulière. C’est l’objectif sous-jacent de l’aspect préfiguratif d’Israël dans l’Ancien Testament. Cette nation a servi de figure ou de symbole vivant de ce que serait ultimement le royaume de Dieu, et le jugement qui s’est abattu sur Canaan a servi de figure ou de symbole vivant de ce que serait le jugement dernier de Dieu.

En ce sens, du fait de la nature préfigurative d’Israël dans l’Ancien Testament, nous ne pouvons pas appliquer toutes les lois relatives à Israël à toutes les nations aujourd’hui. Il n’y a pas de correspondance exacte entre eux.

Voici quelques exemples de lois qui ne peuvent pas être appliquées telles quelles de nos jours :

  1. Les lois contre l’idolâtrie.
  2. La peine de mort pour apostasie. Deutéronome 13 indique que les individus et même les villes qui se détournent du culte du vrai Dieu doivent être punis de mort.
  3. L’interdiction d’alliances militaires à laquelle était soumise Israël. Le peuple ne devait pas demander de l’aide à l’Égypte ou compter sur celle de l’Assyrie.
  4. La promesse de victoire militaire en fonction de la foi et de l’obéissance envers le Seigneur. La politique, l’armée et la religion étaient indissociables dans l’Israël de l’Ancien Testament.
  5. Les jugements extrêmement sévères contre les païens. Deutéronome 7.2 dit qu’Israël ne devait conclure aucun traité avec les peuplades de Canaan et ne leur montrer aucune pitié : « […] lorsque l’Éternel, ton Dieu, te les aura livrées et que tu les auras battues, tu les voueras à la destruction. Tu ne concluras pas d’alliance avec elles et tu ne leur feras pas grâce. » Elles devaient disparaître complètement.

La guerre en dehors des frontières de Canaan

Il y avait également une différence entre la guerre à l’intérieur de Canaan et la guerre en dehors de Canaan. Nous lisons en Deutéronome 20.10-15 :

Quand tu t’approcheras d’une ville pour l’attaquer, tu lui offriras la paix. Si elle accepte la paix et t’ouvre ses portes, tu imposeras corvées et esclavage à tout le peuple qui s’y trouvera. Si elle n’accepte pas de faire la paix avec toi et qu’elle veuille te faire la guerre, alors tu l’assiégeras.

Retenons les versets ci-dessus pour la suite, lorsque nous nous intéresserons à la conception islamique de la guerre sainte, car il y a là plusieurs éléments similaires. Le texte continue :

Et une fois que l’Éternel, ton Dieu, l’aura livrée entre tes mains, tu feras passer tous ses hommes au fil de l’épée. En revanche, tu prendras pour toi les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, et tu mangeras le butin de tes ennemis que l’Éternel, ton Dieu, t’aura livrés. C’est ainsi que tu agiras envers toutes les villes qui sont très loin de toi et ne font pas partie de ces nations-ci.

Voilà comment Israël devait traiter les villes qui se trouvaient en dehors des terres cananéennes. En revanche, les versets 16 et 17 montrent que le peuple était censé agir différemment envers les lieux à l’intérieur du pays de Canaan :

Mais dans les villes des peuples dont l’Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. Oui, tu extermineras ces peuples.

En dehors des frontières de Canaan, Israël était censé proposer d’abord la paix, mais, à l’intérieur des frontières, le peuple ne devait laisser aucun survivant. La manière dont Israël a traité Canaan n’était pas censée constituer un principe universel.

De plus, Israël ne s’est pas vu octroyer le pays de Canaan à cause de sa propre droiture ou de sa sainteté. Deutéronome 9.4-6 le précise très clairement. Il s’agit peut-être des versets les plus importants de tout le Deutéronome, des versets que le peuple d’Israël dans son ensemble n’a manifestement jamais compris.

