La prédication biblique : une prédication « ciblée »

La prédication biblique :
une prédication « ciblée »

Stuart OLYOTT*

Une prédication qui n’est pas « ciblée » n’est pas une prédication

C’est dans ce sens que Charles Spurgeon a dit: « Là où commence l’application, là commence la prédication. » De la même manière, John A. Broadus a écrit: « Dans la prédication, l’application n’est pas qu’un appendice au thème ou une partie subordonnée: elle en est plutôt le cœur. » Daniel Webster a déclaré: « Lorsque j’écoute une prédication, je tiens à ce qu’elle me soit personnellement applicable. » Et Geoffrey Thomas a écrit plus récemment: « Lorsque la prédication reste stérile, cela provient le plus souvent du manque d’applications. » De même, John F. Bettler s’exclame: « Dans la prédication, il s’agit non de parler de la vérité aux gens mais de leur dire la vérité. »

Ces affirmations sont-elles justes? Assurément, pour au moins trois raisons.

1. Nous prêchons la Bible: mais pourquoi Dieu a-t-il donné la Bible?

Dieu l’a donnée pour illuminer nos esprits afin de transformer nos vies. Rien dans la Bible n’est écrit pour satisfaire notre curiosité. Tout est écrit pour nous amener à la repentance et à la connaissance de Dieu en la personne de Jésus-Christ, pour nous transformer progressivement à son image. Il s’ensuit donc que toute prédication biblique qui n’a pas pour objectif de conduire les gens à se repentir et à croire en Jésus-Christ et, ensuite, à vivre en lui obéissant de mieux en mieux, non seulement n’est pas ce qu’elle devrait être, mais donne une fausse idée de la Bible.

Paul, sous l’inspiration de Dieu, a écrit: « Or, tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation que donnent les Ecritures, nous possédions l’assurance. » (Rm 15.4) Paul affirme que l’Ancien Testament a été écrit pour nous instruire afin de nous inciter à la persévérance et de nous encourager. Aussi, tout enseignement biblique qui se limiterait à dispenser des connaissances raterait son objectif. Un bon enseignement doit déboucher sur une mise en pratique adaptée à ses auditeurs.

Paul écrit aussi: « Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à toute œuvre bonne. » (2Tm 3.16-17) Les Ecritures n’ont pas été données seulement pour nous informer, mais aussi pour nous apprendre à vivre dans la sainteté. Tout enseignement tiré de la Bible doit donc viser le même objectif. S’il n’en est pas ainsi, la prédication n’est pas complètement fidèle.

2. La prédication selon la Bible confirme l’opinion des personnes citées plus haut

Dans la Bible, quatre mots sont traduits par prédication. Le plus couramment utilisé est kerusso,qui signifie proclamer comme un héraut. Le prédicateur a un message à proclamer, message qu’il n’a pas inventé mais qui lui a été confié. Comme nous l’avons déjà signalé, le message de la Bible s’applique à la vie: un héraut pourrait-il faire une proclamation royale sans indiquer ce que l’on attend de la part des auditeurs?

Le deuxième mot est euangelizo, qui signifie annoncer la bonne nouvelle: cette nouvelle est-elle à énoncer devant des personnes ou bien leur est-elle destinée? Il est clair que ce qui constitue une bonne nouvelle pour certains peut en être une mauvaise pour d’autres. La bonne nouvelle peut-elle être annoncée sans que ceux à qui elle est destinée se reconnaissent?

Le troisième mot est martureo, qui signifie porter témoignage de faits. Mais se limiter à annoncer des faits, rien que des faits, cela ne risque-t-il pas de susciter la réponse: « Eh alors? » Ne convient-il pas plutôt de préciser en quoi ces faits sont importants pour ceux à qui l’on parle?

Le quatrième mot utilisé est didasko, qui veut dire énoncer en termes concrets ce que signifie le message dans le concret de la vie.Une prédication dépourvue d’applications pratiques manque d’aspects concrets.

Dans le Nouveau Testament, une étude approfondie permet de constater que ces quatre mots sont utilisés de manière interchangeable. Dans une véritable prédication, ils se trouvent réunis. Aussi, dans la prédication, l’enseignement doit-il être accompagné d’applications pour se conformer à la définition du Nouveau Testament.

3. Exemples de prédication biblique soutenant notre thèse

Le plus grand prédicateur de tous est Jésus-Christ1. Toutes ses prédications comportent trois brins (axes): affirmer,illustrer,appliquer.Ces trois brins sont si étroitement liés ensemble qu’il est parfois impossible de dire duquel relève telle ou telle phrase. Car, grâce à la sagesse divine, les trois brins forment un seul fil. On le voit clairement en Matthieu 6.25-34. Pour notre Seigneur, pas de prédication sans application à ses auditeurs.

