Eugène Bersier (1831-1889)

Eugène Bersier (1831-1889)

Stuart LUDBROOK*

Bersier, grand de taille, large dans ses sympathies et ferme dans ses convictions évangéliques, reste une personnalité attrayante, voire originale. Sa passion pour l’action sociale et ses activités en faveur du rapprochement entre protestants témoignent d’une forte volonté d’oeuvrer pour l’affermissement de l’Eglise chrétienne. L’évangéliste devenu prédicateur et moraliste de Taitbout, administrateur d’oeuvres protestantes, fondateur de l’Eglise évangélique de l’Etoile à Paris, est une figure marquante du protestantisme français.

I. Sa formation, sa famille et ses amis

Eugène, Arthur, François Bersier est né le 5 février 1831 à Morges, dans le canton de Vaud. Son père, Jacques Bersier, de nationalité suisse, ainsi que sa mère, Louise Coindet, née en Angleterre de père Suisse, descendaient de huguenots français, exilés pour cause de religion. Sa grand-mère maternelle était Anglaise, ce qui lui permit, dès son enfance, de parler couramment l’anglais[1].

Eugène Bersier a vécu à Genève, quai des Bergues, de 1838 à 1848. Sa mère, veuve, dut l’élever seule et fut confrontée à des difficultés financières. La conversion de Bersier à la foi chrétienne est attribuée à la lecture du discours sur La joie d’A. Vinet[2]. Il suivit une instruction religieuse le préparant à recevoir la confirmation auprès du pasteur E. Demole qui, tout en appartenant à l’Eglise nationale de Genève, enseignait à l’Oratoire sous les auspices de la Société évangélique. En 1848, afin d’échapper à Genève, dont l’ambiance lui semblait étouffante, Bersier est parti pour les Etats-Unis, où habitait son frère aîné, Auguste. Il s’intéressa à la communauté huguenote de New Rochelle. Après un séjour pénible marqué par un lourd travail et de longues luttes intérieures, il prit la décision de devenir pasteur et revint en Europe, ayant appris l’hébreu et le grec et s’étant ménagé quelques économies afin de payer ses études de théologie[3].

L’éducation générale et théologique de Bersier s’effectua en grande partie à Genève. Il fit ses études secondaires au Collège de Genève. A son retour d’Amérique, il passa quatre années à la Faculté de théologie de l’Oratoire. Voici ce qu’écrit à son sujet L. Ruffet:

Bersier, Bersier (…) Nous demeurions ensemble à Champel, près de Genève. Plus jeune que lui de quelques années, j’éprouvais déjà pour lui cette admiration affectueuse, qui n’a fait que grandir avec les années, jusqu’au jour où Dieu, dans son insondable dessein, l’a retiré brusquement à lui. Je le vois encore dans son étroite petite chambre entourée de livres, vraie cellule où sa lampe brûlait tard, où il se levait matin; sur sa table, à portée de main, les ouvrages de Vinet à mesure qu’ils paraissaient. Avec quel soin il les lisait, ou plutôt il les étudiait[4].

En janvier 1854, Bersier soutient sa thèse de baccalauréat en théologie sur La méthode de l’apologétique. Après ses études à Genève, il fréquente deux Facultés de théologie en Allemagne. Ses études de théologie terminées, Bersier s’installa à Paris où il rencontre la famille de Pressensé, surtout Edmond, l’un des pasteurs de la chapelle Taitbout. Grâce à son appui, Bersier peut s’intégrer dans ce milieu parisien cultivé. Il se met donc au service des oeuvres fondées par H. Lutteroth, comme la Société évangélique de France. Il se rattache à l’Union des Eglises évangéliques libres. En 1855, il acquiert la nationalité française en tant que descendant d’émigrés français.

En mai 1854, Bersier se fiance à Marie Hollard; le mariage est célébré le 10 février 1855 sous la présidence d’E. de Pressensé. Cinq enfants naîtront de cette union. La famille Hollard a influencé la carrière de Bersier. Henri Hollard, son beau-père, fonde en 1854 la Revue chrétienne, à laquelle Bersier contribue régulièrement. Henriette Hollard, sa belle-soeur, compose la musique pour les répons liturgiques introduits à l’Eglise de l’Etoile. Roger Hollard était un ami très proche[5].

