Le baptême des enfants et la conversion – Comparaison entre la foi réformée et les conceptions baptistes

Le baptême des enfants et la conversion
Comparaison entre la foi réformée et les conceptions baptistes

J. DOUMA*

Nombreux sont les chrétiens qui, comme les baptistes auteurs de la Confession de foi baptiste de 16891, ou comme C. H. Spurgeon (1834-1892), le grand prédicateur londonien, pensent que le baptême des petits enfants est antibiblique. Certains vont jusqu’à le qualifier d’hérétique. A leurs yeux, le baptême des enfants conduit à beaucoup d’abus et implique une vision tellement large de l’Eglise que celle-ci perd son caractère biblique.

Il importe de considérer avec sérieux ce qui nous sépare, en tant que réformés, des baptistes soucieux, comme nous, d’être fidèles à l’Ecriture et, parmi eux, de ceux qui adhèrent aux « doctrines de la grâce ».

Une question revient souvent: comment, si l’on tient en estime le baptême des enfants, peut-on accorder à la conversion de l’homme la place que lui donnent les Saintes Ecritures? Autrement dit, les baptistes ont-ils raison de mettre l’accent sur la conversion de l’homme et de n’admettre celui-ci dans l’Eglise du Christ qu’après son baptême?

Ce sujet n’est pas sans importance. Voici comment il nous apparaît que le baptême des enfants n’est pas antibiblique. C’est, en effet, l’étude de la Bible qui nous conduit à justifier le baptême des petits enfants pour les raisons suivantes:

  1. Il y a continuité et ressemblance entre la circoncision et le baptême.

  2. Une seule et même promesse est attachée à ces deux pratiques, même si Abraham a deux sortes de descendance.

  3. Une seule et même promesse est faite au peuple de Dieu.

  4. Les textes du Nouveau Testament ne contredisent pas ce point de vue.

  5. Les enfants de chrétiens sont placés au bénéfice des promesses de l’Alliance.

Analysons ces cinq affirmations.

I. Ressemblances entre la circoncision et le baptême

A) « Enfants d’Abraham »?

Comme nous allons le voir, il nous est impossible d’approuver nos amis baptistes lorsqu’ils rejettent le baptême des enfants. Le livre Children of Abraham (les enfants d’Abraham), de David Kingdon2, un réformé baptiste, nous sera très utile pour nous expliquer, car il présente clairement le point de vue réformé baptiste. Kingdon souhaite laisser parler la Bible. Nous essaierons de faire de même!

i) Une Alliance

L’exposé de D. Kingdon porte sur un point essentiel: le remplacement de la circoncision dans l’Ancien Testament par le baptême dans le Nouveau. Pour un grand nombre de baptistes, la circoncision n’est rien de plus qu’une circoncision « charnelle », un signe extérieur de l’appartenance au peuple d’Israël. Dans le Nouveau Testament, elle n’a plus aucune importance. Aussi, pour eux, n’est-il pas possible de tracer une ligne de la circoncision au baptême. Il n’existe pas de relation entre une affaire strictement nationale dans l’Ancien Testament et le baptême dans le Nouveau Testament.

Pour nous, à l’inverse, le fait que le baptême soit venu remplacer la circoncision est d’une importance décisive. Si cela était douteux, la défense du baptême des enfants deviendrait précaire. La circoncision est plus qu’un signe « national » et plus qu’une affaire « externe », parce que l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament ne peut, en aucune manière, être ébranlée. L’enjeu en est l’Alliance unique que Dieu a faite avec Abraham et qu’il a scellée pour ses enfants par la circoncision, Alliance qui continue dans la dispensation du Nouveau Testament. Nous croyons que nous sommes, ainsi que nos enfants, de la postérité d’Abraham et que, non seulement les parents croyants, mais aussi leurs enfants peuvent recevoir le signe de l’Alliance. Puisque nos enfants sont des enfants de l’Alliance, le signe de l’Alliance – le baptême dans le Nouveau Testament — ne peut pas leur être refusé.

En quoi le raisonnement de Kingdon est-il donc remarquable? Il fait sienne la position réformée en ne coupant pas les liens entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Il parle d’une seule Eglise, qui est le peuple de Dieu dans tous les temps et dans tous les lieux; d’une seule voie de salut en Jésus-Christ; d’une seule destinée pour tous les saints, la nouvelle Jérusalem. Pour Kingdon, l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament est celle de l’Alliance.

ii) La circoncision n’est pas si charnelle

Quelle implication cela a-t-il, selon Kingdon, sur la relation entre la circoncision et le baptême? A cet égard, Kingdon reconnaît se dissocier de plusieurs baptistes qui, en réaction contre la doctrine du baptême des enfants, considèrent la circoncision comme étant seulement « un enseignement de l’Ancien Testament » (p. 17).

Kingdon explique, tout d’abord, que la circoncision dans l’Ancien Testament n’était pas que « charnelle ». Abraham n’a-t-il pas reçu le signe de la circoncision comme sceau de la justice qu’il avait obtenue par la foi (Rm 4:11)? La Loi ne stipule-t-elle pas que le cœur doit être circoncis?3 Paul ne montre-t-il pas clairement qui est Juif et en quoi consiste la vraie circoncision?

« Le Juif, ce n’est pas celui qui en a les apparences; et la circoncision, ce n’est pas celle qui est visible dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. La louange de ce Juif ne vient pas des hommes, mais de Dieu. » (Rm 2:28ss).

Kingdon conclut donc correctement que le rite de la circoncision inclut l’idée que la circoncision du cœur est nécessaire. La circoncision ne se réfère pas seulement à une réalité « naturelle » (exemple: être Israélite, être propriétaire d’une parcelle de terrain en Canaan, etc.). Kingdon rejette également la notion de Karl Barth, qui établit une nette distinction entre la circoncision « charnelle » et le baptême « spirituel »; il n’accepte pas un tel dualisme (pp. 25ss).

Kingdon constate, ensuite, qu’il ne convient pas de rattacher la circoncision à la seule période nationale de l’histoire d’Israël, c’est-à-dire à la loi mosaïque et à la théocratie. La circoncision a été instaurée, en effet, quatre cent trente ans avant le don de la Loi au mont Sinaï (Ga 3:17). Aussi la circoncision n’est-elle pas du tout une affaire « nationale » ou un signe « national », qui ne puisse pas déborder la portée limitée de l’Alliance du Sinaï (p. 27).

iii) Analogie entre la circoncision et le baptême

Si la circoncision est telle, sa signification n’est-elle pas proche de celle du baptême? Kingdon le perçoit bien. Il présente à nouveau des preuves scripturaires convaincantes: la circoncision dans l’Ancien Testament est un symbole de la purification et du renouvellement du cœur; le baptême dans le Nouveau Testament a la même signification, comme le montre Colossiens 2:11ss:

Et c’est en lui que vous avez été circoncis d’une circoncision que la main n’a pas faite, mais de la circoncision de Christ, qui consiste dans le dépouillement du corps de la chair; ayant été ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes aussi ressuscités en lui et avec lui, par la foi en la puissance de Dieu, qui l’a ressuscité des morts.

On se dépouille de notre passé dominé par le péché et on revêt le Christ. Les deux signes de l’Alliance, la circoncision et le baptême, transmettent le même message. Ce qui est dit de la circoncision peut l’être également du baptême. Romains 4:11 précise qu’Abraham reçut la circoncision comme un sceau de la justice par la foi; la même chose pourrait être affirmée lorsqu’on reçoit le baptême, dit Kingdon (pp. 28ss).

B) Et pourtant…

Pourtant, Kingdon ne fait pas le pas auquel on s’attendrait. S’il y a une seule Alliance et s’il existe une analogie si claire entre la circoncision et le baptême, pourquoi les enfants de parents croyants ne recevraient-ils pas, aujourd’hui, ce que les enfants recevaient en Israël dans l’Ancien Testament, c’est-à-dire le signe de l’Alliance? Impossible, dit Kingdon, car même s’il existe une analogie entre la circoncision et le baptême, l’enjeu est maintenant de rechercher le sens et la signification précise de cette analogie. Kingdon introduit alors une distinction entre des éléments dispensationnels et trans-dispensationnels (p. 30).

