Les peines éternelles

Les peines éternelles

Henri BLOCHER*

Qui parmi vous craint l’Eternel,
En écoutant le voix de son serviteur?
Quiconque marche dans les ténèbres
Et manque de lumière,
Qu’il se confie dans le nom de l’Eternel
Et qu’il s’appuie sur son Dieu!
Voici: vous tous qui allumez un feu,
Qui formez un cercle de flèches ardentes,
Allez dans votre feu et dans la fournaise
Parmi les flèches ardentes que vous avez enflammées!
C’est par ma main que cela vous est arrivé;
C’est pour la souffrance que vous vous coucherez!
(Esaïe 50:10-111)

Mais Où est donc passé l’enfer? La question fait le titre d’un livre, parmi plusieurs qui ont récemment réagi à l’éclipse, sinon à l’expulsion, du sujet2. Celui-ci tenait une place cardinale dans la chaire chrétienne: l’ordre des « frères prêcheurs » en était renommé, d’où l’expression de « prédication dominicaine », et les évangélistes protestants n’étaient pas en reste; c’est à peine si on lui concède un strapontin, dans les Eglises les plus conservatrices elles-mêmes. Le débat de synthèse à l’issue d’un colloque sur l’eschatologie organisé par une association d’étudiants évangéliques dévoile l’embarras des orateurs quand la question leur est directement adressée, et les tentatives d’évitement de certains3.

Trop, c’est trop! Certains ont tenté de répliquer. Dans le monde anglo-saxon, un fait particulier a joué le rôle du soufflet pour les braises: il est soudain apparu qu’une fraction nombreuse de l’évangélisme britannique – peut-être jusqu’à la moitié – s’était doucement détachée de la conception orthodoxe (ou traditionnelle) des peines éternelles, pour adopter l’annihilationnisme. Figures de proue de cette tendance: John Wenham, dont tous les étudiants en théologie connaissent le cours de grec néo-testamentaire, et surtout John Stott, « Monsieur Evangélique » pour le monde entier, qui s’était jusque là imposé une obligation de réserve pour ne pas diviser les fidèles. Deux vigoureux défenseurs de la foi, auxquels notre dette de reconnaissance est incalculable!

L’annihilationnisme – le châtiment, à l’issue du Jugement dernier, consiste en l’anéantissement du réprouvé – est la forme la plus modérée d’hétérodoxie. Il faut en donner acte à John Stott. Comme doctrine, il laisse à peu près intactes les structures de l’enseignement chrétien et les motifs associés: souci de la justice rétributive, compassion pour ceux qui se perdent et zèle pour l’évangélisation. L’écart, cependant, ne tombe pas dans la catégorie des adiaphora, ni même, je le crains, parmi les questions secondaires desquelles la discipline de l’Eglise n’a pas à connaître.

Le dogme, qui figure déjà dans le Symbole dit d’Athanase (Quicumque vult)4, énonce que certains hommes subiront perpétuellement une peine consciente, châtiment de leur péché. L’expression vient de Matthieu 25:46 (châtiment et peine ou peines sont pris comme de purs synonymes), le Nouveau Testament proposant diverses formules imagées, comme celles de feu éternel, géhenne, ténèbres extérieures, lac ardent de feu et de soufre, et seconde mort.

I. Le débat sur les données

L’interprétation des textes bibliques mérite toute priorité. Il n’est possible, dans le cadre de la présente étude, que de résumer les arguments pour et contre, en prenant appui sur des travaux antérieurs5.

La première critique s’attaque au « perpétuellement », dans l’énoncé du dogme, en ce qu’il implique d’illimitation et de statut ultime. Le langage de l’Ecriture devrait se comprendre d’une période seulement, et non pas de la destination finale. L’adjectif qu’on traduit « éternel », aiônios, dérive du mot aiôn, âge ou siècle, et son sens ne comporte pas la composante d’une durée sans fin; il a sans doute une nuance plus qualitative que quantitative, signifiant l’appartenance à « l’âge qui vient », sans exclure un changement ultérieur6. Divers auteurs ont joué avec l’idée d’une « deuxième chance » offerte après la mort, au terme d’un délai variable, comme aujourd’hui l’évangélique libéralisant Clark Pinnock7ou le théologien « œcuménique » en chemin vers l’évangélisme Gabriel Fackre8. La thèse invoque la prédication « aux esprits en prison », autrefois désobéissants (1 P 3:19), et l’Evangile annoncé aux « morts » dans le paragraphe suivant (1 P 4:6).

Une exégèse mieux aiguisée transperce la lecture inadéquate qui fait recourir à ces deux derniers passages. La prédication aux esprits doit s’entendre ou bien de celle dont fut responsable Noé, « prédicateur de la justice » par l’Esprit du Christ, auprès de ses contemporains (aujourd’hui emprisonnés dans « l’état intermédiaire »), ou bien, comme les meilleurs interprètes l’établissent (Dalton, France, Bénétreau), de la proclamation de sa victoire par le Christ lors de son ascension, aux esprits malins vaincus et dans les « lieux célestes »; aucune seconde chance de salut pour des humains dans l’au-delà. La logique de la suite est encore plus certaine: les « morts », aujourd’hui tels, ont été « évangélisés » de leur vivant, et l’apôtre a pour but de marquer qu’ils ne le furent pas en vain – les premiers décès dans la communauté chrétienne, tendue vers une fin du monde qu’on s’imaginait toute proche, avaient jeté le trouble. Pierre ne peut donc être cité comme témoin d’une doctrine de la seconde chance post mortem, et rien de biblique, nulle part, ne va dans ce sens. Tout l’accent porte sur l’urgence de répondre à l’appel, car c’est aujourd’hui que la grâce est offerte, avec la terrifiante menace du trop tard (2 Co 6:2; Hé 3:13 et 4:1, cf. 9:27 et 10:27).

