Faut-il continuer d’appeler Dieu: Père?

Faut-il continuer d’appeler Dieu: Père?

Valérie PUJOL-DUVAL*

Depuis plusieurs décennies, des évolutions marquantes se sont produites dans notre société occidentale concernant la place de la femme. Ces changements se sont répercutés dans l’Eglise, où l’on assiste à de plus en plus de débats sur tout ce qui concerne le sujet.

 

Ainsi le vocabulaire religieux connaît une certaine féminisation: on ne parle plus d’homme mais de personne et on ajoute “des frères et des sœurs”. Quasi unanimement, les changements dans le vocabulaire sont applaudis tant qu’ils expriment la relation non discriminante entre homme et femme dont Paul parle en Galates 3:281. Le problème se pose lorsque les changements proposés se réfèrent à Dieu. Où doit s’arrêter la révision de notre vocabulaire chrétien?

 

Dans ce contexte, la dernière proposition en date est d’appeler Dieu Père et Mère. C’est cette question qui va nous intéresser: faut-il continuer d’appeler Dieu Père? Il ne s’agit pas d’une nouvelle bataille uniquement féministe ou libérale. Ceux et celles qui se posent une telle question se trouvent dans toutes les dénominations, et même chez les évangéliques2. Cette question doit être prise au sérieux car elle concerne des questions théologiques essentielles, comme la nature de Dieu et l’autorité des Ecritures.

 

Nous rencontrons deux positions extrêmes dans ce débat: pour certains, Dieu est Père, car la Bible enseigne que le vrai Dieu est masculin. Remarquons qu’en réfléchissant à la paternité de Dieu, on s’inscrit dans une réflexion plus large: le Dieu de la Bible est-il une divinité masculine?3 Pour d’autres, Dieu peut être Mère; il est juste de vénérer une divinité féminine. Nous montrerons en quoi ces deux positions sont théologiquement erronées et pourquoi il faut continuer à appeler Dieu Père. Mais il faudra aussi comprendre ce qu’est réellement la paternité de Dieu et retrouver, “dans son indubitable vérité, le visage de ce Père que les hommes défigurent si souvent”4.

 

I. Il ne faut plus appeler Dieu Père

 

A) Arguments

L’une des principales raisons motivant la mobilisation de plusieurs théologiens et fidèles pour ne plus appeler Dieu Père est que cette appellation semble nuire à la place de la femme dans l’Eglise.

Si le symbole central du christianisme, le Père, est exprimé en langage masculin et patriarcal, il en découle, comme le dit Mary Daly5, des conséquences gravement dommageables pour l’humanité de la femme, tels un langage andromorphe, une culture androcentrique, des pratiques et structures patriarcales. Cela refléterait et perpétuerait le sexisme de la société patriarcale6. Comme elle le résume dans sa phrase devenue emblématique: “Si Dieu est mâle, tout mâle est Dieu.” Pour elle, l’image de Dieu le Père tout-puissant a définitivement cimenté le statu quo de la société patriarcale Car, à partir de l’appellation Dieu le Père, on a souvent déduit que Dieu est masculin. Cette conceptualisation au masculin aboutit à affirmer l’infériorité et la soumission des femmes. Rosemary Ruether l’exprime ainsi: “Les images traditionnelles de Dieu comme Père ont été la sanctification du sexisme et de la hiérarchisation car précisément elles ont défini cette relation de Dieu le Père avec l’humanité en terme de modèle de subordination/domination.” Le symbole du Dieu Père est, comme l’exprime la théologienne Dorothée Sölle7, l’expression de la religion autoritaire.

 

Il est vrai, comme le note Claudette Marquet8, que la figure bien biblique de Dieu comme Père a été utilisée à des fins douteuses: faire de la religion une affaire d’hommes. De plus, toute une foule de nouveaux saints pères sont sortis, en appelant à la paternité de Dieu comme base de leur pouvoir9. Moltmann le présente dans un ordre inverse10: la religion serait le fruit d’un processus allant du patriarche familial au patriarche national, puis au patriarche de l’Eglise et finalement au ciel, le plus grand des patriarches, le Père universel.

 

Mais le débat au sujet de Dieu Père/Mère repose, comme le rappelle John Cooper11, sur d’autres arguments que ceux qui s’appuient sur l’évolution de la société et vise à dépasser le sexisme. Ces arguments, que nous allons brièvement mentionner, s’appuient sur l’Ecriture, la tradition, l’herméneutique et la linguistique. Nous n’évoquerons pas, ici, les arguments influencés par le libéralisme théologique et son herméneutique12; nous resterons dans l’analyse des arguments du “féminisme biblique”13.

 

1. Dieu est aussi mère, maternel

Bien que surtout masculines, les références que la Bible contient pour parler de Dieu sont aussi maternelles14. Il est vrai que la conception de la maternité dans la Bible est peu professée; il existe toutefois assez d’indications que l’Israël ancien a loué des aspects maternels de Dieu15. Ainsi, notre Père céleste aime comme une mère. Dieu montre de la tendresse, il porte dans ses bras, il connaît les douleurs de l’enfantement… Relevons le termeRahamim16, qui signifie “tendresse”, souvent celle de Dieu pour son peuple; c’est le pluriel de sein maternel, utérus: ce terme confère à la bienveillance de Dieu un caractère de tendresse quasi charnelle17. De plus, dans l’Israël ancien, le fait de faire des vêtements était un travail de femme. Or Dieu, en Genèse 3:21, fait des vêtements pour Adam et Eve.

 

2. Langage paternel comme accommodation culturelle

Ici, c’est le caractère humain de l’Ecriture qui est souligné. Bien qu’inspiré par Dieu, le langage de l’Ecriture est lié à une culture et à un langage donnés. Si la Bible a surtout un langage masculin18, ce serait par accommodation de Dieu à une culture patriarcale. S’il y a plus de références masculines que féminines, c’est par reflet de la pensée d’une société à dominance masculine. Dans la société hébraïque, la figure centrale était le Père. Pour illustrer sa puissance et son autorité, Dieu a donc choisi une imagerie masculine, celle du Père19. Ce ne serait pas la vérité finale. De même, lorsque Dieu tolère l’esclavage et la polygamie: ce n’est pas qu’Il l’approuve, c’est une accommodation.