Une telle distinction ne suscite pas en elle-même d’objection, car l’ancienne et la nouvelle dispensation sont effectivement distinctes. Certains éléments de l’ancienne Alliance ne sont pas repris dans la nouvelle, et certains éléments de la nouvelle Alliance ne se trouvent pas dans l’ancienne. Le problème est de savoir ce que Kingdon fait de cette distinction. Voici son raisonnement.

Abraham a reçu la promesse qu’il aurait de nombreux descendants. Cette promesse s’est accomplie à travers la nation juive et les nombreux descendants d’Ismaël et de ses autres fils (p. 30). Dans la dispensation du Nouveau Testament, cette promesse s’accomplit à travers la multitude des croyants. Le centre d’intérêt n’y est plus l’Israël selon la chair, mais la vraie postérité d’Abraham.

« Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse. » (Ga 3:29)

Selon l’enseignement de Paul, les croyants, et les croyants seulement, constituent la vraie descendance d’Abraham.

Dans la dispensation de l’Ancien Testament, poursuit Kingdon, la promesse du pays a été accomplie par le don de Canaan. Dans la dispensation du Nouveau Testament, elle s’accomplit par l’héritage des croyants en Christ, un héritage qui, contrairement au pays de Canaan, ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir (1 P 1:4). Le principe de l’Alliance avec Abraham, son centre, est « à toi et à tes descendants après toi »; la circoncision ne s’est pas appliquée seulement à Abraham, mais à tous ses descendants mâles, et à chacun de ceux qui avaient quelque rapport avec sa famille: fils de concubines, esclaves, etc. (Gn 13:17ss). Reconnaître que la circoncision a aussi une signification spirituelle n’y change rien, car si celle-ci existe,

cela ne veut pas dire que la signification nationale du signe de l’Alliance pour tous les Israélites mâles peut être simplement ignorée en vue de rendre la signification de la circoncision identique au baptême, lequel n’a bien sûr aucune signification nationale4.

Selon Kingdon, l’Alliance avec Abraham comporte, à la fois, un aspect temporel et un aspect éternel, un objet terrestre et un objet céleste. Pour celui qui est réellement un Israélite marchant sur les traces d’Abraham, la circoncision est le sceau de la justice de sa foi. C’est pourquoi, en vue des bénédictions de nature terrestre de l’Alliance, tous les descendants d’Abraham sont circoncis. Mais Abraham a une double descendance: les enfants selon la chair et les enfants selon l’Esprit (Ga 4:21ss). Aussi, soutient Kingdon, devons-nous parler d’une Alliance unique et nous ne devons pas diviser en deux parties l’Alliance avec Abraham. Cela n’empêche pas de maintenir que l’Alliance avec Abraham contenait des aspects terrestres et des aspects célestes. Quelqu’un peut participer de facto à l’Alliance et ainsi être un membre d’Israël « selon la chair », sans participer au « véritable » Israël. Le signe de l’Alliance (la circoncision) n’a-t-il pas été administré sur un organe masculin précisément pour manifester que le statut d’alliance est transmis d’une génération à l’autre par la naissance physique? Le mot « descendance » dans l’Ancien Testament se réfère d’abord à la descendance charnelle, l’idée d’une descendance spirituelle n’est devenue évidente que dans le Nouveau Testament (p. 33).

C) Evaluation

Tout ceci se trouve déjà clairement formulé dès le début du livre de Kingdon. Pour lui, l’Alliance dans l’Ancien Testament est d’abord une affaire terrestre, temporelle. L’alliance dans le Nouveau Testament est une affaire « spirituelle ». Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les textes sur la circoncision dans le Nouveau Testament. De quoi parlent-ils si ce n’est de la circoncision intérieure, de la régénération et de la foi? Si tel est le noyau de la nouvelle Alliance, il n’est plus possible de maintenir que les jeunes enfants doivent eux aussi être baptisés. Le baptême est pour les régénérés, les convertis et les croyants; et puisqu’il est impossible de s’exprimer ainsi à propos des enfants, les baptiser est exclu. Tel est l’argument de Kingdon que nous allons réfuter.

II. Deux sortes de descendance, une promesse

A) Un revirement incompréhensible

C’est avec raison que Kingdon a montré l’unité de l’Alliance dans l’Ancien et le Nouveau Testament, qu’il a décrit les conséquences de l’analogie entre les deux signes de l’Alliance: la circoncision et le baptême, et qu’il a montré, à l’aide des textes de l’Ecriture, que l’on peut s’exprimer fondamentalement de la même manière au sujet du baptême et de la circoncision. Et cependant, il ne conclut pas que, tout comme la circoncision était pratiquée sur les enfants d’Israël, de même le baptême peut être administré aux enfants des croyants.

S’il l’avait fait, il ne serait pas un réformé baptiste. Comment est-il possible qu’après avoir souligné l’étroite ressemblance entre la circoncision et le baptême, il ait rejeté le baptême des enfants? Cette attitude surprenante peut paraître incompréhensible. En fait, nous allons voir comment Kingdon a quitté la bonne voie sur laquelle il s’est engagé en introduisant des éléments étrangers dans son argumentation.

B) Une Alliance, une promesse

Kingdon reconnaît avec raison que même s’il peut y avoir de nombreuses différences entre l’ancienne et la nouvelle dispensation, il s’agit toujours d’une seule et même Alliance. Poursuivons dans ce sens: il peut y avoir de nombreuses différences entre l’ancienne et la nouvelle dispensation, mais il s’agit toujours d’une seule promesse. Kingdon dit-il également cela? Ecoutons à nouveau ce qu’il dit:

De nombreux descendants furent promis à Abraham. Cette promesse fut accomplie à travers la nation juive ainsi que les nombreux descendants d’Ismaël et des autres fils d’Abraham. Cependant, dans la dispensation du Nouveau Testament, cette promesse fut accomplie à travers la multitude des croyants qui sont la postérité d’Abraham. Le centre d’intérêt n’est pas Israël selon la chair, mais la vraie postérité d’Abraham. (Page 30)

Cette lecture oblige à conclure que la promesse dans l’Ancien Testament est différente de celle qui est faite dans le Nouveau Testament. Mais comment cela se pourrait-il à la lumière de Galates 3:16?

Or, les promesses ont été faites à Abraham et à sa descendance…, c’est-à-dire à Christ.

Sans le Christ, il n’aurait aucunement été question des descendants d’Abraham. La première personne à laquelle nous devons penser lorsque nous parlons des descendants, y compris des descendants de l’Ancien Testament, c’est au Christ. Le centre d’intérêt, non seulement dans le Nouveau Testament, mais aussi dans l’Ancien Testament, est la vraie descendance d’Abraham, c’est-à-dire le Christ, et, en lui, les croyants. Combien il est important de lire l’Ancien Testament comme le Christ et ses apôtres nous ont enseigné à le faire! En lisant Galates 3:16, il est difficile de maintenir ce que dit Kingdon, c’est-à-dire que la promesse faite à Abraham ne concerne que la nation juive et les nombreux descendants d’Ismaël et des autres fils d’Abraham. Le professeur Greijdanus affirme au contraire, à propos de Galates 3:16, que Dieu a donné la promesse à Abraham et à la descendance d’Abraham,

donc à l’ensemble des croyants en Christ, à l’exclusion des enfants d’Abraham qui n’appartiennent pas à cette descendance d’Abraham, Ismaël et les enfants de Kéturah, et plus tard Esaü et ses descendants, plusieurs des descendants de Jacob qui n’ont pas cru ou ne croient pas en Dieu et en son Christ, ainsi que les Gentils incroyants5.

