Pauvreté et injustices : le Mouvement de Lausanne et la justice sociale
Daniel Hillion
Responsable des relations au Service d’entraide et de liaison (SEL)
Lors du troisième congrès de Lausanne tenu au Cap en 2010, Samuel Escobar, qui avait fait partie du comité de rédaction de la Déclaration de Lausanne, a évoqué son neuvième paragraphe qui contient la formulation dont je me suis inspiré pour mon titre : « Nous sommes tous choqués par la pauvreté de millions d’êtres et troublés par les injustices qui en sont la cause. » Escobar a indiqué que beaucoup auraient voulu que l’on supprime la référence aux causes de la pauvreté et aux injustices1.
Sur les questions sociales, le Mouvement de Lausanne s’est d’abord fait connaître par l’affirmation selon laquelle « l’évangélisation et l’action sociopolitique font toutes deux partie de notre devoir chrétien »2. Je propose de me concentrer plutôt sur le thème de la justice qui a moins retenu l’attention, mais qui est susceptible de provoquer des débats au moins aussi animés que celui, plus classique, du lien entre évangélisation et action sociale. Parler de justice peut nous entraîner sur les terrains glissants et controversés de la politique et de l’économie au sujet desquels les chrétiens évangéliques ont des opinions fort diverses.
La Déclaration de Lausanne parlait également de refléter la justice du Royaume et de la répandre dans un monde injuste, en ne craignant pas de dénoncer le mal et l’injustice où qu’ils soient3 – ce que le Manifeste de Manille appellera rendre un « témoignage prophétique »4, expression qui évoque Amos ou Esaïe fulminant contre les injustices sociales d’Israël, de Juda ou des nations de leur époque. L’Engagement du Cap enfonce le clou en soulignant que notre amour
exige que nous ne nous contentions pas d’aimer la miséricorde et les œuvres de compassion, mais que nous rendions aussi la justice en exposant à la lumière tout ce qui opprime le pauvre, et en nous y opposant5.
On y lit aussi que le témoignage de la Bible tout entière nous montre le désir de Dieu que prévale partout la justice économique systémique et que s’exprime aussi la compassion personnelle, dans le respect et la générosité à l’égard des personnes pauvres et nécessiteuses – mettant ainsi en valeur le caractère structurel de certaines questions de justice6. Il ne fait aucun doute que l’expérience montre que les pauvres sont particulièrement vulnérables face à diverses formes d’injustice et que l’Ecriture attire notre attention sur ce point. Nous ne pouvons donc pas esquiver l’étude de la question. Les textes de Lausanne nous le rappellent opportunément.
Je proposerai, dans un premier temps, quelques thèses et points de repère pour construire une approche biblique et théologique substantielle de la justice sociale à laquelle adosser les grandes déclarations des textes de Lausanne. J’aborderai, ensuite, quelques questions qui peuvent poser problème parmi les chrétiens évangéliques. Je plaiderai, enfin, pour une mise en pratique diversifiée conférant une forme de priorité à l’intériorisation du message de la grâce. Les textes de Lausanne nous serviront à la fois de points de départ, de partenaires de dialogue et de « prétextes » pour creuser davantage les problématiques.
Construire une approche biblique et théologique
du sujet de la justice sociale
Pour construire une approche biblique et théologique du thème de la justice qui doit régner dans la société, je chercherai, dans un premier temps, à poser quelques points de repère qui aideront à préciser la notion que nous cherchons à cerner. Nous ne partirons pas d’une définition ou d’une étude des mots bibliques employés pour parler de justice. Comme le fait valoir avec justesse Sylvain Romerowski, il est de mauvaise méthode de « partir des mots pour atteindre les notions ou conceptions entretenues par les auteurs bibliques »7. Un mot peut avoir plusieurs sens et servir pour des concepts divers et la même notion peut être approchée avec des mots variés. Je voudrais, en particulier, souligner que nous ne devrions pas imaginer que chaque fois que l’Ecriture dit « justice » elle désigne la justice « sociale ». D’autre part, le ou les concepts de justice que nous utilisons en théologie, s’ils doivent s’enraciner dans la révélation biblique, n’ont pas nécessairement à correspondre aux concepts visés par les mots du vocabulaire biblique de la justice.
Partir de Dieu
Pour parler de la justice que nous devons pratiquer au sein de la société humaine, les textes de Lausanne nous invitent à partir de la justice de Dieu :
Nous affirmons que Dieu est à la fois le Créateur et le Juge de tous les hommes ; nous devrions par conséquent désirer comme lui que la justice règne dans la société, que les hommes se réconcilient et qu’ils soient libérés de toutes les sortes d’oppressions8.
Il y a donc pour Lausanne un lien entre la justice à rechercher dans la société et le fait que Dieu est juge – et, pourrais-je ajouter, que Dieu est juste.