Aiôn, certes, signifie d’abord un « âge », comme l’hébreu `ôlàm qu’il traduit, et comme aussi la racine latine de notre mot « éternel » (aevum). On peut admettre que le qualificatif aiônios évoque en premier lieu les modalités de l’âge qui vient. Mais la conclusion que l’on tire de ces faits avérés est abusive. Dans l’usage grec (et parallèlement dans les autres langues), les termes signifient aussi l’éternité, sans aucune ambiguïté; il n’y a pas d’autre expression qui en exprime mieux l’idée. La preuve qu’aiônios veut dire « éternel » quand il caractérise le châtiment est surabondante. On peut la recueillir de l’emploi de formules superlatives, aux siècles des siècles (comme en Ap 14:11), forgées pour communiquer le sens de la plénitude infinie. Joue de même la symétrie avec la béatitude des élus (Mt 25:46), dont nul ne contestera la perpétuité. Négativement, mais le silence est ici significatif, il n’est jamais question d’un terme au châtiment infligé. Au contraire, l’idée qu’il continue sans fin, sans cesse, se perçoit distinctement dans les formules répétées du feu qui ne s’éteint pas, du ver qui ne meurt pas. Il faut s’approcher du Nouveau Testament avec un violent a priori contraire pour ne pas y voir la durée illimitée attribuée aux peines des impénitents.

La deuxième stratégie respecte la force naturelle des mots aiôn et aiônios, mais la réserve aux conséquences, au résultat, de l’infliction punitive. Le châtiment implique la cessation de l’existence, et cette cessation est pour toujours, éternelle. Le premier et le principal argument avancé est qu’il s’agit du sens obvie ou normal des mots qu’emploie l’Ecriture: mort, ruine, perdition, destruction, comme des images, en particulier celle du feu. Edward Fudge en fait le titre de son puissant plaidoyer: Le Feu qui consume9. Sodome et Gomorrhe n’existent plus, elles dont le châtiment offre l’exemple (ou le paradigme, deigma) du feu éternel (Jude 7); la justice rétributive du Seigneur fera des nations punies qu’elles soient « comme si elles n’avaient jamais existé » (Ab 16). Un deuxième argument, plus strictement conditionnaliste qu’annihilationniste10, souligne que l’immortalité ou incorruptibilité appartient à Dieu seul (1 Tm 6:16) et n’est conférée aux humains que par la grâce de l’Evangile (2 Tm 1:10): c’est par infiltration de platonisme païen qu’on a tant parlé dans l’Eglise de l’immortalité de l’âme, comme d’un attribut impliqué par son essence.

Le deuxième argumentaire critique montre plus de consistance que le premier. Il nous avertit utilement contre les conceptions naïves ou païennes de la « survie » dans l’au-delà. Les humains, livrés à leurs angoisses, ont voulu se persuader que la mort n’est pas vraiment mortelle; le réalisme biblique fait, à cet égard, antithèse (une raison pourquoi l’Ancien Testament reste si discret sur l’au-delà, au contraire des textes mésopotamiens ou égyptiens). Mais l’erreur qui vicie l’effort démonstratif d’un Fudge, c’est la confusion entre la mort et la non-existence; elle procède pour une part d’une lecture trop rigide des métaphores (la ruine, strictement, n’anéantit pas, mais désorganise, défait), et, d’autre part, d’une pétition de principe associée à une intuition passionnément retenue. Qu’on analyse la notion de mort (de la première mort, à partir de laquelle se forme le concept ensuite transposé pour la seconde mort), et l’on verra qu’elle est, pour l’Ancien Testament déjà, une forme d’existence, marquée par la coupure des liens et l’incapacité d’agir (« retranché de la terre des vivants »; le thème de la disparition concerne précisément la scène des vivants). L’évocation dushe’ôl, en Esaïe 14 ou Ezéchiel 32, ne laisse aucun doute. Fudge ignore superbement le judaïsme inter-testamentaire, pour lequel la doctrine d’un châtiment perpétuel se dessine nettement : des adversaires du Seigneur, Judith, par exemple, déclare qu’« ils pleureront dans la souffrance à toujours » (16:17, klausontaï en aïsthèsei héôs aiônos). Harmon relève que Fudge doit faire se succéder la souffrance (qu’il conserve pour une durée limitée, afin de sauvegarder la gradation des peines) et l’annihilation, alors que l’Ecriture ne suggère rien de pareil mais fait de la destruction même le châtiment douloureux11. Aucun des textes allégués pour l’anéantissement ne requiert ce sens12. Prétendre, devant Apocalypse 14:11, que seule la fumée du tourment dure aux siècles des siècles et non pas le tourment lui-même, c’est une étrange esquive; elle est d’autant plus vaine que la clause est aussitôt expliquée en termes d’expérience continue des damnés: ils n’ont de trêve ni jour ni nuit.