Lorsque l’Éternel, ton Dieu, les aura chassés devant toi, ne dis pas dans ton cœur : « C’est à cause de ma justice que l’Éternel me fait entrer en possession de ce pays. » En effet, c’est à cause de la méchanceté de ces nations que l’Éternel les chasse devant toi. Non, ce n’est pas à cause de ta justice et de la droiture de ton cœur que tu entres en possession de leur pays, c’est à cause de la méchanceté de ces nations que l’Éternel, ton Dieu, les chasse devant toi, et c’est pour confirmer la promesse que l’Éternel a faite avec serment à tes ancêtres, à Abraham, à Isaac et à Jacob.

Le Seigneur répète ensuite ce principe une troisième fois, puisqu’il est fondamental. Pourtant Israël n’a jamais l’air de saisir l’idée.

Sache donc que ce n’est pas à cause de ta justice que l’Éternel, ton Dieu, te donne ce bon pays à posséder, car tu es un peuple réfractaire.

Ils n’étaient absolument pas censés avoir une attitude condescendante. Ils avaient obtenu le territoire entièrement par grâce. Ils ne devaient jamais penser qu’ils étaient meilleurs, plus innocents, plus purs que les Cananéens. Ils ne devaient jamais penser qu’ils avaient été choisis pour leurs propres mérites ou leurs qualités.

Nous observons les suites de cette conquête de Canaan, de cette guerre sainte, dans le livre de Josué. Il y a des batailles dans le livre des Juges. Dans les livres de Samuel et des Rois, David livre des combats. On retrouve des batailles tout au long des livres des Rois et des Chroniques.

La guerre sainte dans le Nouveau Testament

Cependant, chacune de ces situations était temporaire et annonçait Jésus-Christ. Avec la venue de Christ, le jugement de Dieu, son djihad, sa guerre sainte contre ses ennemis, contre le péché et la profanation, a été redirigée sur Christ. Non seulement la guerre sainte de l’Ancien Testament était limitée dans l’espace, mais elle était également limitée dans le temps.

Avec la venue de Christ vient le temps du salut pour les nations, et pour les Juifs aussi puisqu’ils sont greffés sur l’olivier mentionné en Romains 11.17-24. Israël ne joue plus le rôle de préfiguration du royaume de Dieu à venir. Les jugements de Dieu sont tombés sur Christ. Les ennemis de Dieu ne sont pas exécutés, réduits en esclavage ou supprimés, mais on leur prêche au contraire un message pour les inviter à se repentir, croire et rejoindre le peuple de Dieu.

Pourtant la guerre n’a pas faibli ; au contraire, elle s’est intensifiée. Notre combat n’est pas contre « la chair et le sang ». En Éphésiens 6.12, nous lisons que notre lutte, notre djihad, « n’est pas contre l’homme […], mais contre les puissances, contre les autorités, contre les souverains de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal dans les lieux célestes ». Nous sommes en guerre, mais cette guerre n’est pas physique. Il s’agit plutôt d’une guerre spirituelle, bien plus intense et importante que toute guerre physique.

Il y a aussi un facteur de patience. Dans la seconde épître aux Corinthiens, nous lisons au verset 6.2 :

Il dit : « Au moment favorable je t’ai exaucé, le jour du salut je t’ai secouru. » Voici maintenant le moment favorable, voici maintenant le jour du salut.

C’est maintenant, c’est-à-dire le moment entre la première et la seconde venue de Christ, qu’est le temps de la faveur de Dieu, le jour du salut. En 2 Pierre 3.9, nous lisons :

Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme certains le pensent ; au contraire, il fait preuve de patience envers nous, voulant qu’aucun ne périsse mais que tous parviennent à la repentance.