 

3. Appeler Dieu Père ne correspond pas à Dieu

Rosemary Ruether20 affirme que l’élan radical de la foi biblique est fondamentalement incompatible avec le patriarcat. Pour elle, cet élan ne s’exprime pas seulement dans des passages isolés qui transmettent une image plus féminine de Dieu, mais de manière plus profonde dans toute la tradition prophétique qui, à l’intérieur de la Bible même, interroge et conteste toutes les conceptions de Dieu comme pouvoir absolu.

 

4. La tradition chrétienne a parlé de Dieu autrement que comme Père

John Cooper21 rapporte qu’Augustin, Chrysostome, Bonaventure et même Calvin ont utilisé un langage féminin pour Dieu. Ce ne serait donc pas le seul produit d’une idéologie féministe mais le fruit de l’histoire du christianisme22.

 

5. La transcendance de Dieu

Cette doctrine théologique est au cœur du débat. Elle est utilisée par les partisans comme par les adversaires d’un Dieu uniquement Père. Nous y reviendrons plus tard dans notre réflexion. L’argument avancé est le suivant: à cause de la transcendance divine, aucun langage humain n’est adéquat pour le définir. Tout langage, pour Dieu, est anthropomorphique, symbolique, analogique, figuratif ou métaphorique. On ne peut donc pas donner un statut particulier au langage masculin. Le langage masculin est considéré comme une idole, car il donne une fausse image du Créateur à adorer. Le mot Père ne se réfère pas plus directement à Dieu qu’un autre mot. Les références féminines sont tout aussi appropriés et valables que les références masculines pour parler de Dieu. De plus, comment le même Dieu peut-il apparaître à la fois comme un Père et un Epoux?23

 

6. L’appellation Père n’est pas la spécificité chrétienne

L’usage religieux du mot Père n’est pas la propriété du seul christianisme. Chez Homère, Zeus est le Père des dieux et des hommes. Dans la cosmogonie de Platon, l’idée du Bien est appelée Père. Chez les Assyro-Babyloniens, plusieurs dieux prééminents portent le titre de Père; il en est de même chez les Egyptiens. Sans parler de Jupiter chez les Romains, invoqué comme “Père des dieux et des hommes”24. La dénomination de la divinité comme Père semble bien être la plus répandue dans le monde entier. Ce n’est pas proprement sémitique mais universel et humain. Cela signifie que la différence entre la notion de la paternité divine vétérotestamentaire et celle des autres n’est pas à rechercher principalement dans les expressions comme telles, mais plutôt dans son origine et sa signification. En effet, si l’image est la même, l’idée ne l’est pas dans la Bible et dans les autres religions.

 

B) Les propositions de substitution

Pour toutes les raisons invoquées, des théologiens ne veulent plus appeler Dieu Père. Leurs propositions de remplacement sont diverses. Nous ne les étudierons pas en détail, par manque de place. De plus, nous considérons soit qu’elles sont hérétiques, soit qu’elles créent encore plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

 

1. Gender inclusive language (le langage inclusif)

Ces mots anglais désignent un langage qui utilise des termes masculins et féminins pour refléter le masculin et le féminin de Dieu. Ainsi, Dieu doit être appelé Père et Mère à la fois25. Il faudrait également utiliser des termes non sexués, non marqués par le genre: Dieu appelé parent au lieu de Père. Certaines féministes veulent même répudier les titres filiaux et choisissent des termes plus neutres: le ventre qui donne la vie, l’eau de vie, la source de l’amour… Comme nous le verrons, cette solution ne respecte pas la transcendance de Dieu.

 

2. Marie divinisée

Certaines traditions chrétiennes ont voulu résoudre le problème de la masculinité de la divinité en accordant une place surélevée à Marie, mère du Christ, qu’on pourrait adorer aussi26. Ainsi A. Durwood Foster27 se demande si la personne de Marie ne pourrait pas avoir un rôle plus grand dans le christianisme comme co-déesse? On retrouve cette idée d’une déesse dans le mouvement de la Goddess Religion28. Mais comme le rappellent Jürgen Moltmann et Karl Rahner29, Marie ne doit pas être divinisée pour récupérer la dimension féminine du divin. Elle n’est qu’une femme.

 

3. Au-delà du Père

Mary Daly veut une théologie qui va “au-delà du Dieu Père”30. Elle propose de ne plus parler de Dieu d’une manière anthropomorphique, parce que ce qui est anthropomorphe devient toujours andromorphe. Elle suggère donc de nommer Dieu par un verbe, le verbe des verbes: être31, car Dieu est un devenir.

 

II. Pourquoi il faut continuer à appeler Dieu Père

 

A) Dieu est Père car il est masculin

Pour Russell et Dewey32, les chrétiens doivent considérer Dieu comme masculin à la lumière des évidences scripturaires. Ainsi E.L. Mascall33 explique qu’en Genèse 1:27, il est dit que l’homme et la femme sont crées à son image: en hébreu, pour son, le masculin est employé. Ce n’est pas un accident de langage. Dieu est bien notre Père, pas notre mère. La masculinité de Dieu le Père serait, en outre, renforcée par la masculinité du Fils. Mary Hayter34 précise que ces auteurs n’affirment, bien sûr, pas que Dieu a des organes sexuels masculins, mais que la masculinité est une caractéristique de Dieu, et non pas de la féminité. De même, C. S. Lewis35, s’il ne dit pas que Dieu est mâle, affirme en tout cas qu’il est masculin.

