Le psautier de Jean Calvin : Genèse, rayonnement et enjeux

Le psautier de Jean Calvin :
Genèse, rayonnement et enjeux

Anne HOFFMANN*

Le chant d’assemblée est un des corrélats les plus perceptibles du sacerdoce universel. En tant que « conducteur d’hommes », Jean Calvin n’en a nullement fait l’économie. Au contraire, il l’a soigneusement institué dès le début de son activité pastorale, rendant aux croyants laïcs ce qui était réservé aux clercs, permettant à ce véhicule privilégié de la doctrine de devenir le vecteur d’un nouveau mode de vie. Quelles ont été les circonstances de l’action du réformateur et qu’a-t-il accompli ? Quel a été le rayonnement de son œuvre hymnographique à la fin du XVIe siècle ? Comment comprendre cette œuvre à la lumière des idées de Calvin en matière de pratique musicale ecclésiastique ? 

L’ÉLABORATION DU PSAUTIER

Attesté à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament, par des écrivains paléochrétiens, par les Pères de l’Eglise, pratiqué dans les monastères au Moyen Age et dès le milieu du XVe siècle dans certaines communautés de laïcs, comme l’Unitas Fratrum de Bohême et de Moravie, le chant communautaire acquiert un nouveau souffle avec Martin Luther à partir de 1523 : en adaptant des textes bibliques versifiés en allemand à des mélodies de facture simple, que le peuple s’approprie aisément, le réformateur de Wittenberg contribue à la création d’un idiome musical nouveau, le choral ou Kirchenlied, littéralement « chant d’Eglise », c’est-à-dire essentiellement des psaumes, mais aussi d’autres cantiques ou hymnes, qu’il diffuse sur la voie publique dans le but d’édifier, d’encourager et de fixer la doctrine, convaincu – entre tous – que « la foi vient de ce qu’on entend[1]. » Grâce à des chanteurs itinérants et des imprimeurs dynamiques, les chorals se propagent dans toutes les villes germaniques gagnées à la Réforme, et c’est ainsi que Calvin, qui arrive à Bâle en janvier 1535, les entend pour la première fois.

Bâle et Genève

Quelles mélodies chante-t-on à Bâle ? Lorsqu’un recueil de cantiques luthérien est introduit dans une autre ville, il est souvent adapté au contexte musical local. Ainsi, dans la réédition strasbourgeoise de l’Enchiridion d’Erfurt[2], qui comporte dix-neuf mélodies, un tiers ont été modifiées ou remplacées par des compositions locales. Les mélodies strasbourgeoises semblent avoir été appréciées, puisqu’elles apparaissent rapidement dans d’autres centres hymnologiques, et précisément à Bâle dès le mois d’août 1526. A l’arrivée de Calvin, elles y étaient donc déjà pratiquées depuis plus de huit ans[3], par exemple celle du Psaume 68, sur laquelle se chante toujours « Que Dieu se montre seulement[4]. » 

Ces mélodies ne tarderont pas à convaincre le jeune réformateur de la nécessité du chant communautaire, puisque dans la première édition de l’Institution de la Religion chrétienne, celle qu’il publie à Bâle en 1536, il explique que le chant fait partie des prières publiques[5]. En septembre de la même année, lorsque Calvin rejoint Farel à Genève, il constate que cette forme de prières n’y est pas encore pratiquée: à l’église Saint-Pierre, « il n’y avait comme rien. On preschoit et puis c’est tout[6]. » Le 16 janvier 1537, pour pallier ce manque, il adresse au Conseil de la ville des Articles qui comportent les doléances suivantes :

« Comme nous faysons, les oraisons des fidelles sont si froides que cela doit nous tourner à grande honte et confusion. […] Ce serait une chose bien expédiente à l’édification de l’esglise, de chanter aulcungs pseaulmes en forme d’orayson publicqs par lesquels on face prieres à Dieu. […] La manyere de y proceder nous a semblé advis bonne, si aulcungs enfans auxquels on ayt auparavant recordé un chant modeste et ecllesiastique, chantent à aulte voix et distincte, le peuple escoutant en toute attention et suyvant de cueur ce qui est chanté de bouche, jusque à ce que petit à petit ung chascun se accoutumera à chanter communément[7]. »

Il faudra attendre l’année 1541 pour que ce programme commence à être mis en œuvre: en 1538, Calvin est obligé de quitter Genève et répond, après beaucoup de résistance, à l’appel de Martin Bucer, qui lui demande de venir diriger la communauté de protestants francophones réfugiés à Strasbourg.

Le contexte strasbourgeois, l’Eglise des Français et la genèse du Psautier

« C’est à Strasbourg que Calvin devint ‹Calvin »[8], en d’autres termes, c’est là qu’il prend pleinement conscience de sa vocation de prédicateur. Au cours des trois années qu’il passe en Alsace, Bucer est son mentor, un modèle dont il se détache progressivement pour définir les contours de sa propre théologie. Et c’est pendant ce « stage » que Calvin devient hymnographe.

Le contexte est le suivant : Strasbourg entretient au XVIe siècle une tradition d’accueil et un climat de tolérance religieuse, attirant ainsi un nombre important d’exilés francophones, qui commencent à affluer dès 1525. Capiton, un des pasteurs de la ville, fait l’observation suivante : « Ici les proscrits de tous les pays trouvent asile, et d’ici ils repartent au service de la Parole de Dieu[9]. » D’ailleurs, toutes les tendances de la Réforme sont représentées dans la ville; leurs chefs de file sont invités à la table des pasteurs, pourvu, explique Catherine Zell, l’épouse de Matthieu Zell,

« qu’ils reconnaissent en Jésus-Christ le véritable Fils de Dieu et le seul Sauveur des hommes. […] Qu’ils fussent luthériens, zwingliens, schwenckfeldiens ou anabaptistes, riches ou pauvres, sages ou fous, selon l’expression de saint Paul, tous avaient libre accès chez nous. Que nous importait leur nom[10] ? » 

Ainsi, les idées nouvelles foisonnent et circulent, grâce aussi à la création par Jean Sturm du Gymnase. La prédication évangélique aboutit à la suppression de la messe en 1529, et la nouvelle Eglise s’organise de manière plus radicale qu’à Wittenberg, mais sous l’œil vigilant du pouvoir civil. En ce qui concerne le chant, les changements concernent essentiellement quatre aspects, que Calvin appliquera à l’Eglise des Français.

Premièrement, la langue latine est abolie, car, explique Matthieu Zell, qui prêche à la cathédrale, « chanter et prier sans comprendre ce que l’on dit constitue une offense à Dieu; en effet, Christ a dit à ses apôtres : ‹Allez par tout le monde et prêchez.› Il n’a pas dit : ‹Allez par tout le monde et chantez dans une langue que personne ne comprend[11]. »

Deuxièmement, l’assemblée participe de plus en plus activement à l’office : l’ancienne liturgie éclate au profit de cantiques monodiques entièrement chantés par les fidèles sous la direction d’un chantre. Voici ce que Gérard Roussel, venu du cercle de Meaux, écrit à son évêque en 1525 :

« Dès cinq heures du matin, on prêche dans les différentes Eglises […], à huit heures il y a sermon dans la cathédrale, accompagné du chant des psaumes traduits en langue vulgaire; le chant des femmes se mêlant à celui des hommes produit un effet ravissant […]. Par les cantiques avant le sermon, on demande à Dieu d’être rendu capable de recevoir la semence évangélique ; et par ceux qui suivent on lui rend grâces de l’avoir reçue[12]. »

Comme ces réunions quotidiennes devaient durer une heure, Bucer recommande que le chant ne dure pas plus d’une demi-heure, pour pouvoir consacrer le temps qui reste à l’écoute du sermon. Le dimanche, les fidèles chantent « plusieurs psaumes courts ou hymnes de louange » après la confession des péchés; ils chantent le Décalogue ou autre chose après la lecture des Epîtres, le Credo après le sermon et un hymne de louange après la sainte cène. Ils interviennent donc quatre fois, ce qui devait bien aussi durer une demi-heure[13].

