Jean Brun, Une introduction à sa pensée


Jean Brun, Une introduction à sa pensée

Denis MOULIN*

Né à Agen au sein d’une famille protestante en 1919, bachelier ès lettres en 1937, Jean Brun étudie ensuite à la Sorbonne; il passe son agrégation de philosophie en 1946, après le temps difficile de la Seconde Guerre mondiale. Il enseigne alors à Nîmes, Bordeaux, à l’Institut français à Londres, où il a passé six années, et, finalement, en région parisienne comme professeur de français et de philosophie. En 1955, il commence une thèse de doctorat ès lettres, qu’il soutiendra en 1961. Celle-ci est intitulée Les conquêtes de l’homme et la séparation ontologique. Il écrira aussi une thèse sur La main et l’esprit, concernant le prendre et le comprendre. Il sera professeur honoraire de l’Université de Mayence, en Allemagne, et devient, enfin, directeur du département de philosophie à l’Université de sciences humaines de Dijon. Il sera membre de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon. Il a été professeur associé de la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence dès son démarrage. Il écrit de multiples articles et a donné des conférences; il se déplace en Europe, en Amérique, en Afrique, à Jérusalem… Marié, avec un enfant, il est passionné d’art, et se fait connaître par ses ouvrages sur les philosophes grecs, sur l’histoire de la philosophie et par plusieurs autres livres, où il exprime sa passion de la vie et son combat de philosophe et de chrétien.

Il a écrit une trentaine d’ouvrages; réputé pour sa verve acérée, il a marqué le monde protestant, lui-même éludant scrupuleusement les catégories. Après sa disparition en 1994, le journal local de Dijon a titré « Dijon a perdu son philosophe ».

1. Une approche apologétique

« Le problème est de savoir si l’expérience de la séparation (ontologique) implique une sorte de structure ontologique fondamentale, ou si, au contraire, elle est ce à l’exorcisme de quoi l’homme peut et doit travailler. »1

« L’homme tente de dépasser sa condition d’existant, d’être ontologiquement séparé. Brun étudie bon nombre de ces tentatives de dépassement et… se consacre à l’analyse de l’échec des tentatives d’autodépassement de l’homme. »2

Comme Kierkegaard, qui pense que l’homme est en fuite à cause de cette nostalgie de la complétude perdue, et qui situe l’angoisse comme un révélateur existentiel pouvant mener à la transcendance, dans la perspective de la limite de l’instant, Brun considère l’homme comme un être de la cassure. Celui-ci est ainsi soumis à une tension entre ce qu’il est et ce qu’il ne peut être. En tant qu’homme à l’image de Dieu, la conscience de sa misère devrait l’orienter vers un possible salut. La séparation survenue après la chute entraîne le désir de « ne plus », le regret du « aurait dû être », l’espoir du « pas encore »; l’homme cherche à combler son manque, à réduire la distance créée par cette séparation, car il en souffre. Dans l’introduction de son livre A la recherche du paradis perdu, Brun énonce que « depuis que l’homme a une histoire, il n’a cessé de travailler à substituer au jardin d’Eden, dont il gardait la nostalgie, un paradis terrestre que la science et la technique lui assuraient être à portée de sa main ».

Pour Brun, l’homme a une histoire, car son processus historique est appuyé par son désir de devenir autre que ce qu’il est. Sans cesse revient cette idée de perte de santé originelle, et donc cette quête de guérison, et cette quête est en elle-même une maladie, car espérer se guérir par soi-même est une maladie. Nous touchons là la clef de sa démarche: l’homme est conscient d’être perpétuellement malade, cela prouve une perte ainsi qu’une attente de référence. Brun va s’atteler à démystifier l’idée de paradis perdu comme l’idée de paradis à venir, dénonçant l’homme comme un mythographe (chercheur de paradis perdu) ou, pourrait-on dire, un « progrégraphe » (chercheur de paradis à venir). P. Berthoud parle de correspondance entre le désir humain et le salut, car coïnciderait chez l’homme ce désir de revenir à ce qu’il n’était plus, avec ce qu’il aurait dû être. Se tourner vers le maintenant serait la bonne démarche, qui réorienterait l’homme dans une recherche verticale et lui permettrait de cesser d’avaler de l’existence comme un omnivore particulièrement vorace. La surabondance de consommation ne fait que dévoiler la disette de l’homme, comme ses errances démontrent l’existence d’un véritable chemin. N’est-ce pas la séparation, entraînant pour l’homme tous ces essais de sortir de lui, tous voués à l’échec qui, par ces échecs à vouloir sortir de soi, peut amener l’homme vers la transcendance? Celui-ci, en effet, constatant son impossibilité à sortir de sa condition, peut alors s’interroger sur une solution qui ne vient pas de lui-même. C’est le leitmotiv chez Jean Brun: la nécessité d’une transcendance. Pour lui, la prétendue réussite de la technique est un leurre, voire une aliénation. Brun tourne en ridicule ce qui glorifie l’homme, avec cette tendance sarcastique qui caractérise celui qui sait écrire, polémiquer et prendre appui sur sa grande culture, pour communiquer ses sujets d’analyse. Tel un médecin, il formule un diagnostic sur son époque et ses dérives, il prend plaisir à dénoncer l’illusion d’une tendance de déification de l’homme.