Il y a quelque chose d’unique dans la justice de Dieu. Comme Jésus a dit qu’il n’y a de bon que Dieu seul (cf. Marc 10.18), nous pouvons affirmer qu’en un sens il n’y a de juste que Dieu seul. D’autre part, Dieu seul est le juge de toute la terre et la Déclaration de Lausanne affirmait :
nous rejetons, comme un rêve orgueilleux et présomptueux, l’idée que l’homme puisse jamais édifier sur terre un règne de paix et de bonheur. Nous croyons que Dieu rendra son royaume parfait et, avec un ardent désir, nous attendons ce jour ainsi que les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habitera et où Dieu régnera toujours9.
Et pourtant nous sommes aussi appelés à être justes et à pratiquer la justice. La justice fait partie de ces attributs de Dieu que l’on a parfois appelés « communicables » : Dieu est juste et il nous appelle à être justes. Nous devrions, dit la Déclaration de Lausanne, chercher à « refléter » la justice du Royaume et à la « répandre dans un monde injuste »10. Retenons donc, premièrement, ces deux aspects à tenir en équilibre : la justice de Dieu fait pâlir par son éclat la justice humaine, mais elle en constitue aussi le fondement, et c’est en regardant au Dieu de l’Ecriture que nous pourrons construire une approche substantielle de la justice sociale.
La justice humaine, dans une perspective biblique, se pense fondamentalement en rapport avec la loi de Dieu : « Pour nous la justice sera d’observer et de mettre en pratique tous ces commandements devant l’Eternel, notre Dieu, comme il nous l’a commandé. » (Dt 6.25)11 C’est aussi ce qu’indique la formulation de Luc à propos de Zacharie et d’Elisabeth : « Tous deux étaient justes devant Dieu, et suivaient d’une manière irréprochable tous les commandements et les ordonnances du Seigneur. » (Lc 1.6) Jésus, le Juste, né d’une femme et sous la loi est celui qui a parfaitement accompli la loi et a ainsi été parfaitement juste. La justice qu’il nous faut pratiquer à l’égard des pauvres est, d’abord, la mise en pratique des aspects de la loi divine qui concernent la vie en société et nos responsabilités à l’égard des pauvres.
Peut-on maintenant en dire plus sur ce qu’est la justice de Dieu ? Le sujet est vaste et donne lieu à beaucoup de débats. Je me contenterai d’évoquer ici une distinction proposée par le théologien réformé François Turretin (1623-1687). À propos de la justice de Dieu, il parlait, d’une part, de la justice universelle qui désigne l’ensemble des vertus – « à [cette justice universelle] appartiennent, en particulier, la bénignité et la bienfaisance, la constance et la fidélité dans l’accomplissement des promesses (qui apparaît fréquemment sous le terme de justice dans l’Ecriture) » – et, d’autre part, la justice « particulière », occupée des récompenses et des punitions, qui donne à chacun ce qui lui revient12. Cette distinction m’inspirera les commentaires suivants.
Si, pour les humains, la justice consiste à observer la loi de Dieu qui est au-dessus d’eux, dont l’œuvre est inscrite dans leur cœur à tous (cf. Rm 2.14-15), et dont nous avons le privilège d’avoir la révélation dans l’Ecriture, Dieu, lui, n’a pas au-dessus de lui une loi qui lui serve de règle de justice. Comme les anciens dogmaticiens réformés l’avaient vu, en toute rigueur, Dieu ne nous doit rien. Et cependant on peut dire que Dieu se doit à lui-même certaines choses par rapport à ses créatures13. Il se doit à lui-même d’agir en fonction de ce qu’il est (son nom) et aussi en fonction de son alliance, c’est-à-dire de ses promesses et de ses menaces. Il ne peut se renier lui-même ! Cette perspective, qui me semble correspondre à la vision biblique, est celle d’un Dieu dont l’être est la norme de la justice – il est le Juste – qui manifeste cette justice dans sa façon de gouverner le monde, en accomplissant ses promesses et ses menaces, et dans les commandements qu’il nous donne14.
Concernant la justice « particulière », elle occupe une large place dans l’Ecriture et correspond à l’affirmation fréquente selon laquelle Dieu rend à chacun selon ses actes (cf. Ps 62.13). Dans le contexte d’un monde déchu, cela va avec la pensée de punir le mal, de rectifier des situations d’injustice, de libérer ainsi les opprimés et de rétablir un ordre juste. Dieu seul peut faire cela parfaitement, mais la pratique de la justice par les humains inclut aussi des aspects qui reflètent quelque chose de la justice particulière de Dieu (notamment dans les domaines politique et judiciaire).
Un certain lien de société unit les humains entre eux
La Déclaration de Lausanne lie l’importance que la justice règne dans la société humaine à la justice du Dieu créateur et mentionne le thème de l’image de Dieu pour conclure que « chaque être humain devrait être respecté, servi et non exploité »15.
Les leçons de Calvin sur le livre d’Ezéchiel posent une thèse très simple, mais capitale, qui permet de prolonger la méditation sur le lien entre création et justice : « Dieu a conjoint les hommes ensemble par un certain lien de société […]. »16 Autrement dit : les humains créés en image de Dieu sont incorporés à des structures organiques qui trouvent une place importante dans la vision biblique du monde et qui proviennent de Dieu. A cet égard, nous pouvons souligner la vérité de l’unité du genre humain, issu d’un seul comme le rappelle l’apôtre (Ac 17.26), et qui autorise à considérer mon prochain comme étant mon « frère en humanité » (cf. Gn 9.5)17. Nous pouvons également souligner avec l’Engagement du Cap la valeur de la diversité ethnique18 ou de structures comme la cité.
