L’absence de souffrance avant Adam1
Peter WILLIAMS2
Introduction
La thèse développée dans cet article pourrait s’intituler « l’absence de souffrance avant Adam ». Elle affirme tout simplement que Dieu a créé un monde parfait dans lequel la douleur et la souffrance n’existaient pas et où les hommes et les animaux (toutes espèces confondues ou du moins celles que l’on pourrait décrire comme étant « conscientes ») ne mouraient pas. La mort et la souffrance ne sont entrées dans le monde qu’après la chute d’Adam. À mon avis, la question de l’irruption de la mort et de la souffrance à la suite de la chute est théologiquement plus importante que le débat autour de l’âge de la terre ou des changements biologiques (l’évolution) qui se sont produits depuis la création du monde.
La thèse de « l’absence de souffrance avant Adam » recouvre plusieurs autres points de vue plus spécifiques. De toute évidence il y a la thèse créationniste d’un univers jeune, qui affirme généralement que l’univers n’a que six jours de plus qu’Adam et que c’est à l’époque de ce dernier que la mort est entrée dans le monde3. Un autre point de vue dans la droite ligne de cette thèse est que l’univers a été créé longtemps avant Adam, mais que la terre a seulement six jours de plus qu’Adam4. Ou bien encore que les roches portant des traces de mort (celles qui contiennent des fossiles) sont jeunes, mais que la terre ainsi que l’univers sont vieux. Par conséquent, la mort serait apparue après Adam. Tout en soutenant que la thèse créationniste d’un univers jeune correspond à la lecture la plus simple du texte biblique, je ne vais pas débattre de cette position dans cet article. Les différents points de vue en rapport avec la thèse qui nous intéresse ici peuvent donner lieu à des théories scientifiques situées à des années-lumière les unes des autres. Certaines suggèrent que la terre et l’univers ont quelques milliers d’années, d’autres affirment que la terre et l’univers ont des milliards d’années, mais toutes s’accordent à dire que la mort et la souffrance sont au cœur d’une problématique théologique fondamentale dans l’élaboration d’une doctrine des origines.
1. Les thèmes de la vie et de la mort en Genèse 1-9
Il nous faut d’abord examiner les éléments qui se rapportent à la vie et à la mort en Genèse 1-9. Nous voyons en Genèse 1 que Dieu crée la vie et que l’apogée de la création est la création de l’homme. La deuxième consigne que Dieu donne à l’homme est la suivante :
Je vous donne toute herbe à graine sur toute la surface de la terre, ainsi que tout arbre portant des fruits avec pépins ou noyau : ce sera votre nourriture. (Gn 1.29)5
Les hommes se voient attribuer un régime alimentaire strictement végétarien, limité à certaines espèces végétales. En revanche, dans le verset suivant, nous lisons :
à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel et à tout ce qui se déplace sur la terre, à ce qui est animé de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. (Gn 1.30)
Ici Dieu donne à tous les animaux, excepté les animaux marins, un régime alimentaire strictement végétarien. Dans le récit, les instructions relatives à la nourriture s’inscrivent dans un contexte dans lequel tout « était très bon » (Gn 1.31).
Ce passage mérite réflexion. Que veut dire ce texte ? Comment les premiers lecteurs le comprenaient-ils ? Les Hébreux savaient parfaitement qu’à leur époque certains animaux, y compris des oiseaux, se nourrissaient de chair. Comment interprétaient-ils ce passage ? Il est évident que pour eux, dans les temps anciens, les choses étaient différentes de ce qu’elles étaient de leur vivant.
La situation décrite en Genèse 1.29-30 se confirme en Genèse 2. Nous entrons maintenant dans un jardin où l’homme et sa femme sont autorisés à manger des fruits. Il est question, verset après verset, d’aliments végétaux et d’irrigation (2.5, 6, 8, 9, 10-14, et ainsi de suite). Les plantes sont de nouveau clairement associées à la nourriture (« bons à manger », 2.9). Le travail de l’homme est en rapport avec les plantes (2.15) et Dieu lui donne des directives sur ce qu’il peut manger et sur ce qu’il n’a pas le droit de manger (2.16-17). Tous les animaux et les oiseaux (sauf les animaux marins) sont amenés devant l’homme (2.19-20), mais le texte ne fait aucune allusion à un quelconque sentiment de crainte entre l’homme et l’animal, et rien ne permet de penser que l’homme puisse manger un animal ou que celui-ci puisse faire du mal à l’homme. Ainsi, malgré les divergences souvent relevées entre les points de vue exposés en Genèse 1 et en Genèse 2, une réelle unité apparaît dans la présentation d’un environnement dans lequel les végétaux constituent la nourriture exclusive de l’homme et de l’animal.