Le fait que nous soyons à présent impliqués dans une guerre spirituelle plutôt que physique a des répercussions sur nos méthodes. Il y a des choses que nous ne faisons pas, ou en tout cas que nous ne devrions pas faire. Pourquoi le conditionnel ? Parce que, dans le passé, l’Église et des individus ont commis de grandes erreurs dans ce domaine. Nous ne menons ni croisade ni inquisition. Nous ne forçons pas les gens à croire. Nous ne mettons pas à mort les apostats. Nous ne défendons pas notre religion par la force. Nous ne haïssons pas nos ennemis. Nous ne nous vengeons pas. Ce que nous faisons, ce que nous devrions faire, c’est donner notre vie pour les autres. Nous y renonçons pour les autres. Nous suivons l’exemple de Christ lors de sa première venue. Nous témoignons par la souffrance, le dénuement, l’humilité et la faiblesse. Nous prêchons un Christ crucifié.

Nous sommes également conscients d’une certaine urgence. Nous savons que le royaume final est proche, ce royaume qu’Israël préfigurait. Jésus va revenir, et à ce moment-là il reviendra en tant que guerrier divin. Apocalypse 19.11-21 et 1 Thessaloniciens 1.6-10 le présentent comme tel. C’est lui qui exécutera la vengeance sur tous ceux qui n’ont pas la foi. Plus que la mort, il s’agit d’une punition éternelle en enfer. Tout péché sera exclu de son royaume. Les jugements de l’Ancien Testament ressembleront à des actes de compassion comparés au jugement dernier.

La guerre sainte dans l’islam

Quand nous considérons l’islam et son concept de djihad, nous revenons plus ou moins à l’Ancien Testament, mais dans un contexte très différent, parce que la guerre sainte ne fait plus partie de la rédemption historique opérée par Dieu pour sauver l’humanité. Le djihad devient ici une pratique appliquée en tous lieux, un devoir moral éternel, une institution divine permanente, une des méthodes utilisées pour établir la vraie religion, qui n’est pas limitée dans le temps ou dans l’espace, et qui n’annonce pas un sauveur subissant le jugement et le djihad à la place des pécheurs. Le combat est bel et bien mené contre « la chair et le sang ». Cela a des répercussions sur les méthodes de l’islam et lui donne une polarisation tout à fait inverse à ce que j’ai mentionné plus tôt. La politique et l’armée font appliquer la religion et la consolident.

Un monde divisé

Selon la théologie islamique, le monde est divisé en deux royaumes et, contrairement à la vision chrétienne, non sur un plan spirituel mais sur un plan géographique et politique. Le premier royaume est dar assalam, « la maison de la paix », où règne l’islam en religion établie. Le second royaume est dar alḥarb, « la maison de la guerre », où la bataille continue de faire rage pour que l’islam soit établi géographiquement et politiquement.

Lorsque nous voyons le terme djihad et ses formes verbales dans le Coran et les hadiths, il est clair qu’ils font souvent référence à un combat physique et guerrier. Les batailles militaires constituent une grande partie du contexte dans lequel se situent le Coran et les hadiths, tout comme pour de nombreux passages de l’Ancien Testament. Or c’est là que nous trouvons le terme de djihad. Il est donc malhonnête de prétendre, comme certains le font, que le sens de djihad est généralement ou même uniquement celui d’une lutte spirituelle, un effort intérieur contre le péché et soi-même, un effort d’obéissance à Dieu.

Néanmoins, nous devons également distinguer les théories de l’islam des nombreuses pratiques et interprétations de l’islam dans le monde. En effet, il existe une grande variété d’interprétations et de pratiques au sujet du djihad, et chacune peut citer différents versets ou récits isolés, tous tirés du Coran et des hadiths. En d’autres termes, les musulmans n’ont pas une idée unique et unifiée du djihad. On ne peut pas leur mettre à tous la même étiquette philosophique.

Le musulman, mon prochain

À présent, je vais aborder le point probablement le plus important de cet article. Il est fondamental de se souvenir de ceci : la plupart des musulmans ont horreur du terrorisme et de la guerre. La plupart des musulmans ne passent pas leurs journées à réfléchir au moyen de mener le djihad pour tuer l’infidèle d’à côté. Cela fait déjà vingt-cinq ans que je vis parmi des musulmans et je peux dire qu’ils sont des gens comme vous et moi. Ils aspirent à une vie paisible et aux bénéfices d’une société en paix.