 

Paul Jewett36 critique ceux qui confondent paternité et masculinité. Selon lui, quand la Bible parle de Dieu comme Père, c’est une description de sa personne. Dieu n’est ni féminin ni masculin, mais il s’est révélé comme Père. Cela a son importance, car le père est la tête du foyer, il a l’autorité et la femme doit se soumettre à lui. Si on enlève cette distinction entre mari et femme (autorité/soumission), il n’est plus légitime de maintenir la paternité de Dieu, il n’est plus la peine de s’adresser à lui comme Père. La terminologie masculine a un sens puisque Dieu a donné à l’homme l’autorité dans la famille et l’Eglise plutôt qu’aux femmes.

 

B) Dieu est Père: argument linguistique

Père et mère n’ont pas la même fonction ni le même statut linguistique dans les Ecritures. La différence entre le langage masculin et féminin de la Bible n’est pas que quantitatif. Elle est aussi qualitative37. Toutes les références féminines sont des figures de style: métaphores, analogies, personnification. Les termes masculins, eux, sont des noms propres, des titres38: ces titres comme père, roi, bien qu’analogiques, sont un titre de base, pas une figure de style. Inversement, il ne faut pas élever des figures de style au rang de titres.

 

Ce principe d’analogie est le même, par exemple, avec Moïse et Paul: ils se sont comparés à une nourrice, une mère et ont parlé des douleurs de l’enfantement39; et pourtant, nul ne parlerait de Moïse ou de Paul en des termes féminins. Dieu, comme eux, utilise des comparaisons féminines sans perdre sa masculinité. Même quand les verbes utilisés évoquent ce qui est maternel, ils sont dans une conjugaison masculine. Tous les adjectifs, les formes verbales et les pronoms qui se réfèrent à Dieu dans l’Ancien Testament sont masculins. De plus, toutes les références féminines pour Dieu sont des figures de style qui combinent le féminin et le masculin, un attribut féminin est affecté à une personne masculine. L’Ecriture ne fournit donc pas une base pour un langage mêlant du masculin et du féminin. Elle ne parle jamais de Dieu comme d’une personne féminine: jamais de noms, de titres féminins. Même les figures de style féminines renforcent la masculinité linguistique.

 

En bref, Dieu a un droit absolu au titre de Père. Nommer Dieu notre Père n’est pas un anthropomorphisme; c’est par théomorphisme que tout procréateur usurpe ce nom divin40. Nous montrerons, dans la partie suivante, en quoi ces arguments sont erronés.

 

C) La révélation du Nom de Dieu

Si on appelle Dieu Père, ce n’est pas parce qu’il est masculin, comme nous le verrons, mais parce qu’il a choisi de se révéler ainsi. Ici, il est important de rappeler quelques principes de base sur notre connaissance de Dieu et notre façon de le nommer.

 

La Bible et son langage sont révélation du Dieu transcendant. Lorsque nous adorons Dieu d’une autre façon que celle qu’il a laissée dans Sa Parole, c’est, selon le Catéchisme de Heidelberg, de l’idolâtrie41. Le Catéchisme de Genève42ajoute que “notre manière de prier serait bien fantaisiste si nous nous abandonnions à nos caprices et à nos impulsions. Le seul moyen est de suivre ce que Dieu nous a laissé comme bonne méthode pour prier.”

 

Le fait de nommer Dieu comme on l’entend n’est pas un droit de base43. Nommer, dans la Bible, est un acte d’autorité. Or, nous sommes sujets de Dieu, nous ne pouvons Le nommer comme s’Il était notre sujet.

 

Dieu nous donne des noms dans l’Ecriture à utiliser pour l’appeler; ce sont ceux-là et ceux-là seuls qui sont légitimes. L’essence de Dieu, comme le précise Wolleb44, se comprend par ses noms et leurs propriétés: les noms de Dieu comme expression directe de sa nature.

 

Le fait que l’Ecriture s’accommode à la culture patriarcale est bien exact, mais cela n’a rien à voir avec les noms divins. Car les éléments purement culturels sont présentés comme tels alors que la Révélation du nom de Dieu – Elohim, YHWH ou Père – est la voix finale de l’Ecriture, révélant l’identité du vrai Dieu. Les noms de Dieu, et doncPère, sont pertinents pour les situations historiques de la révélation, mais ne sont pas limitées à elles45.

 

C’est pourquoi C. S. Lewis disait que Dieu lui-même a révélé comment nous devons lui parler. Il est intolérable, selon lui, de dire que l’emploi d’une imagerie masculine n’est ni inspiré ni secondaire. Le danger de renommer Dieu Mère ou autrement est de vouloir exercer une autorité sur Dieu. De plus, d’une nouvelle appellation de Dieu, on dérive vite à une nouvelle compréhension de Dieu: le Dieu qui s’est révélé à nous dans sa révélation est remplacé par un Dieu que nous inventons pour répondre à nos besoins.

 

III. La paternité de Dieu

 

Avec Mary Hayter46, nous considérons que ce dernier argument fondé sur la révélation est très convaincant. Oui, il faut continuer d’appeler Dieu le Père; mais qu’entend-on par cette appellation? Il nous reste à savoir pourquoi il se révèle comme Père et ce que ce terme signifie.

 

A) La transcendance de Dieu: ni masculin ni féminin

Nous avons déjà brièvement évoqué ce point, c’est le moment d’en montrer les implications. Rappelons que nous ne pouvons pas définir Dieu. Dieu, par définition, transcende l’expérience humaine et son langage. Il est le Tout Autre. Il est Esprit (Jn 4:24). Si l’homme et la femme ressemblent à Dieu (Gn 1), Dieu ne ressemble ni à l’homme ni à la femme47. Si l’homme/père ressemble à Dieu le Père, Dieu le Père ne ressemble pas aux pères de cette terre. Il s’agit de “Notre Père qui es aux cieux” et non pas d’un père humain. L’Ancien Testament prend souvent la peine d’ajouter un “comme” quand il s’agit de comparer Dieu à des personnages humains ou de sous-entendre un “à plus forte raison Dieu”…48

 

Dieu transcende les métaphores49: en Osée 11:1-11, certains voient la preuve de la masculinité de Dieu. Or, au verset 9, il est bien dit: “Mais je suis Dieu, pas un homme.” De même, le genre grammatical du symbole n’est pas révélation de l’essence masculine ou féminine du référent50. L’imagerie biblique reste une indirecte. Nous ne disposons pas d’un métalangage51: il était donc inévitable que les auteurs utilisent des imageries et des termes à connotations sexuelles. L’emploi de mots théologiques masculins pour Dieu n’indique pas plus la masculinité de Dieu que l’emploi d’images féminines sur Dieu n’indique sa féminité.