Brun est qualifié de néoplatonicien à cause de sa nostalgie de l’état d’origine: une constante chez lui. Il relève la tentative, chez l’homme de tous les temps, d’effectuer un retour à l’origine. Il la dénonce, car ce serait, il est vrai, nier le péché de la condition humaine. Le rêve de l’homme est, en effet, de renaître, de retourner au non-né, de « couper les licous » de l’espace et du temps, de l’existence, afin de s’arracher au « ghetto humain ». Brun pense qu’il s’agit de la principale raison des vagabondages de l’homme. G. Canguilhem résume la démarche de notre auteur: « Toute l’œuvre de Brun est une exhortation à nous résigner à n’être pas à nous-mêmes notre propre solution. »3

Il s’agit d’une approche négative indirecte de la transcendance, parce que « l’homme se caractérise par sa recherche de l’Etre, et par l’échec de cette recherche »4. Pour Brun, l’échec est une réussite, un signe de notre besoin de transcendance. « Il s’agissait d’amener son auditeur ou son lecteur à se poser la question de Dieu, au seuil de la foi, c’était aux théologiens de poursuivre. »5Il pensait qu’il était bien suffisant d’indiquer la maladie, et pas la façon de la traiter, qui appartient à Dieu. Il s’agit d’une invitation à la réflexion sur le sens de l’existence, la douleur de l’existence humaine face à elle-même, et sur la tendance de l’homme à chercher à s’évader de sa condition. C’est pourquoi Brun dénonce les tentatives d’autodépassement de l’homme; mais derrière cette dénonciation, il vise en fin de compte la possible ouverture à la transcendance. Il sonde la négativité du monde, mais conclut que « ce n’est pas l’homme qui monte vers Dieu, jusqu’à s’identifier à Lui, c’est Dieu qui descend vers l’homme par la Révélation et par l’Incarnation »6.

Le thème de la séparation est de nature apologétique. Brun part du texte de la Genèse pour fonder sa vision tragique de la condition humaine. Dès la Genèse est apparue la séparation qui a entraîné les tentatives de dépassement, vouées à l’échec, échec qui, lui, peut conduire à la transcendance; et la boucle est bouclée. L’approche de Brun est plutôt existentielle. Il la mène à travers une démarche herméneutique, par l’analyse rétrospective de l’évolution, traduite de façon significative par les mises en place scientifiques. Il va démasquer, derrière ces pensées et ces techniques, le Grand Désir d’auto-extase (qu’il soit d’aspect involutif, imagé par la quête de la chambre centrale du labyrinthe, ou d’aspect évolutif, représenté par la quête de la sortie du labyrinthe) par lequel l’homme tente de s’arracher à sa condition d’être séparé. Nous pouvons retenir que « le refus du Sacré condamne à faire de l’homme un forcené, ou une loque »7, c’est-à-dire un boulimique s’évertuant à toujours inventer, ou un désœuvré s’évadant par tous les moyens possibles. Brun remonte l’histoire et, chaque fois qu’il le peut, il dévoile les pensées cachées des hommes: telle est la tâche qu’il se fixe, sa façon de procéder.

2. Une manière de philosopher

Jean Brun se consacre, tout d’abord, à l’histoire de la philosophie: ses premiers ouvrages traitent des penseurs de l’Antiquité. Il cherche à restituer ce que les auteurs ont dit, mais il sonde aussi la signification profonde du message qu’ils ont transmis, car il pense que le Désir se cache derrière le texte; il veut le dévoiler. Il traque la signification existentielle d’un écrit, l’intention qui se trouve derrière: c’est sa façon de philosopher. C’est le rôle que Brun fixe à la philosophie: la démystification de l’idée même de solution proposée par tous ces courants de pensée, cette course au confort techniciste.

Sa philosophie est originale; Brun puise dans la philosophie grecque, la tradition judéo-chrétienne, la poésie, la peinture et fait émerger le prestige des mythes et des symboles. Il voit la philosophie comme un moyen de témoigner de la vérité, de dire ce que l’homme n’est pas. Par la philosophie, il jauge les pensées des personnes. La philosophie dresse un constat du sort commun, cherche à amener une prise de conscience de la condition tragique de l’existence humaine, l’homme ne pouvant s’en sortir par lui-même. Brun légitime la philosophie, mais celle-ci n’a de sens qu’à condition de déboucher sur autre chose qu’elle-même; pour lui, elle doit interroger, développer l’esprit critique, montrer l’échec, faire taire les « bruits », pour faire entendre la « Voix ». Brun lutte pour que « ne s’évanouissent (pas) le sens critique et la réflexion au profit d’un appétit tenu en éveil »8. Il déplore que les philosophes soient souvent à la recherche de terrains pour construire leurs Tours de Babel intellectuelles. Il insiste sur le rôle de la philosophie, qui est de se livrer à un travail de démythologisation, non pas sur les mythes, mais sur ce qui prétend nous en délivrer. « La philosophie sera vraiment démystifiante en montrant que quoi qu’il dise, l’homme ne se libère pas du Sacré. »9