Alors, il faut faire attention aux livres que vous lisez sur l’islam. On peut presque repérer les mauvais livres par leur titre : L’invasion islamique, Démasquer l’islam, La France au risque de l’islam. Les livres de ce genre ne vous aident pas à connaître les musulmans ni à les aimer. Ils ne vous incitent pas à évangéliser les musulmans. Ils vous inspirent de la colère, de la haine, de la peur. En fait, après avoir lu ces livres, on a presque l’impression que les auteurs veulent qu’on mène une guerre sainte contre les musulmans. Leurs écrits n’inspirent pas de l’amour pour les musulmans, un cœur lourd pour eux, ils ne nous poussent pas à les voir comme Jésus les voit : « blessés et abattus, comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Mt 9.36). On peut trouver de bons ouvrages sur les musulmans, par exemple ceux de Phil Parshall, ou encore Le musulman mon prochain, de Charles Marsh.

Je voudrais maintenant exposer les différentes conceptions du djihad dans cinq grands groupes de musulmans. Comme je l’ai déjà dit, tous les musulmans ne sont pas d’accord sur la question.

Cinq conceptions du djihad

1) Le djihad spirituel

Une première grande conception est celle d’un djihad purement spirituel. Pour un chrétien, cette conception du djihad ressemble plus ou moins à ce qui est exposé en Éphésiens 6. Ceux qui soutiennent ce point de vue peuvent citer des passages coraniques comme la sourate (chapitre du Coran) 5, verset 35 :

Ô les croyants ! Craignez Allah, cherchez le moyen de vous rapprocher de lui et luttez [djihad] pour sa cause. Peut-être serez-vous de ceux qui réussissent !5

Dans cette conception du djihad, ce dernier est une lutte intérieure contre le péché et contre soi-même, un effort d’obéissance à Dieu. Il me semble toutefois que ce verset est probablement pris hors contexte. Dans le contexte, il s’agit d’une lutte physique, car deux versets plus tôt on parle de ceux « qui font la guerre contre Dieu et son Prophète, et de ceux qui exercent la violence sur la terre », ce qui doit probablement nous aider à comprendre le sens du terme djihad ici. Pourtant, les chrétiens aussi prennent très souvent des versets en dehors de leur contexte. Des mouvements entiers, ainsi que des systèmes de croyances, qui se veulent chrétiens, sont fondés sur des versets interprétés hors contexte. Lorsque les musulmans font la même chose, cela ne change rien au fait qu’un grand nombre d’entre eux ont bien une vision spirituelle du djihad.

2) Le djihad comme guerre juste

Une deuxième conception envisage le djihad dans les limites morales d’une « guerre juste ». La tradition chrétienne a longtemps cherché à définir ce qu’était une « guerre juste ». Les musulmans partisans de cette conception diraient que la guerre peut être menée uniquement en posture défensive, et encore, seulement en dernier recours, car on devrait d’abord essayer de faire la paix. Ils peuvent citer certains versets à l’appui, comme par exemple S 2.1906 :

Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas [d’autres traductions ont : n’agressez point7]. Certes, Allah n’aime pas les transgresseurs [d’autres traductions ont : les agresseurs] !

La sourate 4.90b8 ajoute :

[…] s’ils [ceux qui s’égarent] restent neutres à votre égard et ne vous combattent point, et qu’ils vous offrent la paix, alors, Allah ne vous donne pas de chemin contre eux.

La guerre, de ce point de vue, peut également être menée pour mettre fin à l’oppression et à l’injustice. Il est décrété en S 22.399 :

Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) – parce que vraiment ils sont lésés ; et Allah est certes capable de les secourir.

Et S 4.7510 complète :

Et qu’avez-vous à ne pas combattre dans le sentier d’Allah, et pour la cause des faibles : hommes, femmes et enfants qui disent : « Seigneur ! Fais-nous sortir de cette cité dont les gens sont injustes, et assigne-nous de ta part un allié, et assigne-nous de ta part un secoureur. »

Ainsi la guerre ou le combat seraient justifiés afin de délivrer les gens de l’oppression. Les partisans de ce point de vue diraient qu’on n’a le droit de tuer que des soldats, pas des civils.