La formule « immortalité de l’âme », non-biblique, mérite d’être critiquée. Elle prête pour le moins à malentendu; en toute rigueur, elle est même fausse dans sa subtile négation de la mort. Mais cela n’empêche pas l’Ecriture d’enseigner l’existence continuée dans la mort même des hommes rebelles à Dieu. Dieu, en maintenant cette existence, honore la responsabilité (faculté de lui répondre) liée à la création en image de Dieu: c’est pourquoi il y a une suite à l’événement de la mort, qui n’est un « point final » que pour l’apparence terrestre, à savoir l’état intermédiaire pour « les garder punis »(kolazoménous tèrein, 2 P 2:9) en attendant le jugement, puis la résurrection « pour la honte éternelle », puis le jugement, puis le châtiment final. La destination paraît solidaire du privilège de l’image de Dieu, puisqu’elle distingue l’homme de l’animal: le « souffle » (ou esprit, rûah) de l’homme monte vers le Créateur alors que celui de la bête descend et se dissipe (Qo 12:7, répondant au doute et à la question de 3:19-21).

Les auteurs « libéraux » conviennent souvent de ce qui vient d’être rappelé. S’ils restent attachés à l’Ecriture, cependant, et ne tolèrent pas le dogme des peines éternelles, ils opèrent une remise en cause « herméneutique ». C’est le mode indicatif du futur subiront, dans la définition, qui devient la cible de la contestation. Ce qui paraît prédiction, dans l’Ecriture, doit en vérité se comprendre comme simple avertissement. Origène, déjà, insinuait cette façon de lire « dé-réalisante »13, tandis qu’Augustin attribue le stratagème aux chrétiens laxistes de son temps (ceux que l’histoire des dogmes a nommés les « miséricordieux »), pour qui les menaces sont dites terribilius quam verius14. Beaucoup de catholiques modernes suivent cette voie, surtout depuis l’étude si fameuse de Karl Rahner sur « l’herméneutique des affirmations eschatologiques »15. Ce traitement des textes sur le châtiment final s’adosse fort souvent à une option fondamentale sur la nature du langage « religieux », dont la portée est existentielle et s’éloigne de l’information objective, et sur la médiation, au cœur de ce langage, de « représentations », images pour dire indirectement l’indicible, dont il faut extraire le « sens » à grande distance de l’accueil au premier degré, naïf ou « fondamentaliste ». Ce dernier mot dénote l’horreur ultime.

L’axe herméneutique recoupe celui de l’universalisme, au sens de l’espoir que tous les humains, numériquement considérés, seront sauvés, aucun damné à la fin. Plusieurs estiment encore qu’on peut attribuer à l’apôtre Paul, sinon au reste du Nouveau Testament, cette « plus grande espérance »: n’affirme-t-il pas que « la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes » (Rm 5:18), et que « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous » (Rm 11:32)? N’annonce-t-il pas que « tous revivront en Christ » (1 Co 15:22)? N’enseigne-t-il pas, surtout, que le Christ a réalisé le projet divin « de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix » (Col 1:20)? D’autres textes encore sont cités, comme Philippiens 2:10s et 2 Corinthiens 5:19, et, en dehors du corpus paulinien, Jean 12:32, 1 Jean 2:2, et, bien sûr, ceux qui proclament l’amour de Dieu pour tous, sa volonté salvifique universelle (« il ne veut pas qu’aucun périsse », 2 P 3:9).

Le discours a de quoi séduire. Il met en valeur, je le concède volontiers, des faits et des accents bibliques quelque peu négligés par la tradition orthodoxe. L’intention des textes doit être prise en compte et les images interprétées. Surtout le thème de l’« universel » résonne glorieusement dans l’Ecriture et le vœu du salut de tous absolument fait à bon droit vibrer notre cœur. Je m’avoue ému par le poème In Memoriam du poète romantique Alfred Tennyson (1809-1892), après la mort, à vingt-deux ans, de son plus cher ami, son autre lui-même, Arthur Hallam:

The wish, that of the living whole

No life may fail beyond the grave,

Derives it not from what we have

The likest God within the soul ?

I stretch lame hands of faith, and grope,

And gather dust and chaff, and call

To what I feel is Lord of all,

And faintly trust the larger hope16.

Les données scripturaires résistent, cependant, au détournement de sens conforme à nos désirs. L’interprétation universaliste du Nouveau Testament doit être considérée comme une méprise réfutée17. Richard J. Bauckham (un connaisseur!) peut écrire qu’au XXe siècle, « l’exégèse s’est retournée de façon décisive contre le plaidoyer universaliste »18. Si l’on tient compte du contexte, aucun des textes allégués ne parle de la totalité quantitative de tous les individus, sauf Philippiens 2 et Colossiens 1. Mais, dans ces deux passages, il ne s’agit pas de l’attribution du salut. Comme l’ont discerné des exégètes qui ne se rattachent pas à l’orthodoxie, « réconcilier » n’a pas (en Col 1) le sens de sauver et pardonner, mais de restaurer l’ordre où chacun a sa place selon la justice et la sagesse divine, de rétablir l’harmonie et dans l’harmonie, pour toutes les créatures (y compris les puissances et dominations célestes), de pacifier le territoire où la révolte a fait ses ravages19.