Brun a été influencé, notamment, par Blaise Pascal, pour qui il n’y avait qu’une alternative: venir à la foi chrétienne ou se divertir; on retrouve également ce côté tragique et douloureux de l’existence chez lui. Brun cite souvent Kierkegaard qui, également, respire cette douleur de l’existence; il lui emprunte l’image du Juif errant, qui représente, pour l’œuvre brunienne, chaque individu recherchant sa demeure initiale. Kierkegaard est très important pour Brun, qui a écrit les introductions de la nouvelle édition de ses œuvres. Pour Kierkegaard, la foi est la mise en présence tragique de la transcendance divine en sa qualité de manifestation du Tout Autre. Il pensait déjà que l’homme aspire à être son propre sauveur tout en ne réussissant qu’à être son propre bourreau. Kierkegaard prend la suite de Pascal dans la représentation tragique de l’existence; on passe de l’effroi pascalien à l’angoisse kierkegaardienne. Kierkegaard posait la question: « Où est ma demeure? », ce qui représente la condition humaine qui a le mal du pays sans avoir de pays. Brun fera référence à l’opposition kierkegaardienne entre la pensée conceptuelle et l’existence, quand il parlera de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal (l’homme tentant par la connaissance conceptuelle d’être Dieu) et de l’Arbre de la vie (qui correspond à une vie avec Dieu). On ressent, chez Brun, la douleur de l’existence humaine face à elle-même, aux choses et au monde. Kierkegaard dit s’être « efforcé d’éveiller l’inquiétude intérieure »10, car la foi est une inquiétude à son sens; il sera affublé du terme de fidéiste lui aussi. Kierkegaard émet déjà l’idée qu’il faut lire un philosophe pour ce qu’il nous dit littéralement, mais aussi pour comprendre la signification profonde, existentielle des choix intellectuels qu’il propose dans son système. Il confère à la philosophie le rôle de faire découvrir à l’homme sa misère et de lui apprendre à se méfier de ses désirs.

Le bagage culturel et historique de J. Brun l’amène à élaborer de savants rapprochements entre les histoires imaginées par les hommes, et les idées et réalisations qui se sont ensuivies. Outre le Juif errant, il affectionne la mythologie; peut-être pense-t-il, comme I. Malaguti, que « dans le mythe, l’intemporel est présenté sous la forme d’un récit. C’est une façon de saisir intuitivement des réalités métaphysiques et cosmologiques, permettant ainsi de transcender le monde sensible. »11

3. Des points d’appui: les mythes

Jean Brun pense que les mythes sont comme des précurseurs. Les Grecs auraient traduit le Désir d’autodivinisation de l’homme, d’éclatement du Moi, par des histoires mythologiques. Il avance que « sous la forme de mythes, on trouve chez les Grecs la formulation de tout ce que la technique s’efforce de réaliser, à travers l’histoire de l’Occident. Les mythes n’engendrent que ce que les hommes leur avaient initialement confié, sans en avoir une pleine conscience, à savoir une quête de l’extase. »12

Brun est marqué par le mythe prométhéen. Il le trouve révélateur de la correspondance entre le symbole mythique et le Grand Désir caché de l’homme de se passer de transcendance (Prométhée dérobe le feu aux dieux pour le donner aux hommes et se retrouve puni par les divinités, condamné à souffrir sans cicatrisation possible). Pour lui, Prométhée incarne l’homme qui aspire à briser la chaîne qui l’empêche de devenir autonome. Il voit, dans la mythologie grecque, des héros du désespoir, qui cherchaient à arracher aux immortels quelque secret de leur puissance, afin de conférer aux humains la possibilité de s’affranchir de leur douloureuse finitude temporelle; mais tous, en punition de leur audace, se sont trouvés condamnés à un temps sans fin, la mort perpétuelle. Citons rapidement quelques mythes que Brun énonce dans ses ouvrages. Phaéton conduit le char solaire et frôle, avec cet engin, la catastrophe, ce qui lui vaut d’être foudroyé par Zeus. Ixion, pour avoir brûlé d’amour pour la femme du Roi des dieux, se retrouve hurlant sans fin, cloué sur une roue. Et puis Sisyphe, condamné à une tâche sans but, de pousser éternellement un rocher qui redescend toujours, parce qu’il a enchaîné le dieu de la mort. Ou, encore, Tantale, qui vole le nectar à la table de Zeus, et qui se trouve à jamais avec un rocher qui ne tombe pas au-dessus de lui…