3) Le djihad en tant que principe révolu

Une troisième conception du djihad est que c’est un principe révolu. C’est ce que nous avons dit de la guerre sainte dans l’Ancien Testament, sauf que l’islam ne possède aucune structure théologique pour soutenir cette idée.

Il est vrai que certains versets du Coran peuvent sembler avoir une portée universelle, à moins qu’on ne les replace dans leur contexte. On retrouve la même chose dans la Bible. Certains versets de l’Ancien Testament, sortis de leur contexte, peuvent vraiment faire peur. Imaginez que vous tombiez sur Deutéronome 13 à la radio :

Si ton frère, le fils de ta mère, ou ton fils ou ta fille, ou la femme qui repose sur ta poitrine, ou encore ton ami que tu aimes comme toi-même, t’incite secrètement à aller servir d’autres dieux, des dieux que ni toi ni tes ancêtres n’avez connus, pris parmi les dieux des peuples qui vous entourent, qu’ils soient près ou loin de toi, d’une extrémité de la terre à l’autre, tu ne te montreras pas d’accord avec lui et tu ne l’écouteras pas. Ton regard sera sans pitié envers lui, tu ne l’épargneras pas et tu ne le couvriras pas. Au contraire, tu le feras mourir. C’est ta main qui se lèvera la première contre lui pour le mettre à mort, puis celle de tout le peuple.

Que de violence ! Cela représente-t-il ce que croient et font les chrétiens ?

Dans le Coran, à la sourate 9.511, on lit :

[…] tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la Salat et acquittent la Zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est pardonneur et miséricordieux.

C’est un verset qu’Oussama Ben Laden citait, et je l’ai entendu dans des émissions de radio. Il semble avoir une portée universelle, à moins qu’on ne lise le début du verset : « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez […]. » Il semble que le contexte soit une période particulière dans le passé, pendant une période particulière de l’année où il y avait des mois sacrés, comme le Ramadan. Lorsque le mois du Ramadan et peut-être d’autres étaient terminés (le verset 2 parle d’une période de quatre mois), alors ils devaient livrer une bataille particulière. De nombreux musulmans disent que des versets comme celui-ci s’appliquent à des batailles particulières de l’histoire mais n’ont pas de portée générale.

4) Le djihad comme obligation communautaire

Une quatrième conception du djihad est qu’il s’agit effectivement d’une lutte physique et d’une obligation pour tous les croyants, cependant cette obligation est communautaire (farḍ alkifaya). Elle ne s’applique pas individuellement à chaque croyant, mais seulement dans le cas où une guerre est déclarée et implique une nation. De plus, cette déclaration de guerre doit être prononcée par une autorité musulmane compétente. Certains iraient même jusqu’à dire que seul le Calife a cette autorité. « Calife » est le titre historique du dirigeant de tous les musulmans dans le monde, mais cette fonction a été abolie par Ataturk à la chute de l’Empire ottoman, en 1924, aussi, selon cette logique, plus personne n’est compétent pour déclarer cette guerre. D’autres cependant diraient qu’une nation légitimement reconnue peut la déclarer.

5) Le djihad comme devoir individuel

Une cinquième conception du djihad est celle des islamistes extrémistes comme Oussama Ben Laden, entre autres. Ils disent que le djihad est un devoir individuel (farḍ al’ain), qu’il est physique et spirituel, et que de nombreuses personnes sont qualifiées pour mener ce combat. C’est ainsi que la vraie religion est établie. En fait, même s’il ne s’agit que d’une guerre défensive, ceux qui adoptent cette vision des choses considèrent l’Occident comme un agresseur et justifient ainsi toutes sortes d’atrocités et de massacres.