L’intention de pousser à la décision, l’usage, même, du ressort de la peur, peuvent être reconnues dans les textes bibliques: la peur, en effet, est saine, et salutaire, quand elle représente la prise au sérieux d’un danger réel et qu’elle dissipe l’inconscience ou les illusions du « divertissement » pascalien! Mais le sophisme consiste à opposer la fonction d’avertissement et l’information objective. Ces deux choses, au contraire, vont ensemble: parce que l’« enfer » est réel, quittez-en, de toute urgence, le chemin! D’autre part, on n’observe pas la corrélation exclusive avec l’avertissement aux opposants que l’argument « herméneutique » impliquerait; au contraire; le châtiment des impénitents est enseigné aux croyants, pour leur consolation (par exemple 2 Th 1:5ss). Quant à la thèse sur la portée purement existentielle ou pratique de tout langage religieux (à supposer qu’on sache ce que c’est!), elle soumet l’Ecriture à des choix philosophiques qui lui sont étrangers. Ainsi le croyant soucieux de respecter entièrement l’Instruction inspirée de Dieu ne peut pas se rassurer à bon compte: la Bible enseigne bel et bien les peines éternelles.

II. Le débat sur les principes

La théologie ne se borne pas à la collecte des textes ni même à leur interprétation, elle cherche à suivre la pensée, selon l’une de ses plus hautes définitions: penser les pensées de Dieu après lui, après qu’ils les a révélées. Le débat se poursuit donc au plan des thèmes-clés, des thèses théologiques déterminantes et de leur « logique ».

A cet égard, le dogme des peines éternelles paraît incompatible avec l’amour, l’amour de Dieu qui se déclare en faveur de tous les hommes, et l’amour que les élus ont et garderont pour leurs proches – qu’ils devraient avoir, selon le commandement, pour les lointains aussi. Comment pourraient-ils goûter la félicité parfaite tout en sachant que leurs bien-aimés subissent une torture sans fin? Cette objection n’est pas nouvelle; le XXe siècle s’est seulement signalé par la virulence de l’expression, avec la dénonciation d’un Dieu cruel, tyrannique, sadique, pire qu’un Adolf Hitler.

Au moins dans l’économie affective, c’est la plus grande difficulté de la doctrine orthodoxe. Il me semble juste de l’éprouver; dans notre situation, il ne nous sied pas de prêcher le dogme autrement qu’avec larmes. Et je ne prétends pas la dissoudre rationnellement, alors qu’elle tient de si près au « mystère opaque » de la « permission » divine du mal. C’est la confiance docile du simple disciple, dans le respect du révélé, à laquelle je veux me tenir. Marchant dans les ténèbres de cette question, avouant que je manque de lumière, je veux me contenter d’écouter son Serviteur et de m’appuyer sur mon Dieu (Es 50:10). Ma foi tremblante et nue repose en un Dieu que je sais plus sage, et plus amour, infiniment plus amour qu’aucune de mes notions de l’amour n’a jamais pu en rêver. Le fatal glissement dans le poème de Tennyson est l’attribution de l’autorité suprême à « ce qu’il sent » (what I feel is Lord of all). Le vrai Dieu ne se mesure pas à cette aune; et nous ne disposons pas de l’amour de Dieu comme d’une donnée de nos équations théologiques. Il convient peut-être d’ajouter que le sentiment de supériorité morale que nos contemporains éprouvent à l’égard des générations chrétiennes d’autrefois devrait s’accompagner d’autres preuves pour qu’on ne le soupçonne pas d’outrecuidance facile…

Une réflexion peut aider. Le châtiment n’apparaît pas dans l’Ecriture comme quelque chose d’étranger à l’acte, qui pourrait tomber ou ne pas tomber au gré du « caprice » du Seigneur. Il constitue la moisson des semailles de la vie. Chacun reçoit « les choses [faites] par le corps, selon qu’il a agi » (2 Co 5:10, littéralement). Les rebelles vont dans leur feu, qu’ils ont eux-mêmes allumé (Es 50:11). Le châtiment suit l’acte comme par conséquence logique, et c’est une imagination par trop anthropomorphique que celle de la non-infliction sans une transaction objective qui la rende possible.

L’apologétique orthodoxe, depuis le XIXe siècle, greffe un argument « libertaire » sur les considérations précédentes. Si l’amour de Dieu ne tire pas de l’enfer ceux qui s’y trouvent, c’est que la liberté des damnés l’exclut, au degré le plus élevé qui soit concevable: dressés dans la haine la plus intense du Seigneur, écumant de rage contre lui, ils le rejettent de toute leur énergie; le ciel leur serait un plus grand supplice; contre une telle volonté libre, Dieu lui-même ne peut rien. Cette pensée devenue commune a connu l’un de ses plus grands prédicateurs en William G. T. Shedd, et C. S. Lewis lui a fait place20; elle est largement répandue. Aucun indice en faveur de cette vision ne ressort, cependant, de l’Ecriture, et les propositions qui seront esquissées plus bas en prennent plutôt le contre-pied.