Rechercher le bien commun des corps sociaux, auxquels nous appartenons, en fonction de la place qui y est la nôtre19, et le bien particulier des personnes à qui Dieu nous a plus particulièrement unis, revient à faire œuvre de justice parce que c’est ce que nous devons aux structures organiques auxquelles nous appartenons et à celui que la Bible appelle notre prochain. Notre vie n’est pas une simple somme de relations contractuelles avec d’autres individus : nous sommes des êtres relationnels et sociaux. Le Manifeste de Manille se soucie donc, à bon droit, du fait que
fréquemment aussi, le péché dégénère en comportement antisocial, en exploitation d’autrui et en dilapidation des ressources de la planète dont Dieu a remis la gérance aux hommes et aux femmes20.
Nous sommes liés organiquement les uns aux autres pour le meilleur et pour le pire.
L’incarnation du Fils de Dieu révèle la réalité et la profondeur de ce lien de société entre les humains : Jésus nous a rejoints dans notre humanité, a planté sa tente parmi nous, a grandi en sagesse, en stature et en grâce devant Dieu et devant les hommes. Il n’est pas venu comme un aérolithe tomberait sur une terre et dans une humanité auxquelles il serait profondément étranger. Au contraire, on peut citer, ici, les mots que met dans sa bouche Angèle de Foligno (1248-1309) : « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée ; ce n’est pas par grimace que je me suis fait ton serviteur ; ce n’est pas de loin que je t’ai touchée ! »21
Le mandat créationnel
Le mandat créationnel, auquel la citation du Manifeste de Manille faisait allusion, a été confié à l’humanité. Aucun être humain ne peut accomplir à lui seul l’ordre de multiplier, de remplir la terre et de la soumettre (ce que le Manifeste appelle la « gérance » de la planète). Une famille ou un groupe n’y suffit pas non plus. Il y faut toute l’humanité. Après la chute et pour rendre possible le salut en Jésus-Christ, Dieu restreint l’effet mortifère du péché, fait subsister le mandat créationnel sous une forme plus ou moins modifiée et donne à l’humanité un cadre dans lequel la vie est possible (cf. Gn 8.20-9.7). Nous avons la responsabilité personnelle et collective d’accomplir ce mandat, d’investir le cadre que Dieu nous a donné, mais aussi de nous assurer que chaque être humain, notamment le plus faible, soit mis en capacité d’y trouver sa place et d’apporter sa contribution à la réalisation du mandat commun. Il y a là un principe fondamental de justice sociale.
On pourrait compléter cette affirmation et la préciser en ajoutant une thèse que le pasteur et économiste anglican Andrew Hartropp dégage des lois vétérotestamentaires et qui doit s’appliquer, d’une façon ou d’une autre, à toutes les sociétés humaines : chacun doit pouvoir participer aux bénédictions de Dieu22.
Dieu a donné la terre aux êtres humains (cf. Ps 115.16) – pas à un tout petit groupe parmi eux ! Ce principe n’implique pas une forme d’égalitarisme absolu, ni même de penser à la justice sociale principalement en termes de réduction des inégalités. Mais l’idéal scripturaire n’est pas non plus que chacun ait le minimum vital et que prévale le « chacun pour soi » pour ce qui est du reste. Une vision biblique n’absolutise pas le droit individuel à augmenter toujours plus ses possessions, condamne l’égoïsme de celui qui cherche à accaparer toutes les ressources disponibles sans être prêt à partager (cf. Es 5.8) et justifie ce que la doctrine sociale de l’Eglise catholique appelle le principe de la « destination universelle des biens »23 auquel il faut articuler celui de la propriété privée24. Si la réduction des inégalités n’entre pas dans la définition de la pratique de la justice, elle en est une conséquence incontournable.
La venue de Jésus et la communauté du Royaume
La Déclaration de Lausanne ne parle pas seulement de la justice du Dieu créateur, mais aussi de la justice du Royaume que Jésus a manifestée. Jésus, le Juste, nous a acquis la justification gratuite et nous entraîne à pratiquer la justice dont il a révélé l’essence comme elle ne l’avait jamais été auparavant. Le salut apporté par le Christ va avec la création de l’Eglise, qui doit être « une communauté de sainteté, de compassion et de justice dans un monde de péché et de souffrance »25. Les chrétiens sont unis en Christ, comme le dit Calvin, d’un lien encore plus sacré que ce « lien de société » entre humains que nous avons déjà relevé26.
Dans quelle mesure pouvons-nous espérer non seulement être une communauté de justice en tant qu’Eglise, mais encore répandre la justice du Royaume dans un monde injuste en espérant ainsi le transformer ? Il semble difficile de le dire a priori. Il faut partir de là où on est et faire le pas suivant dans la bonne direction, sans utopie, mais sans jamais renoncer à essayer de suivre le Christ et à pratiquer la justice comme lui est juste. On peut retenir l’indication générale du Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise catholique qui affirme que le « commandement de l’amour mutuel, qui constitue la loi de vie du peuple de Dieu, doit inspirer, purifier et élever tous les rapports humains dans la vie sociale et politique »27.
