Psaume 123 La perspective du pèlerin

LA PERSPECTIVE DU PÈLERIN
Psaume 123

Paulin BÉDARD*

Bien-aimés du Seigneur,

Les « Cantiques des montées » sont des chants de voyage pour des pèlerins en route vers Jérusalem. Ils vont célébrer l’Eternel à l’occasion des trois grandes fêtes annuelles de l’Ancien Testament (la fête de la Pâque avec la fête des pains sans levain, la fête des semaines ou des prémices de la moisson, la fête des huttes ou des récoltes, Ex 23.14-17 ; Lv 23 ; Dt 16.1-16).

Au Psaume 120, le pèlerin se sent loin de Jérusalem. La route est raboteuse. Au Psaume 121, le pèlerin poursuit sa route avec l’assurance que Dieu le protège. Au Psaume 122, le pèlerin est tout joyeux d’arriver à Jérusalem. On aurait pu penser que les Psaumes suivants seraient de grands Psaumes de célébration. Pas du tout. Au contraire, notre pèlerin a de gros problèmes. Il crie à l’aide. Quand on a un projet de voyage, on est d’abord occupé à se préparer, ensuite vient l’excitation du voyage. Puis, après quelques jours de vacances, on commence à se relaxer. La fatigue commence à se faire sentir. Les problèmes refont surface dans notre esprit. Le pèlerin de ce Psaume semble vivre quelque chose d’un peu semblable. Il était confiant, enthousiaste, joyeux. Et, maintenant, il vit « un creux ». Le Psaume 123 est un chant de voyage que Dieu nous a donné pour nous aider lorsque la fatigue et les problèmes commencent à surgir sur la route. Ce Psaume vient resituer nos problèmes dans une bonne perspective. Le Psaume 123 nous parle de la perspective du pèlerin.

1. Le regard du pèlerin (Ps 123.1-2)

Il est étrange qu’avant d’exposer son problème, le pèlerin commence par en donner la solution. Il dit : « Je lève mes yeux… » (v. 1) Cela nous fait penser au Psaume 121 : « Je lève les yeux vers les montagnes… » Mais, maintenant, il regarde encore plus haut que les montagnes. Il regarde au-delà des obstacles. « Je lève mes yeux vers toi qui sièges dans les cieux. » (v. 1) Les « Psaumes des montées » nous élèvent toujours plus vers le haut ! En hébreu, l’accent est mis sur celui vers qui le regard se porte : « Vers toi je lève mes yeux. » Vers toi seul et vers personne d’autre. Quand nous avons des problèmes, nous sommes souvent tentés de fixer notre attention sur nos problèmes. Nous sommes tentés de nous apitoyer sur notre sort. « Pauvre de moi ! » Certaines personnes essaient de nous encourager en nous disant : « Regarde à l’intérieur de toi-même ; tu trouveras la solution. » Le pèlerin ne regarde ni vers le bas pour s’apitoyer, ni à l’intérieur de lui-même pour se remonter le moral. Il regarde vers le haut, vers celui qui règne au ciel.

Le ciel est tellement vaste et immense ! Les rares fois où je voyage en avion, je suis toujours fasciné en constatant combien les maisons et les voitures en bas sont minuscules. On dirait des jouets d’enfants miniatures. Nous sommes tout petits, minuscules, et Dieu est tellement grand ! Imaginez comment Dieu nous voit d’en haut. Dieu est immensément grand, plein de majesté. Il règne sur l’univers entier. C’est vers lui que je lève mes yeux, par la foi. Quelle belle perspective nous avons !

Vous connaissez, sans doute, ces nouveaux appareils qu’on appelle GPS, Global Positioning System, système de positionnement global. Le GPS est un système de géolocalisation par satellite. Les signaux transmis par satellite nous permettent de connaître précisément notre position n’importe où sur terre. C’est très utile si on veut aller d’un point A vers un point B. On reçoit toutes les informations nécessaires pour ne pas se perdre. Il n’est certes pas nécessaire de posséder un GPS. Une bonne vieille carte routière peut très bien faire l’affaire. Les pèlerins, dans l’Ancien Testament, n’avaient pas de GPS et savaient, pourtant, très bien se positionner pour ne pas se perdre sur la route. Ils avaient besoin de se situer par rapport aux problèmes qu’ils avaient à la maison, au travail, dans leur entourage. Le pèlerin du Psaume 123 avait de sérieux problèmes à résoudre. Pour trouver leur solution, il s’est servi d’un système de positionnement global très simple. « Je lève mes yeux vers toi qui sièges dans les cieux. » Il regardait vers celui qui est plus haut que nos satellites et plus puissant que nos technologies. Ce regard lui permettait de se positionner par rapport à ses problèmes.

