Quelle place réservons-nous aux personnes âgées dans notre société ?

Quelle place réservons-nous aux personnes âgées dans notre société ?

Freddy SARG*

Aux yeux de l’histoire, une société se juge à la manière dont elle traite les très jeunes générations et les anciennes générations. L’actualité des derniers mois, en particulier les effets de la canicule du mois d’août 2003, a montré que la société française malmène quelque peu ses anciens. Loin des polémiques politiciennes, loin de la recherche d’un bouc émissaire facile, il faut essayer de faire un constat sur le long terme et voir comment, à l’avenir, on peut être plus solidaire avec nos anciens.

1. La mutation de la structure familiale

Un premier constat s’impose. En deux siècles, la cellule familiale a profondément changé. Au début du XIXe siècle, 80% environ de la population travaillait la terre et 20% vivait dans les villes (ouvriers, fonctionnaires, bourgeois, etc.). En deux siècles, les chiffres se sont complètement inversés: 85% de la population vit en ville ou dans les banlieues et 15% vit à la campagne.

Dans le milieu agraire, la famille était de type complexe, « plurigénérationnel ». Les anciens vivaient sous le même toit que les jeunes, rendaient encore de menus services et ils étaient pris en charge par les plus jeunes. Souvent trois ou quatre générations vivaient sous le même toit, ce qui n’était pas sans poser quelques problèmes de cohabitation. De nos jours, la famille est de type monocellulaire et elle vit principalement soit dans des appartements, soit dans de petits pavillons où il n’est pas toujours facile d’accueillir un couple d’anciens, voire un ancien. S’ajoute à cela le fait qu’avec l’augmentation des divorces, les familles sont soit monoparentales, soit recomposées. Ces deux facteurs ont pour effet indirect de distendre encore les liens « générationnels ». De plus, les individus sont devenus très mobiles pour raison économique. Cela aussi ne favorise pas la prise en charge de personnes à mobilité réduite.

2. L’allongement de l’espérance de vie

Enfin, il faut encore prendre la mesure d’une dernière mutation profonde. Si, au milieu du XIXe siècle, l’espérance de vie moyenne était d’environ quarante ans par personne, elle a presque doublé, de nos jours, dans le monde occidental. Pour les femmes, elle est d’environ quatre-vingts ans et pour les hommes d’environ soixante-dix-huit ans. On doit cela principalement aux progrès médicaux, scientifiques en général et même aux progrès techniques. Par cette dernière affirmation, nous prenons quelques distances avec Jacques Ellul, pour qui les progrès techniques sont souvent ambigus. Pour lui, la technique crée des problèmes qu’elle promet de résoudre grâce à de nouvelles techniques. Si on fait les bilans des progrès techniques, ceux-ci sont largement positifs, malgré quelques zones d’ombre.

Doubler en cinq générations l’espérance de vie de l’homme occidental est une expérience unique dans l’aventure humaine. Il faut être reconnaissant à tous ceux qui ont contribué à cette évolution et aussi remercier Dieu qui a donné à l’homme l’intelligence nécessaire pour accomplir cette mutation. Ceci ne veut pas dire que nous nions que, parfois, les progrès médicaux et les progrès scientifiques en général servent à des projets mortifères.

Néanmoins, on peut presque parler de « miracles » accomplis par la médecine. En effet, il y a cent cinquante ans, l’homme mourait souvent d’une appendicite aiguë, d’une grippe, d’une infection généralisée, d’une rougeole, etc. Les antibiotiques, la cortisone et autres produits aux effets quasi miraculeux n’existaient pas encore. Quant à la chirurgie et à la génétique, elles en étaient à leurs balbutiements.

3. La qualité de la vie

Non seulement l’espérance de vie a été doublée, mais la vie a même gagné en qualité. Grâce à la technique, les organismes humains ont été moins sollicités, moins fatigués et moins usés. Quand on regarde les premières photos réalisées après l’invention de l’appareil du même nom et si on retourne les clichés pour lire les annotations, on est surpris de l’âge moyen des personnes qui ont posé: cinquante ans en moyenne! Cela veut dire qu’à âge égal, nos anciens avaient des organismes plus fatigués, plus usés que les nôtres.