La justice est-elle « plus » que la compassion ?
Dans notre action au sein du « monde de Dieu », qui est maintenant « pauvre et souffrant », l’Engagement du Cap distingue entre la miséricorde et les œuvres de compassion d’un côté et le fait de « faire » la justice de l’autre28. Les deux sont importants, mais « faire la justice » semble aller plus loin parce que, nous est-il dit, nous ne devons pas nous « contenter »29 d’aimer la miséricorde et les œuvres de compassion. L’intention de l’Engagement du Cap est probablement de dire que nous ne devons pas seulement faire le bien de façon individuelle à ceux qui sont dans le besoin, mais que nous devons également combattre ce qui les opprime en interpellant notre société et ses autorités publiques, en utilisant les moyens légaux à notre disposition pour faire changer ces situations et en cherchant à structurer l’organisation de la société d’une façon qui reflète quelque chose de la « justice universelle » de Dieu et de sa « justice particulière ». Il faut lire à cette lumière le passage de la Déclaration de Lausanne qui parle du désir que nous devons avoir que la justice règne dans la société et que la justice du Royaume se répande dans un monde injuste30, ou l’évocation dans l’Engagement du Cap de la « justice économique systémique » et des « systèmes d’injustice »31.
Si l’Engagement du Cap a raison d’insister sur l’importance de prendre en compte le niveau politique et structurel ainsi que la considération des causes de la pauvreté, l’idée – qui affleure dans l’Engagement du Cap – selon laquelle la justice représente « plus » que la compassion ne me semble pas très heureuse. Ezéchiel 18.5-9 nous dresse le portrait du « juste »
qui pratique le droit et la justice, qui ne mange pas sur les montagnes et ne lève pas les yeux vers les idoles de la maison d’Israël, qui ne séduit pas la femme de son prochain et ne s’approche pas d’une femme pendant son indisposition, qui n’exploite personne, qui rend au débiteur son gage, qui ne commet pas de vol, qui donne son pain à celui qui a faim et couvre d’un vêtement celui qui est nu, qui ne prête pas à intérêt et ne tire pas d’usure, qui détourne sa main de l’injustice et juge selon la vérité entre deux hommes, qui suit mes prescriptions et observe mes ordonnances en agissant selon la vérité, celui-là est juste ; il vivra à coup sûr, – oracle du Seigneur, l’Eternel.
Dans ce texte, des « œuvres de miséricorde » comme « donner son pain à celui qui a faim » ou « couvrir d’un vêtement celui qui est nu » entrent dans la catégorie « pratiquer le droit et la justice » – comme l’ensemble de l’obéissance aux commandements de Dieu. Commentant ce passage, Calvin affirme qu’il ne nous est pas possible de dire que « c’est chose louable de secourir à un qui a indigence, mais [que] nul n’est contraint d’user de telle libéralité ». Notre pain n’est pas tellement nôtre qu’il ne faille pas que nous secourions notre frère quand la faim qu’il aura nous poussera à avoir compassion de lui – précisément en raison du « lien de société » dont nous avons parlé32. La compassion est affaire de justice dans la Bible ! Ce n’est pas quelque chose d’« optionnel » ou de surérogatoire. D’autre part, l’engagement au niveau politique et structurel, s’il est légitime et important, sera vécu de manière très différente selon les chrétiens. Il serait faux de faire croire qu’un chrétien qui n’est pas activement engagé politiquement est nécessairement quelqu’un qui ne pratique pas la justice et qui se « contente » de la compassion !
Le rôle des autorités politiques
Dans la recherche de la justice dans la société, une question particulièrement délicate est celle du rôle qui revient à ceux que l’apôtre Paul appelle « les autorités supérieures » (Rm 13.1) – nous parlons plus spontanément de l’« Etat »33. Que sont-elles censées faire pour contribuer à la justice dans la société, en particulier envers les pauvres ? Dans quel sens les chrétiens devraient-ils prier pour elles, les aider, les interpeller ou même éventuellement participer à leur mission ?
L’Engagement du Cap, après avoir souligné l’amour du Seigneur pour sa création et le fait qu’il « soutient la cause des opprimés, aime l’étranger, nourrit l’affamé, soutient l’orphelin et la veuve », précise :
La Bible nous montre également que Dieu veut faire ces choses en passant par des êtres humains qui se consacrent à de tels actes. Dieu tient tout particulièrement pour responsables ceux qui, dans la société, sont placés à des postes de direction politique ou judiciaire, mais c’est tout le peuple de Dieu qui a reçu le commandement […] de refléter l’amour et la justice de Dieu par un amour et une justice pratique pour ceux qui sont dans le besoin34.