Troisième aspect du changement, le primat de l’Ecriture : « Dans l’Eglise, dit Bucer, nous ne tolérons aucun chant ni aucune prière qui ne soit tiré de l’Ecriture sainte[14]. » Tout texte qui n’est pas rigoureusement biblique est écarté d’une quelconque utilisation liturgique. Les recueils contenant les Ordonnances liturgiques accordent une part grandissante aux psaumes; dès 1538, le Psautier strasbourgeois en langue allemande est achevé: les cent cinquante psaumes bibliques sont versifiés et on peut les chanter sur quarante et une mélodies différentes. Ils font désormais l’objet d’un recueil séparé, qui s’ajoute au nombre important des autres chants liturgiques ou paraliturgiques.

Quatrièmement, un soin particulier est accordé à la qualité de la mélodie: sur les cent quatorze mélodies que Calvin entend pendant son séjour, la moitié sont des créations locales, de forme et de style assez variés: les mélodistes, Matthias Greiter et Wolfgang Dachstein en tête, composent chacun selon sa particularité esthétique. Calvin reprendra leurs créations les plus réussies, auxquelles il en ajoutera d’autres, composées semble-t-il par Guillaume Franc[15], dont le style est encore différent.

Calvin prêche pour la première fois le dimanche 8 septembre 1538 devant une assistance nombreuse, mais qui n’est pas encore d’une Eglise « dressée », c’est-à-dire que cette communauté n’avait ni liturgie, ni chant, ni catéchisme[16]. Calvin lui procure le catéchisme qu’il avait rédigé à Genève en 1526. Les deux autres éléments, il les élabore rapidement sur place ; il célèbre la sainte cène une fois par mois dès octobre et, en novembre, la communauté chante des psaumes en français[17]. En décembre, Calvin écrit à Farel qu’il va lui envoyer lesdits psaumes, pour que celui-ci les fasse chanter à Neuchâtel et les transmette ensuite à l’Eglise de Genève ; en effet, au début de 1’année 1539, Calvin publie chez Johannes Knobloch Avlcvns pseaulmes et cantiques mys en chant, avant même d’éditer sa première liturgie. Ce recueil est le prototype du Psautier huguenot[18] ; il comprend treize psaumes versifiés par Clément Marot, six par Calvin lui-même[19], le Cantique de Siméon, le Décalogue et le Credo, également versifiés par Calvin. Calvin reconnaît très rapidement la supériorité de la plume de Marot et n’hésitera pas à retirer ses textes au profit de ceux du poète dès la réédition de 1542[20].

Cela dit, Calvin n’est pas musicien, et c’est en cela que le recueil Avlcvns pseaulmes et cantiques surprend un peu. Comment son auteur a-t-il réussi en deux mois à offrir à la communauté protestante francophone un moyen d’expression qu’il avait lui-même découvert récemment ? Certes, Calvin enseignait au Gymnase et a donc eu l’occasion de profiter des leçons de chant pendant lesquelles Greiter et Dachstein apprenaient les psaumes aux élèves. On peut imaginer que Greiter, qui était aussi chantre à la cathédrale, a assisté Calvin aux réunions de l’Eglise des Français. Cependant, même si une collaboration avec les musiciens locaux est plausible, on peut considérer ce premier imprimé francophone de textes bibliques avec mélodies notées comme un petit exploit. En tout cas, sa publication rapide prouve que la motivation du nouveau pasteur – et certainement aussi celle de ses ouailles – était très forte; il n’est donc pas abusif de parler de nécessité hymnologique, d’autant que son ouvrage est réédité quatre fois après son départ de Strasbourg[21]. Ses successeurs enrichissent le recueil expérimental et favorisent ainsi une pratique de plus en plus appréciée, à en croire le témoignage d’un étudiant lillois en 1546:

« Jamais créature ne saurait croire la joie que l’on a quand on chante les louanges et merveilles de Dieu en sa langue maternelle. Je fus bien au commencement cinq ou six jours quand je voyais cette petite assemblée, laquelle était expulsée de tout pays pour avoir maintenu l’honneur de Dieu et l’Evangile. Je commençais à pleurer, non par tristesse, mais de joie, en les oyant chanter de si bon cœur comme ils chantent. Vous n’y ouïriez point une voie déborder l’autre; chacun a un livre de musique en sa main, tant homme que femme, chacun loue le Seigneur[22]. »

A dix-neuf ans d’intervalle, ce témoignage fait écho à celui de Roussel et prouve que Calvin a bien réussi le transfert dans le contexte francophone. De plus, l’Eglise des Français de Strasbourg était devenue le laboratoire qui devait lui permettre ensuite de mieux asseoir la Réforme à Genève.

Retour à Genève : l’achèvement du Psautier

Rappelé dans la cité lémane en 1541, Calvin poursuit activement son travail hymnologique et préside aux six éditions successives du Psautier jusqu’à son achèvement en 1562[23]. Parallèlement, il s’attache à y réorganiser le culte[24].

A la fin de l’année 1542, Marot se réfugie à Genève ; il remanie les textes qu’il avait déjà écrits et en ajoute vingt nouveaux. Calvin souhaitait le voir terminer la paraphrase des cent cinquante psaumes, mais il n’obtient pas du Conseil l’aide financière qui aurait permis à Marot de réaliser cette tâche. Marot quitte donc Genève en 1543 après avoir versifié cinquante et un textes: quarante-neuf psaumes, le cantique de Siméon et le Décalogue. Marot meurt à Turin l’année suivante ; la tâche s’interrompt alors pendant six ans, c’est-à-dire jusqu’à ce que Calvin découvre le talent de Théodore de Bèze et lui demande de reprendre le flambeau. Ainsi paraissent en 1551 les Psaumes octante trois, avec trente-quatre paraphrases de Bèze, et, en 1562, le volume complet, avec les soixante-sept restants, soit cent un en tout.

Du côté des musiciens, Guillaume Franc[25] compose les mélodies pour les textes de Marot de 1543. On lui attribue aussi une vingtaine de mélodies des deux premières éditions du Psautier[26]. En 1545, il est remplacé par Loys Bourgeois[27], qui ajoute à l’ouvrage plus de quarante mélodies. A sa suite, Pierre Davantès travaille d’arrache-pied avec Bèze et compose les quarante mélodies nécessaires à l’achèvement du recueil; Davantès meurt peu après, à trente-six ans, le 31 août 1561, mais son labeur est récompensé puisque quelques jours plus tard Bèze se rend au Colloque de Poissy et obtient un privilège royal en faveur de l’impression du Psautier.