Genèse 2.17 envisage une éventuelle désobéissance de l’homme : « Le jour où tu en mangeras [du fruit], tu mourras. » Un peu plus loin, nous lisons que l’homme n’est pas réellement mort le jour où il a mangé le fruit. On propose généralement deux explications à ce verset. Soit on n’interprète pas le mot « jour » littéralement. Soit on comprend la mort de façon non littérale. Peut-être que l’homme est « mort spirituellement » quand il a mangé le fruit défendu. Quelle que soit l’option choisie, il est clair que l’homme a fini par mourir physiquement, en conséquence de son acte. On peut donc affirmer que si la désobéissance de l’homme a entraîné sa mort physique, elle n’en a pas été la seule conséquence.
Le chapitre 3 présente lui aussi les plantes comme nourriture, lorsqu’il est question de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ici, pour la première fois, la « mort » devient réalité. Après le repas fatal de Genèse 3.6, le couple se confectionne des ceintures en feuilles de figuier et l’Éternel Dieu vient prononcer son jugement. À partir de là, un certain nombre de choses apparaissent dans le texte : des expressions indiquant une limite à l’existence, comme « tous les jours de ta vie » qui s’applique au serpent (3.14), inimitié, conflit et douleur (sous-entendue) (3.15). La douleur est clairement évoquée pour la femme en Genèse 3.166 et le labeur, source de souffrance pour l’homme, s’accompagne aussi de « tous les jours de ta vie » (3.17), impliquant une limitation de la durée de vie. Cependant, le régime végétarien est encore à l’ordre du jour (3.18-19). Quant au vêtement – la ceinture végétale confectionnée par l’homme –, il est remplacé par un vêtement plus large que Dieu a fait avec la peau d’un animal mort (3.21). Il est important, à mon sens, de souligner la triple opposition qui existe entre le vêtement au verset 21 et celui mentionné au verset 7 – qui les a confectionnés ? quelle est leur taille ? quel est le matériau employé ? – au lieu de se focaliser sur un seul point – ce vêtement a-t-il été confectionné de manière surnaturelle ? Cela permet de voir que le récit met l’accent, de façon subtile, sur la mort de l’animal.
Poursuivons notre lecture et arrêtons-nous au chapitre 4 sur l’offrande de Caïn et d’Abel. L’opposition entre les deux offrandes fait l’objet de débats parmi les spécialistes. L’opposition est-elle liée au fait qu’Abel offre des animaux premiers-nés et de la graisse et que Caïn n’offre pas les meilleurs produits du sol ? Ou bien y a-t-il opposition entre le sacrifice d’animaux et l’offrande végétale (Gn 4.2-4) ? Les deux explications ne sont pas incompatibles. De même qu’il existe une triple opposition à propos du vêtement, il y a peut-être une double opposition entre les deux types de sacrifice. Sinon, pourquoi le récit soulignerait-il les différences entre les deux ? Le narrateur nous informe qu’une offrande a été acceptée et l’autre non, puis il donne des détails sur les différences entre les deux. S’il ne voulait pas qu’on se serve des informations données pour répondre à la question qui nous brûle les lèvres (pourquoi une offrande a-t-elle été agréée et l’autre non ?), on pourrait l’accuser de mener le lecteur sur de fausses pistes et de le détourner complètement du véritable sens du texte.
Ce sombre récit nous amène au moment où, pour la première fois, un homme meurt, assassiné (4.8) et où, pour la première fois, la Bible parle du sang (4.10). Caïn craint d’être à son tour tué (4.14), il s’enfuit et a une descendance. Le septième descendant d’Adam, par la lignée de Caïn, s’appelle Lémec. Il est bien pire que Caïn et se vante d’avoir réussi à tuer quelqu’un ! La mort occupe donc une place privilégiée en Genèse 4.
Il en est de même en Genèse 5 : l’expression « puis il mourut » revient comme un leitmotiv après chaque nom figurant dans la généalogie. En revanche, elle est absente de la généalogie de Genèse 11, comme si la mort constituait le thème de Genèse 5, mais pas celui des chapitres suivants. Enfin, comme pour souligner l’omniprésence de la mort – et pour que l’on ne perde pas totalement espoir – apparaît Hénoc (comme Lémec, en 4.23, septième dans la lignée d’Adam), mais qui fait exception et ne passe pas par la mort (5.24).
Les relations entre les fils de Dieu et les filles des hommes en Genèse 6.1-2 ont, elles aussi, pour conséquence une limitation de la durée de vie. Dieu dit : « Mon Esprit ne contestera pas toujours avec l’homme, car l’homme n’est que chair. Il vivra cent vingt ans. » (6.3) Cette déclaration concerne soit une limitation de la durée de vie, soit plus vraisemblablement les cent vingt ans qui restent avant le déluge. Dans les deux cas, le verdict est la mort. On discerne ici le contraste frappant entre l’Esprit de Dieu et la chair de l’homme. C’est à ce moment-là que Dieu annonce qu’il va détruire les hommes ainsi que les animaux et les oiseaux, mais pas les animaux marins (Gn 6.7). Dieu se repent non seulement d’avoir créé les hommes, mais aussi les animaux et les oiseaux (6.7). L’association entre humains, animaux terrestres et oiseaux nous est désormais familière. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : pourquoi les animaux et les oiseaux doivent-ils mourir à cause du péché des hommes ? Pourquoi y a-t-il association entre la mort des uns et celle des autres ?