L’Engagement du Cap encourage explicitement les Eglises à plaider en faveur des Objectifs du millénaire pour le développement – qui visaient à diminuer de moitié la pauvreté dans le monde entre 1990 et 2015 – auprès des gouvernements « et à participer aux efforts pour les réaliser, comme celui du Défi Michée »35. Ces mentions – et quelques autres – restent générales et susceptibles de traductions pratiques dans toutes sortes de directions politiques et économiques différentes.
Un certain nombre de chrétiens (notamment outre-Atlantique) manifestent une réticence assez marquée dès que l’Etat ne limite pas sa contribution à la justice sociale à l’exercice et à la promotion d’une justice dite « procédurale »36, garantissant des tribunaux impartiaux, un droit égal pour tous, des règles du jeu qui soient les mêmes à tous les étages de la société. Sans forcément lui interdire de faire plus, ils se soucient particulièrement que l’Etat garde une place relativement modeste. Ils considèrent, comme John Frame, que,
dans l’Ecriture, l’oppression des pauvres désigne généralement la partialité des tribunaux en faveur des riches et, au moins dans un cas, une imposition excessive. Elle ne désigne pas le fait que l’Etat s’abstienne de fournir une aide sociale37.
Pour le dire avec la terminologie utilisée plus haut : l’Etat n’a pas tant à refléter la « justice universelle » de Dieu que sa « justice particulière » (et encore de façon partielle, car l’Etat ne doit pas sanctionner tous les péchés) – sans quoi il devient un « Etat-providence », c’est-à-dire un Etat qui se prend pour Dieu.
D’autres chrétiens, au contraire, considèrent que la responsabilité qui incombe aux autorités publiques de rendre justice aux pauvres et aux opprimés implique nécessairement de se soucier de la répartition des biens38 dans la société et de corriger certaines inégalités et les effets de certains rapports de force, notamment par des mesures de redistribution des richesses, au moyen d’un droit du travail solide et par des interventions dans le domaine économique. Ce qui vaut à l’intérieur d’un pays doit également, dans cette perspective, s’appliquer aux relations internationales. Ces chrétiens s’appuient sur le souci manifeste de la loi de Moïse, des prophètes et de Jésus pour ceux qui sont pauvres, marginalisés et opprimés et tentent des applications de dispositions comme le jubilé au contexte mondialisé actuel39.
Les textes de Lausanne ne rentrent pas explicitement dans ce type de discussions – même si j’imagine qu’ils se lisent moins facilement dans la première optique que dans la seconde. Il me semble que les deux orientations que j’ai mentionnées courent chacune le danger de surinterpréter l’Ecriture. J’insisterais sur deux thèses à tenir en équilibre.
Même lorsque nous pouvons établir par l’Ecriture que telle ou telle chose (le souci des pauvres par exemple) est une exigence de la justice, il ne nous est pas loisible d’en conclure immédiatement qu’elle relève entièrement ou principalement de la responsabilité des autorités publiques. Andrew Hartropp relève que, dans l’Ancien Testament, la « responsabilité du roi de rendre la justice ne semble pas exiger spécifiquement de lui qu’il nourrisse et pourvoie aux besoins de tous les pauvres et nécessiteux ». Il devait plutôt « faire respecter la justice, en faisant respecter la Loi »40. Voilà sa responsabilité première. Précisons que, dans la citation de Hartropp, le mot « Loi » a une majuscule et que les lois que les autorités politiques d’aujourd’hui doivent faire respecter devraient être un reflet – même très pâle – des normes divines adaptées à un contexte particulier. Si ce n’est pas le cas, nous sommes dans un cas d’injustice « structurelle » ou « systémique ».
Mais, d’autre part, même quand l’Ecriture n’affirme pas explicitement que les autorités publiques doivent faire telle ou telle chose ou intervenir dans tel ou tel domaine, on ne peut pas conclure de cela seul que l’Ecriture donne une règle ou un modèle interdisant à l’Etat l’action en cause ou même simplement décourageant l’Etat de s’investir dans ce domaine. Par exemple, ce n’est pas parce que la loi civile de l’Ancien Testament ne prévoyait pas de système correspondant à ce que nous appelons la sécurité sociale que nous devrions considérer que le remboursement des soins n’entre pas dans le domaine de compétence d’un Etat conçu de façon biblique. Pour reprendre l’exemple ci-dessus sur les besoins des démunis, Hartropp ajoute qu’il est concevable que « dans certaines circonstances », « la meilleure manière d’appliquer la Loi et ses valeurs » serait que le roi collecte de la nourriture et pourvoie directement aux besoins des pauvres et des nécessiteux41. On peut penser, comme Hartropp semble le faire, que c’est plutôt en dernier recours que le roi doit s’investir dans ce domaine42. On peut aussi penser que chaque société a une vraie marge de liberté pour s’organiser de la manière qu’elle jugera la plus sage à cet égard. Ne confondons pas des discussions sur la sagesse ou l’efficacité de telle ou telle mesure ou de telle ou telle manière d’organiser la société avec des débats sur des principes de justice.