Ce qui autorise le discours « pathétique » sur l’amour excluant les peines éternelles, c’est le rejet de la « raison » classique du châtiment: la nécessité de satisfaire la justice. Le rejet du dogme accompagne les attaques contre le principe de la justice rétributive, soit qu’on le supprime entièrement avec de larges secteurs de la pensée contemporaine et la « sensibilité » humaniste (d’où la crise du droit pénal), soit qu’on nie sa pertinence pour les rapports entre Dieu et l’humanité. Le thème qui se conjugue aisément est celui de la faiblesse humaine, de tous les conditionnements et mécanismes inconscients qui déterminent les conduites: celui qui en prend conscience ne peut plus donner à la responsabilité individuelle assez de consistance pour qu’elle mérite une éternité de tourments.

Les critiques de la rétribution tombent dans trop de paralogismes pour nous impressionner longtemps. Opposer une justice « hébraïque », qui ne serait pas rétributive à la justice « latine » évacue de nombreux textes clairs. Présenter la « vengeance » divine comme contraire à l’Evangile, c’est s’en faire une image anthropomorphique inacceptable, et c’est ignorer que le thème tient une grande place dans le Nouveau Testament (si nous n’avons pas à rétribuer les offenses qui nous sont faites, c’est que Dieu s’en occupe, Rm 12:19). Même la tentative séduisante de Paul Ricœur construisant une sphère de validité limitée pour la rétribution échoue21. La consistance du monde spirituel-moral, la fidélité du Dieu qui « ne peut pas se renier lui-même » exigent le moment rétributif de la justice.

Le discernement de la faiblesse humaine a plus de force persuasive. Mais l’Ecriture n’a pas attendu nos sciences psychologiques et sociologiques pour nous assurer que Dieu « sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière » (Ps 103:14). Notre fragilité est réelle, elle affecte notre responsabilité, et Dieu en tient très exactement compte. Elle ne nous excuse pas pour autant. L’autre dimension de la créature humaine, créée en image de Dieu, sa « transcendance » à l’égard du terrestre (« Il a mis l’éternité dans leur cœur », Qo 3:11), et qu’une phénoménologie de l’existence humaine fait aussi apparaître, implique une responsabilité qui demeure.

Dernière critique théologique majeure, plusieurs objectent que le dogme consacre la défaite, au moins partielle de Dieu, qui devra tolérer toujours une province révoltée, qu’un dualisme sans résorption jamais dément alors le monothéisme, le Dieu tout en tous – puisque le mal subsiste éternellement.

Une apologétique orthodoxe courante, liée à l’argument libertaire, concède que Dieu ne triomphe pas partout22, mais transfigure l’échec en signe du « risque » pris par Dieu en suscitant, face à lui-même, une liberté capable de l’aimer. L’Ecriture ouvre-t-elle la voie à cette pensée? On ne peut prétendre la lire qu’entre les lignes! Tout l’accent de son eschatologie porte sur la victoire, intégrale, de Jésus-Christ. C’est un triomphe et règne absolu que l’Apocalypse attribue à l’Agneau. Qu’il n’ait pas pleinement réussi à remplir sa mission, qui était de « défaire les œuvres du Diable » (1 Jn 3:18), n’est suggéré nulle part, et le châtiment doit marquer le défaite l’Adversaire puisqu’il est le châtiment préparé pour lui (Mt 25:41 ; Ap 20:10; cf. Rm 16:20).

III. Perspectives proposées

Les réticences devant l’argument « libertaire » et les thèses connexes conduisent à la proposition décisive: dans l’état final, le péché ne se commettra plus. Loin d’être un lieu de révolte exaspérée, la « géhenne » (la vallée où s’accomplit le jugement, Jr 19:2ss) porte le coup d’arrêt éternel à l’abus qu’ont fait les hommes de leur liberté créaturelle.

La preuve biblique se trouve principalement dans l’affirmation de la totale victoire. Si tout genou fléchit et toute langue confesse la Vérité (Ph 2), si Dieu « réconcilie » tous les êtres de l’univers, il devrait être clair qu’ils ne persévèrent pas dans leur révolte. Ils le font sous la contrainte, certes, mais c’est la contrainte spirituelle de la Vérité enfin dévoilée: dans la lumière du Jugement, la lumière du Jour, ils ne peuvent penser autrement (et la « volonté » ne peut se dissocier entièrement de la pensée). Les textes qui laissent entrevoir ce qu’il en est de l’au-delà, ensuite, ne sont guère explicites, mais tous les indices vont dans la direction de la proposition. Les âmes au she’ôl reconnaissent la justice du traitement qu’elles subissent (Es 14:10, 16s. ou Ez 31:16 et 32:31). Leur « repos » ne suggère aucune activité pécheresse (Jb 3:17s.). La honte ou « confusion de face » associée à la condamnation (et le terme est repris en Dn 12:2 pour le sort final) se prête à l’idée de l’intériorisation du jugement, que le condamné s’applique lui-même. La parabole de Luc 16:19ss, même si c’est une parabole, présuppose un enseignement eschatologique (il serait trompeur que les éléments principaux en soient des enjolivures paraboliques); or le « mauvais riche », loin de pécher encore se montre lucide sur sa conduite passée et désireux d’en détourner ses frères. Tout le contraire de ce que prétend un Shedd et tant d’autres! Le fait qu’il ne s’agisse pas encore de l’état final, mais seulement de son anticipation, renforce la preuve: a fortiori cette attitude soumise doit-elle prévaloir après le Jugement.