Par son mariage, Bersier s’apparente aussi à la famille de Pressensé. Leur amitié a duré jusqu’à la mort de Bersier, comme en témoignent leurs relations épistolaires. Malgré leurs différences de tempérament et de caractère, leur collaboration s’est pousuivie même après leurs désaccords consécutifs au départ de Bersier de la chapelle Taitbout. Un échange de lettres particulièrement franc atteste de leurs différences d’opinion. E. de Pressensé accueille froidement le ralliement de Bersier aux Eglises réformées, sans pour autant lui manifester de l’acrimonie.

Il est impossible d’évoquer les amis de Bersier tels J.-F. Astier, F. Lichtenberger, A. Sabatier, Frank Puaux et L. Pilatte[6].

II. Sa carrière pastorale

A) Evangéliste et administrateur (1855-1860)

Bersier est consacré pasteur par E. de Pressensé le 5 septembre 1855 à la chapelle Taitbout. Il participe activement à la création de l’UCJG en France en 1855 et assistait souvent aux assemblées et conférences universelles de l’Alliance Evangélique. De 1855 à l’automne 1858, il travaille dans la petite station d’évangélisation créée Faubourg-Saint-Antoine par la Société évangélique de France. En octobre 1858, il devient l’adjoint de Victor de Pressensé, au 47, rue de Clichy[7], et participe à l’administration de plusieurs sociétés religieuses. Tout au long de sa vie, il a assuré des collectes de fonds pour ces oeuvres en faisant des tournées en France, ce qui lui permet de se familiariser aussi avec les Eglises réformées.

B) Prédicateur et moraliste à la chapelle Taitbout (1860-1869)

Dès 1860, Bersier est appelé comme remplaçant temporaire à la chapelle Taitbout (rue de Provence). En 1863, il y devient pasteur titulaire avec E. de Pressensé. La prédication de Bersier attire bien des protestants de Paris et des environs, qui n’en deviennent pas pour autant membres des Eglises libres[8]. Conférencier prisé sur les questions éthiques, Bersier rend visite à V. Hugo et apprécie Sainte-Beuve:

Nul n’a mieux sondé l’homme du XIXe siècle, nul n’a mieux dit ses blessures, ses découragements et ses faiblesses intérieures comme aussi, dans une autre sphère, nul n’a mieux analysé l’oeuvre mystérieuse de la grâce et les secrets de l’âme pénitente que l’historien de Port-Royal[9].

Littéraire, Bersier a rédigé des articles sur Renan, Pascal et Rousseau.

Il a défendu la doctrine évangélique contre ses détracteurs en prônant une confession de foi pour les Eglises réformées:

Le bon sens affirme qu’une société religieuse ne peut exister sans croyances communes; il est d’un autre côté historiquement certain que l’Eglise réformée a une foi religieuse exprimée dans ses liturgies; qu’elle ne peut être confondue avec une école de philosophie déiste, ou avec la religion judaïque, qu’elle ne peut tolérer dans ses chaires un enseignement qui ne fait du Christ qu’un simple rabbin d’Israël et de sa religion, qu’une morale plus ou moins incomplète[10].

C) Fondateur de l’Eglise évangélique de l’Etoile (1869-1877)[11]

Bersier, qui habitait au 216, boulevard Péreire, organise en 1866 un service du soir (avec prédication le dimanche et le mercredi) dans une salle d’école rue de l’Ouest à Neuilly. Cette oeuvre, qui dépendait à son origine de la Société évangélique de France, devient rapidement une annexe de la chapelle Taitbout. C’est ainsi qu’est née une véritable Eglise: l’Eglise évangélique de l’Etoile. Dès le mois de mars 1869, un conseil presbytéral est constitué et, le 3 octobre de la même année, une école du dimanche commence. Pendant l’hiver du siège de Paris, les cultes sont interrompus jusqu’au 27 mars 1871, date de la réouverture de la « Petite Etoile »[12]. Pendant la Commune de Paris, les cultes sont interrompus de 2 avril au 11 juin 1871.

Le 15 mars 1873, le Conseil de l’Eglise prend la décision unanime de construire une nouvelle chapelle. Le 1er juillet 1873, la chapelle de l’Etoile se constitue en association autonome[13]; ainsi est rompu le lien officiel avec la chapelle Taitbout, même si Bersier préside, en juin 1873, le Synode national des Eglises libres à Saint-Jean-du-Gard[14]. Le 18 août 1873, le terrain initial est acquis et un architecte suédois, W. Hansen, est engagé[15]. A l’inauguration du temple de l’Etoile, qui a lieu le 29 novembre 1874, Bersier prêche son sermon La mission des apôtres et conclut par cette prière improvisée:

Ô Jésus-Christ, divin chef de l’Eglise, roi de justice et de vérité, lève-toi et montre à ce siècle, qui l’ignore, la puissance et la beauté de ton Evangile éternel, et puisque ce sanctuaire s’est ouvert à ta gloire, daigne dès ce premier jour le sanctifier de ta présence. Que ta Parole seule y soit enseignée, que ta grâce seule y soit présentée et que, chaque fois que nous serons assemblés en ton nom, nous puissions sentir se réaliser ta promesse: Voici, je suis tous les jours avec vous. Amen[16].