Une considération générale proposée par Sylvain Romerowski peut être utile ici : « Un gouvernement juste doit viser à permettre à chacun de vivre normalement. »43 Même s’il est souvent problématique d’espérer « vivre normalement » dans le contexte d’un monde déchu, l’image biblique, pour le prince, du berger qui fait paître son troupeau, veille à ce que ses besoins soient satisfaits et met hors d’état de nuire ceux qui s’opposent à cette satisfaction me semble aller dans ce sens (cf. Ez 34). Un acte, une mesure ou un système qui, en eux-mêmes et par leur nature propre, empêchent une personne ou une population de vivre normalement comportent une dimension d’injustice.
Pour une mise en pratique diversifiée qui donne une forme de priorité à l’intériorisation du message de la grâce
Le Manifeste de Manille dressait déjà, en 1989, une liste significative des grands sujets sociaux de notre temps :
La proclamation du Royaume de Dieu exige la dénonciation prophétique de tout ce qui est incompatible avec lui. Parmi les maux que nous regrettons vivement, citons la violence sous toutes ses formes, y compris la violence institutionnalisée, la corruption politique, l’exploitation des personnes et l’usage abusif des ressources terrestres, la destruction de la famille, l’interruption volontaire de grossesse, le trafic de drogues et le mépris des droits de l’homme. Dans notre souci des pauvres, nous sommes angoissés par le poids de la dette des pays du Tiers Monde (qui constituent les deux tiers du monde !). Nous sommes aussi scandalisés par les conditions inhumaines dans lesquelles vivent des millions de personnes qui portent, comme nous, l’image de Dieu44.
Dans chacun de ces domaines et dans quelques autres que relève l’Engagement du Cap, notamment celui du handicap, les chrétiens évangéliques pourraient développer une réflexion approfondie et dresser les possibilités d’actions personnelles et collectives les plus appropriées en fonction de la diversité des vocations et des occasions d’agir pour la justice. Je ne mentionnerai qu’un seul sujet, caractéristique des textes de Lausanne : après avoir évoqué les injustices qui sont la cause de la pauvreté de millions d’êtres, la Déclaration de Lausanne continue :
Ceux d’entre nous qui vivent dans l’abondance acceptent comme un devoir de développer un style de vie simple pour contribuer plus généreusement à l’évangélisation et à l’aide aux déshérités45.
Face aux injustices et à la pauvreté qui en résulte, les premières mesures pratiques sont personnelles. C’est notre style de vie qui doit changer avec comme conséquence la possibilité de dégager des ressources financières pour l’évangélisation et l’action sociale. Certains pourraient renâcler : ce n’est quand même pas mon mode de vie personnel qui change quelque chose pour quelqu’un ; la lutte contre les injustices est plutôt une question de volonté politique ; et qu’est-ce que l’évangélisation vient faire là-dedans ?
C’est dans le cadre de son traitement de l’« évangile de la prospérité » que l’Engagement du Cap réaffirme « l’appel historique de Lausanne à vivre des styles de vie plus simples »46. Il y est question de « remplacer l’avantage personnel et la cupidité par l’enseignement biblique sur le sacrifice de soi et les dons généreux qui sont les marques de la vie d’un véritable disciple du Christ »47. Or cela, c’est pratiquer la justice. Quand nous le faisons, nous rendons témoignage à la vérité de la justice de Dieu et ce seul fait a de la valeur indépendamment de toute considération pragmatique sur l’efficacité ou l’inefficacité de ce que nous faisons. De plus, l’expérience montre que si le changement des structures de la société est souvent bien au-delà de la portée de notre action directe, ce que nous pouvons faire pour un petit nombre de personnes est susceptible d’avoir des effets positifs réels d’abord pour les individus concernés, mais aussi pour les structures de la société. Enfin, la transformation la plus profonde et la plus durable qui soit est le changement du cœur : celui qui cherche la justice sociale fera bien de ne pas négliger l’évangélisation !48 Un non-chrétien peut certes pratiquer ce que les réformateurs appelaient la « justice civile », mais « pratiquer la justice » au sens plein de l’expression biblique implique la régénération qui s’opère par la Parole et l’Esprit de notre Dieu. C’est en recevant la justice du Christ comme un cadeau gratuit que nous devenons, ensuite, capables de refléter cette justice et de la répandre dans un monde injuste.
Tout est grâce ! L’Engagement du Cap contient une précision qui mériterait d’être méditée :
L’amour dit la vérité avec grâce. Personne n’a davantage aimé le peuple de Dieu que les prophètes et Jésus. Cependant nul autre qu’eux ne l’a mis plus honnêtement en face de la vérité de ses échecs, de son idolâtrie et de sa rébellion contre le Seigneur qui avait conclu une alliance avec lui. En agissant ainsi, ils ont appelé le peuple de Dieu à la repentance, pour qu’il puisse être pardonné et restauré en vue de servir la mission de Dieu. La même voix d’amour prophétique doit être entendue aujourd’hui, pour la même raison49.