 

C’est pourquoi, citer les références où Dieu est lié à des connotations féminines apporte peu: ce n’est pas parce qu’un mot pour parler de Dieu est féminin que c’est une preuve de sa féminité52. De même, la terminologie masculine seule est un argument insuffisant pour prouver théologiquement la masculinité de Dieu. D’ailleurs, Dieu est parfois comparé à un rocher, une lumière… c’est-à-dire des éléments neutres53. Le vrai problème vient de l’équation faite entre Dieu comme père et Dieu masculin54. Si un père est un homme, pour Dieu, être Père n’est pas du tout être masculin. Dieu n’est ni masculin ni féminin. Dieu a introduit la “sexualisation”, dans la création, il a créé la sexualité. Il n’est pas lui-même sexué. De même qu’il a créé le temps, mais n’est pas temporel. Peut-être nous faut-il ici nous rappeler le premier commandement.

 

En bref, la Bible ne dit pas que Dieu est masculin, elle dit qu’il est Père, de même que le Royaume de Dieu n’est pas un grain de moutarde. Attention à l’“hérésie anthropomorphique”55! Définir Dieu comme masculin ou féminin, catégories finies, est une erreur théologique, incohérente avec sa nature infinie, absolue et transcendante56. Les raisons de sa paternité sont à chercher ailleurs.

 

B) Le primat de la théologie paternelle d’adoption sur la théologie maternelle

Avoir un Dieu Père, c’est rappeler que l’homme est créé et non engendré57. Il y a une rupture nécessaire de substance entre l’homme et Dieu, aucun lien naturel entre les deux. En effet, si la maternité est naturelle, la paternité est culturelle. Un père a besoin de devenir le père de son enfant, de le reconnaître. Ce qui qualifie la paternité, c’est l’adoption de l’enfant58, tandis que la mère sait par nature que son enfant est d’elle-même, qu’il est la suite d’elle-même.

 

On voit ici se dessiner deux théologies différentes59:

la théologie maternelle, où la nature est reine et même déesse (terre et mère se confondent) avec la prépondérance de l’immanence, voire un panthéisme qu’on retrouve dans les religions anciennes, en particulier dans celles contre lesquelles Israël a entendu se situer;

la théologie paternelle, où père et ciel se confondent et où il y a nécessairement distance entre le père et le fils; il y a donc adoption et même élection du fils par le père qui garde toujours une certaine transcendance par rapport à ses enfants et à ses fils en particulier.

 

Ainsi, toute l’histoire d’Israël est celle d’un fils aîné, élu, et d’un père dont la paternité n’est jamais considérée comme naturelle, allant de soi: Israël refuse constamment de vivre en fils soumis, ce qui contraint, sans cesse, Dieu à le réadopter. Dans cette optique, la paternité est le type de relation qui caractérise le mieux la relation entre Israël et Dieu.

 

C) La rupture avec les cultes de la fertilité

Ce n’est pas par antiféminisme qu’Israël devait rejeter toute idée de déesse et accepter la paternité de Dieu60. Israël devait comprendre que son Dieu n’était pas comme les déesses de la fertilité, qu’il était au-dessus de toute sexualité: il n’est pas un Dieu masculin avec une femelle consort. C’est par sa seule volonté qu’il a créé le monde et non par une union sexuelle avec une déesse.

 

Dans les religions où les dieux sont sexués, ils ont des besoins sexuels qu’il faut satisfaire pour obtenir fécondité, prospérité. Les rites religieux incluaient donc souvent du libertinage spirituel. Chez les Hébreux, pas de divinisation du sexe, pas de possibilité d’amadouer Dieu par des rites sexuels. Le double mouvement ici est une dénaturalisation de la religion d’Israël et une transcendentalisation de YHWH. Ce n’est donc pas de l’antiféminisme, ni une victoire d’un Dieu mâle sur une déesse, mais une cohérence avec la religion de YHWH. Le but était d’éviter toute projection sexuelle humaine sur Dieu61.

 

D) Paternité et Trinité

A la question: “Pourquoi nommes-tu Dieu Père?”, le Catéchisme de Genève62 répond que c’est “D’abord par rapport au Christ: Dieu l’a appelé Son Fils”. De même, lorsque le Credo parle de Dieu le Père, c’est d’abord le Père du Fils. Nous abordons ici une notion clé: la compréhension chrétienne de la paternité divine est, selon Matthieu 11:27, que Dieu le Père est le Père de son Fils Jésus. Cette paternité est définie exclusivement par sa relation avec son Fils Jésus: Dieu le Père est ainsi nommé à cause de ses relations avec le Fils.

 

D’ailleurs jamais Paul n’appelle Dieu “notre” Père sans parler du Christ dans le contexte63. De même, les premiers chrétiens vont invoquer Dieu comme Père mais comme Père de Jésus-Christ. N’ayons pas une doctrine monarchique de la Trinité, basée sur une conception du Père comme monarque. La doctrine de la Trinité est bien la spécificité chrétienne de la conception de Dieu, non une souveraineté extérieure, mais la communion interne des trois personnes. Cette paternité traduit une autorité et une confiance. C’est donc dans un sens trinitaire et non patriarcal qu’il faut comprendre Père.

 

E) La paternité maternelle de Dieu

 

La pensée trinitaire permet de dépasser le patriarcalisme théologique pour une autre raison: le Père de Jésus est le Père maternel64. En effet, le Fils vient du Père, c’est-à-dire que le Père, à la fois, engendre un fils et le met au monde: il n’est donc pas qu’un père masculin, il est plutôt un père maternel. Ainsi le Synode de Tolède de 675 a déclaré: “Nous devons croire que le Fils est né des entrailles du Père et qu’il a été engendré de l’être propre du Père.”