Les divers musiciens qui ont entouré Calvin dans l’élaboration du Psautier lui ont permis en même temps de réaliser son projet pédagogique : Bourgeois publie en 1550 Le Droict Chemin de Mvsique, une méthode pour l’acquisition du chant polyphonique, puis, en 1551, à la fin des Psaumes octante trois, un Avertissement, « voyans le grand discord qui se faisoit trop souvent en chantant les Pseaumes, par ceus qui ne entendent rien en musique, & qui toutefois veulent estre ouis par-dessus tous les autres[28]. » Manifestement l’homogénéité observée par l’étudiant lillois à Strasbourg était quelquefois difficile à obtenir à Genève. Mais les musiciens-enseignants ne se découragent pas: le Psautier de 1556 contient, dans sa préface, un petit traité explicatif sur la notation musicale, rédigé par les soins de Pierre Valette[29]. Dans ce traité, les notes de musique sont pourvues de leur nom, ce qui favorise l’acquisition des psaumes à ceux qui n’avaient aucune notion de solfège et propose à l’enseignant un outil de pédagogie différenciée. D’autre part, en 1559, Calvin fonde un Collège, ouvert aux garçons et aux filles; il y prévoit une heure de pratique du chant sacré par jour, doublée semble-t-il d’une deuxième heure de cours de musique. Lorsque les mélodies sont d’origine profane, comme celle du Psaume 138[30], l’apprentissage est peut-être plus aisé. Il est vrai que les emprunts au répertoire profane sont rares.

Si la mise en œuvre du projet pédagogique de Calvin a été ardue, elle n’a pourtant pas freiné la diffusion du Psautier : imprimé à vingt-quatre mille quatre cents exemplaires dès le 27 janvier 1562, il vise un public beaucoup plus large que celui de la ville de Genève[31]. Qui étaient les destinataires de ce Psautier? Et quel sera son rayonnement à la fin du XVIe siècle ?

LE RAYONNEMENT DU PSAUTIER DE CALVIN AU XVIe SIÈCLE : QUELQUES ITINÉRAIRES

Les protestants du royaume de France et de Metz

Si Charles IX accorde son privilège pour la publication de l’ouvrage, il n’empêchera pas les guerres de religion d’enrayer la création musicale réformée dans son royaume. En revanche, les idées de la Réforme progressent rapidement; les protestants s’organisent en Eglises, et le chant des psaumes est attesté à Meaux dès 1546[32], à Lyon en 1551, à Beaune en 1558[33]. Suite à la prédication de Farel, une Eglise est dressée à Metz et entretient des relations avec celle de Strasbourg[34], qui lui envoie des psautiers à deux reprises. Le deuxième colis, qui contient six cents exemplaires de l’édition de 1548, est confisqué aux portes de la ville[35]. Mais on peut considérer qu’à partir de 1561, lorsque les premiers temples sont édifiés, les recueils arrivent plus souvent à destination, ce qui explique le tirage en grand nombre de l’édition de Genève. 

Les Provinces Unies et l’Angleterre

L’exemple des recueils confisqués à Metz montre que le rayonnement du Psautier de Calvin avait commencé bien avant son achèvement à Genève. La diffusion simultanée du Psautier dans les deux centres hymnologiques où Calvin a œuvré a renforcé ce rayonnement.

Pierre Brully, le premier successeur de Calvin à Strasbourg, est l’artisan de La forme des prieres et chantz ecclesiastiques de 1542[36]. Originaire de Tournai, il y retourne en 1544 pour répondre à l’appel des protestants de la ville. Il est plus que probable qu’il y emporte sa version du Psautier. La persécution et le martyre l’auront empêché de le diffuser : Brully meurt au bûcher le 19 février 1545, et certains de ses paroissiens se réfugient à Anvers. Mais son successeur, Guy de Brès, y introduit les recueils genevois, qui connaissent une grande diffusion dans toute la région des Flandres, notamment sur la place publique par les « chanteries », mais aussi lors de cultes secrets tenus généralement le soir[37].

Valérand Poullain, qui dirige l’Eglise de Strasbourg juste après Brully, va, lui, exporter la liturgie calvinienne en Angleterre[38]. Lorsqu’il prend la direction de l’Eglise des réfugiés wallons établis à Glastonbury, il dote cette communauté d’un texte intitulé Liturgia sacra, très largement inspirée de La manyère de faire prieres aux eglises francoyses, la liturgie de Pierre Brully de 1542, mais aussi des liturgies genevoises de 1547 et 1549[39]. La Liturgia sacra fait douze références au chant d’assemblée, sans toutefois préciser sur quelles mélodies les psaumes devaient être chantés. Les fidèles avaient donc forcément un psautier à leur disposition et avaient l’habitude de s’en servir[40]. Cette liturgie contribue à la diffusion des mélodies du Psautier[41] de diverses manières. On peut dire qu’elle a quatre axes de rayonnement: premièrement, les communautés francophones établies dans le Royaume; deuxièmement, le Book of Common Prayer de 1552[42] ; troisièmement, la communauté d’exilés de langue néerlandaise[43] ; quatrièmement, le Psautier anglo-genevois des exilés de Marie Tudor, qui rétablit le culte catholique en 1552 et contraint les protestants à l’exil. Les Européens retournent donc sur le continent, en emportant leurs cantiques et leur liturgie. Ils sont accompagnés de protestants anglais[44] qui, eux, s’exilent pour la première fois. Poullain se retrouve à la direction de la communauté de Francfort et après beaucoup de péripéties sa liturgie remaniée atteindra Genève, aux bons soins de John Knox. La Liturgia sacra devient alors la trame de la liturgie anglo-genevoise. Encore faut-il y associer des psaumes versifiés en anglais.

Le Psautier de Calvin en anglais et en italien

On dit communément que le Psautier de Calvin a été « traduit » en quatre-vingt-six langues. Il serait peut-être plus précis de dire que ses mélodies ont été associées à des paraphrases versifiées des psaumes bibliques dans ces diverses langues. En effet, qu’ont fait Calvin, Marot et Bèze ? Pas vraiment de la traduction: Calvin et Marot ne connaissaient pas l’allemand, et Bèze ne s’est servi d’aucun modèle de psaumes mis en chant. Ils ont médité le texte biblique, ils ont certainement fait des vérifications dans l’original hébreu, puis ils ont imposé au texte les contraintes de la rime française et de la prosodie musicale, en essayant de respecter sa sémantique et sa valeur esthétique. C’est ce travail-là qui a été répété quatre-vingt-six fois au cours de l’histoire du Psautier.

En ce qui concerne la versification anglaise, elle a été achevée du vivant de Calvin. Amorcée à la Cour d’Henry VIII par le poète-musicien Thomas Sternhold, qui versifie trente-sept psaumes[45], elle est enrichie par sept textes de John Hopkins, qui emporte ce psautier partiel en exil à Genève, où il est complété principalement par William Wittingham et Miles Coverdale. La différence entre les textes de Sternhold et Hopkins et ceux de Marot et Bèze, c’est qu’ils n’étaient pas pourvus de mélodies notées. Ainsi leurs poèmes avaient presque toujours la même structure[46] et se chantaient sur des mélodies transmises oralement. A Genève, Wittingham et ses collègues entendent – ou réentendent – les mélodies du continent, dont les formes sont plus variées ; ils versifient alors à la genevoise, ce qui représente un défi nouveau et fait du Psautier anglo-genevois un recueil plus éclectique que s’il avait été achevé sans subir l’exil : lorsque les mélodies anglaises des psaumes de Sternhold sont imprimées pour la première fois à Genève, elles sont associées à celles du Psautier de Calvin.

Parallèlement, Wittingham et Knox remanient la liturgie de Poullain et la font réviser par Calvin. Puis, ils publient le psautier et la liturgie, édités pour la première fois dans un même recueil[47], à l’attention des deux cents réfugiés anglais qui se réunissent à Genève dès le 1er novembre 1555. En 1561, le Psautier est réédité simultanément à Genève et à Londres[48], puis dans sa version définitive à Londres en 1562, l’année même de la publication du Psautier de Genève en langue française[49]. Il comprend les cent cinquante psaumes, pourvus de soixante-trois mélodies, dont cinq de Strasbourg et neuf de Genève.