Le moteur à essence ainsi que le moteur électrique, par exemple, épargnent bien des souffrances aux agriculteurs alors que leurs anciens devaient faire toutes leurs tâches, soit avec leurs muscles, soit parfois avec l’aide de la force animale. A cinquante ans, un agriculteur pouvait facilement mourir d’infarctus du myocarde suite à un surmenage continuel.

La diététique a également fait de nombreux progrès. Même si les écologistes dénoncent certains organismes génétiquement modifiés (OGM) qui sont ajoutés à nos aliments, notre nourriture est, globalement, plus riche, plus équilibrée, plus saine. L’organisme humain trouve souvent, dans les aliments, des éléments pour guérir certaines maladies. Les progrès dans la conservation des aliments (conserves, chaînes du froid) rendent très rares les intoxications alimentaires, si fréquentes il y a deux siècles. Lorsque celles-ci se produisaient, on y voyait une fatalité, alors que, de nos jours, tout accident alimentaire est considéré comme une faute grave qui devra trouver réparation devant les tribunaux.

Ainsi, non seulement l’espérance de vie a doublé, mais à l’intérieur de cette période, la vie est devenue plus facile grâce à la science et à la technique. Nous touchons là à un problème moral et d’ordre économique. Les progrès ne sont pas répartis d’une manière uniforme dans le corps social. Ils profitent prioritairement à ceux qui ont les moyens financiers.

On a pu observer, durant la canicule d’août 2003, que dans les maisons de retraite bien équipées, abondamment fournies en personnel, où les pensionnaires paient environ 4300 euros par mois, il y avait beaucoup moins de morts que dans les maisons à 1500 euros par pensionnaire, avec deux gardes-malades seulement pour 80 personnes. Il est clair qu’une maison de retraite équipée de climatiseurs sera moins mortifère qu’une autre dépourvue de cet équipement. Mais il faut savoir que l’équipement en climatiseurs augmente le coût d’un bâtiment de 8 à 10%.

4. Le lien social

Comme le rappelle le réformateur Martin Luther, la personne existe par les nombreux liens qu’elle a tissés avec sa famille, son entourage et même avec son Dieu. Une personne qui vit dans l’extrême solitude, qui a perdu presque tous les liens qui la rattachent aux autres est quasiment morte. La canicule de l’été 2003 a montré qu’en France comme dans les autres pays européens, mais peut-être d’une manière encore plus accentuée, il existe environ 4 à 5% de la population qui est très âgée et qui vit dans un état de solitude extrême. Dans leur cas, le moindre accroc dans leur vie peut avoir une conséquence fatale.

Comment en est-on arrivé à cette dérive où une partie de la population est presque privée de tout lien social?

Autrefois, une grande partie des liens sociaux étaient marqués par le signe de l’obligation (François de Singly). Ces obligations reposaient sur les socles de l’éthique, de la culture et de la religion. Les enfants se devaient d’avoir des liens continus avec leurs anciens, même si ces liens étaient parfois perçus comme contraignants, fatigants, voire difficiles.

C’était dans la nature du cours de la vie, comme on aimait à le dire. Les personnes les plus croyantes le faisaient aussi par peur qu’un jour, au jugement dernier, on puisse éventuellement les accuser d’avoir abandonné leurs parents.

Rares étaient ceux qui essayaient de se soustraire à l’obligation d’avoir des liens forts avec les anciens. La culture, la morale, la religion veillaient au grain. Il n’y avait que les marginaux pour s’en affranchir! De nos jours, la culture est devenue multiple, induisant une notion de relativisme par rapport aux anciennes obligations, la morale est aussi gagnée par ce relativisme, enfin les religions ont perdu beaucoup d’influence.

Le maître mot de notre époque est la liberté. Le sujet doit être libre et ce qui doit le guider est le plaisir et l’intérêt. Il est clair qu’avec ces nouveaux repères (liberté, plaisir, intérêt), les liens sociaux avec les anciens se sont distendus. Aujourd’hui les liens sont multiples, très variés, marqués par le plaisir ou l’intérêt, et enfin par une durée plus ou moins courte. La personne a de nombreux liens, choisis très librement et marqués par la non-inscription dans la durée et la fidélité. Toutes ces mutations ont pour conséquence de réduire les liens avec les personnes âgées et d’induire les catastrophes qu’on a connues.