En priant, nous commençons souvent par exposer nos problèmes. « Seigneur, viens m’aider. » Jésus nous dit plutôt : « Quand vous priez, dites Notre Père qui es aux cieux. » Prenons l’habitude de commencer par tourner nos regards vers notre Père qui est au ciel. Considérons, d’abord, la place qu’il occupe. Quand toutes les solutions terrestres sont épuisées, quand tout espoir semble perdu, rappelons-nous quel grand Dieu nous avons au ciel, un Dieu qui règne sur l’univers.

Certains disent que, si nous comptons trop sur le ciel, nous ne sommes pas en mesure de bien vivre sur terre. La Bible nous dit exactement le contraire. Si nous tournons les yeux vers le ciel où siège le Dieu vivant, nous serons les mieux préparés à vivre sur terre. Nous aurons alors une excellente perspective sur nous-mêmes. Le pèlerin en a fait l’expérience. « Voici : comme les yeux des serviteurs se tournent vers la main de leurs seigneurs, et les yeux de la servante vers la main de sa maîtresse, ainsi nos yeux se tournent vers l’Eternel, notre Dieu, jusqu’à ce qu’il nous fasse grâce. » (v. 2) La comparaison est intéressante. Le pèlerin se compare à un serviteur et il compare Dieu à un maître. Le serviteur regarde la main du maître et il attend, il attend que sa main s’ouvre pour donner. Ce regard exprime une dépendance totale. La main du maître n’est pas cruelle, elle n’écrase pas, elle pourvoit à nos besoins. Le serviteur attend que son maître satisfasse ses besoins. Il dépend de lui. Il compte sur lui. Il a besoin de lui.

Aujourd’hui, plusieurs diraient que ce pèlerin souffre d’un sérieux manque d’estime de soi, qu’il n’a pas appris à regarder à l’intérieur de lui-même. Il n’a pas trouvé cette force intérieure qui vient d’une source toute spéciale au-dedans de lui-même. Pauvre pèlerin ! Il ne doit pas s’aimer suffisamment. Il se considère dépendant comme un serviteur ! Quel est son problème ? Non, il n’a pas de problème ! Il a exactement la bonne perspective sur Dieu et sur lui-même. Quand il regarde à Dieu, il se voit entièrement dépendant. Quand je regarde au grand Roi de l’univers, je me vois comme un serviteur qui a besoin du Roi.

Autrefois, dans l’Eglise ancienne, quand on célébrait la sainte cène, on utilisait une formule liturgique intitulée Sursum corda. Cette expression veut dire « Elevez vos cœurs ». Pourquoi le pasteur peut-il dire « Elevez vos cœurs », lors de la célébration de la sainte cène ? Parce que la communion que nous avons avec Jésus-Christ est spirituelle. Ce n’est pas Jésus qui descend du ciel et qui entre corporellement dans le pain et le vin. C’est nous qui montons au ciel. Nous montons, par la foi, là où Jésus se trouve aujourd’hui. Nous communions spirituellement avec le Seigneur qui règne au ciel. La Bonne Nouvelle que nous célébrons à la table du Seigneur ne se limite pas à rappeler qu’il est mort pour nos péchés. Cette Bonne Nouvelle proclame que Jésus-Christ est ressuscité et qu’il est monté au ciel. Aujourd’hui, nous pouvons communier avec Jésus au ciel. De quelle manière ? En levant nos yeux vers lui, par la foi. Nous fixons nos yeux sur sa main. Nous attendons que sa main nous donne la nourriture dont nous avons besoin. Nous attendons le pardon de nos péchés. Nous attendons la force nouvelle qu’il nous donnera pour le servir. Nous attendons de sa main l’encouragement, les délivrances, le secours qui nous sont nécessaires. Nous attendons tout de lui. Nous sommes entièrement dépendants de lui. Telle est la perspective d’un vrai pèlerin.

L’attitude du pèlerin n’est pas, toutefois, celle de la passivité. Elle se transforme en prière.