 

Pour décrire la paternité de Dieu, le recours au modèle maternel est sans doute le plus éclairant. Comme le dit Karl Rahner65, en disant “Père” au sujet de Dieu, nous ne disons pas nécessairement quelque chose d’autre que “mère”. Le concept de Père implique d’être le principe premier d’une vie nouvelle et de protéger cette vie nouvelle. Le concept de paternité équivaut ici au concept de “génitorité”, de parentalité66 qui inclut Père et Mère. Jean-Paul II va dans le même sens lorsqu’il déclare en 1978: “Dieu est père, plus encore il est mère.”

 

Ajoutons que le verbe aimer (avec ses entrailles) a souvent Dieu YHWH pour sujet. Même si le terme “entrailles” n’est jamais au singulier quand il concerne Dieu – ce qui signifierait utérus –, il n’empêche que ce terme colore de tendresse maternelle la miséricorde de Dieu67.

 

Quant aux catéchismes, ils présentent un Père fort éloigné du patriarche:

Catéchisme de Genève: “Nous appelons Dieu Père car c’est le nom le plus doux, pour que nous bannissions la crainte.”68

Catéchisme de Heidelberg: “Dieu le Père: il me donne tout ce qui est nécessaire à mon corps et à mon âme.”69

 

F) La paternité de Dieu, sceau de mon adoption

Dans l’Ancien Testament, la paternité de Dieu était limitée à Israël. Père signifiait origine de la nation, mais aussi une relation personnelle avec elle. Dans le Nouveau Testament, Dieu se révèle, non plus comme Père de la nation, mais comme le Père de notre Seigneur Jésus-Christ et aussi le Père des chrétiens70. La paternité de Dieu et l’adoption de l’homme sont le plus grand miracle, synonyme de justification. Le nom de Père accolé à Dieu ne me dit rien sur la masculinité de Dieu; il me dit la qualité d’enfant qui est la mienne. En disant notre Père nous savons que notre relation filiale est très réelle71. Quand on dit paternité, on dit adoption: la Bible parle plus de Dieu comme notre Père que de nous comme ses enfants. Mais l’un implique l’autre72.

 

G) Abba, Père

L’usage du terme Abba, tel qu’il se présente dans la prière du Christ, constitue un emploi unique. En effet, Abba73est un mot araméen qui n’était employé par les targumistes que pour désigner le père au sens naturel ou adoptif. Il n’était jamais employé comme invocation à Dieu par un juif dans une prière.

 

Jésus, en choisissant Abba, montre ainsi sa relation unique au Père, relation naturelle, et il prépare les disciples à la révélation du mystère filial du Père avec eux74. De plus, en utilisant Abba, Jésus met l’accent, non sur les traits masculins et patriarcaux, mais sur la proximité75. Jésus ne veut pas évoquer un sexe particulier ni une autorité, mais indiquer le type de relations que nous avons avec le Père: intime, qui prend soin de nous, où l’on est aimés, protégés, chéris, nourris. Jésus nous invite à entrer dans cette relation avec l’Abba, relation où il voit chacun de nos mouvements, se soucie de chacune de nos larmes. C’est une profonde intimité, une relation paternelle et maternelle76.

 

C’est également un terme de détresse77. C’est dans la solitude et la détresse que Jésus a appelé Abba. Jésus, en disant Abba, montre que son Dieu est si proche qu’Il se laisse nommer dans la détresse.

 

Conclusion

 

Face aux questions suscitées par le symbole du Dieu Père, deux attitudes sont possibles:

Soit on récupère dans toute la Bible les images féminines parlant de Dieu pour trouver un langage religieux moins sexiste, exprimant ainsi mieux la transcendance de Dieu. Car il est bien vrai que Dieu est un père maternel. On peut donc utiliser un vocabulaire féminin et masculin pour parler de Dieu, mais c’est autre chose d’appeler Dieu Père et Mère. Mais, attention au danger de croire que Dieu est bisexuel78! Parler d’un Dieu Père et Mère, ce serait oublier que Dieu est transcendant. Ce serait encourager l’attribution erronée d’une “sexuation” en Dieu au lieu de l’abolir. Or, toute attribution à Dieu d’une sexualité est un retour au paganisme.

Soit on soumet à une analyse théorique et rigoureuse le concept de paternité attribué à Dieu. Là, on se rend compte que le symbole du Dieu Père a été souvent mal compris, assimilé à une masculinité de Dieu, ce qui est une aberration.

 

Ces erreurs ne doivent pas nous faire perdre de vue que Dieu s’est révélé à nous de cette façon-là et qu’il veut qu’on le prie. Si l’on peut distinguer plusieurs raisons théologiques à ce choix de la paternité, nous restons en présence d’un mystère qui nous dépasse. Cela nous rappelle notre finitude face à l’Etre infini.

 

Toutefois, la venue du Christ est la manifestation de la paternité de Dieu79. Christ appelle Dieu Abba, ce qui signifie que cette paternité, loin de représenter un primat et un paradigme patriarcal, est synonyme de filiation, d’adoption, de tendresse. Dieu comme Père n’est pas un enjeu de la guerre des sexes mais une vérité théologique, un article de foi et un sujet de louange. Réapprenons à dire: “Je crois en Dieu le Père.”

 

Annexe: Références bibliques

 

Dieu comme mère

 

Gn 3:21: “L’Eternel fit à Adam et à sa femme des vêtements de peau pour les habiller.”

Ex 4:22: “Israël est mon fils aîné.”

Nb 11:12, Moïse à Dieu: “Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple? Est-ce moi qui l’ai mis au monde pour que tu me dises: Porte-le sur ton cœur comme une nourrice porte le bébé qu’elle allaite?”

Dt 14:1: “Vous êtes les enfants de l’Eternel, votre Dieu.”