Kingdon maintient exactement l’opposé et ce faisant, il enlève tout fondement à sa thèse selon laquelle l’accomplissement de la promesse dans l’Ancien Testament serait différent de celui qui est évoqué dans le Nouveau Testament. L’Ancien et le Nouveau Testament se préoccupent l’un et l’autre du Christ et de ceux qui croient en lui. C’est pourquoi nous ne pouvons pas être d’accord avec l’affirmation de Kingdon selon laquelle

le mot « descendance » dans l’Ancien Testament se réfère d’abord à la descendance charnelle, la notion d’une descendance spirituelle ne devenant évidente que dans le Nouveau Testament. (Page 33)

Comment un homme professant comme nous que le Christ est la clé de toute l’Ecriture puisse s’exprimer ainsi? Si l’important est le mot « descendance » ou « postérité », comment penser à un autre qu’au Christ? Abraham s’est réjoui de voir le jour du Christ et il l’a vu (Jn 8:56). Dans leurs hymnes, Marie et Zacharie ont fait le lien entre la promesse faite à Abraham et son accomplissement en Jésus-Christ (Lc 1:54, 72). Comment faire autrement que de diriger notre attention vers lui lorsque nous parlons de la promesse faite à Abraham?

C) Charnel et spirituel

Kingdon opère des distinctions qui peuvent facilement devenir des dualismes erronés. D’après lui, l’Ancien Testament promet des biens terrestres et le Nouveau Testament des bénédictions célestes. Il dit de l’Ancien Testament qu’il parle du pays (Canaan), alors que le Nouveau Testament fait allusion à l’héritage spirituel que nous possédons en Christ. Il conviendrait de distinguer entre l’aspect temporel et l’aspect éternel, entre le terrestre et le céleste. Comparons cela au langage de l’Ecriture:

Frères, je ne veux pas que vous l’ignoriez; nos pères ont tous été sous la nuée, ils ont tous passé au travers de la mer, ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, ils ont tous mangé le même aliment spirituel, et ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était le Christ. Mais la plupart d’entre eux ne furent pas agréables à Dieu, puisqu’ils tombèrent morts dans le désert. (1 Co 10:1-5)

Le Nouveau Testament évoque un épisode de l’Ancien Testament. Il se réfère à la nourriture et au breuvage, mais en même temps il se réfère à des réalités spirituelles, toutes rattachées au Christ. Les réalités terrestres ne peuvent pas être séparées de celles qui sont célestes, car elles sont toutes des dons de Dieu dans l’Alliance que Dieu, dans le ciel, a établie avec son peuple sur la terre. Il est impossible de dissocier la promesse du pays de Canaan de l’héritage impérissable du Canaan céleste, car les deux vont ensemble. Abraham a reçu la promesse d’un Canaan terrestre, et le même Abraham a désiré un pays céleste (Hé 11:16). Le premier a tracé la voie au second.

Le Christ céleste ne pouvait pas venir sur terre sans qu’il y ait eu un acte de procréation. C’est pourquoi il faut refuser de suivre Kingdon lorsqu’il affirme que la dispensation de l’Ancien Testament s’intéresse à la descendance « charnelle » à la différence de la dispensation du Nouveau Testament, qui parle d’une descendance « spirituelle ». Selon Galates 3:16, cette descendance est charnelle, le Christ. Dieu a utilisé la lignée charnelle des générations pour accomplir son œuvre spirituelle.

Pourquoi en serait-il différemment dans la nouvelle Alliance? « Car la promesse est pour vous et pour vos enfants », dit Pierre le jour de la Pentecôte (Ac 2:39). Les enfants de l’ancienne Alliance ont reçu le sceau de cette promesse au moyen de la circoncision; nos enfants ne pourraient-ils donc pas le recevoir maintenant par le signe du baptême? Ne séparons pas ce que Dieu a uni; la promesse faite à Abraham était pour lui et pour ses descendants. Dans son Alliance, Dieu a uni le terrestre et le céleste, le charnel et le spirituel. L’arbre dont la racine est Abraham a développé de nombreuses branches durant des milliers de générations. Pourquoi la lignée des générations serait-elle interrompue maintenant que nous avons été greffés sur l’arbre d’Abraham (Rm 11:17ss)?

D) Deux sortes de descendance d’Abraham

Pour un vrai Israélite marchant sur les traces d’Abraham, la circoncision est le sceau de la justice de la foi, dit Kingdon; mais il ajoute que tous les descendants d’Abraham ont été circoncis en vue des bénédictions de l’Alliance qui avaient un caractère terrestre. Il parle ainsi des deux sortes de descendance d’Abraham, les enfants selon la chair et les enfants selon l’Esprit (Ga 4:21ss).

Impossible d’être d’accord avec Kingdon lorsque, parlant de la circoncision « générale », il pense aux bénédictions de l’Alliance qui n’ont qu’un caractère terrestre. Comment soutenir ce raisonnement si on prend au sérieux le passage de 1 Corinthiens 10? La plupart de ceux qui ne furent pas agréables à Dieu ont également mangé la nourriture spirituelle et bu le breuvage spirituel. Cela fait de leur incrédulité une chose des plus sérieuses. L’auteur de la lettre aux Hébreux dit que l’Evangile leur a été prêché, « mais la parole qu’ils avaient écoutée ne leur servit de rien, car ceux qui l’entendirent ne la reçurent pas avec foi » (Hé 4:2).

N’opposons pas la circoncision d’un Israélite (le croyant pieux) à celle d’un autre Israélite (celui qui est tourné vers les choses terrestres), lorsque nous observons l’œuvre de Dieu. Car l’Evangile leur a été prêché à tous et il a été permis à tous de manger et de boire à la source du Christ: tous étaient des enfants d’Abraham. Mais certains des fils se sont comportés comme des enfants illégitimes. Ce sont des fils selon la chair: il agissent « charnellement » et montrent ainsi qu’ils ne sont pas reliés spirituellement à Abraham. Paul dit à leur sujet:

Le Juif, ce n’est pas celui qui en a les apparences; et la circoncision, ce n’est pas celle qui est apparente dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. La louange de ce Juif ne vient pas des hommes, mais de Dieu. (Rm 2:28ss)

S’il y a bien deux sortes de descendance, il n’y a pas deux sortes de promesse, comme le pense Kingdon. Paul lui-même reconnaît qu’il y a beaucoup d’avantages à être Juif et que la circoncision a une grande valeur. Même si certains n’ont pas cru, leur infidélité n’annule pas la fidélité de Dieu (Rm 3:1-4). En d’autres termes, la circoncision est restée un don puissant et efficace, même si de nombreux Israélites circoncis ont vécu une vie infidèle. Par la circoncision, Dieu a scellé sa promesse aussi bien pour eux que pour les croyants. Mais, par leur impiété, ils ont rejeté avec mépris la promesse et ils ont perdu les bénédictions. Ils ont gardé le signe, mais ils ont méprisé la chose signifiée. Comment s’étonner alors des paroles de Paul en Romains 2:28, qui ne remettent pas en question, un seul instant, la signification de la circoncision.

E) Une question

Les frères baptistes, tout en reconnaissant qu’il existe deux sortes de descendance dans l’ancienne Alliance – l’une circoncise d’une façon et l’autre d’une manière différente –, considèrent que, dans la nouvelle dispensation, le baptême est pour les convertis, pour les régénérés, la descendance spirituelle d’Abraham. Désormais, il n’est plus question de descendance selon la chair, du père à son fils, de la mère à sa fille. Les deux sortes de descendance de l’ancienne dispensation doivent, dans la nouvelle, laisser placer à la descendance authentique: les croyants et les croyants seulement.

Notre question est celle-ci: « Est-il inconcevable qu’il y ait dans vos Eglises des personnes baptisées qui mènent une vie hypocrite et qui abandonnent ouvertement la foi qu’elles ont un jour professée, alors que, par leur baptême, elles participent à la nouvelle Alliance avec Dieu? Si, dans la nouvelle dispensation, il se trouve des incroyants parmi les personnes baptisées, cela ne signifie-t-il pas qu’il y a deux sortes de descendance? Ne savons-nous pas que beaucoup diront au Christ: « Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé… en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles? » A ces gens, il sera dit ouvertement: « Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. » (Mt 7:23)

Ne peut-on pas dire exactement du baptême dans la nouvelle dispensation ce que Paul disait au sujet de la circoncision de nombreux juifs? Comme, par exemple:

Le véritable chrétien n’est pas celui qui s’appelle chrétien et qui est baptisé avec le baptême d’eau. Le vrai chrétien est celui qui l’est intérieurement, et le vrai baptême est celui d’une bonne conscience devant Dieu, dans l’esprit, pas seulement pour la forme. Sa louange ne vient pas des hommes, mais de Dieu.