5. La culture passée est perçue comme n’ayant plus de sens dans le présent

Au XXe siècle, il y a eu une accélération foudroyante des mutations. Pour visualiser cette accélération, on peut considérer deux images.

La première consiste à constater que, de l’an 0 à l’an 1900, il y a eu moins de mutations que de l’an 1900 à 1990. En soixante-dix générations, il y a eu moins de mutations qu’en trois générations. De l’an 1980 à 2010, il y aura plus de mutations que de l’an 0 à l’an 1980. En d’autres termes, une seule génération connaîtra plus de mutations que les soixante-treize générations précédentes.

La seconde est due à Alain Peyrefitte, qui aimait présenter le phénomène sous la forme d’un problème mathématique. Un nénuphar double chaque jour de superficie. On sait qu’il lui faudra vingt jours pour combler la totalité de la surface d’un étang. Combien de jours lui faudra-t-il pour combler la moitié de l’étang? Réponse: dix-neuf jours. Lors du vingtième jour, le nénuphar grandira autant que pendant les dix-neuf jours précédents.

Ces deux images illustrent la formidable accélération de l’histoire avec, comme conséquence directe, que les vérités scientifiques elles-mêmes deviennent relatives: pas plus de trente ans de validité. Quant aux vérités économiques, leur durée de vie excède rarement les cinq ans. La seule vérité qui émerge de toutes ces mutations est la certitude que l’avenir ne sera pas comme le présent et encore moins comme le passé.

Autrement dit, les anciens ne transmettent plus une culture. Les jeunes générations estiment que la culture des anciens ne peut plus les aider à trouver les clefs de l’avenir. Résultat: on se détourne encore plus des personnes âgées puisqu’elles ne peuvent plus être considérées comme des sages dont l’expérience passée peut aider à réussir l’avenir. Et l’isolement de ces personnes commence. Autrefois on allait écouter les anciens pour s’imprégner de leur sagesse, de leurs conseils pour réussir sa vie. De nos jours, nous vivons dans une société à la culture éclatée, atomisée, où chacun se fabrique une culture sur mesure et où la communication entre les personnes devient de plus en plus difficile.

6. L’Etat n’est plus un père mais une « bonne mère »

La dernière grande mutation qu’un anthropologue peut observer est le rapport nouveau que les personnes ont avec l’Etat.

Au début du XXe siècle, l’Etat était représenté sous l’image du père qui dit la loi avec sévérité et qui permet par là même à chaque enfant de trouver sa place. Mais la figure paternelle a subi dans les dernières décennies, sous prétexte de démocratie et de féminisation, des attaques en règle.

L’Etat français s’est transformé en une sorte de divinité, la « Grande Mère », qui a de la sollicitude et de la compassion pour tous ses enfants qu’elle maintient dans une relation infantilisante. Toutes les souffrances de la vie, toutes les angoisses, tous les échecs, tous les problèmes doivent trouver une solution auprès de cette « Bonne Mère » qui est tout écoute, proximité, caresses, urgence et amour pour ses enfants1. Les dirigeants de notre pays ne sont plus que des prêtres-mères de cet Etat-Bonne Mère, qui permettent aux enfants d’être en contact avec les seins nourriciers de Big Mother. Celle-ci ne donne évidemment pas de lait mais un autre liquide consolateur et fortifiant: l’argent.

Qu’une catégorie d’enfants se révoltent, les hommes et les femmes politiques vont apaiser les cris et les fureurs par des subventions, des primes, des augmentations de salaires, de nouvelles lignes de crédit.

Nous vivons dans une société maternante et infantilisante, où ne devrait régner aucune douleur et aucune souffrance. Si Karl Marx revenait, il ne pourrait plus dire « la religion est l’opium du peuple » mais « l’argent de l’Etat est l’opium des Français ».

Face à cette mutation, une remarque et une question. Le père a aussi pour fonction d’organiser symboliquement le rapport du sujet à ce qui est négatif, à la perte, à la mort. Cette fonction existe-t-elle encore, ou bien ne vivons-nous pas sous l’emprise d’une société maternante et maternisante, dans le déni de la mort?