Ils ont aussi leurs versets. La sourate 9.2912 déclare :

Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité [l’islam], parmi ceux qui ont reçu le Livre [c’est-à-dire les chrétiens et les juifs], jusqu’à ce qu’ils versent la capitation [tribut ou impôt appelé jizya] par leurs propres mains, après s’être humiliés.

Et dans le hadith Bukhari 1.39213, on lit :

‘Anas ben Mâlik dit : Le messager de Dieu a dit : « On m’a donné l’ordre de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils disent : Il n’y a de dieu que Dieu. S’ils disent cette formule, font notre prière, adoptent notre qibla, et égorgent [les bêtes] à notre manière, s’ils font tout cela, leurs sangs et leurs biens seront respectés par nous, sauf en cas d’un droit. Quant à leur compte, il incombera de Dieu. »

L’histoire montre que c’est exactement ce qui s’est passé. Les armées islamiques sont sorties de la péninsule arabique et ont attaqué les villes des Empires perse et byzantin. Elles encerclaient une ville et imposaient leurs conditions : soit la conversion, soit la soumission avec le paiement d’une taxe tributaire, soit le combat et la mort. Dans la plupart des villes dirigées par des chrétiens byzantins, la population se disait alors : « Nous n’aimons pas la manière dont les chrétiens byzantins nous traitent, et les taxes qu’ils nous imposent sont supérieures à celles que nous demandent les Arabes. » Aussi ces villes ont-elles ouvert leurs portes pour laisser entrer les armées islamiques. En l’espace d’une centaine d’années après que Mahomet a commencé à prêcher, les armées islamiques avaient conquis l’Empire perse, l’ensemble du Moyen-Orient, l’Égypte, l’Afrique du Nord, l’Espagne, et avaient largement pénétré en France, avant d’être repoussées en Espagne.

Le hadith Bukhari 4.315914 illustre le genre de processus qui eut lieu :

En effet, ‘Umar nous appela et désigna à notre tête an-Num’ân ben Muqarrin. Une fois dans les terres de l’ennemi surgit soudainement le gouverneur de Khosroês avec quarante mille hommes. Un interprète parut alors et dit : « Qu’un homme parmi vous vienne me parler ! – Demande ce que tu veux, lui dit Al-Mughîra. – Qu’êtes-vous ? – Nous sommes des Arabes. Nous vivions dans un grand malheur et une dure détresse. Nous sucions du cuir et des noyaux [de dattes] à cause de la famine ; nous nous vêtions de poils et nous adorions les arbres et les pierres. Ainsi était notre situation quand le Seigneur des cieux et des terres, glorifié soit son nom et magnifiée soit sa grandeur ! nous envoya un prophète qui faisait partie de nous et dont nous connaissons le père et la mère. Il, notre prophète et messager de notre Seigneur, nous ordonna de vous combattre jusqu’à ce que vous adoriez Dieu seul ou que vous payiez le tribut. De plus, il nous informa du message de notre Seigneur : celui d’entre nous qui tombe [dans la bataille] ira au Paradis [et y sera] dans des délices dont il n’avait jamais vu de pareil ; quant à ceux d’entre nous qui restent en vie, ils auront possession de vos nuques. »

Il s’agit clairement d’une offensive, dont le but était d’établir la religion. Elle n’est pas limitée géographiquement, ni simplement à l’époque du Prophète. Or c’est ce qui s’est passé historiquement. À partir de là, de nombreux autres versets qui mentionnent le djihad dans le Coran et dans les hadiths prennent tout leur sens si on les interprète dans ce contexte historique. C’est ce cadre historique qui constitue le contexte de nombreux versets.

L’incitation au martyre est également présente. Dans la sourate 4.9515, nous voyons que :

Ne sont pas égaux ceux des croyants qui restent chez eux – sauf ceux qui ont quelque infirmité – et ceux qui luttent corps et biens dans le sentier d’Allah. Allah donne à ceux qui luttent corps et biens un grade d’excellence sur ceux qui restent chez eux. Et à chacun Allah a promis la meilleure récompense ; et Allah a mis les combattants au-dessus des non-combattants en leur accordant une rétribution immense.