Si cela est juste – à savoir que, dans l’une et l’autre, il y a des gens qui désacralisent et rompent l’Alliance avec Dieu –, pourquoi ne pas administrer le baptême aux enfants de croyants? Paul sait que plusieurs de ces derniers méprisaient leur circoncision; il n’en conclut pas pour autant que la circoncision, dans l’ancienne Alliance, était en elle-même une mauvaise chose. Au contraire, l’infidélité de plusieurs n’annule pas la fidélité de Dieu. Pourquoi alors ne serait-il pas permis de baptiser les enfants de la nouvelle Alliance, dans laquelle on retrouve aussi (hélas!) deux sortes de descendants d’Abraham? La règle selon laquelle l’infidélité de milliers d’enfants baptisés n’annule pas la fidélité de Dieu s’applique ici également. La promesse est et demeure pour Abraham et sa descendance.

III. La même promesse: pays et peuple

A) Le blé et la mauvaise herbe

Nous ne voyons pas la différence que Kingdon discerne entre l’ancienne et la nouvelle Alliance, à savoir qu’il y aurait deux sortes de descendance dans l’ancienne et seulement une sorte dans la nouvelle. Comme dans l’ancienne Alliance, il existe, dans la nouvelle, des gens qui rompent l’Alliance. Si la réalité de la rupture de l’Alliance n’a pas été un obstacle à la circoncision de tous les garçons âgés de huit jours, pourquoi ne pas administrer le baptême à tous les enfants de la nouvelle Alliance? C’est là un sujet important à examiner en détail.

Kingdon dit clairement comment les réformés baptistes et lui voient l’Eglise. L’Eglise n’est pas une réalité invisible. Elle est la communauté des « saints visibles », manifestement régénérés par le Saint-Esprit. Il n’a jamais été prévu, dit Kingdon, que l’Eglise soit un champ où poussent, à la fois, le blé et les mauvaises herbes. L’Eglise est une communauté formée de ceux qui sont « sanctifiés en Jésus-Christ, appelés à être saints », comme dit Paul6. C’est là un point important pour Kingdon. Nous ne voulons pas moins que lui laisser l’Eglise visible se cacher derrière l’Eglise invisible, car celle-ci deviendrait l’Eglise des régénérés, ayant une relation intérieure et spirituelle avec le Christ, tandis que l’Eglise visible aurait seulement une relation extérieure avec lui (p. 57). Résultat: la discipline est négligée, et la parabole du blé et de la mauvaise herbe (Mt 13:24-30) pourrait alors servir d’explication. Le Christ ne nous a-t-il pas demandé de laisser pousser ensemble le blé et la mauvaise herbe jusqu’à la récolte?

Nous exprimons avec plaisir notre gratitude pour la réponse de Kingdon à ce raisonnement. Tous ceux qui connaissent le mal qui s’attache à une Eglise d’Etat comprendront pourquoi Kingdon dénonce la tendance à remplacer la croyance en l’Eglise, communauté visible de croyants, par une « croyance » en une Eglise invisible. Plusieurs réformés baptistes, avant de le devenir, ont vu de leurs propres yeux la misère d’une Eglise sans discipline, dans laquelle croyants et incroyants peuvent y faire baptiser leurs enfants. Cette pratique est de l’indiscipline, qui dégrade le saint sacrement du baptême en le transformant en un rite vide. Quel pouvoir ce baptême peut-il avoir?

A cet égard, nous comprenons les réformés baptistes, et si nous avions à choisir entre le baptême des enfants dans une Eglise d’Etat indisciplinée et le baptême des adultes dans une Eglise réformée baptiste, nous choisirions ce dernier. Mais, heureusement, nous n’avons pas besoin de choisir. Nous professons, avec les réformés baptistes, que l’Eglise est une communauté sainte de vrais croyants en Christ, qui fondent en lui l’espérance de leur salut, qui sont lavés par son sang et qui sont sanctifiés et scellés par le Saint-Esprit.

Mais nous nous opposons à eux en ajoutant immédiatement que les croyants et leurs descendants reçoivent une place dans l’Eglise de Jésus-Christ. Nous avons en horreur l’Eglise d’Etat, mais nous professons que l’Eglise est un peuple, un peuple avec des pères, des mères et des enfants, un peuple avec des familles. Nous ne baptisons pas n’importe quel enfant amené dans l’Eglise; nous baptisons les enfants de croyants.

B) Appelés à être saints

Lorsque nous reconnaissons, comme Kingdon, que l’Eglise est la communauté des croyants, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas aussi deux sortes d’enfants d’Abraham dans la nouvelle dispensation. Nous maintenons que ce qui s’applique à la vraie circoncision et au vrai Juif s’applique également au vrai baptême et au vrai chrétien. Ce que les juifs et ce que les chrétiens en ont fait n’est d’aucune manière décisif pour le droit à la circoncision et le droit au baptême. Que Dieu n’ait pas été content de nombreux circoncis n’a pas eu pour effet d’annuler sa fidélité, scellée dans leur circoncision. Il en est de même pour de nombreux baptisés: leur infidélité n’annule pas sa fidélité confirmée dans leur baptême.

Les réformés baptistes disent que la nouvelle Alliance a été établie avec la descendance d’Abraham: les croyants et seulement les croyants. Mais regardons ceux qui furent baptisés dans le Nouveau Testament et, tout d’abord, les adultes. Kingdon cite 1 Corinthiens 1:2: l’Eglise de Dieu à Corinthe était composée de ceux qui sont « sanctifiés en Jésus-Christ, appelés à être saints ». D’accord, puisque Paul le dit. Nous présumons que ces saints ont été baptisés correctement. Mais combien d’entre eux ne se distinguaient pas des incroyants dans leur doctrine et dans leur vie, comme on le voit dans le reste de la lettre, par exemple l’homme de 1 Corinthiens 5? Paul doit leur dire: « Vous êtes encore charnels. » (3:2) Pensons, par exemple, à leur manière de célébrer la sainte cène à Corinthe. Les considérerions-nous comme des chrétiens baptisés? L’ancien Israël, dont la plupart ont péri au désert, ne les aurait-il pas reniés (1 Co 10)? Et que dire des Galates? Que dire de Démas, qui a abandonné Paul par amour pour le monde présent? Que dire d’Alexandre le forgeron, qui lui a causé beaucoup de tort (2 Tm 4:10, 14)? Tous ceux-là n’ont-ils pas été baptisés et admis dans l’Eglise du Christ?

Appelés à être saints! L’appel du Christ est commun; mais tous les appelés ne sont pas élus. Ceux qui étaient incroyants parmi les juifs sont appelés enfants du Royaume, dit Calvin en se rapportant à Matthieu 8:12. Ces enfants seront jetés dans les ténèbres du dehors, bien qu’ils soient des enfants. La promesse de Dieu leur a été également faite et l’on ne peut pas nier que le salut ait été offert à tous, continue Calvin. Le nom d’Eglise peut être accordé à tous ceux qui reçoivent la promesse, quoique, à l’intérieur même du sanctuaire de Dieu, seuls ceux en qui la promesse de Dieu a été confirmée par la foi sont considérés comme étant fils de Dieu.

Calvin a écrit cela dans son commentaire sur Genèse 17:7, et nous y souscrivons de tout cœur. Il existe deux sortes d’enfants, qui ont été dotés de la même promesse de l’Evangile et placés dans la même Alliance. On ne le dira jamais assez: leur infidélité n’annule pas la fidélité de Dieu. Dieu était sérieux lorsqu’il a établi son Alliance avec eux tous et qu’il l’a scellée pour tous par la circoncision et par le baptême.

Nous nous attristons du revirement de Kingdon lorsqu’il se trompe en disant que Dieu donne la grâce de son Alliance seulement aux élus. Ce faisant, il conteste le sérieux avec lequel Dieu a également promis sa grâce aux enfants circoncis et baptisés non élus. Ou bien le baptême administré à des personnes qui, plus tard, abandonneront la foi n’a-t-il, pour les réformés baptistes, aucune signification spirituelle réelle? Cela ne conduit-il pas à une Alliance « externe » à côté d’une alliance « interne », à un « charnel » à côté d’un « spirituel », un « visible » à côté d’un « invisible », aussi bien pour le baptême que pour l’Eglise?