2. La prière qui en découle (Ps 123.3-4)

La foi du pèlerin n’est ni faible, ni chancelante. Il ne dit pas : « Nos yeux se tournent vers l’Eternel pour le cas où il pourrait nous faire grâce. » Il dit : « Ainsi nos yeux se tournent vers l’Eternel, notre Dieu, jusqu’à ce qu’il nous fasse grâce. » (v. 2) Sa confiance est solide. Il attend avec certitude. Il ne sait pas quand il la recevra, mais, tôt ou tard, il la recevra ; il en est certain. Alors, la grande question : s’il est tellement certain de recevoir, pourquoi prier ? N’a-t-il pas besoin d’attendre seulement avec foi ? De toute manière, la main de son Maître finira bien par s’ouvrir pour lui donner tout ce dont il a besoin.

Le Psaume 123 aurait pu se terminer à la fin du verset 2. Mais non, il contient deux autres versets inspirés. Le regard du pèlerin se transforme en prière. Ses yeux fixés vers Dieu l’incitent à ouvrir la bouche. Il n’attend pas passivement. Il ne se contente pas de regarder vers le trône de Dieu. Il présente sa prière devant le trône de la grâce. Pourquoi prier ? Jésus nous le dit : « Demandez et vous recevrez. » (Jn 16.24) Il faut demander pour recevoir. La prière est le moyen choisi par Dieu pour nous donner ce qu’il nous a promis. Le pèlerin prie parce que Dieu a promis. Dieu a fait alliance avec nous et nos enfants. Il a promis son pardon, son secours, son Esprit Saint, ses délivrances, ses bénédictions, à nous et à nos enfants. Alors nous prions. L’alliance est une relation vivante. Dieu a fait des promesses : nous prions et nous demandons selon ses promesses.

Quelle est la demande du pèlerin ? « Fais-nous grâce, Eternel, fais-nous grâce ! » (v. 3) Il insiste et répète. Sa prière est fervente. Il a vraiment besoin de la grâce. Qu’est-ce que la grâce ? La grâce est un mot merveilleux. La grâce est une faveur non méritée. Nous méritons d’être rejetés par Dieu, abandonnés pour toujours. Nous méritons que Dieu nous punisse éternellement en enfer pour toutes les fautes que nous avons commises. Mais Dieu nous promet sa grâce. En Jésus-Christ, il nous promet sa faveur non méritée, un cadeau purement gratuit reçu par la foi. « Fais-nous grâce, Eternel, fais-nous grâce ! » Ne nous traite pas selon nos œuvres. Traite-nous selon ta grande bienveillance.

N’est-ce pas remarquable ? Le problème du pèlerin se situe autour de lui. La douleur qu’il ressent vient de la société incrédule qui est autour de lui. On se moque de lui, on méprise sa foi, on le tourne en ridicule. Voilà pourquoi il prie. Mais curieusement, dans sa prière, il ne demande pas : « Seigneur, change la société autour de moi. » Il demande : « Fais-nous grâce, Eternel, fais-nous grâce ! » N’agis pas envers nous selon nos œuvres mauvaises. Agis envers nous selon ta faveur non méritée. Le mal qu’il voit dans la société l’amène à prier pour lui-même et pour son peuple. La société est mauvaise, mais le pèlerin sait qu’il est mauvais, lui aussi, ainsi que tout le peuple de Dieu avec lui. Lui et son peuple ont besoin de la grâce ! Il implore Dieu pour cette grâce. Je reconnais mon péché, je sais que je ne mérite pas ta faveur, mais je t’en prie, fais-moi grâce ! Fais-nous grâce ! Délivre-nous de toutes ces moqueries qui nous font tellement mal.

« Car nous sommes par trop rassasiés de mépris ; notre âme est par trop rassasiée des moqueries des satisfaits, du mépris des hautains. » (vv. 3-4) Remarquez encore la répétition des mots clés : rassasiés, trop, mépris. Ils sont excédés. On se moque de nous, on se moque de notre foi, on nous méprise, on nous ridiculise. Voilà la douleur du pèlerin. C’est aussi la douleur de tout son peuple. Il parle au pluriel. Nous sommes rassasiés de mépris, nous subissons les moqueries.