Lorsque Dieu regarde la terre, il voit que celle-ci est « corrompue » (6.11 ; phtheiro7 dans la Septante) et « pleine de violence », ce qui inclut la souffrance. Il est de nouveau question de « corruption » en Genèse 6.12 : le terme s’applique à la terre et à « toute chair ». Quand cette dernière expression est utilisée dans ce contexte (7.15, 16, 21 et en 8.17), elle fait référence aux hommes, aux animaux et aux oiseaux, mais pas aux animaux marins. On peut alors librement interpréter Genèse 6.12 comme la référence à la corruption qui affecte les hommes, les animaux et les oiseaux. Genèse 6.13 le confirme : Dieu décide de détruire « toute chair » parce que celle-ci remplit la terre de « violence ». Cela montre que cette « violence » n’est pas simplement le fait de l’homme, mais que les animaux et les oiseaux sont aussi source de violence. Pourrions-nous citer des animaux et des oiseaux qui ne font jamais preuve de violence ? Ici, le contraste entre avant la chute et après la chute est frappant ! Avant la chute, tous les animaux, y compris les oiseaux, ne mangeaient que de l’herbe et semblaient vivre en harmonie avec l’homme.
Le motif de la corruption des animaux fournit une explication possible au fait que Dieu pouvait se repentir de les avoir créés. Nous pouvons penser que Dieu se repent d’avoir créé les animaux et les oiseaux soit parce qu’il sait que la plupart d’entre eux vont mourir pendant le déluge, soit parce qu’ils sont devenus violents. Dans les deux cas, la Bible affirme que la souffrance animale est regrettable, et donc mauvaise.
L’association entre humains, animaux et oiseaux se poursuit dans le récit de la construction de l’arche par Noé : Dieu déclare qu’il va détruire « toute créature qui a souffle de vie sous le ciel. Tout ce qui est sur la terre mourra. » (6.17) Étant donné que la « mort » est un thème récurrent dans le livre de la Genèse et que les hommes, les animaux et les oiseaux forment un ensemble distinct, on peut en conclure que la mort des hommes, des animaux et des oiseaux est le résultat du péché mis en évidence plus haut.
Cependant, l’espoir subsiste. À l’intérieur de l’ensemble représenté par l’expression « toute chair », des animaux et des hommes sont conduits vers l’arche pour « qu’ils survivent » (6.19-20). Le maintien en vie de ceux qui ont été sélectionnés parmi « toute chair » tranche avec la mort de tous les autres. Une fois de plus, le narrateur met l’accent sur la nourriture : Dieu ordonne à Noé de faire des provisions pour nourrir les animaux dans l’arche (6.21). Celui-ci doit collecter « tous les aliments que l’on mange » ou peut-être « tous les aliments que l’on peut manger ». On suppose qu’il s’agit d’aliments d’origine végétale, car Noé ne peut stocker de la viande pendant un an, ni emmener du bétail pour servir de nourriture.
En Genèse 7.2 apparaît le concept d’« animaux purs » (7.2). En Lévitique 11 et en Deutéronome 14, nous verrons que les animaux purs sont strictement végétariens. Cependant, la thèse selon laquelle le régime végétarien serait à l’origine de la classification des animaux (purs et impurs) fait toujours l’objet de débats entre spécialistes. « Tous les êtres que j’ai créés » (7.4) doivent être détruits. La fin du chapitre 7 met à nouveau l’accent sur la destruction de l’ensemble des êtres vivants : les hommes, les animaux et les oiseaux sont réunis dans la mort (7.21-23).
Le chapitre 8 de la Genèse décrit la décrue des eaux et la fin du déluge et se termine par un sacrifice d’animaux et d’oiseaux (8.20-21). À la suite de ce sacrifice, Dieu décrète qu’il ne détruira pas tous les êtres vivants (8.21). Il se soucie de la mort des animaux et veut la limiter. Le récit la présente comme quelque chose de mauvais et non comme un effet collatéral sans conséquence du jugement exercé par Dieu sur les hommes.