Cette nouvelle approche de l’Etat induit aussi un nouveau comportement face aux personnes âgées. Certains estiment que la prise en charge d’une personne âgée ne relève pas, d’abord, de la responsabilité de la famille, mais bien de celle de l’Etat, assimilé à une « Bonne Mère ». « Nous n’avons pas le temps, nous devons vivre notre propre vie. C’est, d’abord, à l’Etat de s’occuper de ses anciens citoyens », entend-on dire dans de nombreuses familles.

De plus, comme nous vivons dans une société reposant sur le déni de la mort, s’occuper des personnes âgées risquerait d’éveiller des angoisses, de rappeler qu’un jour on sera comme elles et que nous devrons mourir.

7. La médecine française ne privilégie pas la personne âgée

Si on ne peut pas accuser le ministre de la Santé d’être responsable des 14 000 morts de la canicule, le professeur de médecine qu’il est ne peut pas ignorer les règles comptables actuelles qui régissent les différents services dans les hôpitaux publics français. Or, ces règles ont des conséquences très perverses.

Chaque service est noté avec des points ISA2 qui sont censés récompenser les services les plus performants. Ainsi un acte de médecine ou de chirurgie accompli dans un service donne des points ISA. Si le malade est rapidement guéri, les points ISA sont augmentés. Et, en fin d’année, si le service a beaucoup de points ISA, il sera doté, l’année suivante, de moyens supplémentaires. En d’autres termes, on souhaite encourager les services méritants au détriment des services moins performants. On trouve ici, d’une manière collective, la notion de récompense financière due au mérite.

Or, on s’aperçoit que les services de chirurgie qui arrivent à renvoyer rapidement les malades à la maison produisent, par rapport à un service de médecine classique, beaucoup de points ISA. A l’opposé, un service de gériatrie, où les pathologies sont difficiles et où les personnes âgées mettent beaucoup plus de temps à guérir, produira peu de points ISA. En conséquence, l’année suivante, le service de gériatrie verra ses moyens amputés. Ce n’est pas une vue de l’esprit, cela s’est produit assez souvent.

Ainsi, à Strasbourg, le service de gériatrie du professeur Marc Berthel, service réputé auprès de la population et des médecins, s’est vu retirer, d’une année à l’autre, un médecin et demi au motif que ce service ne produisait pas assez de points ISA. Si on poussait le raisonnement jusqu’au bout, en quelques années, un service de gériatrie se verrait totalement dépouillé de tous ses moyens!

Que dire, d’autre part, de tous ces protocoles qui prescrivent aux infirmières, à la seconde près, le temps maximal qu’elles doivent consacrer aux différents actes de soins? Il n’y a plus de temps pour dialoguer, respirer, accorder une attention particulière à telle ou telle personne âgée. Il n’y a plus ce « quelque chose » entre la personne âgée et le soignant qui relève du champ de la gratuité. On est dans un processus qui s’apparente à la production industrielle du début du XXe siècle. On est en plein taylorisme médical. Ceci fait dire au professeur Marc Berthel: « On est dans le fascisme de bienveillance. »

Les mots de totalitarisme ou de fascisme rappellent des époques sombres, au cours desquelles le nazisme et le marxisme-léninisme sévissaient. A cette époque de l’histoire européenne, on parlait aussi d’euthanasie. Ce n’est sûrement pas un hasard si, aujourd’hui, réapparaît le terme d’euthanasie économique.

8. Le risque de l’euthanasie économique

Cette question est réapparue dans l’actualité au mois de juillet 2003 sous la forme d’une boutade du ministre français de l’Economie et des Finances, Francis Mer (cf. Le Canard enchaîné). A cette période de l’année, les journaux s’inquiétaient du déficit record de la Sécurité sociale. Francis Mer, pour dérider ses collègues du gouvernement, fit remarquer avec humour qu’il y avait une solution pour résorber ce déficit puisque, maintenant, il était avéré que ce qui coûtait le plus cher à l’assurance maladie était les deux dernières années de la vie d’une personne! A chacun d’extrapoler le raisonnement et de le prolonger par des mots au sens redoutable.

Francis Mer ne faisait qu’expliciter un raisonnement qui a cours dans les milieux économiques. Il y a dix ans, on disait que c’était les six derniers mois qui coûtaient le plus cher; maintenant on en est à deux ans. Peut-être, dans dix ans, dira-t-on que les trois dernières années d’une vie sont les plus chères?