Pour Brun, « l’homme vit de mythes auxquels il a confié son Grand Désir, celui de devenir son propre Dieu; la capacité de se délivrer par lui-même, et de lui-même »13. Il va puiser ses images dans la mythologie, comme celle du labyrinthe existentiel, venant du mythe de Dédale et d’Icare, qui s’en évadèrent en se fabriquant des ailes. Cela représente l’homme qui cherche à s’évader de sa condition d’être séparé, et qui trouve une solution technique. Brun affectionne les métaphores; il établit des liens, il prend des modèles dans les mythes: Zeus, avec sa foudre à la main, représente l’homme qui conquiert l’énergie; l’acte d’Icare signifie le désir d’utiliser le moteur pour voler… Brun réécrit l’histoire de la technique dans Les masques du désir et Le rêve et la machine. Pour lui, « Science et technique sont les grandes stratégies par lesquelles l’homme s’efforce de remporter une victoire définitive sur la séparation, en demandant à la connaissance et aux œuvres (techniques) d’opérer les efficaces dépassements salvateurs. Elles sont des entreprises de franchissement. »14Son livre, Le retour de Dionysos, nous parle de ce dieu mythologique de l’ivresse, de l’exaltation, qui amène à s’évader hors de l’existence, à perdre la conscience de soi. L’œuvre de Brun est parsemée de ces histoires mythiques, qui montrent en même temps le désir de libération et ses limites face à la délivrance. Il va amplifier cette analyse par le langage en double teinte qu’il utilise parallèlement.

4. Une argumentation sémantique

Qu’on les appelle des paires antithétiques (H. Blocher), des doublets (B. Rickenbacher), binômes ou vocables sémantiques voisins, on note que Brun s’exprime par ces tandems linguistiques; il les multiplie. Citons-en quelques-uns: sauvetage et Salut, question et Interrogation, signification et Sens, situation et Condition, pauvreté et Misère, espoir et Espérance, libération et Délivrance, dévoilement et Révélation, intermédiaire et Médiateur… Ces termes se ressemblent, mais Brun en relève l’ambiguïté. Il affectionne de faire des distinctions linguistiques, pleines de signification. Il signifie qu’un sauveteur libère d’une situation, mais un Sauveur délivre d’une Condition; l’homme obtient des réponses à ses questions, toutefois, il lui reste sa grandeInterrogation; la signification s’exprime par déductions, en revanche, la parabole ouvre au Sens; on peut passer de pauvre à riche et, pourtant, être dans la Misère; il est possible d’être déçu dans ses espoirs et, malgré tout, garder l’Espérance; un intermédiaire s’efforce d’établir des relations entre deux personnes, quant au Médiateur, il est celui qui effectue la relation. Entre ces couples de mots, il y a une frontière; un terme implique l’autre. On retrouve là son approche négative: « L’expérience du Salut ne peut être découverte que grâce aux ombres qui nous la cachent, mais cependant l’impliquent »15, « le négatif ne nie pas le positif; il l’implique »16. Une expression du binôme entraîne l’autre, l’élément premier (dans notre énumération binaire) et secondaire dans sa portée implique l’élément second et primordial dans sa portée. Cependant, bien qu’il insiste fortement sur ces différences, Brun est tout à fait discret en ce qui concerne le terme capital de cette phraséologie binôminale. Il interroge, mais ne décrit pas ce qui a trait aux termes principaux.

A l’image de Pascal qui fonctionnait par aphorismes (l’homme est un roseau pensant, le cœur a ses raisons que la raison ignore…), Brun utilise des métaphores (pèlerins existentiels, nudité humaine, lumières de l’esprit ainsi que de nombreux synonymes: échappatoire, alibi, leurre, illusion, masque, ersatz, utopie, détour, prothèse…). Il veut frapper par le langage, provoquer un effet sur le lecteur.

Signalons également les belles pensées sur ce que nous appellerons les témoignages résiduels que sont la Beauté, le Langage et l’Amour, les trois composants, qui constituent une autre manière que Brun a de questionner l’homme. Car, exprime-t-il, l’homme constate ces trois éléments, mais il n’en est pas l’auteur. Brun actionne sa machine à remonter le temps et passe en revue les idées avancées par les hommes. Il ressemble à un surveillant de l’histoire.