Le chapitre 9 de la Genèse commence par une injonction : « Reproduisez-vous, devenez nombreux et remplissez la terre » (9.1), un rappel du premier commandement de Dieu à l’homme (1.28a). Tout de suite après, Dieu parle de la relation entre l’homme et l’animal, désormais caractérisée par la « crainte » (9.2) plutôt que par la « domination » (1.28b). Le troisième parallèle entre Genèse 9 et 1 concerne le régime alimentaire (9.3). Il y a ici une opposition évidente avec 1.30, puisque désormais les hommes sont autorisés à tout manger, pas seulement des végétaux. Une restriction demeure néanmoins en ce qui concerne le sang (9.4). La mort de l’animal et celle de l’homme sont mises en parallèle bien qu’elles n’aient pas la même valeur. En effet, la peine de mort s’appliquera à tout animal qui tue un être humain (9.5). De même, tout homme qui tue un homme doit être mis à mort (9.6). Le récit se termine avec l’engagement de Dieu à ne plus faire périr « toute chair » dans un déluge (9.11). Cette alliance ne s’adresse pas seulement aux hommes ; à quatre reprises, le texte précise qu’elle concerne aussi les animaux (9.12, 15, 16, 17). Dieu porte un intérêt particulier à la souffrance et à la mort des animaux.
En résumé, la Genèse dépeint la mort comme étant postérieure à la chute. La mort est un thème central dans cette partie et ne se limite pas à la mort de l’homme8. En effet, le récit relie en permanence la mort des hommes à celle des animaux et des oiseaux et n’établit aucune distinction qualitative entre la mort des uns et celle des autres. À la mort sont associées la douleur, la souffrance et la violence. Considérer que tous les aspects de la mort et de la souffrance sont arrivés d’une manière instantanée est une erreur. Les descriptions précises de provisions de nourriture montrent l’évolution au fil du temps du régime alimentaire, d’abord végétarien puis intégrant progressivement la consommation de viande soumise à des règles.
2. Comment l’apôtre Paul interprète la Genèse, la mort et la souffrance
Après avoir terminé notre tour d’horizon sur l’entrée de la mort dans le monde dans le livre de la Genèse, nous allons voir comment Paul décrit l’entrée du péché dans le monde, en particulier en Romains 5.12-21 et dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 15, verset 21. Dans ces deux passages, Paul exprime la même idée que dans la Genèse, c’est-à-dire la mort survenant après le péché. À noter cependant que les écrits pauliniens semblent axés sur l’homme. Paul ne se préoccupe pas ici de la mort animale, il met simplement l’accent sur le fait que la mort de l’homme survient après le péché de l’homme. Ceci dit, Paul ne limite jamais le sens de la mort dans le livre de la Genèse à celle de l’homme. Il ne voit jamais dans la Genèse la mort « spirituelle » comme résultat de la chute, puisqu’il compare la mort de l’homme, conséquence de la chute, avec la mort physique du Christ. Ce qui nous permet de conclure que Paul était pour le moins convaincu que la chute a entraîné la mort physique de l’homme et a eu d’autres conséquences.
Un autre passage contient des implications plus frappantes, il s’agit de Romains 8.18-23. Au verset 18, Paul oppose les souffrances actuelles à ce qui arrivera dans l’avenir, et au verset 20 il évoque un temps où la création était « soumise à la vanité, non de son propre gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise ». Certains spécialistes discutent de l’identité de celui qui a soumis la création à la vanité – Adam ou Satan –, cependant la plupart sont d’accord pour dire qu’il s’agit de Dieu9. Nous devons maintenant prendre en considération le fait que les effets de la chute ne se limitent pas à la race humaine (c’est ce que le récit en Genèse 3.17-18 sous-entend). Il est précisé que la création a été soumise à la « corruption » (le mot grec phthora en Rm 8.21 est de la même famille que phtheiro en Gn 6.11 dans la Septante ; voir ci-dessus). En fait, « jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’accouchement » (v. 22). Il est clair que « la création tout entière » n’est pas une simple métonymie désignant les hommes. L’expression se réfère au contraire à diverses conséquences de la chute sur la création au sens large, au-delà de l’humanité. Si la « corruption » entraîne la déchéance, la déchéance de la création est alors étroitement liée à la propagation de la mort, au-delà des hommes, comme l’affirme le livre de la Genèse.
3. Réflexions théologiques : la souffrance, la mort et la croix
Jusqu’à présent, nous avons soutenu que, dans la Genèse de manière explicite et chez Paul de manière implicite, la mort et la souffrance de l’homme et de l’animal étaient survenues après la chute. Il existe d’autres raisons (d’ordre biblique, théologique et moral) qui le confirment.
Le principe selon lequel la mort physique et la souffrance sont la conséquence du péché est évident lorsque l’on considère la croix. Pour résoudre le problème du péché, Dieu a envoyé le Fils, à la fois pour souffrir et pour mourir. Il ne suffisait pas que le Christ meure sans souffrir. Il n’était pas possible non plus qu’il souffre sur la croix et dise « Tout est accompli » (Jean 19.30), puis qu’il descende de la croix sans être mort réellement. Il fallait que ses souffrances soient des souffrances qui mènent à la mort. Si l’on remonte de la solution jusqu’à la situation dramatique ayant conduit Dieu à intervenir, on peut en déduire que la mort physique et la souffrance font effectivement partie du châtiment qu’entraîne le péché. Il n’y a donc aucune raison de supposer que ces choses existaient avant le péché, c’est-à-dire avant la chute. Nous devons donc en conclure que la souffrance de l’homme et sa mort sont postérieures à la chute.