Ainsi il ne faut pas commencer par les mystères de l’élection et de la réprobation de l’homme, ni par ceux de la conversion réelle ou fausse de l’homme. Il convient plutôt de commencer par l’appel de Dieu, son Alliance et ses promesses certaines. En vertu de ces promesses, nous nous adressons à tous les gens de l’Eglise en tant que saints appelés. Vous êtes au Christ, alors ne soyez pas charnels, dit Paul (1 Co 3:3, 23). Construire, non pas sur la certitude de la Parole de Dieu, mais sur la solidité de la conversion de l’homme, c’est construire sur du sable.

C) Pays et peuple

Plusieurs choses ont changé avec la venue de la nouvelle Alliance: le sang versé lors de la circoncision n’a plus à l’être après la mort du Christ sur la croix; tout le service du temple a été aboli; ce qui auparavant « n’était pas un peuple » (les Gentils) est maintenant devenu le peuple de Dieu, etc. Dieu est resté le Dieu d’un peuple. L’ancien Israël a préparé le nouvel Israël. Les enfants devraient-ils, soudainement, être exclus?

C’est pourtant ce que Kingdon veut maintenir. Il reproche aux partisans du baptême des enfants d’en finir avec l’ancienne dispensation sur un point, mais pas sur un autre. Pourquoi les croyants ne sont-ils plus héritiers du pays de Canaan alors que la promesse « toi et tes descendants après toi » serait toujours valide? Les deux se trouvent en Genèse 17. Pourquoi annuler une promesse (que l’on dit être valide seulement pour Abraham et l’Israël de l’ancienne dispensation) et maintenir l’autre en vigueur? N’est-ce pas incohérent (p. 39)?

A cette remarque, nous répondons que nous ne voulons pas abandonner la promesse concernant le « pays ». Abraham lui-même ne l’a pas fait, lorsqu’il aspirait à une meilleure patrie, une patrie céleste (Hé 11:9-10). Nous ne le faisons pas lorsque nous nous rappelons avec Paul qu’Abraham devait hériter le monde (Rm 4:13). En Romains 4, la promesse de Genèse 17 est exposée à nos yeux avec plus de richesse. Nous sommes destinés à posséder le monde entier. L’avant-goût qu’en a eu Israël se transformera en un accomplissement mondial lorsque le jour du Christ se lèvera. Comment serait-il possible d’abandonner la promesse de Genèse 17? Sur la base de la promesse de Dieu à Abraham, nous espérons de très nombreuses bénédictions « terrestres ». Il n’y a pas de honte à l’affirmer, nous qui appartenons à la nouvelle dispensation, nous ne voyons aucune incompatibilité entre des bénédictions « terrestres » et des bénédictions « spirituelles ».

Si la promesse du pays, de la terre et du monde entier n’est pas annulée, faudrait-il annuler celle selon laquelle toutes ces bénédictions sont pour nous et pour nos enfants? La nouvelle dispensation serait-elle plus pauvre que l’ancienne? Nos enfants seraient-ils vraiment en dehors de l’Eglise?

Le Nouveau Testament est rempli de textes qui montrent que Dieu et son Christ veulent un peuple qui leur appartienne7. Plus d’une fois, le Nouveau Testament précise que des maisons ont été baptisées8. Il n’est pas dit que des enfants ont été baptisés; mais le mot « maison » n’indique-t-il pas qu’un père baptisé n’est pas seul au monde et qu’il forme une unité avec sa famille? C’est pourquoi Paul, dans ses lettres, ne s’adresse pas seulement aux adultes, mais aussi aux enfants9. Ceux-ci appartiennent à la maison. Même si un seul de leurs parents est croyant, ils occupent une position spécifique: ils ne sont pas « impurs », mais « saints » (1 Co 7:14).

Le croyant n’a pas à être arraché aux relations dans lesquelles Dieu l’a placé. C’est précisément parce que nous n’abandonnons pas la promesse concernant le pays et le monde que nous tenons également à la riche promesse selon laquelle l’héritage du Christ n’est pas en dehors du développement « terrestre » très ordinaire des générations!

IV. Des textes du Nouveau Testament

A) La décision est prise

L’examen du livre Children of Abraham, de David Kingdon, nous a confirmés dans la conviction que le baptême est venu remplacer la circoncision. Les arguments avancés par l’auteur en faveur du point de vue baptiste ne tiennent pas devant les Saintes Ecritures. L’unité de l’ancienne et de la nouvelle Alliance est tellement évidente qu’il est impossible, à la fois, d’accepter la circoncision des enfants de l’ancienne Alliance et de rejeter, par la suite, le baptême des enfants dans la nouvelle Alliance.

Nous ne sommes pas d’accord avec Kingdon lorsqu’il oppose l’ancienne Alliance, qui mettrait tout l’accent sur les biens « terrestres » et sur la descendance « charnelle » d’Abraham, et la nouvelle Alliance, qui évoquerait l’héritage « spirituel » et la descendance « spirituelle » d’Abraham.

Nous ne sommes pas d’accord avec Kingdon lorsqu’il traite de deux sortes de descendances d’Abraham dans l’ancienne Alliance, refuse qu’elles existent dans la nouvelle. Ce qui s’applique à la vraie circoncision et au vrai Juif dans l’ancienne dispensation s’applique tout autant au vrai baptême et au vrai chrétien dans la nouvelle. Que des membres de l’Alliance ne se comportent pas comme des enfants, mais comme des fils illégitimes, ne date pas seulement des temps passés: cela s’observe encore aujourd’hui. Ils ont reçu les mêmes promesses que les autres, mais ils ont méprisé la grâce de Dieu. C’est pourquoi nous avons exprimé notre désaccord lorsque Kingdon a voulu n’appliquer les promesses qu’aux élus.

Nous ne sommes pas non plus d’accord lorsque Kingdon dit que, dans la nouvelle Alliance, Dieu veut un peuple (tout comme dans l’ancienne Alliance), mais qui ne soit composé que des croyants et non de leurs enfants. Comment admettre que le croyant soit arraché des relations dans lesquelles Dieu l’a placé?

B) Le reste

Ce que Kingdon indique sur le « reste » du peuple d’Israël avant et après l’exil n’est pas plus convaincant. Pour lui, les tenants du baptême des enfants concentrent leur attention sur les périodes plus anciennes de l’histoire d’Israël et oublient ce qui est dit dans la Bible à propos du reste, le « reste » du peuple de Dieu. Le texte de Jérémie 31 ne s’applique-t-il pas à ce reste?

Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, oracle de l’Eternel. Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Celui-ci n’enseignera plus son prochain, ni celui-là son frère, en disant: Connaissez l’Eternel! Car tous me connaîtront, depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand, oracle de l’Eternel; car je pardonnerai leur faute et je ne me souviendrai plus de leur péché. (Versets 33-34)

Kingdon estime que ce passage implique que, pour être membre de cette nouvelle Alliance, il faut une nouvelle naissance spirituelle. Ainsi, nul n’est membre de l’Alliance à moins d’être né de nouveau. Cela est vrai du plus petit jusqu’au plus grand, sans exception. Qui peut nier que la nouvelle Alliance soit bien différente de l’ancienne, qu’elle n’est pas basée sur la naissance naturelle mais uniquement et simplement sur la nouvelle naissance spirituelle? (Pages 74ss)

i) Quiconque lit les textes bibliques concernant le peuple à qui il fut permis, par la grâce de Dieu, de revenir de l’exil comme un « reste », est obligé d’admettre que ces juifs ne se sont pas tous comportés comme des croyants régénérés (c’est le moins qu’on puisse dire). A ce moment-là également, il s’est trouvé de la mauvaise herbe dans le champ de blé. Pourtant, cela n’a pas empêché le Seigneur de s’adresser à eux tous comme au peuple du Seigneur, les enfants n’étant pas oubliés10.