5. Repères historiques

« L’homme est-il dans l’histoire, ou fait-il l’histoire? » Telle est la question que pose Brun. L’homme n’est pas auteur. L’histoire a un sens, un début et une fin, un commencement, un achèvement. Brun s’oppose à Nietzsche et à sa théorie de l’éternel retour, qui annihile le sens de l’histoire. Il pose l’« irréversibilité du temps »17. Il raconte l’histoire de l’humanité, qui a reporté sur l’homme la confiance qu’elle devait placer essentiellement en Dieu. La course au savoir a fait dériver le cours de la pensée, prétendant s’acheminer vers une connaissance totale, afin de réaliser l’Homme total (expression empruntée à Marcuse). Dans Vérité et christianisme notamment, il nous fait suivre l’évolution de la pensée humaine, il explore les tentatives de propositions de solutions des philosophies, lesquelles amènent toutes, pour lui, à des seuils significatifs que l’existence rencontre devant elle, et que l’homme franchit, poussé par le Grand Désir. La connaissance n’est qu’un masque de ce Désir d’autodivinisation, avec l’espoir que la connaissance absolue élèverait l’homme au rang de Dieu.

Brun décrit quatre étapes de la conception de la vérité: « Le monde grec jusqu’à Plotin, l’accession à la vérité; les temps modernes, les fondements nécessaires à l’instauration de la vérité; puis Hegel qui montre la dynamisation de la vérité par la dialectique et, enfin, Nietzsche, la désintégration de la vérité. »18

Sans être exhaustif – l’œuvre brunienne étant particulièrement dense – parcourons, rapidement, les cas de quelques personnages qui ont eu un certain retentissement, étant bien conscient des oublis que cela génère et des raccourcis impliqués par une synthèse approximative. Brun commence par critiquer Platon qui espérait que l’homme trouverait les outils pour retrouver son harmonie perdue, ainsi qu’Aristote qui suggérait que l’humain puisse être en mesure de remonter jusqu’aux causes premières. Puis, c’est au tour de Plotin qui pensait que la vérité était en l’homme, voire l’homme lui-même (à l’image de l’évangile de Thomas). Après Plotin, outre Montaigne que Brun signale parce qu’il relativisait la vérité selon les mœurs, c’est Descartes qui le marque particulièrement, pour ce qui concerne la pensée occidentale. Descartes assimilait le mal à l’ignorance et pensait qu’il suffisait de bien conduire la raison pour chercher la vérité dans les sciences. La vérité est alors question de méthode déductive; avec cette conception, l’homme n’est plus perdu, il est égaré du droit chemin, et il n’a alors besoin que d’une méthode pour y revenir. Passons rapidement sur Spinoza, qui voit Dieu en nous, et Malebranche, qui perçoit la vérité dans l’intelligence, et arrivons à Kant, qui, lui aussi, échafaude que le mal n’est qu’ignorance, corrigible par l’enseignement, puisque l’homme possède en lui la vérité, s’accordant en cela avec les idées de Rousseau. Leibniz proposait, quant à lui, la privation, afin de faire ressortir de l’humain le bien. Diderot, lui, invoquera la volonté générale, comme moyen de vérité. Le XIXe siècle débute avec une nouvelle étape inaugurée par Hegel le dialecticien, qui indique que la vérité est en nous, et que c’est nous qui la dévoilons, parce que Dieu fait partie de nous. La dialectique est alors de rigueur, de la thèse et l’antithèse à la synthèse. Dans ce siècle, nous trouvons Comte qui envisage que le Grand Etre Social est la source de la vérité; dans cette lignée, Marx en propose une version: le partage forcé comme organisation humaine véritable, vers une cité parfaite. Durkheim penche également pour une solution sociologique. Darwin, lui, inaugura une autre voie, celle de l’évolution historique – elle servira d’appui au nazisme­ – qui se propose d’épurer la race, afin d’accélérer le processus et de parvenir à une Solution finale. Une dernière étape est franchie avec Nietzsche, qui proclame la mort de Dieu. Selon lui, il n’y a plus de vérité, la marche en avant sans sens ni but est la seule vérité; il faut donc se détacher de l’espérance d’une quelconque vérité. Nous voyons aussi Freud, qui pense que la vérité est dans la libération de la conscience, comme pour Teilhard de Chardin, pour qui le mal n’est qu’un défaut, une déficience qui se corrigera avec le temps. Sans compter l’influence sur les pensées de la relativité de Einstein. Avec Foucault et Sartre qui accusent notre recherche de la vérité de nous avoir limités dans notre liberté.

« Rien n’a de sens » est devenu le sens, l’« essayisme », la liberté sans entraves, chacun sa vérité, vive le progrès… Brun développe un quasi-réquisitoire, montrant qu’on a conféré à l’histoire et à la science une vocation démiurgique. Il scande que « la condition humaine, elle, demeure toujours et partout la même, et l’homme se révèle bien incapable de s’en délivrer »19, car « l’homme n’ose s’avouer qu’il se trouve acculé au fond de l’impasse où l’a conduit l’idée qu’il pourrait parvenir au Paradis en creusant son chemin dans les souterrains de la chute »20. Et Brun va dévoiler tous les efforts de l’homme pour bâtir les éléments de son évasion existentielle.