1562, c’est plus de trois ans après l’accession au trône d’Elisabeth Ière. Alors que la nouvelle souveraine recherche une voie médiane pour l’Eglise d’Angleterre, l’organisation du culte prend des accents nettement calviniens: d’après la 49e Injonction royale de 1559, la reine autorise le chant d’un hymne au début ou à la fin de la prière commune, selon les mêmes critères que ceux qui étaient pratiqués par les réformes continentales, à savoir l’intelligibilité, la diversité des styles et une exigence de qualité esthétique. Ainsi, The Whole Book of Psalmes s’intègre au culte anglican; l’ouvrage est souvent relié avec le Book of Common Prayer. Mais les exilés de retour à Londres ne se contentent pas de chanter deux psaumes pour encadrer la prière commune: après la célébration, la communauté se retrouve dans la rue pour donner libre cours à l’expression de la louange[50]. D’autre part, ces mélodies sont jouées à la cour, notamment grâce à l’instrumentation et à l’harmonisation de plusieurs d’entre elles par John Dowland[51]. Cependant, ce n’est qu’en 1603 que les mélodies du Psautier de Genève franchiront la Manche dans leur intégralité, associées cette fois-ci à une versification des psaumes en italien.

En Italie, la Réforme a pris pied d’abord dans les vallées du Piémont[52] ; elle se propage jusqu’en Sicile mais l’Inquisition[53] provoque une émigration importante, notamment vers Genève et vers l’Angleterre. Le catéchisme de Calvin est traduit en italien en 1545 et les travaux sur le psautier démarrent[54]. Cependant, au tournant du siècle, l’Eglise italienne n’a pas encore de psautier complet avec mélodies. Cette lacune est fortement ressentie par Francesco Perrotto, un protestant français réfugié dans les vallées vaudoises: ne trouvant personne pour accomplir la tâche, il s’y attelle lui-même et publie, en 1603, Salmi di David, tradotti in lingua volgare italiana, & accommodati al canto de i Francesi per messer Francesco Perrotto[55]. Ce recueil contient les cent cinquante psaumes bibliques versifiés en italien et adaptés aux cent vingt-cinq mélodies du Psautier de Genève. Fait significatif pour le rayonnement du Psautier, Perrotto dédie son œuvre à la reine d’Angleterre, un peu tard malheureusement, puisque Elisabeth Ière décède précisément en 1603, mais en lui rendant hommage parce que, grâce à elle, relève-t-il dans la Préface, les croyants réformés persécutés dans plusieurs pays d’Europe pouvaient vivre en paix sur le territoire britannique. Perrotto vise donc la petite Eglise italienne de Londres, qui avait été fondée par Bernardo Ochino vers 1551. Cette Eglise possédait une liturgie depuis 1553; mais elle avait été menacée de fermeture à deux reprises faute de pasteur. Pour subsister, elle avait donc été obligée de s’aligner sur deux autres Eglises des étrangers de Londres, la française et la néerlandaise, ce qui pour la pratique du chant avait dû s’avérer difficile. Désormais, les fidèles italophones pourraient unir leurs voix à celles de leurs coreligionnaires pour chanter les psaumes dans leur langue maternelle sur des mélodies communes.

L’entreprise courageuse de Perrotto et l’itinéraire quasi circulaire du Psautier anglo-genevois ne représentent qu’une toute petite partie du rayonnement du Psautier de Genève. Néanmoins, ces exemples nous permettent d’en comprendre trois aspects: le premier est que si la diffusion du psautier est tributaire des contextes politiques et quelquefois freinée par la persécution, cette diffusion est quand même ressentie comme nécessaire à la pratique de la foi. Le deuxième, c’est que le rayonnement n’est jamais unilatéral : les mélodies vont et viennent; elles se substituent à d’autres, se transforment, enrichissant le chant sacré à chaque étape de leur itinéraire. Comme l’observait le musicologue Wilhelm Tappert en 1889:

« Les mélodies voyagent, elles sont les touristes les plus infatigables de la terre, elles traversent les fleuves, les Alpes, les océans, et jouent aux nomades dans les déserts; partout, elles rencontrent d’autres mélodies qui font le même chemin ou en sens inverse[56]. »

Le troisième aspect, c’est que, dans ce mouvement perpétuel de populations, ce sont les mélodies qui assurent la pérennité du Psautier. Véhicules des idées, elles permettent de s’approprier le texte et de le transmettre. Le fait est qu’un bon nombre des mélodies éditées en 1562 sont encore chantées de nos jours, alors que les textes ont tous été modifiés ou remplacés.

Qu’aurait pensé Calvin du rôle prépondérant qu’a joué la mélodie dans l’histoire du chant d’assemblée ? Quelles étaient ses idées sur le plan musical ?

LE CHANT DANS L’ÉGLISE: QUELS ENJEUX ?

Nous avons vu, plus haut, que Calvin s’était aligné sur les idées motrices de la réforme liturgique à Strasbourg. Ce qu’il retient, c’est le chant monodique. Ce qu’il ne retient pas, c’est l’usage du chœur et des instruments. Mais que dit-il au juste sur le chant dans l’Eglise ?

Les textes de Calvin 

D’après les textes principaux dans lesquels Calvin s’est exprimé à propos du chant, à savoir les Articles de 1537, l’Institution de la Religion chrestienne et les Préfaces des Psautiers, le chant est, premièrement, une prière: « Quant est des prières publiques, il y en a deux espèces. Les unes se font par simple parolle: les autres avecque chant[57]. » Deuxièmement, une louange communautaire et une proclamation, c’est-à-dire un témoignage public et une confession de foi, comme il l’explique dans l’édition de 1560 de l’Institution de la Religion chrétienne[58] :

« Davantage, d’autant que tous nos membres, chacun en son endroit, doivent glorifier Dieu, il est bon que même la langue, qui est spécialement créée de Dieu pour exalter et magnifier son nom, soit employée à le faire, soit en parlant, soit en chantant. Et principalement elle est requise aux oraisons qui se font publiquement aux assemblées des chrétiens, auxquelles il nous faut montrer que comme nous honorons Dieu d’un même esprit et d’une même foi, aussi nous le louons d’une commune et même parole, et quasi d’une même bouche (Rm 15.5-6) : et ce, devant les hommes, afin que chacun entende manifestement la confession de la foi qu’a son frère, et soit édifié et incité à l’imitation de celle-ci. »

Troisièmement, Calvin insiste ici sur l’idée d’édification mutuelle, une notion qu’il développe plus loin en faisant référence à Colossiens 3.16, un passage « qui loue les chansons spirituelles, par lesquelles les fidèles s’édifient entre eux ». Quatrièmement, le chant favorise la méditation, « la parole ou le chant […] aident l’intention de l’homme, autrement fragile et facile à divertir […] et ils la retiennent en la cogitation de Dieu »[59]. Ainsi, Calvin n’a pas été hymnographe malgré lui: le chant n’est pas un « adiaphoron »[60], mais bien un élément nécessaire au culte.

Quelles sont alors les caractéristiques du chant qui glorifie Dieu? Tout d’abord, il doit être solennel, consacré à Dieu : il s’agit, dit Calvin en 1543, « d’avoir chansons non seulement honnestes, mais aussi sainctes[61]. » Et déjà dans l’« Epistre au lecteur » de 1542 :

« Il y a toujours à regarder, que le chant ne soit legier & volage : mais ait pois & maiesté, […] & ainsi qu’il y ait grande difference entre la musique qu’on faict pour rejouyr les hommes à table & en leur maison : & entre les psalmes, qui se chantent en l’Eglise, en la presence de Dieu & de ses anges[62]. »

De même, souligne Calvin à la fin de l’Epistre, le chant doit être « convenable au subject ». C’est pourquoi la mélodie sera « modérée »[63]. Ce qui importe, c’est qu’il y ait concordance de style entre l’objectif, qui est de louer Dieu, et le moyen utilisé.