En d’autres termes, outre ceux qui sont handicapés et ne peuvent combattre, il existe une distinction entre ceux qui ne participent pas au djihad et ceux qui y participent. Une grande récompense est offerte à ceux qui livrent le djihad corps et biens. À l’époque où Saddam Hussein était au pouvoir, les terroristes palestiniens qui exécutaient des attaques-suicides à la bombe livraient le djihad avec leur corps et Saddam livrait le djihad avec ses biens, en versant 10 000 dollars aux familles de ces derniers.

La sourate 8.7416 précise :

Et ceux qui ont cru, émigré et lutté [ont fait djihad] dans le sentier d’Allah, ainsi que ceux qui leur ont donné refuge et porté secours, ceux-là sont les vrais croyants : à eux, le pardon et une récompense généreuse.

Le pardon des péchés et une généreuse récompense au paradis font partie de ce qui est promis à un martyr. La même idée se retrouve dans la sourate 9.11117 :

Certes, Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier d’Allah : ils tuent, et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’il a prise sur lui-même dans la Thora, l’évangile et le Coran. Et qui est plus fidèle qu’Allah à son engagement ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait. Et c’est là le très grand succès.

Nous observons l’incitation au martyre dans les hadiths également. Le hadith Bukhari 4.281718 nous apprend que :

D’après ‘Anas ben Mâlik (r), le prophète (ç) dit : « Il n’y a aucun individu qui aime revenir au bas monde et avoir tout ce qu’il contient après être entré au Paradis, sauf le chahîd [martyr] ; il aime retourner au bas monde et [y] être abattu par dix reprises, et ce à cause de l’Honneur qu’il remarque. »

Et le hadith Bukhari 5.37719 ajoute :

Jâbir rapporte que lors de la bataille d’Uhud, un homme demanda au Prophète (saws) : « Si je meurs, dis-moi, où irais-je ? – Au Paradis », répondit-il. L’homme jeta les quelques dattes [qu’il avait dans la mai], puis combattit jusqu’à ce qu’il fût tué.

Conclusion

La Bible est loin d’inciter à ce genre de martyre, c’est-à-dire chercher activement à combattre et participer à une guerre ou bataille religieuse afin d’obtenir une place au paradis. Le paradis, la vie au ciel avec le Seigneur, est promis à tous les véritables croyants en Jésus-Christ et cette bénédiction est fondée non sur notre mort, mais sur celle de Jésus-Christ à notre place. Or sa mort n’a pas été le résultat d’un combat, d’une bataille, ou de la recherche d’une victoire guerrière, au contraire c’est lui qui a été agressé, violenté et haï à cause de sa droiture. Il a choisi de ne pas riposter, alors qu’il aurait pu faire appel à douze légions d’anges qui étaient à sa disposition (Mt 26.53) ; au contraire, il s’est soumis à la volonté de son Père céleste qui a ensuite démontré son pouvoir de résurrection.

Les martyrs que nous trouvons dans le livre de l’Apocalypse (par exemple, au chapitre 6, versets 9-11) subissent un sort semblable : ils ne sont pas tués au cours d’un combat auquel ils ont pris une part active ; leur mort est plutôt le résultat de la persécution. Ce sont des victimes passives qui s’en remettent à leur Père céleste. Ils marchent dans les pas de leur Seigneur crucifié : comme des brebis menées à l’abattoir (Es 53.7 ; Rm 8.36). Ces versets de l’Apocalypse sont faits pour réconforter les familles des martyrs et les chrétiens qu’un destin similaire attendait. Ils encouragent les chrétiens à maintenir leur témoignage pour le Seigneur malgré la réelle probabilité d’être mis à mort à cause de leurs croyances et leur style de vie en accord avec ces croyances. Leur but est de dispenser un réconfort et une assurance que Dieu exécutera sa justice à la fin, non une incitation à livrer un combat jusqu’à la mort. Il existe encore une fois un contraste entre Christ crucifié d’un côté et une quête active de violence de l’autre, entre la mort sur la croix d’un côté et la mort sur le champ de bataille de l’autre.

