Présentation

 

Introduction

 

 

En même temps qu’elle était l’année Calvin, 2009 a été aussi l’année Darwin, ce qui a beaucoup plus de signification et d’intérêt aux yeux de nos contemporains.

 

Le présent numéro de La Revue réformée ne cherche pas à présenter une réflexion sur Darwin ou sur l’hypothèse évolutionniste. Ailleurs, dans ou hors du christianisme, cette question a été largement débattue, même si le transformisme est accepté comme allant de soi. Ceux qui ne sont pas évolutionnistes ne jouissent d’aucune crédibilité et disposent de peu de moyens pour se faire entendre. D’une certaine façon, le darwinisme, après Marx et Freud, apparaît comme le dernier bastion du modernisme, qui n’est pas encore tombé, ses adeptes se comportant souvent comme s’il était indestructible.

 

Que convient-il de penser de cette situation du point de vue chrétien? Tout d’abord, face à la question «Croyez-vous ou non à l’évolutionnisme?», le mot croire correspond, selon les individus, à une ferme adhésion, une acceptation sans conviction ou beaucoup de doutes et de questionnements. Nombreux, sans doute, sont les chrétiens qui acceptent cette idée, soit parce qu’elle est jugée sage par l’opinion générale, soit parce que le temps des conflits entre foi et science est jugé largement dépassé.

 

Parmi les chrétiens «évangéliques», on observe, à l’heure actuelle, pas mal de changements dans bien des domaines et ce qui les distingue d’autres croyants tient moins à une conviction qu’à une différence de sensibilité et de pratique. C’est ainsi que, face à la théorie de l’évolution, les attitudes changent, non pas nécessairement dans le sens d’une adhésion sans faille, mais parce qu’elle serait majoritairement acceptée par les scientifiques. A cet égard, l’influence de Philippe Gold-Aubert1 ou celle d’Henri Blocher dans son livre Révélation des origines ont été importantes. Ce dernier, prudent et équilibré comme à son habitude, note que «le darwinisme a servi d’arme à la propagande athée et à l’assaut humaniste contre le christianisme traditionnel», et il cite Teilhard de Chardin, qui remarque que «trop d’évolutionnistes, en fait, ont commis cette lourde méprise de prendre leur explication scientifique de la vie pour une solution métaphysique du monde»2.

 

Au-delà de ces influences, il se peut que les changements d’attitudes observés dans les milieux évangéliques, en France en particulier, en ce qui concerne l’évolution, soient  principalement dus à l’influence des théories transformistes imposées, dans le système éducatif, à des jeunes dont le milieu d’origine spirituel est marqué, le plus souvent, par l’absence d’une théologie de la création. Pour s’adapter, ils ont dû savoir négocier un compromis entre l’adhésion à un Dieu-créateur distant, qui a fait quelque chose dans un passé très lointain, et à des théories comme celle du big-bang et l’apparition lente de la vie humaine. Les Eglises ont apporté très peu d’aide dans ces domaines de réflexion et, faute de savoir-faire, se sont appliquées à prôner le développement de la piété pratique ou du témoignage.

 

Tout cela conduit à donner l’impression – à tort peut-être – que, dans les milieux évangéliques en France, l’évolution n’est plus une question à l’ordre du jour, mais doit être acceptée comme allant de soi. On a pu lire, en effet, cette année, dans des publications «évangéliques», qu’une chronologie longue s’adapte de façon satisfaisante à l’interprétation des jours de la Genèse comme «périodes» de temps3, ou que le transformisme se recommande par le fait que 95% des scientifiques l’acceptent, ou qu’il est important de prendre ses distances vis-à-vis des «fondamentalistes», qu’ils soient Américains (très en vue dans la période post-Bush) ou islamistes, en se montrant ouvert à la science4. Ce type de «politique d’harmonisation» est dangereux pour la foi évangélique. En raisonnant de façon analogue, nous pourrions dire que Jésus est revenu à la vie le jour de Pâques parce qu’il est tombé dans un coma profond sur la croix, que la Bible n’est pas inspirée parce que 95% des théologiens acceptent la critique historique du texte sacré ou que, du temps de l’ancienne URRS, il fallait accepter le marxisme comme théorie dominante et devenir chrétien-marxiste.

 

La notion d’orthodoxie est importante: les êtres humains, même les plus intelligents, semblent capables de s’adapter à n’importe quelle orthodoxie religieuse, politique, scientifique ou technique, pour des raisons sociales de crédibilité, de reconnaissance ou, simplement, par ambition. Rares sont ceux qui, comme Alexandre Soljenitsyne, osent se situer en dehors des «orthodoxies» de leur temps pour les remettre en question ou pour développer des idées opposées, car, en le faisant, ils sont souvent méprisés. Tel est le cas, à propos du transformisme, de personnes comme Louis Bounoure, Jean Servier, R. Hooykaas ou, plus récemment, John Lennox ou Phillip Johnson. Bien sûr, objectera-t-on, ce ne sont pas des scientifiques! Mais les «scientifiques» se prononcent-ils vraiment en tant que tels ou s’expriment-ils comme des techniciens qui avancent des hypothèses métaphysiques douteuses sur les origines? A vrai dire, nous croyons en Dieu, en la résurrection ou à la vie éternelle, nous affirmons que Dieu nous aime ou même que le monde a été créé en six jours… non pas parce que les «scientifiques» nous le disent, mais tout simplement à cause de l’Ecriture, à cause de son enseignement.

 

Ce numéro de La Revue réformée n’aborde pas ces questions, même s’il serait nécessaire de le faire. Il soulève seulement la question de l’interprétation de Genèse 1. Dans les milieux évangéliques, au cours des années récentes, l’interprétation du «cadre» littéraire a été largement acceptée, en France, suite aux travaux exégétiques d’Henri Blocher, de Meredith Kline et d’autres. Cette interprétation ne conteste pas l’historicité de la création, loin de là. Elle n’est pas adoptée par ses partisans pour opérer une harmonisation avec les théories évolutionnistes, mais pour des raisons littéraires. Il est cependant évident que le «cadrisme» laisse la porte ouverte à la théorie de l’évolution, alors que l’interprétation traditionnelle des «six jours», qui ne peut pas être harmonisée avec l’évolution, conduit au contraire à l’exclure.

 

L’article de Paulin Bédard cherche, en présentant une critique du «cadrisme», à réhabiliter l’interprétation des «six jours». Il constitue un apport dans un débat qui se poursuit et dont la question centrale est «que dit l’Ecriture»? Les pages de cette revue restent ouvertes à d’autres échanges, comme déjà la courte réflexion d’Alain Georges Martin.

 

P. Wells

 

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