Bien sûr, le cantique doit toujours être parfaitement intelligible, c’est-à-dire syllabique et en français, pour se démarquer de ceux qui « chantent et brayent de langue estrange et incongrue, en laquelle le plus souvent ils n’entendent pas eux-mêmes une syllabe, et ne veulent que les autres y entendent ». Le texte doit toujours primer sur la mélodie : « Il faut touiours donner garde que les aureilles ne soyent plus attentives à l’harmonie du chant, que les esprits au sens spirituel des parolles[64]. » Ici, il ne s’agit plus de braillerie, mais plutôt d’une exécution si plaisante qu’elle risque de distraire. Quand Calvin mentionne l’harmonie du chant, il ne vise pas l’harmonisation à quatre voix, mais plutôt l’attrait, l’esthétique de la mélodie elle-même. Cette esthétique, il en reconnaît certes les vertus, mais il souligne l’importance de l’utiliser avec mesure :

« Or entre les autres choses, qui sont propres pour recréer l’homme et luy donner volupté, la Musicque est, ou la premiere, ou l’une des principalles: et nous faut estimer que c’est un don de Dieu deputé à cest usage. Parquoy, d’autant plus devons nous regarder de n’en point abuser, de peur de la souiller et contaminer, la convertissant en nostre condamnation où elle estoit desdiée à nostre proffit et salut. […] Elle a une vertu secrette et quasi incredible à esmouvoir les cueurs en une sorte, ou en l’autre[65]. »

En revanche, « si le chant est accommodé à telle gravité qu’il convient avoir devant Dieu et devant ses Anges, c’est un ornement pour donner plus de grace et dignité aux louanges de Dieu, et un bon moyen pour inciter les cœurs et les enflamber à plus grande ardeur de prier[66]. » Car le chant qui plaît à Dieu est celui qui vient du cœur : « Il faut nous souvenir de ce que dit S. Paul, que les chansons spirituelles ne se peuvent bien chanter que de cœur. Or le propre don de l’homme est de chanter, […] ce qui ne peut estre que n’ayant le cantique imprimé en nostre memoire pour ne iamais cesser de chanter. » Pour ce faire, on ne peut pas trouver mieux que ce que Dieu a lui-même donné : « Quand nous aurons bien circui par tout pour cercher çà & là, nous ne trouverons meilleures chansons ne plus propres pour ce faire, que les Pseaumes de David: lesquels le sainct Esprit lui a dictez & faitz[67]. » La logique est imparable: les Psaumes sont la meilleure louange qu’il soit possible de rendre à Dieu. Pourquoi faire moins bien ?

Dans le Psautier de Genève, on ne trouve donc que des paraphrases du texte biblique: les cent cinquante Psaumes, le Décalogue et le cantique de Siméon; aucun hymne ou cantique d’écriture libre, contrairement aux recueils de chorals luthériens ou même aux recueils publiés à Strasbourg. Calvin a visiblement appliqué les consignes de Bucer de manière beaucoup plus littérale que le réformateur strasbourgeois lui-même. Est-ce à dire que Calvin interdit tout autre texte de cantique ? A ma connaissance, aucun de ses écrits ne permet de l’affirmer; pourtant, dans son sillage, certaines Eglises n’ont jamais dépassé la limite de cette application littérale et font preuve d’un purisme tenace que Calvin n’a sans doute pas prescrit, et n’aurait peut-être même pas souhaité s’il avait été contemporain de Paul Gerhardt, d’Isaac Watts ou de Charles Wesley. En chantant les Psaumes et puis c’est tout, ne risque-t-on pas d’être plus calviniste que Calvin ?

Une question subsiste cependant, celle du manque de décorum, aisément perçu comme un iconoclasme musical, un vide esthétique.

L’exclusivité de la monodie

Dans l’Institution de la Religion chrestienne, Calvin plaide pour l’unisson. Il dénonce

« les chants et mélodies qui sont composées au plaisir des aureilles seulement, comme sont […] tout ce qu’ils appellent musique rompue et chose faicte, et chants à quatre parties, [qui] ne conviennent nullement à la maiesté de l’Eglise et ne peut se faire qu’ils ne desplaisent grandement à Dieu[68]. »

Ce que Calvin critique ici, c’est le chant polyphonique latin en contrepoint fleuri de l’Ars Nova, dans lequel les quatre voix ne chantent pas les mêmes paroles en même temps, de sorte que le texte est pratiquement inintelligible. Je ne pense pas que ce texte suffise à dire que Calvin était complètement opposé à l’harmonisation des cantiques. Mais la tradition strasbourgeoise monodique lui convenait. Peut-être, avant tout, pour des raisons pratiques: il fallait bien d’abord apprendre la mélodie, ce qui était déjà difficile pour certains. En ajoutant des voix, la congrégation risquait de se concentrer sur la musique, d’en oublier le sens des paroles et, du même coup, la raison d’être du chant. Autrement dit, lorsque la musique requiert davantage de concentration que le texte, on sort du cadre du sacerdoce universel et le culte devient un concert.

Cependant, devant la difficulté que représentait l’apprentissage des mélodies, Louis Bourgeois a eu la réaction inverse : lorsqu’il publie ses versions polyphoniques, puis son Droict Chemin de Musique, il souhaite justement remédier à la médiocrité du chant tel qu’il est pratiqué à ce moment-là. Dans la dédicace de ses Pseaumes cinquante de David roy, il dit qu’il « commençoye à avoir en desdaing ces chansons dissolues, desquelles on ne peut rapporter aulcun fruict pour le contentement de l’esprit […]. Car […] ceste musique […] ne convient point à la majesté de ces affections sainctes et divines[69]. » Au lieu d’accroître la difficulté, l’apport esthétique que constituait l’harmonisation devait contribuer à la réduire, et rendre ainsi au chant des psaumes sa dignité. N’oublions pas que la création du Psautier se situe dans une période charnière, pendant laquelle on passe de la modalité ecclésiastique à la tonalité classique. L’harmonisation d’un cantique ne pouvait qu’en renforcer la mémorisation, et favoriser l’adaptation de l’apprenant au système tonal qui était en train de se mettre en place.

Bourgeois sera écouté et, après lui, Goudimel, Philibert Jambe de Fer et Claude Lejeune; mais, au moment de l’achèvement du Psautier, la polyphonie devait se pratiquer « ès maisons » ; le temple, ce sera pour plus tard.

L’absence d’instruments de musique

Calvin appréciait la musique instrumentale. Voici ce qu’il dit dans un Commentaire de 1554 : « Combien que l’invention de la harpe et autres instruments de musique, serve plutôt à volupté et délices qu’à nécessité, toutefois il ne faut pas la tenir pour superflue du tout, et mérite encore moins d’être condamnée. » En 1563[70], il précise que le texte biblique parle « de la fleute, de la harpe, du tambourin et d’autres instruments de musique » comme de « choses bonnes de leur nature », « qui ne doivent pas estre tirees par nous en mauvais usage, comme la musique en soi ne peut point estre condamnee ». Pourquoi alors les instruments ne franchissent-ils pas le seuil du sanctuaire ?

Essentiellement par prudence : « mais pource que le monde en abuse quasi tousiours, nous devons estre tant plus sur nos gardes […] Nous voyons auiourd’hui que ceux qui usent de musique s’enveniment à l’encontre de Dieu, ils s’endurcissent[71]. » On ne peut pas courir le risque de laisser la musique faire une œuvre inverse de celle pour quoi elle a été créée ; en aucun cas elle ne doit constituer un piège pour le croyant.