Dt 32:18b: “Israël, tu oublies le rocher protecteur par lequel tu es né, tu négliges le Dieu qui t’a donné la vie.”

Né 9:21: “Pendant quarante ans tu as pourvu à leurs besoins (au peuple d’Israël) dans le désert et ils n’ont manqué de rien, leurs vêtements ne se sont pas usés.”

Os 11:1-4: “Quand Israël était enfant, je l’ai aimé, alors j’ai appelé mon fils à sortir de l’Egypte. C’est Moi qui pour ses premiers pas ai guidé Ephraïm et qui l’ai porté dans mes bras. C’est par des liens d’une tendresse toute humaine et des cordes d’amour que je le conduisais, et j’ai été pour lui comme quelqu’un qui porte un nourrisson contre ses joues pour lui tendre à manger.”

Es 1:2: “C’est l’Eternel qui parle: J’ai nourri des enfants, je les ai élevés mais contre moi, ils se sont révoltés.”

Es 42:14, l’Eternel à Israël: “Mais maintenant, comme une femme qui enfante, je pousse des gémissements et je respire en haletant.”

Es 46:3, l’Eternel à Israël: “Vous que j’ai pris en charge dès avant la naissance, que j’ai portés dès avant le sein maternel.”

Es 49:14-15, l’Eternel à Israël: “Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle nourrit? Cesse-t-elle d’aimer l’enfant qu’elle a conçu? Et même si les mères oubliaient leurs enfants, je ne t’oublierai pas.”

Es 66:11: “Car vous serez nourris à son sein qui console jusqu’à en être rassasiés.”

Es 66:13: “Comme un enfant que sa mère console, je vous consolerai.”

Ps 91:4: “Il t’abrite de son aile et, caché sous son plumage, tu trouves un refuge sûr.”

Ps 123:2: “Comme leurs serviteurs fixent leurs regards sur la main du maître, comme la servante fixe ses regards sur la main de sa maîtresse, ainsi nos regards se tournent vers notre Dieu.”

Ps 131:2: “Je suis resté tranquille et dans le calme. Je me sentais comme un nourrisson rassasié dans les bras de sa mère, comme un nourrisson apaisé.”

Lc 15, parabole de la drachme: Dieu comparé à une femme.

 

Dieu comme père

 

Père appliqué à Dieu revient 73 fois dans le Nouveau Testament80.

 

Père d’Israël comme nation personnifiée

 

Ex 4:22-23: “Israël est mon fils aîné.”

Dt 32:6, Moïse au peuple: “Comment peut-on ainsi se conduire envers lui, nation folle, insensée! N’est-il pas votre père et votre créateur, celui qui vous a faits?”

Ps 89:27: “En m’invoquant il dira: Toi, tu es mon Père, oui c’est toi qui es mon Dieu, le roc qui me sauve.”

Jr 3:4: “Maintenant tu m’appelles mon père…”

Jr 3:19: “Je me disais aussi (l’Eternel): Vous m’appellerez Père et vous ne cesserez pas de me suivre.”

Jr 31:9: “Car je serai un père pour Israël et Ephraïm sera mon premier-né.”

Es 63:15-16: “Car tu es notre père: Abraham ne nous connaît pas, et Israël non plus ne nous reconnaît pas. Mais toi, ô Eternel, toi tu es notre père.”

 

Es 64:7: “Et pourtant, Eternel, toi tu es notre père.”

Mal 1:6: “Si je suis votre père, où sont les honneurs qui me sont dus?”

Mal 2:10: “Ne sommes-nous pas tous enfants d’un père unique? N’avons-nous pas été créés par un seul Dieu?”

 

Père d’un individu déterminé

 

2 S 7:14: “Je sera pour lui ( descendant de David) un père et il sera pour moi un fils.”

1 Ch 17:13, Dieu dit à David: “Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils.”

1 Ch 22:10: “Il sera pour moi un fils et je serai pour lui un père.”

1 Ch 28:6: “J’ai choisi Salomon pour qu’il soit mon fils et je serai moi-même un père pour lui.”

Ps 68:6: “Dieu est le père des orphelins et le défenseur des veuves.”

Ps 89:27: “En m’invoquant il dira (David): Toi, tu es mon père, oui, c’est toi qui es mon Dieu, le roc qui sauve.”

 

Comparé à un père de façon générale

 

Ps 103:13: “Et, comme un père est plein d’amour pour ses enfants, l’Eternel est rempli d’amour pour ceux qui le révèrent.”

Pr 3:12: “Car c’est celui qu’il aime que l’Eternel reprend, agissant comme un père avec l’enfant qu’il chérit.”

 

Jésus s’adresse à Dieu comme étant son Père

 

Mt 11:25-26, Jésus dit: “Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces vérités aux sages…”

Mc 14:36: “Abba, Père, pour toi tout est possible. Epargne-moi la coupe de l’épreuve; cependant qu’il arrive non pas ce que moi je veux mais ce que toi tu veux.”

Mt 26:39 et 42: “Ô, mon Père, si c’est possible, que cette coupe de l’épreuve me soit épargnée… Ô, mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe me soit épargnée, alors que ta volonté soit faite.”

Jn 12:27-28: “Père, dirai-je sauve-moi de cette heure? Père, manifeste ta gloire…”

Lc 23:34 et 46: “Jésus pria: “Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font.” “Alors Jésus poussa un grand cri: “Père, je remets mon esprit entre tes mains.”

Jn 17: il y a plusieurs fois “Père”.

 

Autres références importantes dans le Nouveau Testament

 

Rm 8:15: “Vous avez reçu un Esprit qui manifeste que vous êtes des fils adoptifs de Dieu. Car c’est par cet Esprit que nous crions: Abba, c’est-à-dire Père!” (Littéralement: vous avez reçu un esprit d’adoption.)

Ga 4:6: “Puisque vous êtes bien ses fils, Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie: Abba, c’est-à-dire Père.”