Néanmoins, le Nouveau Testament établit une puissante analogie entre la mort du Christ sur la croix et le système sacrificiel de l’Ancien Testament, lui-même fondé sur l’analogie entre la mort de l’homme et celle de l’animal. Cette analogie rend plus difficile l’élaboration d’un concept théologique dans lequel la relation entre la mort et le péché est totalement différente selon qu’il s’agit de la mort de l’homme ou de la mort de l’animal. On peut considérer que la mort sacrificielle d’un animal a quelque chose à voir avec le péché de l’homme. Les seuls animaux pouvant être sacrifiés sont des animaux purs et des oiseaux. Les animaux marins sont exclus et, comme dans la Genèse, mis dans une catégorie à part. Le texte biblique ne s’attarde pas sur la mort des animaux marins10. Même si l’on admet que le sort de l’homme et celui de l’animal divergent après la mort, sur le plan physique, leur mort est identique.
4. Implications de la thèse de « l’absence de souffrance avant Adam » dans le domaine scientifique
Arrêtons-nous maintenant sur les implications de la théorie de « l’absence de souffrance avant Adam » dans le milieu scientifique.
Si la mort et la souffrance des hommes sont postérieures à la chute, cela entraîne des retombées considérables dans certains domaines scientifiques, et notamment dans celui de l’archéologie et de l’anthropologie. Et si la mort et la souffrance des animaux et des oiseaux surviennent après la chute, les conséquences ont une portée encore plus vaste. Il est important de rappeler ici que la Bible n’est pas vraiment concernée par la science : ce n’est pas un manuel scientifique ! Elle s’adresse à des individus de toutes les époques, aux lecteurs de l’ère scientifique comme à ceux des temps anciens. Il ne faut pas pour autant en conclure que la Bible n’a aucune portée scientifique11. La science, comme la Bible, concerne tous les aspects de la vie, par conséquent les deux se recoupent fréquemment. Un texte qui n’a pas été écrit dans un langage scientifique peut cependant avoir des conséquences sur le plan scientifique.
Une des conséquences évidentes est le fait que la mort de l’homme ne devait pas exister avant Adam. De nos jours, les chrétiens ont différentes conceptions de la relation entre Adam et les restes fossilisés des hominidés. Si j’ai bien compris, le professeur Blocher situe Adam il y a quarante mille ans12. Que l’on situe Adam plus tôt ou plus tard, la question qu’on se pose, si on est d’accord avec la datation admise des restes d’hominidés, est celle-ci : que dire à propos des restes d’hominidés datés d’avant Adam ?
N’étant pas un spécialiste dans ce domaine, je ferai les remarques suivantes : si l’on est d’accord avec la datation officielle des restes, on peut difficilement affirmer que tous les hommes vivants ont pour ancêtre quelqu’un qui vivait il y a quarante mille ans, et ce à cause des restes d’hominidés découverts à travers le monde. De plus, si notre lignée remonte jusqu’à un hypothétique « Adam » vieux de quarante mille ans, comment expliquer que la mort physique soit le résultat du péché d’Adam, alors que des êtres physiquement semblables à Adam mouraient avant lui ?
Essayons de nous projeter juste avant l’arrivée de cet Adam. Si l’on admet qu’Adam a vécu il y a quarante mille ans, pourquoi pas il y a quarante et un mille ans ?13 Ou peut-être encore un peu plus loin dans le passé… Si l’on est d’accord avec la datation officielle des hominidés, on risque de se retrouver face à un hominidé qui ressemble beaucoup à notre « Adam ». Peut-on affirmer – sans que cela ait une implication théologique – que cet hominidé pré-adamique est mort ? La mort n’était-elle pas déjà synonyme de souffrance ? Le professeur Blocher reconnaît que l’homme de Néanderthal – qu’il semble situer avant Adam – enterrait ses morts14. Les Néanderthaliens n’éprouvaient-ils pas de souffrance face à la mort ? N’étaient-ils pas assez évolués pour souffrir cruellement avant de mourir ? Selon la thèse de « l’absence de souffrance avant Adam », tous ces hominidés sont des descendants d’Adam et sont postérieurs à la chute. Il est de toute évidence plus facile d’accepter la réévaluation critique des dates proposée par cette thèse que de situer de façon convaincante le récit d’Adam et de la chute dans la datation officielle.
Les idées défendues dans la thèse de « l’absence de souffrance avant Adam » n’impliquent pas obligatoirement le rejet partiel ou total des méthodes de datation en vigueur. Néanmoins, les chrétiens qui refusent de remettre en question la datation officielle sont forcés d’admettre que les maladies, dont le cancer, et d’autres facteurs de souffrance, et par conséquent de mort, ont affecté des êtres en grande partie semblables à nous avant la chute.