Mais ce n’est pas toute l’explication. Je crois plutôt qu’il faut chercher une réponse dans la définition que Calvin donne de la musique sacrée dans la Préface au Psautier de 1542 : par « Musicque, ie comprens deux parties, asçavoir la lettre, ou subiect et matière. Secondement le chant, ou la mélodie[72]. » Autrement dit, la musique, c’est un texte associé à une mélodie. La réflexion s’arrête là.

Comparons maintenant cette vision bipartite avec l’approche luthérienne : Luther reconnaît trois dimensions à la musique : Wort (le texte), Gesang (le chant) et Klang (le son, la résonnance)[73]. Si Calvin avait formulé les choses ainsi, le Psautier aurait eu droit à son accompagnement instrumental.

Par sa philosophie de la musique sacrée, Luther a ouvert la voie non seulement à l’accompagnement du chant d’assemblée, mais aussi à des orchestrations ultérieures très riches, par exemple celle de la mélodie du Psaume 68[74], présente dans la Passion selon Saint Matthieu de J.-S. Bach avec le texte « O Mensch, bewein dein Sünde gross », un cantique de pénitence sur un texte de Sebald Heyden de 1525. Bach propose une harmonisation contrapuntique du choral, interprété par un chœur qui dialogue avec l’orchestre ; pendant presque six minutes, l’assistance se recueille en écoutant la première strophe du cantique, elle en repère les phrases, mais elle ne chante pas[75]. Il aurait été difficile à Calvin de percevoir dans la Passion de Bach un mode d’expression du sacerdoce universel. 

Choral polyphonique, orchestré, d’une part, psaume monodique a capella d’autre part : deux manières de glorifier Dieu par le chant. Faut-il sacrifier l’une à l’autre ? Calvin savait très bien qu’une mélodie est en elle-même un chant harmonieux, et que la chanter à l’unisson, c’est déjà faire de la belle musique.

Est-ce à dire, pour conclure, qu’en matière de musique d’Eglise, il faut chanter et puis c’est tout ? Le fait est que le Psautier de Genève, s’il s’est enrichi par l’apport successif de poètes et de musiciens de talent, s’il a permis de faire chanter les foules, reste un exemple de dépouillement dû, en grande partie, à la circonspection extrême du réformateur en matière de pratique musicale ecclésiastique. Il n’en est pas moins vrai que sur les vingt et une mélodies du recueil expérimental de 1539, la moitié ont été intégrées dans l’édition définitive ; que sur les cent vingt-cinq mélodies de cette édition définitive, plus de la moitié sont encore éditées aujourd’hui. Si ces mélodies ont franchi les barrières du temps et sont restées intactes, peut-on encore parler de vide esthétique ? Il suffit d’observer la variété de leur style, leur expressivité et leur dynamique interne, la fluidité de leur prosodie et, surtout, la cohérence entre la sémantique du psaume et l’atmosphère de ces mélodies, pour se convaincre que Calvin avait très bien compris ce qui faisait un beau cantique ; et que les contraintes qu’il a imposées au chant dans l’Eglise ont précisément assuré à ce corpus sa pérennité.


Annexe 1. Editions successives du Psautier francophone de Strasbourg

Titre du recueil; auteur ou compilateur

Editeur et date d’édition

Localisation des exemplaires conservés

Nombre de mélodies

Aulcuns pseaulmes et cantiques mys en chantz.
Jean Calvin

Jehan Knobloch

1539

München,

Staatsbibliothek

21

La manyère de faire prieres aux eglises francoyses, tant devant la predication, comme apres, ensemble psaumes et canticques françoys quon chante aux dictes eglises […]. Le tout selon la parolle de nostre Seigneur.
Pierre Brully

Wolfgang Köpfel

1542

Genève, Bibliothèque publique et universitaire

30

La Forme des prieres et chantz ecclésiastiques
Jean Garnier

Jehan Knobloch

1545

perdu

34 + 19?

Pseaumes de David, par Clement Marot, avec plusieurs autres compositions, mises de nouveau en chant.
Compilateur inconnu

Remi Guédon

1548

Wolfenbüttel

55

Pseaumes de David mis en rime francoyse par C. Marot, avec plusieurs cantiques, comme on les chante en l’eglise francoyse d’estrosbourg
Jean Garnier

1553

Genève

60

 

Annexe 2. Du prototype strasbourgeois à l’édition définitive du Psautier de Genève

Titre du recueil et date d’édition

Compositeurs

Poètes

Aulcuns pseaumes et cantiques

Strasbourg 1539

Greiter, Dachstein, Pollio, Vogtherr, chanson profane, Franc (?)

Calvin

Marot

La forme des prieres et chantz ecclesiastiques 1542

Greiter, Dachstein, Pollio, chanson profane, Franc

Calvin

Marot

Cinquante pseaumes en françois par Clem. Marot 1543, réimpression 1545

Greiter, Dachstein, Pollio, chanson profane, Franc

Marot

Pseaumes octante trois de David 1551

Greiter, Dachstein, Pollio, chanson profane, Franc, Bourgeois

Marot

Bèze

Pseaumes de David 1556

Greiter, Dachstein, Pollio, chanson profane, Franc, Bourgeois

Marot

Bèze

Les Pseaumes mis en rime francoise Par Clement Marot, & Theodore de Beze 1562

Greiter, Dachstein, Pollio, chanson profane, Franc, Bourgeois, Davantès

Marot

Bèze

SOURCES

1°) Recueils de cantiques (Abréviation : RC)

Aulcuns pseaulmes et cantiques mys en chant. A Strasbourg, Johannes Knobloch 1539. Edition en fac-similé, avec une introduction de Jan R. Luth, Brasschaat 2003.

Les Pseavmes mis en rime francoise par Clément Marot, & Theodore de Beze. Genève, Michel Blanchier, pour Antoine Vincent 1562. Edition en fac-similé avec une introduction de Pierre Pidoux, Genève, Droz 2008.

The Whole Book of Psalmes, collected into Englysh metre by T. Starnhold I. Hopkins & others : conferred with the Ebrue, with apt Notes to synge them with al, Faithfully perused and allowed according to thordre[]appointed in the Quenes maiesties Iniunctions. Londres, John Day 1562.

Salmi di David, tradotti in lingua volgare italiana, & accommodati al canto de i Francesi per messer Francesco Perrotto. Genève, Jean II de Tournes 1603.

Louange et Prière, Psaumes, chorals, cantiques, chants liturgiques, adoptés par les Eglises évangéliques de France, Paris, Delachaux & Niestlé 1939.

Arc-en-ciel. Un recueil de chants au service de toutes les Eglises, Réveil Publications, Lyon 1988 & 1994.

Alléluia. Avec le Christ, dépasser les frontières, Un recueil de chants au service des Eglises francophones, Lyon, Olivétan 2005.

2°) Complément de bibliographie : ouvrages non cités en notes

Jean-Marc BERTHOUD, « Théodore de Bèze, pasteur et défenseur de la foi (1519-1605) », La Revue réformée, LVII, n° 240, 2006/5.

Charles BOST, Histoire des protestants de France, Carrières-sous-Poissy, La Cause 1998.

Félix BOVET, Histoire du psautier des Eglises réformées, Neufchâtel, Paris, Sandoz, 1872.

Jean CALVIN, Institution de la Religion chrestienne, 4 volumes, Genève, Robert Estienne 1560, réédition Genève, Labor et Fides 1967.

Martine DELAVEAU, Bibles imprimées du XVe au XVIIIe siècle conservées à Paris, & Denise HILLARD, Catalogue collectif, Paris, Bibliothèque Nationale de France 2002.