L’innovation principale de la cérémonie consiste dans les répons liturgiques impeccablement chantés par un choeur de soixante voix. Dès décembre 1874, le culte est assuré non seulement le dimanche à 16heures, mais également le dimanche matin.

En 1877, l’Eglise de l’Etoile fait preuve de vitalité en fondant l’Ecole professionnelle de jeunes filles de Paris dans un bâtiment contigü à l’église[17].

D) Ministère pastoral au sein des Eglises réformées (1877-1889)

Le 6 avril 1877, le Consistoire de l’Eglise réformée de Paris ratifie la décision du Conseil presbytéral de l’Eglise des Batignolles d’incorporer l’Etoile dans les Eglises réformées. Sur la demande expresse de Bersier – qui obtient le statut de pasteur auxiliaire et ne reçoit donc aucun traitement de l’Etat – le territoire de Levallois-Perret est confié à cette paroisse. Bersier, qui est installé le 3 juin 1877 à l’Oratoire du Louvre dans ses fonctions de pasteur réformé, voit dans l’adhésion de l’Etoile aux Eglises réformées, non seulement un passage qui modifie son statut administratif, mais aussi une transformation de son propre ministère.

A partir de 1878, Bersier participe au travail d’évangélisation de la Mission McAll dans un quartier populaire de Paris et maintient son soutien à l’action missionnaire d’outre-mer. Il s’oppose à la réforme de Jules Ferry et demeure hostile à l’abandon des écoles protestantes à l’Etat. Après en avoir écrit une histoire populaire, il inaugure le monument en l’honneur de l’amiral de Coligny, monument qui est situé près de l’Oratoire du Louvre.

E) Appréciations de la vie de Bersier

Le 18 novembre 1889, au retour d’une soirée d’évangélisation boulevard Barbès, Bersier est mort d’une crise cardiaque en pleine activité pastorale. Il était âgé de 58 ans. Ses obsèques sont célébrées à l’Etoile, le vendredi 22 novembre. Dans le discours d’ouverture, Louis Vernes, pasteur de l’Eglise des Batignolles et président du Consistoire réformé de Paris, rappelle l’activité de Bersier en faveur des Eglises réformées:

Il avait pris une part considérable, je pourrais dire prépondérante, à l’organisation synodale officieuse de notre Eglise. Elle avait en lui un défenseur aussi judicieux qu’énergique de ses intérêts et de ses droits[18].

Dans son éloge, le pasteur Jules Vinard, témoin proche de l’action quotidienne de Bersier en tant que son suffragant depuis 1888, discerne avec le recul le caractère particulier de cette Eglise:

L’originalité frappante de l’Eglise qu’il a fondée, c’est qu’elle était à la fois, entre ses mains, un des sanctuaires les plus recueillis où les âmes croyantes fussent heureuses de s’abriter, et l’aréopage ouvert où toutes les opinions de notre temps pussent écouter l’apologétique chrétienne la plus réfléchie et la plus hardie[19].

Ensuite intervient le pasteur Ph. Mouline, qui succède à Bersier en 1887 en tant que président de la Commission permanente du Synode général officieux. Après avoir remarqué sa contribution significative à ce poste élevé, il souligne l’assiduité de Bersier et son caractère bienveillant:

… Il était pour nous une lumière et une autorité, une autorité bienfaisante qui se faisait aimer autant que respecter. Quelle aménité dans ses rapports avec tous ses collègues! Quelle largeur de vues! Quel respect pour les personnes! Comme il savait à propos faire vibrer la corde de la charité, et se prêter à toutes les concessions qui pouvaient procurer la paix, sans compromettre la vérité. La débonnaireté était un charme de plus de cette grande personnalité[20].