6. L’évolution de la technique

Brun se livre à une interprétation de la technique et de son évolution. Il énonce que « la technique s’efforce d’être une grâce efficace élevant l’homme à une destination surnaturelle capable de l’arracher à lui-même »21. Pour lui, l’Orient a opté pour une extinction du désir, car celui-ci est dénoncé comme une illusion qui n’engendre rien, sinon la douleur. On opère alors une régression qui libère de soi-même et des souffrances humaines, une recherche de la maîtrise de l’intérieur, afin de s’orienter vers un état extatique. L’Occident, de son côté, déifie le désir comme essence même de l’homme, et recherche, notamment à travers la technique, une maîtrise de l’extérieur, pour l’amener à l’autodivinisation.

Il extrait cette analyse de la mythologie, dans laquelle les quatre éléments premiers, terre, eau, air, feu, sont à l’origine des mythes. La technique serait l’utilisation de ces éléments que l’homme ne ferait que domestiquer. Il raconte, entre autres, comment l’homme s’appropria le feu, afin d’arriver jusqu’à le posséder à travers le moteur à explosion, l’électricité… « Nous nous trouvons ici devant un désir démiurgique capital qui se cache derrière toutes les tentatives humaines pour passer de l’animé à un système artificiellement animé par un moteur de construction humaine. »22En d’autres termes, l’homme subtilise la foudre à Jupiter pour fabriquer des armes, elles-mêmes utilisées pour foudroyer à leur tour, ou permettre de se réjouir avec des feux artificiels. On retrouve le mythe de Prométhée: l’homme qui a volé le feu au ciel. Métaphoriquement, l’homme cherche à posséder les moyens de son évasion, l’homo faber quitte le labyrinthe existentiel, non avec des ailes de cire comme Icare et Dédale, mais grâce à la technique et à la science, son alliée; l’homme s’élève « au premier sens du verbe comme au second ».

Brun décrit, étape après étape, invention après invention, le progrès en marche, vers la grande libération. Il rappelle constamment que « l’intuition directrice qui commande les découvertes a toujours été guidée par le Désir cherchant à conquérir les cadres spatio-temporels de l’existence »23. C’est son cheval de bataille: soulever l’intentionnalité latente, relevant du désir démiurgique de la science, ce désir d’être soi-même créateur, à la place du Créateur. Voilà, pour lui, ce qui est dissimulé derrière le progrès de la technique artificielle, que ce soit la télévision, l’ordinateur, les télécommunications, la robotisation ou la mise au point d’androïdes… Vers une copie conforme (le clonage!). Mais, « derrière le désir de fabriquer l’automate parfait (la seconde Eve!) se trouve le désir absolu de l’homme de se remodeler, se guérir de sa condition originelle »24. Il s’agit bien, selon lui, pour l’homme vagabond, de faire un voyage initiatique, afin de retourner « là où régnait la panmixie absolue du germe caché au centre de l’œuf du monde »25.

Brun a réécrit l’histoire de la technique essentiellement dans Les masques du désir et Le rêve et la machine. Les exemples seraient trop nombreux à citer; nous retiendrons ce qui concerne la photographie et le cinéma. Brun leur affecte le nom de « machine à figer le temps », avec lesquelles on peut archiver le temps, le distribuer, l’arrêter, le remonter, le ralentir… Ainsi, l’homme a l’impression de se déconnecter de lui-même, la technique lui permettant, en quelque sorte, un contrôle du temporel, auquel l’humanité aspire, par le biais des découvertes scientifiques issues de l’analyse sur la nature. L’homme tend donc à « transformer la nature en matériau, afin de la refaire selon les besoins de l’humanité »26. Brun pense que la technique est le prolongement de la main humaine, derrière laquelle se cache l’intention profonde de l’humanité. Il ne retrace l’évolution scientifique que pour montrer que « l’histoire des techniques… ne relève nullement d’un progrès de la conscience qui serait parallèle à un progrès de la science, mais elle appartient à ce fond obscur gisant au cœur de l’homme, et auquel elle donne l’occasion de se manifester »27. Il va même plus loin en dénonçant l’homme comme un stratège s’évertuant à développer des techniques d’accomplissement de mythes, pour exprimer son désir existentiel, celui de sortir de sa condition. Il va sans dire, pour lui, que si « les machines… ne sont pas seulement des projections organiques au service d’une tactique de la vie cherchant à conquérir et à refaire le milieu, elles font avant tout partie de la stratégie de l’existence qui tente de se libérer de sa propre essence et de faire surgir un nouvel Etre »28, à vrai dire, « par la machine l’homme a voulu se faire ingénieur en ontologie »29. Brun a cherché à montrer que l’homme confère à la technique une ambition sotériologique. Il se penche également sur d’autres domaines, afin de révéler cette dérive de l’humanité qui englobe tout ce qui touche à l’humain.