Les métaphores se comprennent aisément de cette façon. Les grincements de dents n’ont pas à être dirigés contre Dieu: avec les pleurs, ils signifient le regret radical d’avoir si mal usé du don de la vie terrestre. Nous parlons d’un remords « cuisant » et « rongeur »: les figures du feu inextinguible et du ver permanent, quoiqu’elle signifient d’abord l’état de mort (elles viennent d’Es 66:24, qui parle de cadavres), peuvent évoquer le remords, c’est-à-dire un acquiescement au jugement porté sur le péché.

L’analyse théologique converge avec ces preuves et indices. L’inouï, l’impensable « métaphysiquement », c’est que le pécheur après avoir désobéi puisse continuer de le faire un seul instant. Il n’existe que par Dieu et « en Dieu » (Ac 17:28), il dépend entièrement du Créateur pour le moindre de ses gestes et pour l’énergie même qu’il dépense en agissant mal, et il nargue le Seigneur, il bafoue son Nom glorieux, il émet la puanteur de sa souillure devant le Très-Haut et Très-Saint, et encore, et encore! Cet inimaginable est le prodige de la patience (cf. Rm 9:22). Mais la patience, de par sa notion même, n’a qu’un temps. La fin du Dernier Jour est la fin de la patience. Et quand la patience est venue à son terme, il ne saurait être question d’une créature continuant à pécher.

Saint Augustin avait su le dire: le réprouvé ne sera plus capable de pécher23. Mais bien peu saisissent la portée de cette vérité. Elle requiert qu’on affirme l’accord des réprouvés avec Dieu lui-même, car tout écart, à chaque nouvel instant, serait un nouveau péché. Le remords final est perception de la pure vérité. Le poète anglican Edward Young (1683-1765) l’énonce dans le style de son époque:

For what, my small philosopher, is hell?
’tis nothing but full knowledge of the truth24.

Ce discernement permet de mieux comprendre que les condamnés ne puissent rien vouloir d’autre que leur châtiment, qui les rétablit dans l’ordre de Dieu dont ils reconnaissent désormais la « justesse » parfaite, et qu’en cela ils glorifient ou « sanctifient » le Seigneur (comme le fait celui qui est jugé, Ez 38:16, cf. Es 5:16).

La seconde proposition aide à concevoir comment l’accord, la « confession » de la vérité, caractérise un état d’exclusion « loin de la face du Seigneur »25 : l’état de condamnation est fixe. Il faut donner son poids à l’expression déterminante de seconde mort. Il s’agit de mort éternelle, comme d’ailleurs le texte-source d’Esaïe 66:24 le met en valeur. Or la notion biblique de la mort implique le caractère final irrévocable dans la paralysie totale, l’impossibilité d’agir, la coupure de la communication – ce qui vaut déjà de la première mort vaut absolument de la seconde. La rigidité cadavérique, rigor mortis, trouve là son équivalent éternel.

Inutile de souligner l’incapacité qui est la nôtre d’imaginer cet état, car nous ne connaissons l’existence que dans la vie (même affaiblie par le péché). La mort signifie qu’aucun changement ne peut plus se produire, que rien de nouveau ne peut arriver. L’inscription à la porte de l’Enfer de Dante est exacte: « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance »; il n’y a plus d’espérance car il n’y a plus d’avenir (rien à venir). C’est pourquoi il est insensé de plaider que Dieu devrait accorder une seconde chance, etc.: mais ces personnes sont mortes, c’est fini.

C. S. Lewis est parvenu très près de ce discernement. Réfléchissant au thème biblique de la destruction comme signalant un aspect du châtiment, il avance la catégorie de l’avoir été. « Si une âme peut être détruite, demande-t-il, ne doit-il pas exister un état correspondant au fait d’avoir été une âme humaine?26Et il continue: « Ce qui est précipité (ou qui se précipite) en enfer, ce n’est pas un homme, ce sont des restes. »27Le langage de l’Ecriture conduit à dire que la vie dont a bénéficié l’individu est alors passée. Il existe en relation avec ce passé28, portant le poids de sa responsabilité, fixé dans la conscience finale d’avoir vécu à contresens; d’accord avec Dieu, il abhorre ce qu’il a été (Dn 12:2), et c’est son tourment fixe dans une durée sans devenir; il sait seulement, puisqu’il ne peut plus ignorer la vérité, qu’il est par là-même rendu à l’ordre des créatures et contribue par son exclusion à « sanctifier » le Seigneur.