ii) Hébreux 8 est le meilleur commentaire qui soit de Jérémie 31; on n’y lit pas que l’ancienne Alliance incluait des croyants et des incroyants tandis que la nouvelle Alliance ne pourrait comporter que des personnes régénérées. La différence entre l’ancienne et la nouvelle est la suivante: dans la nouvelle Alliance, il n’y a plus une caste sacerdotale que « l’homme ordinaire » ou le « laïc » doit suivre à grande distance; nous pouvons désormais « nous tenir sur nos jambes », sans médiateurs. Le plus petit, comme le plus important, peut connaître le Seigneur sans prêtre comme médiateur. Voilà ce qui devrait être souligné lorsque nous lisons Jérémie 31. Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux, cette alliance nouvelle a été scellée par le Christ. Les destinataires de l’épître constituent un peuple dans lequel on trouve des gens qui, tout comme dans l’ancienne Alliance, seront perdus s’ils ne reçoivent pas avec foi la parole prêchée11.

iii) Il importe de ne pas trop accentuer le mot tous dans Jérémie 31. On ne le fait pas en lisant Jérémie 9:26 où il est dit que toute la maison d’Israël avait le cœur incirconcis. Les circoncis de cœur ont toujours été présents parmi le peuple de Dieu, même au temps où le Seigneur a prononcé les paroles sévères de Jérémie 9:26. « Tout » ne veut pas dire tous sans exception. Ne peut-on pas tout autant le comprendre comme toutes sortes d’hommes, de tout genre et de toute condition? Cela ne convient-il pas mieux au contexte dans lequel Jérémie parle du plus petit et du plus grand?

iv) L’accomplissement de la promesse de Jérémie 31 se fait par étapes. Et l’accomplissement le plus riche reste à venir. Alors, toutes les nations « viendront se prosterner devant le Seigneur » (Ps 86:9); « tous les rois de la terre le loueront » (Ps 138:4); « l’Esprit sera répandu sur toute chair » (Jl 2:28); et alors, tous, au plein sens du mot, connaîtront le Seigneur, du plus petit jusqu’au plus grand (Jr 31:34).

Le message concernant le « reste » annonce l’approche d’une Alliance nouvelle, meilleure et plus riche que l’ancienne. Mais nulle part il n’indique que cette Alliance n’admettra pas les petits enfants. Après l’exil, Dieu a voulu un peuple qui dure jusqu’à mille générations. Cela est bien différent d’un rassemblement d’individus régénérés, arrachés à leurs liens familiaux.

C) Des textes

Il existe, dans le Nouveau Testament, quelques textes auxquels se réfèrent habituellement les tenants du baptême des enfants: la bénédiction des enfants par Jésus et la parole de Pierre le jour de la Pentecôte: « La promesse est pour vous et pour vos enfants. » Evidemment, Kingdon s’exprime à leur sujet et les rejette comme fondement du baptême des enfants (pp. 81ss).

Quant à nous, ces textes en confirment le bien-fondé. « Confirment » est le mot juste. En effet, il en va pour le baptême comme pour les prétendues preuves de l’existence de Dieu avancées dans l’Eglise chrétienne au long des siècles; ces preuves ne peuvent pas amener un incroyant à se convertir, mais elles peuvent confirmer la foi de celui qui croit.

De même, quiconque ne reconnaît pas clairement l’unité de l’ancienne et de la nouvelle Alliance et, sur cette base, ne confesse pas le baptême des enfants ne l’acceptera pas davantage en considérant la bénédiction des enfants par Jésus ou les paroles de Pierre le jour de la Pentecôte. Il donnera à ces deux événements une explication différente de celle des tenants du baptême des enfants.

Si le Nouveau Testament n’évoque pas explicitement le baptême des enfants, ce silence est significatif à la lumière de tout ce que nous avons dit jusqu’à maintenant. Quiconque voit la nouvelle Alliance comme l’accomplissement de l’ancienne (l’accomplissement est une chose différente de la dissolution) prend pour acquis que les enfants, eux aussi, peuvent bénéficier de la plus grande richesse de la nouvelle Alliance, ne pense pas que cela est dû au fait que la chair et le sang pourraient hériter le Royaume de Dieu. S’il le pense, il nous faut reconnaître qu’il n’est pas du tout sûr que les enfants puissent également participer à l’Alliance de Dieu. Toutefois, l’appel de Dieu est irrévocable. Il lui a plu de sceller son Alliance avec Abraham et sa descendance, et il y demeure fidèle.

Puisqu’il a plu à Dieu d’agir au fil des générations, de sorte que les enfants aussi peuvent avoir une place dans son Alliance, la confirmation du baptême des enfants transparaît des textes où il est précisé que des maisons furent baptisées12, ou que Jésus a béni les enfants13, ou encore que la promesse est « pour vous et pour vos enfants » (Ac 2:39); il en est de même lorsque nous lisons le passage où Paul élabore un parallèle entre la circoncision et le baptême (Col 2:11ss). Que dit Kingdon à propos de ces textes? Nous nous en tiendrons à ses remarques sur la bénédiction que Jésus a donnée aux enfants et sur les paroles de Pierre le jour de la Pentecôte.

D) Ne les empêchez pas

Kingdon ne peut pas nier que les enfants amenés à Jésus étaient également des petits enfants. Luc 18 emploie un mot (ta brephè) qui se réfère clairement à des bébés qui ont, peut-être, même été amenés à Jésus dans les bras de leurs mères. Kingdon ne nie pas non plus que l’expression « le Royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent » ne signifie pas seulement que le Royaume est pour les adultes devenus comme des petits enfants, c’est-à-dire qui se savent eux-mêmes complètement dépendants, etc. Pour lui, il y a plus qu’une comparaison entre adultes et enfants, car les enfants eux-mêmes sont compris dans les paroles du Seigneur Jésus.

Nous sommes entièrement d’accord. Deux éléments sont présents: d’une part, les enfants servent d’exemple14; d’autre part, il existe une relation entre le Christ et les enfants eux-mêmes. Ce sont eux qui sont bénis, n’est-ce pas? Le Royaume des cieux est donc également pour eux (Mt 19:14ss).

Ensuite Kingdon se réfère à Marc 10:15:

Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera pas.

Et il commente que ce n’est pas la passivité des enfants qui est mise en valeur, mais leur réceptivité; ils ont accepté le Sauveur. Quand Jésus les a appelés, les enfants sont venus et se sont jetés eux-mêmes dans ses bras pour être bénis. « Ainsi, venir à la foi en lui, c’est devenir un héritier du royaume. » (Page 86)

Le parti pris baptiste prévaut ici sur une exégèse solide: ces petits enfants, peut-être portés par leur mère, deviennent de petits croyants, qui vont à Jésus par eux-mêmes.

Les enfants d’Israël sont conduits à Jésus qui les bénit. C’est pourquoi nous professons que la bénédiction précède la foi. Kingdon, un représentant des réformés baptistes, professe que la foi précède la bénédiction. Les enfants d’Israël vont à Jésus, qui les bénit.

Les enfants des croyants peuvent être baptisés, car la promesse de Dieu précède leur foi: tel est le point de vue réformé. Les enfants de croyants ne doivent pas être baptisés; la foi doit être présente avant que la promesse puisse être confirmée par le baptême: tel est le point de vue baptiste.

E) Pour vous et pour vos enfants

Le jour de la Pentecôte, Pierre a dit à ses auditeurs, les juifs:

Car la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera (Ac 2:39).

Celui qui confesse que Dieu accomplit sa promesse au fil des générations ne voit ici aucune difficulté. Il est tout au plus permis de se demander si les gens visés par « tous ceux qui sont au loin » sont les Gentils ou les juifs de la diaspora. Mais le mot « enfants », dans la phrase « la promesse est pour vous et vos enfants », se rapporte de toute évidence aux enfants de ceux à qui Pierre s’adressait, à des enfants qui avaient leur place dans l’Alliance par le signe de la circoncision. La promesse, accomplie en Christ, est maintenant pour les parents auditeurs et pour leurs enfants.