7. Quatre domaines d’analyse

Il nous est apparu intéressant de relever, de façon même lapidaire, quelques réflexions faites par notre auteur dans ses ouvrages. Etant donné l’étendue de son œuvre et la diversité des thèmes qu’il traite, nous nous sommes limités volontairement à quatre domaines pour illustrer sa démarche – la psychologie, la politique, la science et la théologie – et à quelques éléments seulement dans ces domaines. Ce choix est personnel; nous ne visons rien d’autre que de montrer le large éventail de la culture brunienne, qui est loin de se limiter uniquement à la philosophie.

Dans le domaine de la psychologie, Brun cerne les courants prépondérants de son siècle, qui vont influencer profondément les personnes pendant des décennies, voire plus longtemps encore. Il montre le lien qui peut exister entre ces trois grands personnages que sont Marx, Freud et Nietzsche, et comment une idée se retrouve dans plusieurs domaines de l’histoire humaine. Il avance, en effet, que ces trois ont pensé l’homme en termes de maladie. Nietzsche voit l’homme comme un être malade, fatigué; pour Marx, l’homme est aliéné de par l’écart qu’il constate entre l’individu tel qu’il devrait être et la réalité de l’homme tel qu’il est; enfin, Freud, qu’il admire, perçoit l’homme comme un malade, un névropathe, vivant un conflit entre son désir et la réalité. La maladie est à la fois un refuge et, en même temps, un obstacle. Elle exprime la nostalgie d’un état prénatal parfait. Pour Brun, tous trois effectuent un même diagnostic: l’homme est malade de manière ontologique, socio-économique ou métaphysique; dans les trois cas, il s’agit de la perte d’« une santé originelle »30. Il pense notamment que Freud a eu le mérite de voir dans le désir une grande force cosmique; et Freud cherche alors la désaliénation par une dédramatisation et un abandon du désir, car le malade, pour lui, a choisi la maladie comme solution. Bien entendu, Brun dénonce le fait que toute spiritualité soit écartée chez Freud, pour qui « la religion est une névrose collective subordonnée au complexe d’Œdipe… un ensemble de fantasmes déterminés par notre situation infantile »31. Ces trois « diagnostiqueurs » prescrivent une solution différente à cette maladie humaine: la relativisation de la vérité, un modèle sociétal égalitaire, une analyse bienfaitrice; ils se posent en sauveurs de l’humanité alitée. « L’homme cède à la tentation de croire qu’il peut devenir l’artisan du Paradis retrouvé, en recherchant (alors) dans l’abondance des biens que procure l’action. »32En fait, nous attendons la naissance de l’Homme Total, l’humain totalement rétabli sortant d’une convalescence que plusieurs, par différents moyens, contribuent à favoriser.

En ce qui concerne le domaine politique, le septième chapitre de Vérité et christianisme aborde, de façon originale, le sujet. Brun y montre que l’on intègre les individus dans un organisme collectif tout-puissant. Ce collectif légifère et dicte les conduites à tenir, la personne se retrouve finalement évacuée. Dieu se trouve sociologisé, et ce n’est plus la philosophie (au sens du penseur) qui oriente l’organisation humaine, mais le philodoxe (l’ami de l’opinion); on parle de citoyenneté là où Vox populi surclasse Vox Dei. Les trois vertus de la République sont mises sur un piédestal, alors que pour chacune d’elles on peut noter des limites. En effet, si les hommes demeurent libres, ils ne seront pas économiquement égaux. Or, si on travaille à les rendre économiquement égaux, ce sera au détriment de la liberté. De plus, la fraternité est très relative, puisqu’elle doit être librement exercée, donc vécue sans égalité. Quant à prendre l’opinion comme repère de normalité, on sait qu’elle est subjective et sujette à l’erreur; à travers elle, le collectif est sotériologiquement perçu comme perspective d’avenir.

En ce qui concerne la science, Brun pense que le dogme scientifique a voulu balayer une genèse mythologique, et qu’il s’est trouvé pour cela l’évolutionnisme. Notre auteur relève ici trois points contradictoires: tout d’abord, le transformisme n’est pas vérifiable par une expérimentation; ensuite, il est bien symptomatique de constater que chaque évolutionniste propose de dresser un arbre généalogique différent de celui des autres; et, pour finir, il paraît raisonnablement difficile d’énoncer qu’un élément primitif aurait évolué! Pour Brun, nous avons à faire là à un entêtement idéologique qui, tout simplement, déifie le facteur temporel. Nous nous trouvons alors dans une « surcréation » en marche, où « chacun d’entre nous est un maillon de la grande chaîne des Etres »33et nous devons travailler à l’avènement de l’histoire progressiste, le progrès et le futur s’associant pour former une vertu salvatrice.