 

Bibliographie

 

Aynard, Laure, La Bible au féminin: de l’ancienne tradition à un christianisme hellénisé, Lectio Divina 138 (Paris: Le Cerf, 1990).

Bieler, André, L’homme et la femme dans la morale calviniste (Genève: Labor & Fides, 1963).

Blekkink, E. J., The Fatherhood of God (Michigan: Eerdmans Publishing, 1942).

Bouyer, Louis, Le Père invisible (Paris: Le Cerf, 1976).

De Boer, P.A.H., Fatherhood and Motherhood in Israelite and Judean Piety (Leiden: Brill, 1974).

Cooper, John, Gender-Inclusive Language for God (Theological Forum, 26: 3-4, décembre 1998).

Durrwell, François-Xavier,Le Père: Dieu en son mystère (Paris: Le Cerf, 1988).

Foh, Susan T., Women and the Word of God – A Response to Biblical Feminism (Phillipsburg: Presbyterian and Reformed Publishing Co., 1979).

Gibellini, Rosino, Panorama de la théologie au XXe siècle (Paris: Le Cerf, 1994).

Hayter, Anthony, Purity of Worship Exhibited in Christ the Covering of his Spouse (Caithness: Bower by Wick, 1979).

Hayter, Mary, The New Eve in Christ – The Use and Abuse of the Bible in the Debate about Women in the Church (London: SPCK, 1987).

Maillot, Alphonse, Eve, ma mère: Etude sur la femme dans l’Ancien Testament (Vesoul: Letouzey et Ané, 1989).

Marchel, W., Abba Père! La prière du Christ et des chrétiens (Rome: Institut Biblique Pontifical, 1963).

Marquet, Claudette, Femme et homme il les créa… (Paris: Les Bergers et les Mages, 1984).

Mollenkott, Ramey Virginia, Women, Men and the Bible (Nashville: Abingdon, 1977).

Moltmann, Elizabeth et Jürgen, Dieu homme et femme (Paris: Le Cerf, 1984).

Quéré, France, Les femmes de l’Evangile (Paris: Editions du Seuil, 1982).

Sölle, Dorothée, Christ the Representative – An Essay in Theology after the “Death of God” (London: SCM, 1967).

Storkey, Elaine, What’s Right with Feminism (London: SPCK, 1985).


* Valérie Pujol- Duval, après avoir fait une licence de théologie à la Faculté de théologie d’Aix-en-Provence, est étudiante en maîtrise à Spurgeon’s College, à Londres. Les références bibliographiques précises se trouvent à la fin de l’article.

1 Voir G. Wainwright in Systematic Theology, 353.

2 Cf. J. Cooper, Gender-Inclusive Language for God, 16. Pour les catholiques, il cite Rosemary Ruether, Elizabeth Schuessler Fiorenza, Elizabeth Johnson. Pour les protestants, Virginia Mollenkott, Sally McFague, Ruth Duck. Et pour les évangéliques, Gail Ramshaw et Phyllis Trible.

3 Une lecture cursive de la Bible présente, en effet, Dieu avec des éléments et des fonctions très masculines. “Il dirige une armée, exerce le jugement, est comme un mari, un père, un roi, il a des noms masculins et les pronoms pour parler de lui sont masculins”. M. Hayter, in The New Eve in Christ, 9. De plus, il s’incarne en homme, Jésus.

4 F.-X. Durrwell in Le Père, 7.

5 Cité par R. Gibellini in Panorama de la théologie au XXe siècle, 488.

6 Patriarcat est le mot clé de la théologie féministe. Cf. A la découverte de la théologie féministe, 3.

7 Cité par R. Gibellini, 506.

8 C. Marquet, Femme et homme il les créa, 181.

9 R. Gibellini, 509.

10 E. et J. Moltmann in Dieu homme et femme, 132.

11 J. Cooper, op. cit., 16.

12 J. Cooper, op. cit., 17. Nous faisons allusion à certains théologien(ne)s qui font une distinction entre le texte biblique et la Parole de Dieu; d’autres identifient un canon dans le canon en triant les textes sexistes et les autres; d’autres encore affirment que la Bible est une partie de la révélation et que Dieu continue à se révéler à son Eglise, notamment aux femmes. Enfin, certains pensent que les termes masculins de la Bible ont été rajoutés par les auteurs à tendance patriarcale. Ainsi Jésus n’aurait pas utilisé le mot “Père”, ce serait un ajout tardif. L’herméneutique moderne est aussi évoquée: le vrai sens du texte vient d’un dialogue avec lui, il n’a pas de sens en lui-même; le langage biblique n’est donc pas normatif. Nous ne ferons pas non plus allusion dans ce travail aux analyses freudiennes de la paternité divine comme sublimation, faute de temps pour le développer.

13 Nous nous inspirons d’une classification d’E. Storkey in What’s Right with Feminism?, 121, trois groupes:

– le féminisme biblique, qui tient fermement à l’autorité des Ecritures mais défie beaucoup d’attitudes et d’idées prétendument tirées des Ecritures;

– le féminisme à tendance chrétienne: choisit dans la Bible certains passages;

– les féministes postchrétiennes: aliénation complète par rapport à l’Eglise. Pour elles, toute la tradition chrétienne est purement sexiste.

14 Cf. notre annexe à ce sujet.

15 De Boer in Fatherhood and Motherhood in Israelite and Judean Piety, 37.

16 L. Aynard in La Bible au féminin, 71.

17 F.-X. Durrwell, op. cit., 172. Nous avons laissé de côté certaines recherches d’étymologies trop poussées, trop peu évidentes. Par exemple la racine de Emet, la vérité, viendrait de l’expression “porter un nourrisson”.

18 Environ 25 références féminines pour 10 000 masculines.

19 M. Hayter, op. cit., 39.

20 Citée in A la découverte de la théologie féministe, 7.

21 J. Cooper, op. cit., 17.

22 Il précise, dans les pages suivantes, que les auteurs cités n’essayèrent pourtant pas du tout de développer une quelconque sorte de langage inclusif.