Selon Kingdon, tel n’est pas le cas. Car la dernière partie du verset, « en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera », se rapporterait à ceux qui sont au loin aussi bien qu’aux enfants. Tous ne font partie des héritiers de la promesse que dans la mesure où Dieu les appellera. Tant qu’ils ne répondent pas par la foi, il n’est pas évident que la promesse soit pour eux. S’ils croient, la promesse sera également pour eux.

Grammaticalement, il est possible que les mots « en aussi grand nombre » se rapportent également aux « enfants ». Mais cela déprécie la fermeté de la promesse de Dieu. En acceptant l’exégèse de Kingdon, je ne pourrais pas dire que mes enfants bénéficient de la promesse de l’Alliance. Je reste incertain jusqu’à ce que leur foi (et dans le berceau, ils ne croient pas) manifeste que Dieu les a appelés.

V. Les enfants: sous la colère ou sous la promesse?

A) Sous la colère de Dieu

Pour Kingdon, nous devons traiter nos enfants comme des inconvertis jusqu’à ce qu’il y ait une claire démonstration d’un changement salutaire dans leur vie (p. 10). Tout comme les autres enfants, les enfants de croyants sont sous la colère de Dieu (pp. 61, 63). Nos enfants doivent être traités comme des non-chrétiens. Nous ne pouvons pas leur dire: « Sois un bon enfant chrétien »; nous devons plutôt les exhorter à se repentir et à croire en l’Evangile (p. 64).

Les enfants qui meurent dans leur enfance sont-ils donc perdus? Kingdon est loin de l’affirmer. Dieu est assez puissant pour sauver tous les enfants qui meurent en bas âge; seulement, il ne nous a pas dit s’il le fait ou non15.

Lorsque Dieu sauve des enfants, cela se produit de la même façon que pour les adultes: par la nouvelle naissance. Selon les paroles de Jésus à Nicodème (Jn 3:5), tant que quelqu’un n’est pas né de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu. « La chair et le sang ne peuvent pas entrer dans le Royaume de Dieu », dit Paul aux Corinthiens (1 Co 15:50). C’est pourquoi nous devons maintenir que les plus petits enfants ne peuvent pas être sauvés sans nouvelle naissance.

Mais est-il possible de parler de nouvelle naissance, de foi et de conversion à propos des petits enfants? Il est à l’évidence impossible de dire si un enfant au berceau croit ou est converti? Face à cela, Kingdon insiste pour dire que l’incapacité psychologique n’est pas une barrière à l’opération de l’Esprit de Dieu pour le salut de petits enfants (p. 96). Dieu est capable de régénérer des petits enfants par sa grâce libre et souveraine. Aucun non régénéré ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Les bébés et les enfants doivent donc être régénérés pour pouvoir jouir de la bénédiction du ciel. Et si Dieu peut remplir de son Saint-Esprit certaines personnes dans le ventre maternel, comme il l’a fait avec Jean-Baptiste (Lc 1:15), il peut certainement régénérer en bas âge. Que nous comprenions cette réalité ou non n’importe pas (pp. 96ss).

Des petits enfants peuvent donc être sauvés. Et pourtant, pour Kingdon, nous n’aurions aucune certitude au sujet de nos propres enfants. Il écrit littéralement que nous pouvons « seulement adopter une attitude agnostique respectueuse et pleine d’espoir » (p. 98). Il nous est permis d’espérer, mais l’incertitude demeure et, jusqu’aux dernières pages de son livre, Kingdon indique que nous devons traiter nos enfants comme s’ils étaient inconvertis (p. 99). Ce sont, certes, des enfants privilégiés, parce qu’ils sont dans la sphère de la prédication de l’Eglise. Toutefois, ce privilège ne fait pas d’eux des enfants chrétiens. Ils ne peuvent le devenir que par une conversion réelle. Tant que cette conversion n’est pas évidente, ils demeurent sous la colère de Dieu, de sorte qu’ils ne sont pas des enfants de Dieu, mais des enfants de la colère de Dieu!

B) Considérés comme nés de nouveau?

A la place de l’incertitude de Kingdon, nous maintenons la certitude de l’Alliance que Dieu a établie avec les croyants et leurs enfants. Solide fondement, s’il en est! Après la mort de l’un de nos petits enfants, nous ne pourrions professer qu’un « agnosticisme respectueux et plein d’espoir »? Fondés sur les Saintes Ecritures, nous considérons cette attitude d’incertitude comme n’étant ni respectueuse ni empreinte d’espoir.

Est-il vrai, comme on l’objecte au point de vue réformé sur le baptême des enfants, que celui-ci enseigne un baptême fondé sur une régénération présupposée? Selon Kingdon, ce serait la position classique parmi les tenants réformés du baptême des enfants (pp. 64, 98). Et il cite, parmi d’autres, Abraham Kuyper (1837-1920) (p. 62). Comparer le point de vue de Kuyper à celui des réformés baptistes est assez fascinant.

Kuyper a estimé que nos enfants doivent être considérés comme nés de nouveau et peuvent, en conséquence, être baptisés. Kingdon les considère comme inconvertis (car ils sont des enfants de colère) et, en conséquence, ne doivent pas être baptisés. La différence entre les deux est claire, mais la ressemblance l’est également!

Pour Kuyper, l’Alliance de Dieu n’est établie qu’avec les élus, les régénérés. Le baptême étant le sceau de l’Alliance, il doit être administré, pour être pleinement valable, aux seules personnes élues. Or, comme sur les fonts baptismaux, on ignore quel enfant est élu et quel enfant ne l’est pas, le baptême est source d’une grande incertitude. Aussi, selon Kuyper, ne pouvons-nous que présumer que l’enfant baptisé naîtra de nouveau.

Malgré ses critiques à l’égard de Kuyper et d’autres, Kingdon a une pensée qui présente beaucoup de points communs avec celle de ses opposants. Il en est ainsi de son opinion selon laquelle l’Alliance de Dieu est établie avec les élus, c’est-à-dire les régénérés ou les croyants. Il reste dans l’incertitude à l’égard des nouveau-nés. Un enfant au berceau peut être soit régénéré et ainsi sauvé s’il meurt, ou le contraire.

A propos des enfants, Kuyper a une vision optimiste et Kingdon une vision pessimiste. Kuyper savait bien que plusieurs des enfants baptisés se manifesteraient comme irrégénérés plus tard; pourtant il considérait tous les enfants baptisés comme des enfants régénérés. Kingdon, s’il croit volontiers que les enfants les plus petits peuvent également être régénérés, n’en considère pas moins tous les enfants comme étant sous la colère, des enfants qui n’ont pas reçu le Royaume de Dieu.

Différence radicale entre les deux théologiens et cependant grande ressemblance aussi! Ils partent, l’un et l’autre, de ce qui est présent ou absent chez l’enfant de parents croyants. Kuyper présume la régénération de l’enfant et le baptise; Kingdon présume le contraire et rejette le baptême des enfants.

C) Appel et promesse

A Kingdon, nous aimerions faire remarquer que si nous ne pouvons pas souscrire à son point de vue sur le baptême des enfants, nous ne partageons pas davantage celui d’Abraham Kuyper, qui ne s’accorde pas avec la doctrine des Saintes Ecritures. Les deux points de vue nous privent d’une certitude fondée sur l’Ecriture au sujet de nos enfants.

Dieu nous a appelés, nous et nos enfants, dans son Alliance. Cet appel de Dieu précède toute foi, toute conversion, toute régénération chez les adultes et chez les enfants. Tous ceux qui sont appelés par l’Evangile le sont par Dieu. Aussi, lorsque Dieu dit que la promesse de l’Alliance est pour les croyants et leurs enfants, n’avons-nous aucune incertitude quant à l’appel adressé à nos enfants. Ceux-ci sont des enfants de l’Alliance, des enfants de Dieu. En conséquence, nous les baptisons non parce que quelque chose serait présent en eux (régénération, foi, conversion), mais parce que quelque chose a été exprimé à leur sujet: la promesse de la rémission des péchés et de la vie éternelle.