Je voudrais finir par un résumé de la guerre sainte dans la Bible qui tranchera avec la guerre sainte dans le Coran et les hadiths. Dans la Bible, l’aspect physique du djihad ou de la guerre sainte était limité dans le temps et dans l’espace. Il renvoyait au jugement dernier et au jugement qui tomberait sur Christ. Avec la venue de Christ, le djihad s’est intensifié, devenant une guerre spirituelle, qui ne se livre pas contre « la chair et le sang ». Il n’y a pas de combat physique, qu’il soit offensif ou défensif, pour établir la vraie religion. En effet, Jésus dit en Matthieu 26.52 : « Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui prendront l’épée mourront par l’épée. » Au lieu de cela, nous prêchons Christ crucifié, qui est à la fois notre message et notre méthode.


  1. Article traduit de l’anglais par Vincent Marty-Terrain. L’auteur a préféré rester anonyme.

  2. Le Petit Robert définit la guerre sainte comme une guerre que mènent les fidèles d’une religion au nom de leur foi.

  3. Je dis « l’islam » plutôt que « le Coran » parce qu’il y a deux sources d’autorité dans l’islam : le Coran et une collection de livres appelés hadiths. Les hadiths constituent la deuxième source d’autorité dans l’islam, égale à celle du Coran dans la vie d’un musulman. Les hadiths se composent d’une collection de cinq ou six livres (parfois plus) qui contiennent les paroles et actes du prophète Mahomet. Même si, le plus souvent, on parle de ce qui est écrit dans le Coran, les hadiths influencent probablement plus la vie quotidienne d’un musulman. L’islam et toutes ses conceptions, sa théologie, ses pratiques, sont fondés sur ces deux sources d’autorité. Il est impossible de séparer les deux.

  4. Sauf indication contraire, tous les passages bibliques cités sont issus de la version Segond 21.

  5. Sourate Al-Maa’ida, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/5.html (consulté le 02/03/2015). Tous les versets coraniques sont issus du site web http://islamfrance.free.fr.

  6. Sourate Al-Baqara, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/2.html (consulté le 02/03/2015).

  7. Voir, par exemple, les traductions de Zeinab Abdelaziz, Maulana Muhammad Ali, Jacques Berque et Albert Kazimirski.

  8. Sourate Al-Nisaa’, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/4.html (consulté le 02/03/2015).

  9. Sourate Al-Hajj, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/22.html (consulté le 02/03/2015).

  10. Sourate Al-Nisaa’, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/4.html (consulté le 02/03/2015).

  11. Sourate Al-Tawbah, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/9.html (consulté le 02/03/2015).

  12. Sourate Al-Tawbah, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/9.html (consulté le 02/03/2015).

  13. Tome 1, numéro 392, p. 300. Sauf indication contraire, toutes les citations des hadiths, y compris le système de numérotation, sont tirées du site web https://kitabpdf.wordpress.com/hadith/sahih-boukhari-en-francais-4-tomes/ (consulté le 02/03/2015).

  14. Tome 4, numéro 3159, p. 318.

  15. Sourate Al-Nisaa’, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/4.html (consulté le 02/03/2015).

  16. Sourate Al-Anfaal, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/8.html (consulté le 02/03/2015).

  17. Sourate Al-Nisaa’, http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/4.html (consulté le 02/03/2015).

  18. Tome 4, numéro 2817, page 102.

  19. Citation en français tirée du site web https://mosquee-lyon.org/forum3/index.php?topic=11849.0;wap2 (consulté le 02/02/2015). Le système de numérotation est tiré du site web http://www.sahih-bukhari.com/Pages/Bukhari_5_59.php (consulté le 03/17/2015).

Les commentaires sont fermés.