Il en va de même pour Jean-Baptiste. En Luc 3.7-18, on trouve un excellent exemple de sa prédication. Jean s’adresse directement à la conscience de ses auditeurs avec une force telle que ceux-ci s’écrient: « Que ferons-nous donc? » (v. 10) En réponse à leur question, Jean formule non pas de vagues généralités, mais des directives précises. La vraie prédication a toujours pour effet de susciter cette même question chez les auditeurs, même s’ils ne la posent pas à voix haute. La véritable prédication répond à la question qu’elle évoque.

Les apôtres n’ont jamais oublié ce qu’ils ont appris à l’école du Seigneur. La prédication de Pierre, le jour de la Pentecôte, est une attaque frontale visant la conscience de ses auditeurs. « Après avoir entendu cela, ils eurent le cœur vivement touché, et ils dirent aux apôtres: Frères, que ferons-nous? » (Ac 2.37) L’énoncé de la doctrine est suivi par une application. Une question, une fois posée, est accompagnée d’une application adaptée. Selon la méthode apostolique, la doctrine débouche toujours sur une application. Cela se vérifie, à maintes reprises, dans les épîtres. Dans la pensée de Dieu, un enseignement qui n’indiquerait pas une concrétisation appropriée est inconcevable. Il devrait en être de même pour nous.

Trois étapes vers la prédication « ciblée »

En Matthieu 6.18, notre Seigneur évoque avec ses disciples les questions de l’aumône, de la prière et du jeûne. Pour chacune, il leur indique ce qu’il faut faire, comment ils doivent procéder et pourquoi cela en vaut la peine. Nous avons déjà noté que la méthode du Seigneur est affirmer,illustrer etappliquer.La troisième étape, appliquer, peut se diviser en trois:

1. Que faire?

La vérité ayant été proclamée, les auditeurs ont besoin de savoir ce que cela signifie en pratique. Qu’exigent, de leur part, ces vérités proclamées?

Parfois, la visée est large, tandis qu’à d’autres moments, elle est plus directe. Voilà pourquoi de nombreux passages de la Parole de Dieu s’adressent directement aux épouses, aux maris, aux enfants, aux maîtres, aux esclaves, aux jeunes, aux vieillards, etc. Le doigt est posé sur chaque problème ou situation spécifique, générale ou particulière. Chaque auditeur doit pouvoir conclure que le message lui est destiné, sans pour autant avoir été mis en cause personnellement par le prédicateur.

Les prédicateurs se préoccuperont, donc, de faire apparaître les leçons qui surgissent directement de chaque passage étudié, sans toutefois en faire un inventaire exhaustif. Il importe, en effet, de proposer des applications qui correspondent aux situations de ceux qui écoutent. Ainsi, les auditeurs comprendront que c’est le texte même de la Parole de Dieu s’adresse à eux, et non un homme qui se jugerait habilité, en quelque sorte, à leur dire comment ils doivent vivre. Le prédicateur, lui aussi, vit sous l’autorité de la Parole de Dieu et s’incline devant la Seigneurie du Christ. Il s’ensuit que même s’il dit vous, il se fera à lui-même une application humble, simple et naturelle de la Parole.

2. Comment le faire?

Notre Seigneur ne s’est pas limité à instruire ses disciples au sujet de l’aumône, de la prière et du jeûne. Il leur a dit comment faire en prononçant une parole divine, donc infaillible. Le prédicateur, quant à lui, ne propose aucune application infaillible, à moins qu’elle ne soit clairement indiquée dans les pages du livre de Dieu. Cela va de soi.

Le prédicateur peut seulement suggérer des conseils utiles, car il n’a aucun pouvoir législatif. Il n’a pas qualité pour lier la conscience d’autrui lorsque Dieu ne le fait pas explicitement.

Cependant, il est certain que les chrétiens ont besoin qu’on leur explique comment faire; or, dans de nombreuses communautés, on ne le fait pas. Par exemple, il ne suffit pas de tirer des Ecritures l’enseignement que les maris et les pères sont responsables devant Dieu de l’organisation et de la conduite du culte de famille; ils ont besoin d’indications sur la manière de le faire. Il ne suffit pas de dire que les mains devraient être occupées à travailler pour le royaume de Dieu; il est nécessaire de préciser, de façon claire et explicite, en quoi cela consiste concrètement. Il ne suffit pas non plus de dire aux personnes âgées qu’elles n’ont pas à redouter la mort; il faut leur expliquer, en termes clairs et nets, comment faire lorsque cette peur s’empare d’elles.