Je vais donner au problème une note personnelle, tout en prenant le risque que l’on m’accuse de toucher une corde sensible. Acceptons-nous, en tant qu’évangéliques, que la maladie et la douleur affectaient des êtres semblables à nous physiquement avant la chute ? Admettons que vous vous rendiez au chevet de votre mère souffrant d’un cancer en phase terminale. Quel type de réflexion son état vous inspirerait-il ? Souffre-t-elle des effets néfastes de la chute, ou est-elle en train de vivre quelque chose qui faisait partie de la bonne création de Dieu d’avant la chute ?
En ce qui concerne la mort des animaux, on constate que bon nombre de créationnistes vieille terre ou de créationnistes progressifs pensent que la mort des animaux a eu lieu avant la chute. De fait, si l’on suit l’opinion commune sur les techniques de datation, on ne peut qu’y souscrire. Il faut donc admettre que les animaux et les oiseaux ont connu la souffrance et la mort plusieurs centaines de millions d’années avant Adam et la chute. Ce qui implique la souffrance et la mort de milliards de créatures !15
Peut-on rester neutre sur le plan moral ? La cruauté envers les animaux sous différentes formes est un délit passible de prison, non parce que l’on pense que la cruauté envers les animaux porte atteinte au psychisme des individus qui font preuve de cruauté, ni parce que l’on ne veut pas que les hommes s’habituent à des pratiques qu’ils pourraient ensuite appliquer à leurs semblables. Nous reconnaissons que la cruauté à l’égard des animaux est mauvaise, parce que nous sommes convaincus que le fait d’infliger à un animal des souffrances inutiles est mal, et ce parce que la souffrance animale est quelque chose de mauvais. La souffrance des animaux n’est pas « neutre », comme le montrent, d’une part, les opposants à la vivisection et, d’autre part, les gens qui pratiquent des expériences sur les animaux et font appel à des scientifiques pour mesurer la douleur et en réduire l’intensité, afin que le niveau de souffrance de l’animal n’excède pas ce qui est « nécessaire » à l’expérience proprement dite. En revanche, si l’on considère que la souffrance animale est « neutre », tenter de la réduire est un gaspillage d’énergie. Si la souffrance animale est « neutre », alors pourquoi les vétérinaires utilisent-ils des anesthésiques ? Si l’on en croit bon nombre de théologiens évangéliques, on peut conclure que le fait d’utiliser ou non des anesthésiques est sans importance.
La Bible déclare que la souffrance des animaux n’est pas « neutre ». Proverbes 12.10 exalte la bonté envers les animaux. L’image récurrente de Dieu et des chefs de son peuple comme bergers qui protègent leurs brebis contre les loups suggère que la souffrance des brebis n’est pas bonne en soi et que les loups ne font pas partie d’un ordre parfait, contrairement à Ésaïe 11.6-9. La déclaration la plus puissante que Dieu fait en faveur des animaux est sans doute celle qui se trouve dans le livre de Jonas, où la compassion de Dieu est l’un des thèmes forts (4.2) et qui se termine ainsi : « Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de 120 000 être humains incapables de distinguer leur droite de leur gauche et un grand nombre d’animaux ! » (4.11) Non seulement le livre se termine avec l’intérêt que Dieu porte aux animaux, mais il fait également le lien avec Exode 34.6, où Dieu se révèle comme un Dieu qui se préoccupe des animaux16.
Selon la thèse de « l’absence de souffrance avant Adam », la souffrance de l’animal apparaît après la chute. Étant donné que je suis d’accord avec la colonne géologique (c’est-à-dire la répartition régulière et prévisible des roches à la surface de la terre), je situe Adam avant l’apparition des animaux fossiles qui semblent avoir souffert.
Peut-être devrais-je préciser ma position. Ai-je dit que les bactéries et les plantes ne mouraient pas avant la chute ? Non. Comme je ne suis pas un scientifique, je ne m’aventurerai pas dans les précisions et j’éviterai d’établir une corrélation entre certains faits géologiques et un point précis dans l’exposé théologique. J’essaie plutôt d’expliquer les choses qui sont les plus évidentes. La Bible ne nous apprend pas grand-chose sur les bactéries, ni sur les animaux marins. Elle ne dit pas grand-chose non plus sur les étoiles. Évitons donc de surestimer la quantité d’informations que fournit la Bible sur un sujet, pour satisfaire notre curiosité.
On peut être tenté de dire que si l’on est incapable de tracer une limite entre ce qui a été affecté par la mort au moment de la chute et ce qui ne l’a pas été, il est difficile de rester ferme sur ses positions. Après tout, si la mort peut toucher une bactérie, pourquoi pas des organismes plus gros ?17 À cela, je réponds que tracer une limite est possible, mais cela ne veut pas dire que je peux le faire sur des bases exégétiques. J’ajoute au passage que des changements progressifs peuvent entraîner des changements qualitatifs. Par conséquent, bien qu’il soit impossible de dire combien de grains de sable il faut pour en faire un tas, on peut affirmer que les tas de sable existent bel et bien et que, dans certains cas, un amas de grains de sable ne constitue pas un tas proprement dit.