L’avantage d’une telle perspective, outre qu’elle permet de proclamer l’entière victoire du Christ, est de faire ressortir comme une évidence la justice du châtiment et sa parfaite proportion avec la responsabilité: il s’agit précisément de percevoir la vérité de la conduite passée. Il apparaît aussi (de façon presque certaine) que le châtiment est objectivement (et donc subjectivement, pour toute créature) préférable au néant. Certains auteurs ont déjà affirmé cette préférence, même avec la représentation courante des peines éternelles, tant ils sentent contraire au statut de l’humanité une simple annihilation; l’élucidation proposée confirme cette intuition. Jésus a dit du réprouvé qu’il eût mieux valu pour lui de n’être pas (comparant son sort à celui de l’enfant mort dans le sein de sa mère), et non pas qu’il eût mieux valu ne pas avoir été.

Au-delà, la foi nue et tremblante peut seule aller plus loin, toute imagination perdant pied. Comment les peines éternelles sont-elles compatibles avec l’amour de Dieu et celui des élus pour les autres? L’élimination du faux scandale d’images inadéquates nous aide seulement à croire, selon la parole de Julienne de Norwich, qu’en vérité All shall be well and all shall be well and all manner of things shall be well29.


* H. Blocher est professeur de théologie systématique à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine.

1 Bible à la Colombe

2 J. Blanchard, Où donc est passé l’enfer ? (Châlon-sur-Saône, Europresse, 1993), version française de Whatever Happened to Hell ? Le même titre, en anglais, avait déjà servi à J. E. Braun en 1979 (Nashville et New-York: Thomas Nelson Pu

3 Hokhma, n° 62, 6, 81s., la question posée étant « Quid de la réalité de l’enfer? ». Elian Cuvilier déclare: ÇC’est question à laquelle donc je ne peux pas répondre », après une phrase selon laquelle il ne peut « pas dire que tout le monde sera sauvé, parce que pour un juif, dire qu’Hitler sera sauvé serait un scandale. » F. de Coninck en appelle à une évolution ou « dynamique interne » dans la Bible, qui réduit progressivement puis supprime tout à fait la part de la vengeance, pour conclure : « J’ai tendance à considérer, mais sur ce sujet on en est réduit aux hypothèses, que les images de l’enfer sont un stade dans cette dynamique et qu’elles s’adressent particulièrement à des personnes qui souffrent présentement »; il ajoute: « A titre personnel, j’ai du mal à concevoir un camp de concentration éternel. » C. Baecher résiste davantage et veut faire « une différence entre vengeance et rétribution »; il insiste cependant sur l’expérience présente, au plan éthique – « le discours de Jésus sur la Géhenne dans des situations très concrètes s’éloigne du discours sur l’enfer comme ce qui serait seulement à venir. »

4 Art. 39: Et qui bona egerunt, ibunt in vitam aeternam; qui vero mala,in ignem aeternum.

5 Jeune apprenti théologien, j’ai reçu une aide précieuse de la série d’articles de Jean Cruvellier, ÇLa notion du châtiment éternel dans le Nouveau Testament » dans la revue Etudes Evangéliques (14: 1-2, 3, 4, 1954, et 15/:1, 1955), et je m’en suis servi pour mon article ÇLa doctrine du châtiment éternel », Ichthus, n° 32, avril 1973, 2-9. Plus récemment, j’ai vivement apprécié l’apport de Kendall S. Harmon, ÇThe Case Against Conditionalism: A Response to Edward William Fudge », in Universalism and the Doctrine of Hell, Papers presented at the Fourth Edinburgh Conference in Christian Dogmatics, 1991, sous dir. Nigel M. de S. Cameron (Carlisle et Grand Rapids: Paternoster & Baker, 1992), 193-224, ouvrage où s’affrontent des thèses contraires, avec ma contribution ÇEverlasting Punishment and the Problem of Evil »,

6 Pour un plaidoyer typique et compétent, on peut voir Marvin R. Vincent, Word Studies in the New Testament, vol. IV, (Grand Rapids: Eerdmans, 1977réimp), 58-

7 ´ Toward an Evangelical Theology of Religions », Journal of the Evangelical Theological Society (33, 1990), 368 (« based on the reasonable assumption… »)

8 Ecumenical Faith in Evangelical Perspective (Grand Rapids: Eerdmans, 1993).

9 The Fire That Consumes. A Biblical and Historical Study of Final Punishment (Houston: Providential Press, 1982).

10 Sur cette distinction, Harmon, op. cit., 196ss. Il note que Fudge se dit conditionnaliste et non pas annihilationniste, et Stott, vigoureusement, l’inverse, alors que leurs positions sont en fait très proches.

11 Ibid., 210ss.

12 Pour prendre ceux que nous avons cités, Jude 7 parle du feu de Sodome comme du deigma (exemple, ou indice, ou preuve) du feu éternel – illustration qui n’est pas, comme telle, éternelle. Abdias 16 parle de « nations », insère un « comme » qui met distance (« elles seront comme si elles n’avaient pas été », wehàyû kelô’ hàyû, n’est pas forcément équivalent à « elles ne seront plus », et le point de vue n’est pas précisé), et indique qu’elles boiront la coupe de la colère divine de façon perpétuelle (tàmîd)!

13 Kata Kelsou (Contre Celse), l. V, ch. 5: « L’Ecriture s’adapte comme il convient à la multitude de ceux qui doivent la lire: elle parle obscurément de choses tristes et sombres pour faire peur à ceux qui ne peuvent pas autrement se détourner (eis phobon tôn mè dunaménôn allôs épistrépsein) des flots de leurs péchés. » J’ai été conduit à ce passage par la mention de J. Tixeront, Histoire des dogmes dans l’antiquité chrétienne. I : La théologie anténicéenne (Paris: Lecoffre-Gabalda, 193012), 328.