Dans quelles circonstances ce Psaume a-t-il été écrit ? Nous ne le savons pas, mais nous savons que le peuple d’Israël a eu bien des occasions de chanter cette prière. Quand David était pourchassé par Saül, il a été méprisé. Quand l’armée assyrienne s’est dangereusement approchée de Jérusalem, l’orgueilleux Sennachérib est venu dire à Ezéchias ces paroles de mépris: « Ainsi parle le grand roi, le roi d’Assyrie : Quelle est cette confiance, sur laquelle tu t’appuies ? Je te le dis, ce ne sont que des paroles en l’air : Il faut pour la guerre un conseil et de la force. Et maintenant, en qui donc as-tu placé ta confiance ? » (Es 36.4-5) Quand les exilés à Babylone sont revenus en Israël et qu’ils ont voulu reconstruire les murs de Jérusalem, Sanballat et Tobiya se sont moqués d’eux : « Que font ces juifs impuissants ? (…) Redonneront-ils vie à des pierres ensevelies sous des monceaux de poussière et incendiées ? (…) Qu’ils bâtissent seulement ! Si un renard s’élance, il fera une brèche dans leur muraille de pierre. » (Né 3.34-35) Moqueries, dérisions, railleries. Bien des fois, Israël a eu l’occasion de prier le Psaume 123.

Il n’y a rien de plus blessant, rien de plus décourageant que d’entendre des moqueries au sujet de notre foi. « Si ton Jésus existe, comment se fait-il qu’il y ait tellement de guerres, de tremblements de terre et de souffrances dans le monde. » « La Bible ? C’est un ramassis de mythes et de légendes. Les archéologues et les historiens nous l’ont prouvé. » « Tu crois dans la création du monde en six jours ? Voyons donc ! Tout le monde, même le moins éduqué, sait très bien que la science a prouvé l’évolution. » « Tu dis que les relations sexuelles, c’est juste pour les gens mariés ? Tu es sûrement un arriéré ! » Les moqueries que nous subissons à cause de notre foi ne sont pas grand-chose comparées aux souffrances endurées par d’autres chrétiens persécutés dans le monde. Mais nous pouvons, cependant, nous identifier au Psaume 123. Nous avons besoin de la grâce de Dieu pour supporter les critiques et les moqueries.

Même si vous ne ressentez pas personnellement cette douleur, vous pouvez prier cette prière, parce que c’est une prière collective. Le pèlerin ne priait pas seulement pour lui, il priait pour tout son peuple. Priez pour que Dieu fasse grâce à vos frères et sœurs méprisés par la société, ici ou ailleurs dans le monde.

Dans cette prière, nous entendons la voix de l’Eglise ridiculisée, mais nous entendons aussi une autre voix, la voix de Jésus. Oui, on se moque de notre foi ; oui, on persécute l’Eglise. Mais ce n’est pas grand-chose comparé aux moqueries que Jésus a endurées. On s’est moqué de sa royauté. On l’a méprisé, on l’a ridiculisé parce qu’il est resté sur la croix pendant qu’il donnait sa vie par amour pour nous. On entend sa voix dans le Psaume 123 : « Je suis par trop rassasié de mépris ; mon âme est par trop rassasiée des moqueries des satisfaits, du mépris des hautains. » Seulement Jésus n’avait pas besoin de demander : « Fais-moi grâce. » Il pouvait demander : « Fais-moi justice. Agis envers moi, Père, selon mes œuvres. Je t’ai parfaitement obéi, délivre-moi, glorifie-moi de la gloire que j’avais auprès de toi, car je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire. » (voir Jn 17.1, 4) Oui, son Père lui a fait justice. Son Père l’a délivré des moqueries des hommes parce que Jésus le méritait pleinement. Son Père l’a ressuscité des morts. Il l’a fait monter au ciel, auprès de lui, dans sa gloire.

Jésus règne, aujourd’hui, sur son trône pour nous donner sa grâce. C’est vers lui que nous regardons. « Courons avec persévérance [l’auteur ne dit pas seulement marchons avec persévérance sur la route du pèlerin, il dit courons avec persévérance] l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection. Au lieu de la joie qui lui était proposée, il a supporté la croix, méprisé la honte, et s’est assis à la droite du trône de Dieu. » (Hé 12.1-2) Jésus a subi les pires moqueries pour nous délivrer de nos pires péchés. Ensuite, il est monté au ciel pour nous donner accès à la plus grande grâce. Il règne au ciel pour que nous regardions à lui et pour nous donner sa grâce. Regardons à Jésus. Contemplons sa royauté. Plaçons nos problèmes dans cette perspective. Attendons-nous à lui. Ouvrons la bouche, présentons-lui nos douleurs. Demandons-lui : « Fais-nous grâce, Eternel, fais-nous grâce. » Délivre ton Eglise des moqueries comme Jésus a été délivré. Non pas à cause de nous, mais à cause de toi, Seigneur Jésus. Amen.

Les commentaires sont fermés.