Mon objectif n’est pas d’imposer mon point de vue aux scientifiques à propos des événements survenus avant la chute et après. Ceci dit, il me paraît évident que la souffrance à grande échelle de bon nombre d’animaux très évolués et d’hominidés se situe plutôt après le péché d’Adam.
Les implications de cette thèse dans le domaine scientifique sont considérables. Il faudra tout d’abord dater toutes ces roches censées porter des traces de la souffrance et de la mort de ces créatures, après Adam. Il sera nécessaire de remettre en question non seulement l’opinion commune sur la méthode de datation au carbone 14, mais aussi bon nombre de théories courantes relatives à l’histoire de la terre. Cette remise en cause n’implique pas obligatoirement l’abandon de tous les modèles en vigueur.
Un mot à propos des implications scientifiques de la thèse de « l’absence de souffrance avant Adam » sur les six jours de Genèse 1. Celle-ci exige une sérieuse remise en question de certaines conclusions avancées par des spécialistes, quelle que soit la façon dont on interprète les « jours » de Genèse 1 : comme une succession de jours au sens littéral, comme un cadre littéraire, ou encore comme si les jours représentaient des ères géologiques. Si l’on donne un sens littéral aux jours de la Genèse, cela aura des conséquences dans le domaine de la cosmologie et de l’astronomie et en ce qui concerne l’âge physique de la terre. Cependant, en admettant l’hypothèse du cadre littéraire (cf. « l’interprétation littéraire » de Blocher), ou celle qui considère les jours de la Genèse comme des ères géologiques, si l’on situe la souffrance seulement après la chute, les retombées dans le domaine de l’étude de la terre, comme la géologie, sont immenses. C’est un sujet important, car les débats entre les chrétiens donnent parfois l’impression que l’interprétation des « jours » dans la Genèse est au cœur du sujet. Selon moi, le point de divergence dans la démarche méthodologique n’est pas entre la théorie de la vieille terre et celle de la jeune terre, ni entre l’évolution théiste (dirigée par Dieu) et la création spéciale qui prône la microévolution uniquement. C’est au contraire l’opposition entre ceux qui placent la souffrance avant Adam et les autres. Je me suis efforcé de montrer que la position que j’ai choisie ne s’appuie sur aucun passage en particulier, mais qu’elle est confortée par une série de textes et influencée par certaines doctrines chrétiennes, comme la théologie de la croix.
Cela ne constitue pas un argument en faveur d’une jeune terre. Il est possible d’être partisan d’une vieille terre et de rejeter ou d’accepter la souffrance pré-adamique. De même, il est possible d’être partisan d’une jeune terre et de rejeter la macroévolution, ou d’admettre la macroévolution mais pas la « mégaévolution »18, ou un créationniste jeune terre pourrait simplement dire que la courte échelle de temps implique qu’il ne pourrait y avoir que peu d’exemples de macroévolution19.
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Cet article a été initialement présenté lors du European Leadership Forum, à Sopron, en Hongrie, le 13 juin 2005, dans le cadre d’un dialogue avec le professeur Henri Blocher, qui avait proposé comme lectures préparatoires les chapitres 1-2 et l’annexe de son livre Révélation des origines, Plan-les-Ouates, Presses Bibliques Universitaires, 1979/1988/2001.↩
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Peter Williams dirige le centre de recherche Tyndale House, basé à Cambridge, au Royaume-Uni.↩
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Bien que la conception créationniste d’un univers jeune ne soit pas très répandue dans le milieu universitaire, l’idée selon laquelle l’auteur de Genèse 1 croyait que le monde avait été créé en six jours au sens littéral est quasiment admise par tous.↩
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Un certain nombre de scientifiques adventistes du septième jour semblent adhérer à ce point de vue, bien qu’ils ne soient pas très explicites à ce propos. Voir, p. ex., Harold Coffin, Origin by Design, Washington, Review and Herald Publishing, 1983, p. 15-16 ; Leonard Brand, Faith, Reason, and Earth History : A Paradigm of Earth and Biological Origins by Intelligent Design, Berrien Springs, Andrews University, 1997.↩
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Les citations bibliques proviennent de la Segond 21.↩
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Dans la phrase : « J’augmenterai la souffrance de tes grossesses », le verbe « augmenter » n’implique pas obligatoirement que cette « souffrance » était déjà présente auparavant. Il implique en revanche que celle-ci se manifeste de façon intense après (mais pas avant).↩
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Nous reviendrons plus tard sur le mot apparenté phtora, « corruption », qui apparaît en Rm 8.21.↩