Dans le domaine de la théologie, Brun se montre très critique. Il assaisonne « les marchands du temple (qui) s’affairent aujourd’hui autour des Ecritures pour les améliorer, les rectifier, les disséquer, les manipuler et les faire parler »34. Brun se fait virulent à propos de l’évolution de la théologie, car cette dernière touche à la moelle du message, « le message des Ecritures a été conceptualisé, analysé, déductivement organisé, transformé en un système philosophique de concepts, ordonnés selon la raison »35. Il dénonce l’adaptation du message que l’homme fait à sa propre conception, alors qu’il devrait s’adapter, lui, au message conçu par le divin; la théologie se confond avec l’anthropologie. Car, à force d’angéliser le message, de l’adapter, de l’amenuiser, de l’aseptiser, de le diluer dans l’esprit du siècle, on le transforme. « Beaucoup de théologiens répètent à l’homme qu’il est à l’image de Dieu et passent sous silence toute idée de mal radical. »36« Le nom de Dieu a été tellement vidé de lui-même par des exégètes trop humains, qu’il a fini par ne plus être pris que comme un synonyme de celui qui l’utilisait; il s’est donc finalement trouvé réduit à n’être qu’un doublet inutile de l’homme. »37L’homme fait Dieu à son image, il n’est plus que l’objet d’un discours.

Ouvrages de Jean Brun

Les conquêtes de l’homme et la séparation ontologique(Paris: PUF, 1961).

Le retour de Dionysos (Paris: Desclée, 1969, et Les Bergers et les Mages, 1976).

La nudité humaine (Paris: Fayard, 1973).

Les vagabonds de l’Occident (Paris: Desclée, 1976).

Les rivages du monde (Paris: Desclée, 1979).

Les masques du désir (Paris: Buchet/Chastel/Desclée, 1979).

A la recherche du paradis perdu (Lausanne: PBU, 1979).

Les idéologies de la parole (Lausanne: PBU, 1981), 31-51.

L’Europe philosophe (Paris: Stock, 1988).

Le rêve et la machine (Paris: La Table Ronde, 1992).

La philosophie de Pascal (Paris: PUF, Que sais-je?, 1992).

Vérité et christianisme (Troyes: Librairie Bleue, 1995 posthume).

« Kierkegaard était témoin de l’agitation des politiciens qui traitent les hommes comme des moyens en se faisant passer pour leurs « élus » capables de faire descendre la Jérusalem céleste du ciel sur la terre. Leurs échecs provoquent et entretiennent chez eux des conduites d’exaspération et des délires de puissance au cours desquels les hommes qu’ils prétendent sauver deviennent les boucs émissaires de leurs insuccès; si bien que la philanthropie finit par se changer en son contraire, que l’on sacrifie les libertés à la Liberté et que l’on tue des hommes afin que l’Homme puisse
vivre. »

J. Brun Introduction à S. Kierkegaard, Œuvres complètes XIV (Paris: Orante, 1980) xviii.

* D. Moulin est professeur des écoles à La Rochelle et étudiant en D.E.A. à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

1 Les conquêtes de l’homme et la séparation ontologique (Paris: PUF, 1961), 7.

2 B. Rickenbacher, De l’expérience de la séparation ontologique à l’ouverture sur la transcendance (mémoire de licence de lettres, Faculté de Lausanne, 1997), 5.

3 G. Canguilhem, Ouverture de la journée J. Brun du 18 mars 1995 (Dijon: EUP, 1996).

4 L’Europe philosophe, 363.

5 P. Berthoud, Actes du colloque international du 20 au 22 mars 1996 (Agen: Société académique, 2000), 98.

6 Op. cit., 79.

7 Les vagabonds de l’Occident, 214.

8 A la recherche du paradis perdu, 28.

9 Ibid., 89.

10 S. Kierkegaard, Pour un examen de conscience, traduit par P.-H. Tisseau (Bazoges-en-Pareds, 1934), 28.

11 Lire J. Brun, « Brève introduction à la pensée d’un philosophe majeur », Catholica 65 (1999), 57.

12 Les masques du désir, 217.

13 Les idéologies de la parole, 33.

14 Le rêve et la machine, 16.

15 Le retour de Dionysos, 246.

16 Les masques du désir, 245.

17 E. Alvarez, « Introduction à la lecture de Jean Brun », Hokhma 78 (2001), 35-50.

18 Vérité et christianisme, 23.

19 Vérité et christianisme, 190.

20 Ibid., 191.

21 Les masques du désir (Paris: Buchet/Chastel, 1981), 13.

22 Ibid., 42.

23 Ibid., 72.

24 Ibid., 96.

25 La nudité humaine, 87.

26 Le rêve et la machine, 16.

27 Ibid., 14.

28 Ibid.

29 Les conquêtes de l’homme et la séparation ontologique, 97.

30 A la recherche du paradis perdu, 9.

31 Les rivages du monde, 67, 82.

32 A la recherche du paradis perdu, 21.

33 Vérité et christianisme, 163.

34 A la recherche du paradis perdu, 8.

35 Vérité et christianisme, 188.

36 La nudité humaine, 179.

37 A la recherche du paradis perdu, 55.

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