Un enfant au berceau ne croit pas. Chercher en lui un germe de la foi au lieu de la foi, comme l’a fait Kuyper, c’est faire de la scolastique. Même s’il ne croit pas dans son jeune âge, il n’en est pas moins un enfant de Dieu. Celui qui justifie l’impie (Rm 4:5) ne pourrait-il pas accepter nos enfants par grâce? Remarquez bien que ce n’est pas parce qu’ils sont nos enfants, mais parce qu’il lui a plu, dans sa grâce souveraine, de nous appeler et de nous introduire, nous et nos enfants, dans son Alliance.

Est-il correct de dire qu’un enfant au berceau peut être régénéré? On ne naît de nouveau que « par la parole vivante et permanente de Dieu » (1 P 1:23). Cette parole doit être proclamée et écoutée, de telle sorte que des êtres nouveaux soient formés par l’écoute de la Parole de Dieu et par l’opération du Saint-Esprit. Comme un petit enfant ne peut pas encore écouter cette Parole, il ne faut pas, s’il meurt, lui appliquer les paroles que Jésus a dites à Nicodème. En parlant à celui-ci, Jésus s’est adressé à un adulte, qui doit donner une réponse fidèle à l’appel de Dieu et qui n’entrera pas dans le Royaume de Dieu sans la régénération. En même temps, Jésus appelle également les petits enfants d’Israël et les bénit, parce que le Royaume des cieux est pour eux.

Il est bien vrai que la chair et le sang des enfants n’hériteront pas le Royaume de Dieu (1 Co 15:50). La chair et le sang des régénérés ne l’hériteront pas davantage, car même la personne la plus sainte commence à peine à faire preuve d’une obéissance nouvelle et a besoin d’un grand changement pour que s’opère la transition du périssable vers l’impérissable. Il en est de même pour les enfants qui ne sont pas passés par la lutte de la foi et de la conversion. Comment se déroule tout cela est le secret de Dieu.

D) Comment considérer les enfants?

A la différence de Kingdon, nous ne considérons pas nos enfants – baptisés sur la base du commandement et de la promesse de Dieu – comme des enfants sous la colère de Dieu. Si nos enfants sont des enfants de Dieu à qui est faite la promesse de la rémission des péchés et de la vie éternelle, ils ne sont donc pas sous la colère de Dieu. Si Dieu bénit en Christ les enfants, personne ne devrait aller à l’encontre de cette bénédiction. Sans en être conscients, nos enfants sont participants de la condamnation en Adam et reçus comme enfants de Dieu par grâce en Christ.

Mais nous ne considérons pas non plus nos enfants comme des enfants régénérés. Nous les considérons comme des enfants de l’Alliance à qui nous devons dispenser une instruction afin qu’ils comprennent le sens de leur baptême. La promesse est pour eux aussi bien que pour les adultes et l’exigence de la foi et de la conversion s’applique tout autant à eux. Ils doivent dire Amen à leur baptême en croyant et en se convertissant. Partant de la richesse qu’ils ont reçue, nous nous adressons à eux en leur montrant leur responsabilité. Ils sont enfants de Dieu, mais ils doivent également vivre comme des enfants de Dieu.

Nous osons aussi affirmer avec calme, contrairement à l’opinion de Kingdon, que nos enfants sont des enfants chrétiens. Par l’appel de Dieu (et non à cause de leur propre « christianisme »), ils sont séparés des enfants de ce monde et ils doivent, en conséquence, se comporter comme des enfants de Dieu. Cela ne va pas de soi; comme Kingdon, nous sommes contre toute fausse assurance. Nous sommes d’accord avec lui qu’il ne faut pas présumer que nos enfants sont régénérés, car une telle présomption nourrit une fausse assurance (p. 64). Mais ce n’est pas nourrir une fausse assurance que de dire, contrairement à Kingdon: « Tu es un enfant chrétien »; puis d’ajouter, avec Kingdon; « Repens-toi et crois en l’Evangile! » Car la conversion et la foi sont une affaire quotidienne, un appel pour nous, adultes, aussi bien que pour nos enfants.

Il est également clair que nous avons une certitude devant la tombe de nos enfants. Puisque nous pouvons connaître la volonté et l’appel de Dieu à partir de sa Parole – qui atteste que les enfants de croyants sont saints non par nature mais en vertu de l’Alliance de grâce –, les parents chrétiens n’ont pas à douter de l’élection et du salut de leurs enfants qu’il plaît à Dieu de retirer de cette vie dans leur enfance16.

E) Un dernier mot

Nous avons amplement passé en revue le livre de David Kingdon. Il y a beaucoup de choses derrière la question du baptême des enfants. Nous espérons sincèrement que la discussion de la grande différence entre les réformés baptistes et nous-mêmes stimulera davantage les contacts entre nous. Nous apprécions beaucoup chez eux leur confession sans détour de la souveraineté de Dieu et de sa libre grâce. Ce n’est pas l’homme mais Dieu qui décide. D’où l’aversion de ces réformés baptistes envers tout arminianisme.

Un dernier mot à ce sujet. En continuant à rejeter le baptême des enfants, nos amis baptistes ne mettent-ils pas finalement l’accent sur la décision de l’homme et sur sa conversion? La théologie de la conversion, qui domine les doctrines baptistes du baptême et de l’Eglise, regarde en aval, en ce qui concerne les enfants, vers le moment de leur réponse au Christ (p. 21). Malheureusement, elle ne regarde pas en amont, à ce que Dieu a fait d’abord, c’est-à-dire à l’introduction dans son Alliance des croyants avec leurs enfants. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi, je vous ai choisis. » (Jn 15:16) Cela est également vrai à propos de nos jeunes enfants. Leur conversion est seconde tandis que l’appel dont ils sont l’objet, accompagné du saint baptême, est premier.


* Le Dr J. Douma est professeur honoraire d’éthique au Collège théologique des Eglises réformées (libérées) à Kampen, aux Pays-Bas. Ce texte reproduit, de façon quelque peu abrégée, une série d’articles parus dans l’hebdomadaire De Reformatie (août à octobre 1976), dont le Dr Douma est l’éditeur. L’Inter League Publication Board, qui a réédité leur traduction anglaise à l’intention, notamment, des groupes d’études bibliques des Eglises réformées du Canada, en a autorisé la traduction réalisée par le pasteur P. Bédard.

1 Par crainte de la persécution, cette confession ébauchée en 1677 n’a été signée qu’en 1689. Ces baptistes sont appelés baptistes particuliers. Contrairement aux baptistes généraux et arminiens, ils adhèrent à la doctrine de l’élection inconditionnelle et à la grâce particulière. Voir 1689: Confession de foi réformée baptiste (Chalon-sur-Saône: Europresse, 1994). Cette confession de foi rappelle la Confession de foi de Westminster de 1649.

2 Le livre de D. Kingdon, Children of Abraham (19 ), dont H. Blocher a tiré nombre d’arguments présentés dans Le péché et la rédemption (Vaux-sur-Seine: Fac Etude, 1982-1983).

3 Dt 10:16; 30:6; voir Jr 4:4.

4 Page 31, voir Ga 3:27-29.

5 Commentary on Galatians (Amsterdam: van Bottenburg, 1936), 225.

6 1 Co 1:2, pp. 57ss.

7 Voir Mt 1:1; 2:6; 28:19; Mc 13:10; Lc 1:17; 2:31; 24:47; Ac 15:14; Rm 4:17; 2 Co 6:16; Ga 3:8; Tt 2:14; Hé 4:9; 8:10; 1 P 2:9ss; Jude 5; Ap 21:3, 24.

8 Ac 16:15, 33; 18:8; 1 Co 1:16.

9 Col 3:20; Ep 6:1.

10 Esd 9:12; 10:1; 10:3: les enfants de mères étrangères, tout comme leurs mères, n’appartiennent pas au peuple; Né 7:5ss: les fils aussi sont inscrits; Ml 2:15.

11 Hé 4:2; 6:4ss; 10:26ss; 12:14ss.

12 Ac 16:15, 33; 18:8; 1 Co 1:16.

13 Mt 19:13ss; Mc 10:13ss; Lc 18:15ss.

14 Mt 18:1ss, « devenez comme des petits enfants ».

15 Pages 10, 94, 97ss.

16 Voir Canons de Dordrecht, I, 17.

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