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Blocher écrit dans Révélation des origines, Plan-les-Ouates, Presses Bibliques Universitaires, 1979/1988/2001, p. 35 : « Il faudrait déterminer si la mort animale est un ‹mal› pour la Bible ; il ne nous semble pas, et les discours de Dieu dans le livre de Job exaltent comme son œuvre la beauté terrifiante des bêtes de proie (Job 38.39s ; 39.29s et la description du Léviathan, chap. 41). » Je suis d’accord sur le fait qu’aucun texte n’assimile formellement la mort des animaux au mal. Toutefois, la lecture thématique que je fais de la Genèse suggère que la mort animale ne fait pas partie de la bonne création. De même que Dieu exalte les « bêtes de proie » comme étant son œuvre, il fait aussi l’éloge de la violente destruction de Ninive dans le livre de Nahoum, ou l’envoi des féroces Chaldéens en Habakuk 1.5, mais ces textes n’évoquent pas l’hypothèse d’un monde idéal. En revanche, lorsque ce monde idéal est décrit, les bêtes de proie y sont apprivoisées : ainsi les lions sont végétariens (Es 11.6-9, v. 7 en particulier). Alec Motyer voit clairement la vision d’Ésaïe 11 comme étant inspirée par des motifs édéniques (The Prophecy of Isaiah, Leicester, IVP, 1993, p. 124). Ce qui confirme que notre lecture concernant l’importance du végétarisme dans le récit de l’Éden n’est pas une interprétation moderne et abusive du texte.↩
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Par exemple Leon Morris, The Epistle to the Romans, Grand Rapids, Eerdmans, 1988, p. 321.↩
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Cependant, le fait que nous ne trouvions aucun fondement exégétique permettant de considérer la mort des animaux marins comme quelque chose d’important ne doit pas pour autant nous amener à la conclusion qu’il n’existe pas d’autres éléments pour le faire.↩
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Voir Henri Blocher, Révélation des origines, p. 18. Je suis d’accord.↩
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Henri Blocher, Original Sin : Illuminating the Riddle, Apollos, Leicester, 1997, p. 40.↩
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Selon la datation admise, les Aborigènes australiens sont arrivés il y a soixante mille ans. Les chrétiens qui sont d’accord avec la datation officielle doivent donc soit admettre que les Aborigènes ne sont pas des descendants d’Adam (ce qui risquerait de rendre l’évangélisation parmi eux encore plus difficile !), soit admettre qu’il faut faire remonter Adam à plus de quarante mille ans. Selon cette hypothèse, l’homme de Néanderthal se situe toujours avant et après « Adam ».↩
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Blocher, Révélation des origines, p. 252.↩
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Si l’on considère qu’il n’y a pas eu de souffrance avant Adam, non seulement toute cette souffrance est postérieure à Adam, mais beaucoup moins de créatures ont souffert. Dans ce scénario, parce que la période de développement des formes de vie est plus courte, moins d’animaux ont existé depuis la création de la terre et les fossiles qui subsistent représentent une proportion plus élevée des animaux qui ont existé que dans les autres scénarios.↩
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« Dieu s’inquiète-t-il des bœufs ? » (1Co 9.9) se rapporte bien sûr à un argument a fortiori, il ne s’agit pas d’une indifférence absolue de la part de Dieu à l’égard des animaux.↩
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Dans la Bible, il est dit parfois que les plantes « meurent » : Jean 12.24 ; 1Co 15.36-38.↩
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Brand, Faith, Reason, and Earth History, adopte ce terme.↩
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Voir, p. ex., Kurt P. Wise, Faith, Form, and Time : What the Bible Teaches and Science Confirms about Creation and the Age of the Universe, Nashville, Broadman and Holman, 2002, p. 198-199. Quelles que soient les époques, les adeptes de la jeune terre n’ont pas toujours été opposés aux changements majeurs intervenus dans les organismes. Voir, p. ex., le puritain Matthew Poole (1624-1679), A Commentary on the Holy Bible, réimpression Banner of Truth Trust, Édimbourg, 1962, p. 18 (commentaire sur Genèse 6.15 et réponse aux objections vis-à-vis de l’arche de Noé, jugée trop petite pour accueillir tous les animaux) : « Les différentes espèces d’animaux et d’oiseaux sont, selon les gens incultes, innombrables. Mais celles-ci font l’objet d’études approfondies de la part d’hommes instruits, qui ont écrit que les espèces se résument en fait à un peu plus de trois cents et qu’elles sont pour la plupart de petite taille. Bon nombre de ces espèces que l’on considère comme distinctes les unes des autres ne formaient à l’origine qu’une seule espèce, et ce bien qu’il existe actuellement de grandes différences entre elles de par leur forme et leurs caractéristiques. Différences dues au climat, à la nourriture et autres facteurs, entre autres des unions illicites entre ces animaux sans loi […]. » Sir Walter Raleigh (1554-1618) a fait les mêmes constatations au sujet de l’évolution après le déluge ; voir Davis A. Young, The Biblical Flood : A Case Study of the Church’s Response to Extrabiblical Evidence, Grand Rapids, Eerdmans, 1995, p. 57.↩