Une voix d’« amour prophétique »… Au-delà des divergences qui existent entre chrétiens évangéliques sur le sujet de la justice sociale, la question de l’amour et de la grâce est cruciale. Face à l’injustice, nous n’avons pas seulement besoin de prophètes qui dénoncent, mais aussi de prophètes qui aiment. Je me demande si, en fin de compte, ce n’est pas une carence dans ce domaine qui explique l’impasse dans laquelle nous nous retrouvons souvent quand nous abordons la question de la justice sociale. Sans une assurance renouvelée quotidiennement du fait que Dieu nous justifie sur la base de la justice du Christ, nous ne serons jamais capables ne serait-ce que de ce petit commencement d’obéissance50 et de pratique de la justice qui doit caractériser la vie du chrétien dans le monde. Mais celui qui nous déclare justes est aussi celui qui inscrit sa loi dans notre cœur, et l’Evangile nous inclut tous dans son « appel à la repentance » et « à entrer dans la communion des personnes transformées par la grâce qui pardonne »51.
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L’intervention de Samuel Escobar et René Padilla au Cap peut être vue en vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=nqWsFL1pOoA (consulté le 29/09/2016).↩︎
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Déclaration de Lausanne, § 5. J’utilise, pour la traduction de la Déclaration de Lausanne et du Manifeste de Manille, un fascicule paru en français sans indication de date ni de lieu. Certains diraient même, comme l’Engagement du Cap, que le congrès de 1974 s’est caractérisé par « la redécouverte de la nature holistique de l’Evangile biblique et de la mission chrétienne » (L’Engagement du Cap, Marpent, BLF, 2011, p. 15). Il s’agit à mes yeux d’une relecture a posteriori simplificatrice et contestable : la note proprement « holistique » dans le congrès de 1974 est plutôt caractéristique d’une déclaration non officielle intitulée “Theology Implications of Radical Discipleship” que l’on peut trouver dans les actes du congrès : Let the Earth Hear His Voice, International Congress on World Evangelization, Lausanne, Switzerland, Minneapolis, World Wide Publications, 1975, p. 1294-1296. La Déclaration de Lausanne marque la priorité de l’évangélisation dans la mission de l’Eglise et ne dit même pas explicitement que l’action sociale en fait partie (elle dit plus exactement qu’elle fait partie de notre « devoir chrétien » au § 5), même s’il faut certainement déduire cette pensée de son enseignement global. D’autre part, si l’affirmation du Cap signifie que c’est à Lausanne que l’importance de l’action sociale a été redécouverte par les évangéliques, il y aurait là encore matière à débat. Lausanne est l’aboutissement d’un long processus bien décrit dans Timothy Chester, Awakening to a World of Need–The Recovery of Evangelical Social Concern, Leicester, InterVarsity Press, 1993. On peut aussi se demander dans quelle mesure exacte le souci social des évangéliques a connu un recul dans la première moitié du xxe siècle.↩︎
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Déclaration de Lausanne, section 5.↩︎
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Manifeste de Manille, affirmation 9 et section 4.↩︎
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I, 7. En italique dans la version française.↩︎
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II, ii, 3. Le mot « systémique » a bizarrement disparu de la traduction française.↩︎
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Sylvain Romerowski, art. « Justice », in Dictionnaire de théologie biblique, coll. Or, Charols, Excelsis, 2006, p. 704. Précisons que la mauvaise méthode en question est le réductionnisme qui considère que l’étude des mots est la clé qui ouvre l’accès au sens. Dans certains cas, des raisons pédagogiques ou autres peuvent justifier de commencer un exposé sur un thème par une étude des mots le concernant.↩︎
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Déclaration de Lausanne, section 5.↩︎
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Déclaration de Lausanne, section 15.↩︎
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Ibid., section 5.↩︎
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Les citations bibliques sont tirées de la version dite « à la Colombe ».↩︎
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François Turretin, Institutes of Elenctic Theology, trad. G.M. Giger, ed. J.T. Dennison Jr, Phillipsburg, Presbyterian and Reformed Publishing, 1992 (original latin : 1679-1685), III, qu. XIX, II, p. 235. Je traduis d’après l’anglais.↩︎
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Cf. à ce sujet Auguste Lecerf, « De l’autorité dans le calvinisme », in Etudes calvinistes, Aix-en-Provence, Editions Kerygma, 1949 (réimprimé 1999), p. 80-81, et François Turretin, Institutes of Elenctic Theology, III, qu. XVIII, VII, qui va jusqu’à dire que Dieu est en dette à l’égard de lui-même.↩︎
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Sur ces sujets, on peut consulter les remarques de Sylvain Romerowski, « Justice », art. cit., p. 711-712, qui explique très bien que la différence entre une conception grecque et une conception biblique de la justice n’est pas que la notion biblique de justice ne se référerait pas à une norme, mais dans le fait que la norme de justice, dans la Bible, n’est pas une abstraction impersonnelle, mais « vient de Yahvé, découle de son être même ». Cf. aussi Andrew Hartropp, What is Economic Justice ?, Biblical and Secular Perspectives Contrasted, Milton Keynes, Colorado Springs, Hyderabad, Paternoster, 2007, p. 11-12, pour des considérations sur les aspects de condamnation dans la justice de Dieu.↩︎
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Ibid.↩︎
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Leçons ou commentaires et expositions de M. Jean Calvin sur les vingt premiers chapitres des révélations du Prophète Ezéchiel, Genève 1565, p. 166 (348). Je modernise l’orthographe. Disponible sur http://www.e-rara.ch/doi/10.3931/e-rara-1039 (consulté le 06/12/2016).↩︎
