Présentation de Livre

Présentation de Livre

Roger POUIVET, Épistémologie des croyances religieuses, Cerf, 2013, 241 p. ISBN 978-2-204-10127-1, 25 euros.

Dans ce livre, Roger Pouivet, professeur de philosophie à l’université de Lorraine et directeur du Laboratoire d’histoire des sciences et de philosophie – Archives Henri Poincaré au CNRS, pose la question non pas de l’existence de Dieu, mais de la légitimité de la croyance en l’existence de Dieu et des autres croyances religieuses. Son propos ne cherche donc pas à apporter des arguments en faveur de l’existence de Dieu ou à critiquer les arguments en faveur de son inexistence, mais plutôt à réfléchir aux conditions qui permettent d’affirmer qu’une croyance religieuse peut raisonnablement être entretenue. C’est là l’objet d’une épistémologie des croyances religieuses (le terme « épistémologie » étant ici entendu au sens anglo-saxon d’une théorie de la connaissance et non au sens français plus étroit d’une philosophie des sciences). Il est en effet évident que toutes les croyances ne sont pas également raisonnables. La croyance que la terre est plate, par exemple, est déraisonnable. De même nous avons le devoir moral de ne pas entretenir des croyances irrationnelles. Nous pouvons par exemple reprocher à un armateur d’avoir cru de bonne foi (soyons optimistes) que son superpétrolier était sûr alors que c’était une épave dont le chavirement a provoqué une marée noire écologiquement désastreuse. Toute une tradition philosophique a ainsi nié la rationalité des croyances religieuses et, partant, estimé qu’un esprit rationnel ne devait pas les entretenir. L’objectif du livre de Pouivet est de prouver qu’il n’en est rien et qu’un individu peut être religieux et rationnel.

Le premier chapitre de ce livre, intitulé « L’éthique des croyances religieuses », présente les différents modèles épistémologiques à partir desquels la question de la rationalité des croyances religieuses, et partant leur moralité, peut être posée. Le premier modèle est l’épistémologie évidentialiste qui estime qu’une croyance n’est rationnellement légitime que si elle est soutenue par des raisons suffisantes. Les philosophes évidentialistes ont ainsi souvent pensé que l’absence d’évidences à l’existence de Dieu était une bonne raison de penser qu’il n’existe pas. Il existe cependant trois façons de critiquer cette conclusion athée. D’abord, démontrer qu’il existe bien au contraire de fortes raisons de penser que Dieu existe. C’est là l’objectif des arguments théistes (ontologique, cosmologique, téléologique ou moral). Ensuite, la deuxième façon est d’affirmer que les croyances religieuses n’ont pas à reposer sur des raisons mais peuvent reposer sur des émotions ou un sentiment, sans être pour autant déraisonnables. Pouivet ne rejette pas ces deux réponses à l’évidentialisme et leur reconnaît certaines qualités, mais il n’est « pas sûr qu’elles conviennent dès qu’il s’agit de défendre notre droit de croire ». La troisième façon, qui a la préférence de Pouivet, est de critiquer l’épistémologie évidentialiste et de proposer un autre modèle épistémologique. Le plus grand tort de l’évidentialisme pour Pouivet est en effet de penser que l’acceptation ou non d’une croyance par le sujet croyant se fait indépendamment de ses croyances antérieures. Au contraire, estime-t-il, nous avons besoin de certaines de nos croyances antérieures pour en acquérir de nouvelles sur lesquelles elles se fonderont, nos croyances les plus fondamentales (telles que par exemple la croyance que nous avons en la réalité d’un monde extérieur à notre conscience) étant des croyances dites basiques. Le modèle épistémologique dit fiabiliste affirme que les croyances religieuses sont de telles croyances basiques et n’ont donc à ce titre nul besoin de justification (de la même façon que nous ne demandons nulle justification à la croyance en la réalité du monde extérieur à notre conscience). Pouivet, cependant, critique cette identification des croyances religieuses aux croyances basiques, arguant que le propre d’une croyance basique est que sa perte s’accompagne d’un effondrement cognitif (voire, est symptomatique d’une psychopathologie, rajouterai-je). Or, la perte d’une croyance religieuse peut certes s’accompagner d’un effondrement existentiel et psychologique chez l’individu devenu sceptique, mais pas d’un effondrement cognitif (l’individu devenu sceptique peut toujours réfléchir et interagir avec le monde et ses semblables de façon normale). La préférence de Pouivet va à une épistémologie des vertus. Dans un tel modèle épistémologique, la légitimité d’une croyance repose sur le sujet croyant lui-même. C’est la possession par ce dernier de certaines dispositions, appelées vertus intellectuelles (comme la curiosité, l’impartialité, le courage intellectuel…) qui assure la légitimité de ses croyances.

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