Après l’Inspecteur ecclésiastique du Consistoire de l’Eglise luthérienne de Paris, le pasteur Félix Kuhn exprime l’affection qui surmonte les différences confessionnelles:

Nous l’aimions parce que nous savions que, si attaché qu’il fût à la foi de votre Eglise réformée, son large esprit s’élevait à ces hauteurs sereines où l’on entrevoit toutes les réalités du Royaume de Dieu et où l’on s’écrie avec le Symbole des Apôtres: « Je crois la sainte Eglise universelle et la communion des saints… »[21]

M. le baron Fernand de Schickler, président de la Société de l’histoire du protestantisme français depuis 1865, retrace l’activité de Bersier en tant qu’historien du protestantisme français:

Bersier ne séparait pas l’histoire protestante de la foi protestante: que l’une était la vivante démonstration de l’autre…[22]

III. Ses écrits

Bersier a beaucoup écrit, notamment dans les journaux tels que La Revue chrétienne et le Journal de Genève. On lui doit aussi quelques articles d’encyclopédie consacrés à la célébration du culte. La plupart de ses interventions dans les Eglises se retrouvent dans ses Sermons, sept volumes parus à Paris entre 1863 et 1884 chez Fischbacher, comme la plupart de ses oeuvres.

Parmi ses discours de circonstance, les plus importants à nos yeux, figurent La Commune, L’Eglise et La Révocation. La majeure partie de ses écrits historiques ont été rassemblés dans l’ouvrage posthume Quelques pages de l’histoire des huguenots (1890), préfacé par A. Sabatier. Toutefois, il ne faut pas oublier son Histoire du Synode général de l’Eglise Réformée de France consacrée au synode de 1872, ainsi que Coligny avant les guerres de religion (1884).

Pour comprendre ses opinions théologiques en 1877 et leur incidence sur la vie des Eglises, il faut consulter l’ouvrage polémique et biographique Mes actes et mes principes, réponse aux attaques de M. J.-F. Astié.

IV. Héritage pour l’Eglise

Bersier, théologien de l’Eglise universelle, spécialiste de l’éthique pratique, ce prédicateur évangélique du Christ, « le Souverain Prédicateur… le Maître des coeurs et des consciences »[23], devient liturgiste de la foi réformée. Beaucoup de ses écrits mettent en valeur l’Eglise:

L’Eglise, c’est-à-dire cette famille dont seul Dieu connaît les membres, cette grande cité des âmes dont nos Eglises diverses ne sont que d’imparfaites réalisations. (…) Reconnaissons et saluons l’Eglise universelle partout où se retrouve la foi qui a fondé l’Eglise, partout où les coeurs s’unissent au nom de Jésus-Christ, leur Sauveur et le nôtre[24].

Sa prédication visait à présenter une théologie évangélique qui réponde aux interrogations de ses contemporains:

La croix éclaire ces trois formidables mystères que sont le péché, la douleur et la mort, et sur lesquels la science n’a jamais pu projeter de clarté. Rien ne les a jamais éclairés comme la croix…: la croix l’éclaire en nous révélant en Dieu une puissance de sympathie que l’homme n’eût osé rêver; il n’y a désormais plus de souffrance avec laquelle la croix n’ose se mesurer parce qu’il n’en est point qu’elle ne dépasse et ne console; si loin que nous descendions dans cet abîme, nous y trouvons encore Jésus-Christ qui nous précède, et partout où nous trouvons son amour, nous trouvons la consolation[25].

Bersier reste célèbre pour sa prédication, d’une lecture aisée. A. Sabatier en explique la raison:

Bersier excellait dans la peinture des moeurs, dans les analyses psychologiques et morales; il y portait une finesse de regard, une justesse d’expression, une franchise admirablement tempérée par la charité évangélique, qui faisaient que ce que les auditeurs emportaient le plus souvent de ses discours, c’était le véridique portrait d’eux-mêmes qu’ils y avaient reconnu[26].

Il est quasiment impossible de résumer sa liturgie qui, à la fois, pousse à l’adoration et exprime une théologie réformée. Voici la prière précédant la récitation du Symbole des Apôtres:

Seigneur, nous te rendons grâce de ce que tu nous a appelés à la connaissance du salut par la foi en Jésus-Christ notre Rédempteur. Maintiens-nous dans la possession de la vérité, afin que, soumis aux enseignements des Saintes Ecritures, chacun de nous puisse confesser librement sa foi et dire en communion avec l’Eglise universelle…[27]

Voici une prière pour introduire le culte, dont il parle si bien dans son article d’encyclopédie:

Mes frères, en nous présentant devant Dieu pour lui offrir notre adoration et nos prières et pour avoir part aux grâces qu’il a promises à tous ceux qui l’invoquent, humilions-nous tout d’abord devant Dieu comme cela convient à des pécheurs et, puisque par la vertu toute-puissante du sacrifice de notre Seigneur Jésus-Christ la rémission de leurs péchés est accordée à tous ceux qui les confessent, qui se repentent et qui croient, confessons-lui nos fautes avec des coeurs croyants, sincères et repentants, en implorant sa grâce et sa miséricorde[28].