Pour démontrer l’inanité d’un tel raisonnement, le professeur Marc Berthel utilise l’image suivante: quand un train de voyageurs se fait percuter à l’arrière par une locomotive, les statistiques montrent que la moitié des victimes est dans le dernier wagon. On pourrait imaginer qu’en supprimant le dernier wagon, on rendrait les catastrophes ferroviaires moins meurtrières! Mais il y aura toujours un dernier wagon… à moins de ne plus faire circuler que des locomotives!

Dans le même ordre d’idées, on a entendu des médecins affirmer très sérieusement qu’après soixante-quinze ans, il ne faudrait plus mettre en route de traitements trop onéreux. Bien entendu, les personnes riches pourront toujours avoir accès à des traitements lourds. Là on voit poindre l’idée d’une médecine à deux vitesses: une pour les pauvres et une pour les riches. Toutes ces réflexions de type économique amènent avec elles l’idée rampante d’une euthanasie à caractère économique.

On entre lentement dans le schéma, esquissé il y a vingt-cinq ans dans le film américain Soleil vert, où des personnes âgées offraient, par civisme, les dernières années de leur vie à l’Etat. On leur faisait passer les dernières heures de leur vie dans un cadre magnifique, et en leur donnant un succulent repas en leur faisant voir de belles images d’autrefois. Ensuite, par injection létale, ces personnes étaient tuées. Après, leurs corps servaient à fabriquer les fameuses pastilles Soleil vert qui servaient de nourriture aux autres humains.

Souvent la science-fiction est rejointe par l’actualité quelque dix ou vingt ans après. Ce fut, par exemple, le cas de l’attaque des Twin Towers. Il convient donc de prendre très au sérieux le danger que constitue la notion d’euthanasie pour raison économique. Ce raisonnement soulève bien des questions: qui peut affirmer qu’une personne est entrée dans la dernière année de sa vie? Qui peut dire qu’une vie humaine n’est plus utile à la société? En pratiquant l’euthanasie (pour raison économique ou autre), l’homme ne veut-il pas maîtriser le mystère et devenir dieu à la place de Dieu?

L’argument économique est celui qui met le plus en valeur le désir de toute-puissance des hommes. En acceptant, lentement, par retouches successives, l’euthanasie pour raison économique, on fait terriblement progresser notre société vers une barbarie à visage humain.

Conclusion

En tant que chrétiens, le sort des personnes âgées dans notre société ne peut pas nous laisser indifférents. Il n’est pas inutile de nous rappeler ces phrases du Christ, lors du jugement dernier: « En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait. » (Mt 25.45)

Cela devrait aussi conduire notre société et chaque personne à un examen de conscience. Quelles sont les priorités de l’ensemble de la communauté humaine et de chaque personne? Peut-on indéfiniment prôner la réussite personnelle au détriment de la cohésion du groupe et, plus particulièrement, des plus faibles?

En imitant le titre du livre de Luc Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie?, on peut répondre qu’une vie réussie est une vie mise au service des autres et, plus particulièrement, des très jeunes et des anciens.

Les enseignants et les pédagogues affirment que les jeunes et les moins jeunes souffrent de plus en plus de la perte du sens de la vie. Les personnes deviennent de plus en plus autistiques. Chacun est de plus en plus refermé sur lui-même et les ordinateurs ne font que renforcer ce sentiment de bulle hermétique. Proposer à nos contemporains de renouer des contacts forts avec les anciens est aussi une manière de retrouver du sens à la vie.

Enfin, en nous occupant des personnes âgées, nous serons peut-être dans la position de la Samaritaine. Elle vient apporter à boire à un étranger qui semble démuni et, au cours du dialogue, elle découvre que c’est elle qui reçoit de l’eau vive de ce Juif, nommé Jésus (Jn 4.1-26). Au contact des personnes âgées, nous pouvons aussi recevoir cette eau vive dont notre âme a tellement besoin.

* Freddy Sarg est inspecteur ecclésiastique de l’ECAAL (Eglise de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine) et vice-président de la Fédération protestante de France.

1 Michel Schneider, Big Mother ou psychopathologie de la vie politique (Paris, 2001).

2 En France, la production des établissements médicaux et hospitaliers est mesuré par l’indice synthétique d’activité (ISA) calculé par le Ministère de la Santé.

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