Marc-François GONIN, LES PSEAVMES DE DAVID Mis en rime Françoise par Clement Marot et Théodore de Bèze, adaptation en français actuel, Nîmes, éditions Vida 1998. 

Daniel LORTSCH, Histoire de la Bible française, PERLE 1984.

Christian MEYER, Les mélodies des Eglises protestantes de langue allemande, catalogue descriptif des sources et édition critique des mélodies. I. Les mélodies publiées à Strasbourg (1524-1547), Baden-Baden & Bouxwiller, Collection d’études musicologiques, volume 74, Valentin Koerner 1987.

Pierre PIDOUX, Le Psautier huguenot du XVIe siècle. Mélodies et Documents, 3 volumes, Bâle, Baerenreiter 1962.

Edith WEBER, La musique protestante en langue française, Musique – Musicologie n° 7, Paris, Honoré Champion 1979. 

« Les mélodies du Psautier huguenot, des origines à nos jours », La controverse interne au protestantisme, XVIe-XXe siècles, Actes du 2e colloque Jean Boisset, VIIe colloque du Centre d’histoire des Réformes et du protestantisme, recueillis par M. Perronnet, Université Paul Valéry – Montpellier, 1983, pp. 185-200.

3°) Discographie: Les exemples musicaux sont référencés dans les notes nos 5, 21, 42, 52 & 76.


* Doctorante, Université de Paris Ouest Nanterre-La Défense.

 [1] Romains 10.17.

[2] Un des premiers recueils luthériens.

[3] C.J. Riggenbach, Der Kirchengesang in Basel seit der Reformation, Bâle, H. Georg, 1870, 8-12.

[4] RC : Arc-en-ciel, n° 68, Alléluia, n° 68/CD: Chants et musiques de la Réforme, MIR, Genève, 2005 VDE-GALLO, plage 14.

[5] G.J. van de Poll, Martin Bucer’s Liturgical Ideas, Groningen, 1954, 128.

[6] Jean Calvin, « Discours d’adieux aux Ministres », 28 avril 1564. Cité par R. Weeda, Le Psautier de Calvin. L’histoire d’un livre populaire au XVIe siècle (1551-1598), Turnhout, Brepols, 2002, 17.

[7] Cité d’après Weeda, Le Psautier, 17 & 20/P. Pidoux, Le Psautier huguenot, vol. 2, Bâle, 1962./Riggenbach, Kirchengesang, 29.

[8] J. Courvoisier, « Les catéchismes de Genève et de Strasbourg. Etude sur le développement de la pensée de Calvin », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme Français, 84 (1935), 107. Cité par B. Cottret, Calvin, Paris, Jean-Claude Lattès 1995, réédition poche : Petite Bibliothèque Payot (Payot & Rivages) 1998, 143.

[9] R. Peter, « Strasbourg et la Réforme française vers 1525 », dans Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle. Hommage à Lucien Febvre. Actes du colloque international de Strasbourg (25-29 mai 1975), Strasbourg, Istra, 1977, 276.

[10] Cité par E. Lehr, Matthieu Zell, le premier pasteur évangélique de Strasbourg (1477-1548) et sa femme Catherine Schutz, étude biographique et historique, Paris, Meyrueis & Cie 1861, 72-73.

[11] Cité d’après A. Wolff, Le recueil de cantiques de Catherine Zell 1534-1536, 2 volumes, mémoire de maîtrise, Université des sciences humaines de Strasbourg, 1986, vol. 2, 85.

[12] Lettre publiée par A.L. Herminjard, Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, Genève/Paris, 1874-1883, tome I, p. 407, citée par M. Honegger, « La place de Strasbourg dans la musique au XVIe siècle », International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, Zagreb, June 1982, 7.

[13] D’après R. Leaver, Goostly psalmes and spirituall songes, English and Dutch Metrical Psalms from Coverdale to Utenhove 1535-1566, Oxford, Clarendon Press 1991, 25-26.

[14] M. Bucer, Grund und Ursach der Neuerungen, 1524. Cité d’après Théodore Gérold, « Les plus anciennes mélodies de l’Eglise de Strasbourg et leurs auteurs », Cahiers de la Revue d’histoire et de philosophie religieuses publiés par la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg, 18, Paris, Alcan 1928, 39.

[15] Dernier état de la recherche : Pierre Pidoux, Franc, Bourgeois, Davantès : leur contribution à la création des mélodies du Psautier de Genève, édition ronéotypée, Genève, 1993.

[16] R. Stauffer, « L’apport de Strasbourg à la Réforme française par l’intermédiaire de Calvin », Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle, 287.

[17] Lettre à Farel, citée par R. Bornert, La réforme protestante du culte à Strasbourg au XVIe siècle (1523-1598), Studies in Medieval and Reformation Thought, vol. XXVIII, Leiden 1981, 195, d’après Herminjard, Correspondance des Réformateurs, 5, n° 19, 145.

[18] Voir Annexes 1 & 2.

[19] Les Psaumes 25 et 46 sont ses premiers essais. Voir sa lettre à Farel, citée par Riggenbach, Der Kirchengesang in Basel 30-31 & R. Weeda, L’Eglise des Français de Strasbourg (1538-1563). Rayonnement européen de sa Liturgie et de ses Psautiers, Collection d’études musicologiques, volume 94, Baden-Baden & Bouxwiller, Valentin Koerner 2004, 33.

[20] Par exemple : Psaume 1 : CD Christophorus 77292, chant 1450, Psalmen und Chansons der frankophonen Reformation, 2007, plage 26 : « Qui au conseil des malins », texte de C. Marot, harmonisation de Claude Le Jeune.

[21] Voir Annexe 1.

[22] A. Erichson, L’Eglise française de Strasbourg au XVIe siècle, Strasbourg, F. Bull, 1886, 15 & 22. Cité par Cottret, Calvin, 145-146, et Weeda, L’Eglise des Français, 30.

[23] Voir les éditions successives du Psautier en Annexe 2.

[24] Il réserve trois moments au chant des psaumes: avant l’invocation, après la confession des péchés, après la prière finale assortie du Notre Père. Il veille aussi à ce qu’on établisse une table qui détermine le choix des psaumes, de sorte qu’en 1553, par exemple, les quatre-vingt-trois psaumes disponibles sont répartis sur vingt-huit semaines. Voir Weeda, Le Psautier, 20.

[25] Originaire de Rouen, Franc exerce à Genève l’activité de chantre; parallèlement il crée une école de musique et y enseigne les psaumes aux enfants.

[26] Les éditions strasbourgeoises de 1539 et de 1542.

[27] Outre ses fonctions de chantre, de mélodiste et de pédagogue, ce musicien originaire de Paris publie à Lyon en 1547 deux collections de psaumes harmonisés à quatre voix.

[28] Advertissement touchant les chants des Pseaumes, cité d’après J. Lyon, Chantez au Seigneur un chant nouveau. Introduction à l’hymnologie, Lyon, Olivétan 2008, 58.

[29] Un chantre qui succède à Bourgeois.

[30] Chanson de 1529 : « Quand vous voudrez faire une amye ». Voir Edith Weber, « Réforme et légitimité de la création hymnologique », Les Protestants et la création artistique et littéraire, Etudes réunies par Alain Joblin et Jacques Sys, Lettres et Civilisations Etrangères, Arras, Artois Presses Université, 2008, 119. RC Louange et Prière, n° 63/CD Champeaux CSM 0010 865, Le Psautier français, 1995/97, plage 6.

[31] Le nombre d’habitants passe certes de treize mille à vingt mille vers 1560, mais il comprend un grand nombre de non francophones.

[32] E. Léonard, Histoire générale du protestantisme, Paris, PUF, 1961, tome II, 84.