Auteur aussi de nombreux cantiques, tels que « Anges du Très-Haut » et « Lève-toi, vaillante armée », son cantique « Sois consolé, Sion, lève-toi » se chantait sur la mélodie de G. F. Haendel, utilisée par la suite pour « A toi la gloire ». Signalons au sujet de l’Eglise, « Ô Christ, Agneau de Dieu », qui témoigne de la passion de Bersier pour l’unité du peuple chrétien:

1. Ô Christ, Agneau de Dieu, qui par ton sacrifice
A voulu du Dieu saint apaiser la justice.
Et nous a sauvés par ta croix.
Fais de tes rachetés un seul peuple de frères
Qui, d’une même voix, élève ses prières
Pour te bénir, ô Roi des rois!

2. De ton divin amour, fais-nous sentir l’étreinte,
Et que, soumis enfin à ta volonté sainte,
Nous soyons tous unis à toi.
Puisque un même pardon nous rapproche et nous lie,
Que par toi soutenus, vers la même patrie,
Nous marchions dans la même foi.

3. Trop souvent divisés par des luttes cruelles,
Tes enfants à ta voix se sont montrés rebelles.
Remplis-les d’un esprit nouveau.
Il est temps que par eux le monde te connaisse,
Et qu’il puisse, ô Seigneur, voir selon ta promesse,
Un seul pasteur, un seul troupeau.

4. A tes pieds réunis dans la sainte lumière
Bientôt nous oublierons tout ce qui sur la terre,
Nous a séparés pour un jour.
Que ton règne en nos coeurs dès ici-bas commence!
Par ton Esprit, Seigneur, fais-nous goûter d’avance
Ta paix divine et ton amour[29]

Ce cantique, partant d’une théologie évangélique de la mort de Jésus, plaide en faveur de l’unité chrétienne. Il désigne la croix en termes de sacrifice et considère le Christ en tant que victime de propitiation. L’expérience du pardon, acquis à la croix, constitue la base de la fraternité chrétienne. Bersier ne perd pas de vue la portée missionnaire de l’unité chrétienne, qui anticipe l’ultime harmonie dans le culte céleste. Bersier associe des paroles de Jésus (Jean 17) à des promesses que l’on trouve chez le prophète Ezéchiel (chap. 34): « Un seul pasteur, un seul troupeau », tout en mêlant des allusions à l’expérience des fidèles de l’ancienne Alliance. Par exemple, « Tes enfants à ta voix se sont montrés rebelles », reprend le Psaume 95, cité en Hébreux 3 et 4. Ce texte solide nous paraît être une des meilleures compositions de Bersier.

V. Conclusion

Henri Monnier illustre le respect dont jouissait Bersier au sein des Eglises réformées en 1931:

Ce fils du romantisme et du Réveil a toujours eu la passion de la liberté. Il a incarné les plus hautes aspirations du protestantisme. Sa prédication n’a que très peu vieilli, et restera classique. Les leçons de sa vie n’ont rien perdu de leur actualité. Sa figure domine, dans l’histoire de l’Eglise, le siècle qui précède le nôtre. Et s’il est des saints vers qui se tourne la reconnaissance émue des chrétiens de la Réforme, Eugène Bersier est du nombre[30].

ÉCRITS DE BERSIER (en librairie):

La Révocation, discours prononcé dans le temple de l’Oratoire, le 22 octobre 1885, à l’occasion du deuxième centenaire de la Révocation de l’Edit de Nantes (1885), réédité sans les Appendices IV à VIII (Paris: Fischbacher et Librairie Protestante, 1985), 63.

LECTURES SUR BERSIER

Un témoin de la Commune de Paris: Eugène Bersier (Paris: Librairie d’Argences, 1982), extrait du Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France (1981), 245-254.

« Eugène Bersier », Cahiers de Foi et Vie, collectif, 1931, 124.

M. Bersier, Recueil de souvenirs de la vie d’Eugène Bersier (Paris: Fischbacher, 1911).

B. Bürki, Cène du Seigneur, Eucharistie de l’Eglise (Fribourg: Ed. Universitaires, Cahiers oecuméniques 17A,B, 1985), 176 et 224. Cet ouvrage contient les liturgies de communion de Bersier, un commentaire ainsi qu’un résumé de sa vie.