Une prédication « ciblée », bien adaptée aux croyants, ne consiste pas à les fustiger. Lorsque la prédication est concrète et pratique, ceux-ci se savent face à un prédicateur ayant un cœur de pasteur. Un prédicateur qui aime les personnes auxquelles il s’adresse ne se limite pas à leur dire ce qu’il faut faire; il leur dit aussi comment, tout comme des parents apprennent à leur enfant à faire la cuisine ou à taper dans un ballon de foot. Voilà comment les prédicateurs enseignent aux fidèles à débuter dans la vie chrétienne et à la vivre pleinement.

3. Pourquoi cela en vaut la peine

Le prédicateur est appelé à faire preuve de persuasion: « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes. » (2Co 5.11a) Dire ce qu’il faut faire suffit rarement pour inciter à le faire. Même si les croyants ont bien perçu ce qu’ils devraient faire, la mise en pratique peut encore leur poser des problèmes.

La prédication doit convaincre et montrer pourquoi cela vaut la peine. Le cœur humain est si tortueux que même si nous savons ce qu’il faut faire et comment le faire, nous protestons parfois: « A quoi bon? Cela en vaut-il la peine? » Il incombe aux prédicateurs de montrer pourquoi cela en vaut la peine.

La prédication n’a pas pour autant à s’étirer en longueur. Elle doit être brève, vivante et directe afin que les auditeurs comprennent que pour rendre gloire à Dieu et lui faire honneur, pour connaître sa bénédiction et marcher réellement dans les voies de la sainteté, pour aimer leur voisin comme eux-mêmes, aucun chemin n’est meilleur que celui de l’application de la Parole. Si le message s’y prête, que l’émotion ait libre cours! Les auditeurs seront-ils remués si le prédicateur ne l’est pas? Comment un officier d’infanterie fait-il pour conduire ses hommes face à l’ennemi? Lui suffit-il de donner froidement des ordres? Ne s’efforce-t-il pas plutôt de leur expliquer pourquoi remporter cette bataille est important, et ce qui se passerait si elle était perdue? Il explique sa stratégie avant de s’écrier: « En avant! »

L’ardeur n’est pas une preuve d’onction, mais en manifester n’est pas pécher. Il ne s’agit pas de l’émotion artificielle d’un comédien, mais de celle qui manifeste un attachement solide à la vérité révélée. Le prédicateur ressent des sentiments profonds. Le Nom de Dieu n’est-il pas gravement atteint par la désobéissance de l’Eglise? Des milliers de personnes qui se disent chrétiennes ne contreviennent-elles pas aux prescriptions bibliques, se mettant ainsi en danger de mort éternelle? Des chrétiens innombrables ne passent-ils pas à côté de la pleine bénédiction de Dieu dans leur vie en raison de leur ignorance et de leur confusion d’esprit? Ne sont-ils pas nombreux ceux qui écoutent la Parole de Dieu, semaine après semaine, sans être convertis? Y a-t-il rien de plus merveilleux que de marcher avec Dieu, de contempler son Fils, de connaître sa paix, sa providence et sa direction? Comment se fait-il, alors, que la prédication soit si plate sur le plan des émotions? Ne devrait-elle pas plutôt vibrer d’encouragements à être joyeux, à être reconnaissant? Ne devrait-elle pas exprimer la compassion, la pitié, la tristesse, la colère devant le péché?

C’est ainsi qu’un prédicateur prêchera avec conviction.

Des conseils pratiques pour préparer une prédication « ciblée »

1. Connaître ses auditeurs

Le prédicateur qui se trouve dans une Eglise qu’il ne connaît pas peut, cependant, avant de prêcher la Parole, se renseigner sur ses auditeurs. Devant son auditoire habituel, il lui appartient de s’interroger en permanence sur la situation spirituelle de la communauté. Où en sont ses membres du point de vue spirituel? Sauvés ou perdus? Grandissent-ils dans la foi, ou piétinent-ils plutôt? Quels sont leurs joies, leurs chagrins, leurs problèmes, leurs tentations? Quelle est leur manière de penser (question importante, puisqu’il doit adapter son style en conséquence)? Quels sont les obstacles susceptibles de les empêcher de comprendre ou de mettre en pratique la vérité prêchée? Quels sont leurs préjugés? Leurs incompréhensions? Quel est leur niveau d’instruction? Quelles illustrations vont le mieux leur convenir?

Le prédicateur doit s’interroger sans se lasser. Il devrait connaître les circonstances personnelles de chacune des personnes qui fréquentent l’Eglise, avoir une vue suffisante de la forme que revêt leur journée, savoir quelles sont leurs relations familiales, leurs amis, leurs activités de loisirs et quelle a été leur vie jusqu’ici. Il lui appartient de ne pas s’arrêter tant qu’il ne connaît pas chacun intimement.