14 Enchiridion (Manuel), XIX, 112.

15 « Principes théologiques relatifs à l’herméneutique des affirmations eschatologiques », trad. Robert Givord, Ecrits théologiques, t. IX, (Bruges: Desclée de Brouwer, 1968), 139-170.

16 Cité par J. Braun, op. cit., 50. La traduction servilement littérale donnerait: « Le vœu que, de l’ensemble vivant, aucune vie ne manque au-delà de la tombe, ne dérive-t-il pas de ce que nous avons de plus semblable à Dieu en (notre) âme? Je tends d’infirmes mains de foi, et tâtonne, et recueille de la poussière et de la balle, et j’en appelle à ce que je sens être le Seigneur de tout, et je me fie faiblement à l’espoir plus grand », c’est-à-dire universaliste.

Faute de mieux, j’offre un essai d’imitation: « De tous les vivants, comme un corps immense, / Que nul ne manque à la fin! / Ce vœu ne naît-il pas, en notre intelligence, / Du fond le plus pur, plus divin? // Je tends les mains, et je tâtonne, et blême, / Je n’étreins que sable et vent. / J’invoque en gémissant Ce que je sens Suprême, / Et me risque à l’espoir plus grand. »

17 Voir mon article « Le champ de la rédemption et la théologie moderne », Hokhma n° 43, 1990, 25-47 (si je réécrivais aujourd’hui, je corrigerais ce que je reproduis de l’opinion courante sur Origène: en réalité, sa position est difficile à cerner, il a protesté lui-même contre des textes qui circulaient sous son nom et qu’il désavouait, Rufin, plus tard, n’a pas été un traducteur scrupuleux…), et la Doctrine du péché et de la rédemption (Vaux-sur-Seine: Fac-Etude (F.L.T.E.), 1997rév), I, 164-175 (168ss).

18 « Universalism: a historical survey », Themelios 4/2, janv. 1979, 82. Il continue: ÇBien peu doutent aujourd’hui du fait que de nombreux textes néo-testamentaires enseignent clairement une division finale de l’humanité entre sauvés et perdus, et le plus que les universalistes prétendent maintenant, communément, c’est qu’il existe en outre d’autres textes qui offrent un espoir universel (par ex. Ep 1:10; Col 1:20). »

19 C’est le mot de F.F. Bruce, The Epistles to the Colossians, to Philemon, and to the Ephesians, NICNT (Grand Rapids: Eerdmans, 1984), 76, en conclusion d’une discussion substantielle.

20 De W. G. T. Shedd, The Doctrine of Endless Punishment (Edimbourg: Banner of Truth, 1990réimp, d’abord publié en 1885); de C. S. Lewis, Le problème de la souffrance, trad. Marguerite Faguer (Bruges: Desclée De Brouwer, 1950).

21 Critique de l’étude de P. Ricœur, « Interprétation du mythe de la peine », Le conflit des interprétations (Paris: Seuil, 1969), 348-369, dans ma Doctrine du péché et de la rédemption, op. cit., 40-43, cf. 132 et 159s. sur la justice rétributive.

22 V. Grounds, dans un travail, « Eternal Punishment », qu’il nous a donné alors qu’il n’était pas publié, 10, se réfère à Sir Robert Anderson, Human Destiny: After Death – Wha ? (Londres: Pickering & Inglis, 1913), dans ce sens.

23 Enchiridion, op. cit., XXIX, 111: facultas non poterit ulla esse peccandi.

24 Cité par Shedd, op. cit., 141. Imitation proposée: « Ce qu’est l’enfer, ô philosophe, le sais-tu ? / Ce n’est rien que le vrai enfin vu et connu. »

25 C’est le point dont ne semble pas tenir compte D.A. Carson, The Gagging of God. Christianity Confronts Pluralism (Leicester: Apollos (I.V.P.), 1996), 534, dans son (amicale) discussion de ma thèse sur la cessation du péché. Il demande, au sujet des damnés: « Sont-ils pleins d’adoration et de louanges spontanées? », mais cette question n’a de sens que si l’on néglige la seconde proposition. Autrement, 533, il ne trouve à citer qu’Ap 22:10s. et 16:21 pour l’idée que le péché continue, mais il est obligé de reconnaître que ces textes concernent le temps avant le jugement – ce qui les rend non-pertinents dans le débat.

26 Le problème de la souffrance, op. cit., 167 (italiques dans le texte).

27 Ibid.,.168.

28 Karl Barth, Dogmatique III,2**, trad. Fernand Ryser (Genève: Labor & Fides, 1961) a des formules proches des nôtres: il affirme, 329, que l’homme doit « ne plus exister qu’au passé », et qu’il participera à la vie éternelle « en tant qu’être passé ». Mais il le fait pour l’homme élu et de la vie éternelle, en fonction d’une notion platonicienne de l’éternité, alors que je le dis de la mort, en tant qu’opposée à la vie!

29 « Tout sera bien et tout sera bien, et tout, à tous égards, sera bien. »

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