A. Encrevé, D. Robert, « A l’occasion du centenaire de l’Eglise de l’Etoile, 1874-1975: Eugène Bersier (1831-1889) », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme (1976), 211-228.

L. Gambarotto, « La base de Paris: référence identitaire et unitaire des UCJG », Etudes théologiques et religieuses 67 (1992:3), 375-392.


* Stuart Ludbrook, pasteur baptiste, rédige une thèse sur la liturgie de Bersier.

[1] Recueil de souvenirs de la vie d’Eugène Bersier (Paris: Fischbacher, 1911), 2 dit Souvenirs.

[2] Ibid., 29-30. A. Vinet, La joie, Nouveaux discours sur quelques sujets religieux (OEuvres d’Alexandre Vinet, Lausanne/Paris, 1913), 361-384, cité par B. Bürki, Cène, Eucharistie de l’Eglise (Fribourg: Ed. Universitaires, 1985), vol. B, 36.

[3] Souvenirs, op. cit., 33.

[4] Louis Ruffet, « Lettre de Suisse « , Revue chrétienne, 44 (1897:I), 470-474. Cf. Souvenirs, op. cit., 46. Louis Ruffet (né à Nyon en 1836), pasteur, professeur et théologien évangélique en Suisse.

[5] Roger Hollard (1838-1902), fils de Henri Hollard, beau-frère de Bersier, a été pasteur des Eglises libres au temple du Luxembourg, rue Madame, de 1867 à sa mort.

[6] Dans les Souvenirs, marie Bersier présente très succinctement des portraits de nombreux mais du foyer bersier.

[7] Immeuble qui devint, en 1919, le siège de la Fédération protestante de France.

[8] Souvenirs, op. cit., 146-147.

[9] « Revue du mois  » du 14 janvier 1855 dans la Revue chrétienne 2 (1855), 63.

[10] Revue chrétienne 13 (1866), 189.

[11] Le récit de Bersier se trouve dans la notice préliminaire (27 pages) de La mission des apôtres, discours prononcé le 29 novembre 1874 à l’occasion de la consécration de l’église de l’Etoile (Paris: Fischbacher, 1875) (Sermons, tome V, 2-80), cf. Souvenirs, op. cit.

[12] Souvenirs, op. cit., 245 et 293.

[13] Notice préliminaire 5, dans La mission des apôtres, op. cit.

[14] Souvenirs, op. cit., 345.

[15] Op. cit., 338.

[16] La mission des apôtres, op. cit., 108.

[17] Ce bâtiment héberge, depuis les années 1980, les studios de la radio parisienne Fréquence Protestante ».

[18] Collectif, Service funèbre de M. Eugène Bersier, pasteur de l’Eglise réformée de France, célébré le vendredi 22 novembre 1889 à l’Eglise évangélique de l’Etoile (Paris: Eglise Evangélique de l’Etoile, 1889), 12. Il se trouve également dans Le Christianisme au XIXe siècle, du 28 novembre 1889. Les discours d’adieu aux obsèques furent imprimés dans Le Matin du 23 novembre 1889.

[19] Ibid., 18.

[20] Ibid., 25.

[21] Ibid., 30.

[22] Ibid., 51. Fernand, David, George (baron) de Schickler (Paris, 1835; Paris, 1909).

[23] « La présence du Christ « , Sermons, tome I, 348, sur le texte de Matthieu 28:20.

[24] Les ruines de Jérusalem, discours prononcé à Amsterdam, dans l’ancienne église wallonne le 18 août 1867, lors de la cinquième assemblée universelle de l’Alliance évangélique (Paris: Meyrueis, 1867), cité selon Sermons, tome III, 278.

[25] « La lumière du monde », Sermons, tome V, 22-23.

[26] A. Sabatier dans Le Temps du 20 novembre 1889.

[27] Projet de révision de la liturgie des Eglises réformées de France (Paris: Fischbacher & Grassart, 1888), 32.

[28] Liturgie à l’usage des Eglises réformées (Paris: Fischbacher, 1874), 60-61.

[29] Les Chants de l’UCJG de la Suisse romande (Lausanne: Imp. Viret-Menton, 1904, 5e éd.), n° 466, attribuent ce cantique à Bersier.

[30] Henri Monnier, « A propos du centenaire », 88, dans collectif, Eugène Bersier, op. cit., 87-103.

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