23 L. Bouyer, Le Père invisible, 193. Cf. ci-après l’article de P. Wells.

24 W. Marchel in Abba Père, 17, 19, 26, 33. Il donne l’exemple de prière des Kekchi, en Amérique centrale au temps de la récolte du maïs: “Toi ô Dieu, toi mon Seigneur. Toi ma Mère, toi mon Père…”, 25.

25 Ainsi il est proposé pour la prière sacerdotale: “Notre Père et Mère dans le ciel” ou “au nom du Père et de la Mère, du Fils et du Saint-Esprit”. Les partisans de l’Inclusive Language veulent qu’on l’emploie dans les liturgies, cantiques et textes officiels de l’Eglise. Il existe déjà un lexique d’Inclusive Language, des traductions de la Bible et un recueil de chants. Voir J. Cooper, 15

26 A. Maillot évoque “la typologie entêtée des Eglises orthodoxes où Jésus et Marie maintiennent chacun à leur manière le masculin et le féminin”, in Eve ma mère, 25.

27 Cité par S.T. Foh, Women and the Word of God, 145.

28 R. Gibellini, op. cit., 504.

29 Ibid., 510.

30 Titre de son dernier ouvrage. Nous précisons que M. Daly n’est pas à ranger au rang des théologiennes chrétiennes, car elle a rejeté quasiment tout le contenu de la foi chrétienne. Elaine Storkey dira d’elle: “Elle n’est pas notre sœur”, 124ss.

31 Cf. A la découverte de la théologie féministe, 6.

32 Cité par M. Hayter, 11.

33 Ibid., 10.

34 Ibid., 25.

35 Cité par V. Mollenkott in Women and Men in the Bible, 52.

36 Cité par S.T. Foh, op. cit., 151-153 et 163. Voir le livre de P. Jewett, Man as Male and Female (Grand Rapids: Eerdmans, 1975).

37 Argument développé par J. Cooper, op. cit., 20.

38 Et parfois des figures de style précise Cooper, op. cit., 20.

39 Nb 11:12; 1 Th 2:7 ; Ga 4:19.

40 F.-X. Durrwell, op. cit., 31.

41 J. Cooper, op. cit., 21.

42 Catéchisme de Genève, Q. 250 (Aix-en-Provence: éd.Kerygma, 1991)

43 Ce n’est pas l’avis de C. Marquet qui déclare: “Toutes les nominations de Dieu me paraissent bonnes pour autant qu’elles ne deviennent jamais de nouveaux dogmes. Dans ma détresse, ne pourrai-je crier à Dieu Maman en sachant que ce mot dit plus ma détresse que l’ontologie divine?”

44 Cité par O. Weber, Foundations of Dogmatics, 415.

45 J. Cooper, op. cit., 20.

46 Cité par M. Hayter, op. cit., 26.

47 A. Maillot, op. cit., 37.

48 Ainsi le Psaume 103:13: “Comme un père plein d’amour”; et Luc 11:11-13: “Vous, pères, ne donnez pas des scorpions à vos enfants… (à combien plus forte raison votre Père céleste…”

49 M. Hayter, op. cit., 28 et 35.

50 M. Hayter rappelle qu’en Jérémie 2:23-24, les dirigeants de la nation sont comparés à une chamelle: in op. cit., 31.

51 A. Maillot, op. cit, 47.

52 Swidler cité par M. Hayter, op. cit., 23-24.

53 Ainsi, en Os 11:10, Dieu est même comparé à un animal: “Comme un lion, le Seigneur rugira.”

54 E. Storkey, op cit.,126.

55 M. Hayter, op. cit., 32-33 et 35.

56 Voir La Confession de La Rochelle: “Nous croyons et confessons qu’il y a un seul Dieu qui est une seule et simple essence spirituelle” et non une essence sexuée!

57 M. Hayter, op. cit, 27.

58 Ainsi Joseph, modèle de paternité, fut père de Jésus… par adoption. Et c’est par Joseph que Jésus est de la descendance de David.

59 Exposées par Maillot, qui lui-même reprend J. Ansaldi et G. Marcel. Mais Maillot hésite à adopter pleinement cette explication pour justifier la paternité de Dieu. Il se demande, entre autres, si ce n’est pas une interprétation a posteriori et une reconstruction simpliste. Il ajoute que l’image du père dans l’Ancien Testament est surtout celle du Créateur, non d’une déesse mère. Cf. Maillot, op. cit., 45.

60 Même si dans l’Ancien Testament Israël appelle peu Dieu Père.

61 M. Hayter, op. cit., 15 et 18.

62 Voir Q. 22.

63 W. Marchel, op. cit., 206.

64 E. et J. Moltmann, op. cit., 104.

65 Cité par R. Gibellini, op. cit., 506 et 507.

66 Ou encore Parenting et Elternshaft.

67 A. Maillot, op. cit., 45.

68 Voir no 257.

69 Voir no 26.

70 W. Marchel, op. cit., 204.

71 F.-X. Durrwell, op. cit., 249.

72 V. Mollenkott, cf.. O. Weber, 480.

73 L’explication suivante est proposée par W. Marchel, op. cit, 106-112 et 116.

74 W.Marchel, ibid., 153, 253 et 255. L’auteur pense que, selon toute probabilité, les mots “Père” des évangiles rendent un Abba primitif. Donc, dans le Notre Père, ce serait Abba. Les premiers chrétiens invoquaient Dieu comme Abba. Eclairés par l’Esprit, les premiers chrétiens ont graduellement pris conscience de leur union au Christ, Fils unique de Dieu. Et, en vertu de cette union, ils se savent dans une relation au Père semblable à celle de Jésus. Ibid., 138, 197, 206.

75 R. Gibellini in op. cit., 508.

76 E. Storkey, op. cit., 126.

77 A. Maillot, op. cit., 47.

78 J. Moltmann cité par M. Hayter in op. cit., 35 et 40.

79 W. Marchel, op. cit., 175.

80 Excellent tableau de recension dans W. Marchel, op. cit., 203.

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