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J’ai argumenté ce sujet plus en détail dans Daniel Hillion, « Dialogue autour de Qui est mon prochain ? », in La Revue réformée 266 (2013/2-3), p. 17-32.↩︎
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I, 7, B.↩︎
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C’est-à-dire d’une manière qui variera considérablement d’une personne à l’autre.↩︎
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Le Manifeste de Manille, section 1.↩︎
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Angèle de Foligno, Le livre des visions et instructions, trad. Ernest Hello, Paris, Seuil, coll. Points . Sagesses, 1991, chap. 33, p. 102.↩︎
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Voir Andrew Hartropp, What is Economic Justice ?, op. cit., p. 72-74. Hartropp attire en particulier l’attention sur Deutéronome 16.11 où, dans le contexte de la fête des Huttes, il est indiqué : « Tu te réjouiras devant l’Eternel, ton Dieu, dans le lieu que l’Eternel, ton Dieu, choisira pour y faire demeurer son nom, toi, ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante, le Lévite qui résidera avec toi, ainsi que l’immigrant, l’orphelin et la veuve qui seront au milieu de toi. » Il évoque aussi la loi sur la dîme de la troisième année (Dt 14.28s). Quand Dieu bénit son peuple, celui-ci mange à satiété (cf. Lv 25.19) et c’est cette expérience de « manger à satiété » que le peuple doit faire vivre aux marginalisés lors de la dîme de la troisième année.↩︎
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Ce principe se définit ainsi : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité […] » Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, établi par le Conseil pontifical Justice et Paix, Paris, Les Editions du Cerf – Bayard – Fleurus Mame, 2005, § 171, p. 95. On peut retrouver l’intégralité de ce gros volume sur le site internet du Vatican :
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20060526_compendio-dott-soc_fr.html.↩︎
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Je ne rentre pas ici dans la discussion sur la façon dont la doctrine sociale de l’Eglise catholique articule les deux en subordonnant nettement le droit à la propriété privée au principe de la destination universelle des biens.↩︎
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I, 10, A.↩︎
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Voir les commentaires de Calvin sur Matthieu 25.40 et Galates 6.10.↩︎
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Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, op. cit., p. 19, n. 33.↩︎
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L’anglais dit do justice. La version française met « rendre la justice », ce qui évoque peut-être un peu trop la pensée du tribunal. Voir L’Engagement du Cap, I, 7.↩︎
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En anglais : not only.↩︎
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Déclaration de Lausanne, section 5.↩︎
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Cf. L’Engagement du Cap, II, ii, B.↩︎
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Leçons ou commentaires et expositions de M. Jean Calvin sur les vingt premiers chapitres des révélations du Prophète Ezéchiel, Genève 1565, p. 166 (348). Je modernise l’orthographe. Disponible sur http://www.e-rara.ch/doi/10.3931/e-rara-1039. Dans cette page, Calvin utilise parfois le mot « frère » pour désigner celui qu’il faut aider. Le contexte me semble indiquer que Calvin pense ici au « frère en humanité ».↩︎
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Etat est un terme impersonnel, alors que l’Ecriture parle plutôt des autorités, des rois, des juges, et ainsi de suite, c’est-à-dire de personnes en situation d’autorité.↩︎
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I, 7, C.↩︎
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II, ii, 3, B.↩︎
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Ou « distributive », selon le vocabulaire choisi.↩︎
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Dans une communication personnelle datée du 08/01/2010.↩︎
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Au sens large du mot « biens ».↩︎
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Pour un exemple d’argumentation en faveur d’une conception de la responsabilité de l’Etat en termes de justice allant au-delà de la justice procédurale, on peut consulter Ron Sider, The Scandal of Evangelical Politics–Why are Christians Missing the Chance to Really Change the World ?, Grand Rapids, BakerBooks, 2008, p. 101-126.↩︎
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Andrew Hartropp, What is Economic Justice ?, op. cit., p. 78.↩︎
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Ibid., p.79.↩︎
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L’idée d’un « principe de subsidiarité » tel que défini dans la doctrine sociale de l’Eglise catholique est intéressante à cet égard.↩︎
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Sylvain Romerowski, « Justice », art. cit., p. 709.↩︎
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Manifeste de Manille, section 4.↩︎
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Déclaration de Lausanne, section 9. J’ai modifié la traduction française officielle.↩︎
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II, v, 5.↩︎
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II, v, 5.↩︎
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On peut consulter l’excellent texte d’Emile Nicole, « Réponses structurelles à la pauvreté selon l’Ancien Testament », in Stop à la pauvreté, Actes du colloque de la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine, coll. Le Défi Michée, Valence, Vaux-sur-Seine, LLB, Edifac, 2007, p. 19-29 (plus particulièrement p. 26-29).↩︎
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I, 9, B.↩︎
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Pour reprendre une expression du Catéchisme de Heidelberg, question 114.↩︎
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II, ii, 3, C.↩︎