Pour en arriver là, une seule solution: passer du temps avec chacun des membres de l’Eglise. Avant et après le culte sont des moments privilégiés pour avoir des conversations utiles, mais cela est loin de suffire. Le prédicateur doit les accueillir chez lui, leur rendre visite chez eux le plus souvent possible. La prédication et le travail pastoral sont intimement liés, et cela devrait être visible en pratique. Il revient au prédicateur de trouver des façons de passer du temps avec chaque membre de l’Eglise, d’avoir des activités avec tous, de connaître les enfants et les jeunes comme des êtres à part entière. Ainsi il prêchera à des personnes qu’il connaît et qui le connaissent.

2. Prier pour les auditeurs

Celui qui prêche la Parole est tenu de prier pour tous ceux qui l’écoutent. Tenir une liste de prière hebdomadaire est utile afin de prier pour tous. Pourquoi ne pas s’arrêter, à différents moments de la journée, pour essayer d’imaginer ce que les membres de l’Eglise sont en train de vivre, ou bien se rendre à l’église et s’asseoir à la place des uns et des autres, les imaginer en train d’écouter le message en cours de préparation et se demander comment ce message va les aider? Y a-t-il quelque chose qui pourrait éventuellement les distraire – par exemple, dans le bâtiment – dont le prédicateur se servirait pour les aider à comprendre la vérité et à la fixer dans leurs esprits?

3. Penser aux auditeurs en préparant un message

Autrement dit, le prédicateur doit penser non à un auditoire idéalisé, celui dont tout pasteur rêve, mais à celui qui se trouve devant lui dimanche après dimanche.

Il s’agit de méditer un passage ou le texte de la prédication, de se demander pourquoi l’Esprit Saint l’a mis dans la Bible. Ce fil conducteur trouvé, il est intéressant de le formuler en une seule phrase. A partir de ce moment-là seulement, il est possible de préparer un message et, en le travaillant, de veiller à ce que son contenu ne s’en écarte pas. L’exposition du texte doit parler aux gens de leur âme et de leur vie. Il faut veiller à ce que tous les points principaux de la prédication s’adressent vraiment aux auditeurs et ne se limitent pas à une transmission d’informations. Il peut être utile de parler à la deuxième personne.

Le serviteur de Dieu qu’est le prédicateur aura tout intérêt à suivre la méthode établie par Dieu. Il divisera une feuille en trois colonnes intitulées: affirmer,illustrer,appliquer. Dans la première colonne, il écrira les informations à transmettre. Dans la deuxième, il trouvera une illustration correspondant à chacun des principaux points de l’enseignement. La troisième colonne, quant à elle, sera, à son tour, divisée en trois: Que faire? Comment le faire? Pourquoi cela en vaut la peine. Cette dernière colonne permettra de présenter des applications pour chaque élément de l’enseignement dispensé. Procéder ainsi ponctuera la prédication d’applications réfléchies et utiles qui retiendront immanquablement l’attention. L’auditeur dont la conscience est touchée comme celui qui a reçu de quoi mieux construire ses pensées et vivre sa vie ne s’endormiront pas!

4. Il ne reste qu’à prêcher!

Une prédication n’est rien tant qu’elle n’a pas été prêchée. Celui qui la prononce doit regarder chacun droit dans les yeux, lui parler avec une voix naturelle et un amour débordant, sans penser à lui-même. Il cherche la gloire de Dieu et le bien de chaque homme, chaque femme, chaque enfant présent devant lui. Il ne parle pas en l’air, mais vise la conscience de chaque auditeur. La mission du prédicateur est de faire en sorte que les pécheurs deviennent saints et que les saints croissent en sainteté.

Chrétien vit, suspendu au mur, le portrait d’un homme remarquable.

Ses yeux étaient levés vers le ciel; dans ses mains, il tenait le meilleur des livres; la loi de vérité était écrite sur ses lèvres, et le monde se trouvait derrière lui. Il avait l’attitude de quelqu’un qui plaide avec les hommes, et une couronne d’or était suspendue au-dessus de sa tête2.

Dans Le Voyage du pèlerin,John Bunyan décrit ainsi le vrai prédicateur de l’Evangile. Quel prédicateur n’aspirerait pas à ressembler à cet homme ?

* Stuart Olyott est professeur à la Faculté de théologie évangélique du Pays de Galles, à Brigend, et « pasteur des pasteurs » au sein du Mouvement évangélique du Pays de Galles. Cet article a été publié dans Foundations (no 40), 26-30.

1 Cf. l’ouvrage récent de S. Olyott, Prêcher comme Jésus (Chalon-sur-Saône: Europresse, 2004).

2 J. Bunyan, Le Voyage du pèlerin (La Bégude-de-Mazenc: CLC, 1970), 39.

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