[33] Weeda, Le Psautier, 37-38.

[34] L’Histoire ecclésiastique de Théodore de Bèze fait état d’une centaine de personnes qui « chantèrent tout haut le pseaume seizième: ‹Sois moi, Seigneur›, etc. ». Citée par Weeda, L’Eglise des Français, 116.

[35] Une ordonnance impériale de 1543 exigeait que les livres hérétiques soient rendus à la justice, en particulier « des livres contenans l’interpretation des Psaulmes en François avec les notes des chants qui s’appellent vulgairement Marotines et d’aultres semblables Pseaulmes ou chantz ». Weeda, L’Eglise des Français, 116.

[36] La première réédition D’Aulcuns pseaulmes et cantiques.

[37] Par exemple, on estime qu’en 1561 la moitié des vingt-cinq mille habitants de Tournai était devenus calvinistes. Weeda, L’Eglise des Français, 65-84.

[38] Entre 1547 et 1553, c’est-à-dire pendant le règne du jeune roi Edouard VI, le royaume d’Angleterre devient une terre de refuge pour les protestants européens. Plusieurs réformateurs strasbourgeois ou ayant transité par Strasbourg s’y retrouvent, invités par l’évêque Cranmer, notamment pour s’occuper des communautés francophones qui s’étaient établies à Canterbury, Glastonbury et Londres. Bucer lui-même,

refusant les contraintes de l’Interim imposé par Charles Quint, y finira ses jours, après avoir enseigné à Oxford.

[39] Il la publie d’abord en latin en 1551, pour s’assurer la faveur de l’évêque de Londres, puis en français à plusieurs reprises à partir de 1552.

[40] On ignore de quelle version il s’agissait; peut-être de l’édition strasbourgeoise de 1545 ou de 1548.

[41] Par exemple celle du Psaume 128, « Bienheureux est quiconque », texte de Marot, mélodie strasbourgeoise de 1545. CD Naxos 8.553025, LC 5537, Early Music, Psaumes de la Réforme, Ensemble Claude Goudimel, 1994, plage 1.

[42] Qui sera par ailleurs révisé par Bucer et qui va considérablement simplifier la liturgie de l’anglicanisme naissant.

[43] Dont le pasteur était Jan Utenhove, qui avait également séjourné à Strasbourg et qui édite pour les Hollandais d’Angleterre un psautier intitulé Eenige Psalmen.

[44] Il s’agit de quatre cent soixante-douze familles, d’après Christina Garrett, The Marian Exiles, Cambridge, University Press 1938 & 1966. Citée par Robert Faerber, « La communauté anglaise à Strasbourg pendant le règne de Marie 1553-1558 », dans Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle. Hommage à Lucien Febvre, Actes du colloque international de Strasbourg (25-29 mai 1975), Strasbourg, Istra 1977, 431.

[45] Le jeune Edouard VI lui avait accordé un patronage pour qu’il continue son œuvre ; mais comme Marot, il décède sans pouvoir l’achever.

[46] Celle de la ballade, de schéma métrique 8.6.8.6.

[47] Voici le titre de cette publication double :

 – The forme of prayers and ministration of the Sacraments, &c. vsed in the Englishe Congregation at Geneua: and approued, by the famous and godly learned man, John Caluyn. […] IMPRINTED AT GENEUA BY IOHN CRESPIN M.D.LVI.

 – ONE AND FIFTIE PSALMES OF DAUID in Englishe metre, wherof 37 were made by Thomas Sternholde, and the rest by others: conferred with the Hebrewe, and in certeine places corrected, as the text and sens of the Prophete required. 

[48] Foure Score and Seven Psalmes of David in English Mitre.

[49] The whole booke of Psalmes, collected into Englysh metre by T. Starnhold I. Hopkins & others: conferred with the Ebrue, with apt. Notes to synge them withal, Faithfully perused and alowed according to thordre appointed in the Quenes maiesties Iniunctions.

[50] Voici le témoignage de John Jewell, le nouvel évêque de Salisbury, revenu de Strasbourg, où il avait passé ses années d’exil:

 « La religion est plutôt mieux établie maintenant que par le passé. En tous lieux les gens sont infiniment mieux disposés au bien. La pratique communautaire de la musique d’Eglise y a largement contribué: en effet, dès que l’assemblée s’est mise à chanter dans une petite paroisse de Londres, non seulement les Eglises voisines, mais aussi d’autres, qui se trouvent dans des villes éloignées, ont immédiatement suivi le mouvement à qui mieux mieux. A Paul’s Cross, à Londres, on voit quelquefois six mille personnes, jeunes et vieux, hommes et femmes, chanter tous ensemble les louanges de Dieu après le culte. » Lettre à Peter Martyr du 5 mars 1560, citée par Leaver, Goostly psalmes, 240-241.

[51] Psaumes 100, 104 et 130 : CD J. Dowland (1563-1626), The Collected Works, The Consort of Musicke, directed by A. Rooley, Decca 452 563-2 [O C 12] PY 808, Editions de L’Oiseau-Lyre, 1997, CD 7, plages 4, 6, 7, 8.

[52] Lorsque les Vaudois ont invité Farel au synode de Chamforan en 1532 et ont décidé de financer la traduction de la Bible par Olivétan.

[53] Importée d’Espagne à partir de 1542.

[54] L’Eglise italienne de Genève est pourvue dès 1554 d’un psautier avec mélodies notées, les XX Salmi di David, qui deviennent les Sessanta Salmi en 1560. Voir: H-P. Schreich Stuppan, « Les sources hymnologiques de l’Eglise réformée italienne », Psaume: Bulletin de la recherche sur le psautier huguenot, n° 17, avril 2006, Institut Claude Longeon, Bibliographie du Psautier, Université de Saint-Etienne, 8.

[55] [Genève] : Jean II de Tournes, 1603.

[56] W. Tappert, Wandernde Melodien, Berlin 1889. Traduit et cité par E. Weber, « Réforme et légitimité de la création hymnologique », dans Les Protestants et la création artistique et littéraire, études réunies par A. Joblin et J. Sys, Arras, Artois Presses Université, 2008, 123.

[57] « Epistre au lecteur », c’est-à-dire la préface à l’édition de 1545, qui est une synthèse de celles de 1542 et de 1543. Cf. Weeda, Le Psautier, 12.

[58] J. Calvin, IRC, III,xx,31, Genève, Robert Estienne 1560. Réédition Genève, Labor & Fides 1967, 364.

[59] J. Calvin, IRC, III,xx,31, 364-65.

[60] C’est-à-dire un rite facultatif

[61] Cité d’après Weeda, L’Eglise des Français, 49.

[62] Cité d’après Weeda, L’Eglise des Français, 25.

[63] Cité d’après Weeda, Le Psautier, 13.

[64] J. Calvin, IRC, III,xx,32, 365-66.

[65] J. Calvin, Préface de 1542, citée d’après Weeda, Le Psautier, 159.

[66] J. Calvin, IRC, III,xx,32, 365.

[67] J. Calvin, préface de 1542, citée d’après Weeda, Le Psautier, 159-160.

[68] J. Calvin, IRC, III,xx,30, 31.

[69] Weeda, Le Psautier, 124.

[70] Dans son sermon sur Job 21.11-12.

[71] CO, vol. XXII, col. 100. Cité d’après Weeda, Le Psautier, 26.

[72] Weeda, Le Psautier, 159.

[73] Weeda, Le Psautier, 13, note n° 14.

[74] Voir ci-dessus, note 4.

[75] CD J.-S. Bach, Matthäus-Passion, Harnoncourt/Prégardien, Warner Classics 2564 64347-2 DDD LC 04281, CD1 plage 29. 

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