Calvin et la postmodernité – Une question d’interprétation

Calvin et la postmodernité

Une question d’interprétation

Paul WELLS*

Les événements des quinze dernières années montrent que la société change rapidement et que l’évolution des mentalités va bon train. La modernité avec ses espoirs implose en une « postmodernité » sans boussole que le théologien américain Langdon Gilkey appelle l’« automne froid de la civilisation occidentale ».

Nous nous proposons d’évoquer ces changements et de les comparer avec la mentalité biblique de Jean Calvin. Notre objectif est de faire ressortir les différences de perspective par le biais de la question de l’épistémologie, car c’est bien la question de l’interprétation qui différencie de façon fondamentale Calvin, la modernité et la postmodernité. Et derrière cette question – comment interprète-t-on un texte ou le monde, si le monde est considéré comme une page à déchiffrer? ­-, il y a celle de la légitimation, c’est-à-dire celle de la source de l’autorité qui qualifie les jugements que nous faisons.

Comment situer Calvin et l’époque de la Réforme? Depuis le début de l’ère chrétienne comme dans l’antiquité classique, l’interprétation est une activité destinée à mettre en évidence l’autorité et l’actualité permanentes des paroles divines. Pour Philon d’Alexandrie (Ier siècle), tout ce qui est scripturaire est oraculaire, une Parole de Dieu, quels que soient son genre ou sa longueur. Le corpus des écritures inscripturées est donc considéré comme un ensemble d’oracles, gravés pour être le témoignage permanent de Dieu.

Cette compréhension correspond au sens que le mot « oracle » (logion) a dans le Nouveau Testament (Ac 7:38; Rm 3:2; Hé 5:12; 1 P 4:11), compréhension qui se prolonge chez les Pères de l’Eglise (Clément, Justin, Papias, Eusèbe). La désignation des Ecritures comme ta logia toû theoû témoigne fortement que les Ecritures sont la parole même de Dieu au sens le plus élevé et le plus précis que cette expression puisse supporter.

Telle est la conception qui prévalait à l’époque où Calvin a formulé sa théologie, c’est-à-dire à l’époque prémoderne. A cette époque, l’autorité était liée à l’auteur, dépendait de lui; et Dieu était considéré comme l’auteur de l’Ecriture.

La modernité, dont l’origine remonte à la Renaissance, a une tout autre conception et place de façon quasi universelle sa confiance dans la raison humaine pour résoudre les problèmes et dans le progrès. A partir du XVIIIe siècle, une autre étape est franchie et l’interprétation biblique prend une orientation nouvelle. Les progrès de la connaissance humaine incitent à poser des questions révolutionnaires aux textes, et l’authenticité comme l’autorité des données bibliques sont remises en question.

L’herméneutique moderne est ainsi née comme discipline. Son but n’est plus de chercher à expliquer le sens d’une parole dont l’autorité est reconnue a priori, à cause de son origine. Elle s’interroge plutôt sur la possibilité que des textes, largement discrédités, aient une signification et une utilité pour un public sceptique. Elle consiste donc à déterminer l’autorité du texte en faisant ressortir sa capacité à fournir une explication cohérente du « vécu » de ses auditeurs. C’est l’époque où un texte ouvre des perspectives qui peuvent illuminer la vie.

Avec la période romantique, au début du XIXe siècle, un grand renversement s’opère: l’interprétation consiste à transposer l’histoire biblique dans un autre monde, le monde contemporain, et non à examiner celui-ci dans la perspective de l’histoire biblique. Le modernisme se caractérise par une vision du monde qui:

• propose une structure, un fondement susceptible d’interpréter la réalité, prétendument objectif appelé parfois le « grand récit »;

• reconnaît à la raison la capacité de distinguer la vérité de l’erreur et en fait le critère du progrès;

• explique les phénomènes par les relations de cause à effet à partir des origines (cf. la méthode scientifique des maîtres penseurs, Darwin, Marx et Freud);

• recherche l’interprétation la plus juste des textes par un examen critique.

C’est ainsi qu’est née une version critique, amendée de l’histoire, par la méthode historico-critique des textes bibliques.

Le modernisme élabore des théologies au contenu autre que la théologie de Calvin. Ces théologies satisfont les aspirations à l’optimisme et au progrès, mais la vérité y est devenue une fonction de la raison ou des sentiments humains. L’élément central tend à en être le sujet, l’être humain qui lit les textes bibliques.

Cette vision du monde est restée valide jusqu’aux années récentes, notamment pendant la période des « trente glorieuses », de 1950 à 1980, que l’Occident a connue: expansion continue et progrès évidents à ses yeux, avec des « libérations » dans tous les domaines.

Le rationalisme optimiste « doxifiait », pour utiliser l’expression de R. Barthes, le savoir actuel. La « présence au monde » de l’Eglise se concrétisait dans une action allant dans le sens de l’histoire, par une progression vers un monde meilleur. Au Conseil œcuménique des Eglises, ce mouvement conduisait au socialisme et aux luttes de libération politique.

Cette époque de 1950 à 1980 a vu fleurir des théologies « verticales » et « horizontales », prétendant les unes et les autres incarner la bonne interprétation de la réalité et, pour cette raison, se montrant quasiment incapables de dialoguer entre elles.

Le modernisme se caractérise aussi par un relativisme qui a facilité la compréhension du passage vers la postmodernité et les questions qui nous préoccupent aujourd’hui.

La postmodernité propose une « culture de l’interprétation » qui valorise encore plus le sujet, celui qui interprète. Depuis une trentaine d’années, l’idée d’un « grand récit » qui oriente les actions est contestée. Les « déconstructionistes » français ont été les pionniers de ce mouvement philosophique – Derrida, Foucault, Deleuze et Lyotard. D’une certaine façon, les projecteurs ne sont plus braqués sur le texte, mais sur les lecteurs/auditeurs, avec leur culture et leurs besoins, avec leur subjectivité. C’est l’époque du sujet, du moi, qui est considéré comme l’auteur du sens.

Notre temps est donc particulier. Tout y semble en voie de déstructuration: géopolitique, politique, économie, famille, vie sociale, savoirs qui éclatent, rôles incertains des sexes, etc. Résultat: désillusion, sentiment d’anomie, d’épuisement et de non-appartenance, ennui, indécision, incertitude quant à l’avenir, difficultés d’insertion sociale à tous les niveaux…

Les problèmes de société apparaissent divers et sont accentués par le racisme, l’immigration clandestine, les nombreux démunis et sans-logis, les « affaires » avec la désillusion qu’elles suscitent vis-à-vis de la classe politique, le sida, l’embrasement de l’Afrique, la pollution, etc. L’Homo technicus semble pris en défaut, son impuissance devient évidente et suscite découragement et même désespoir chez beaucoup, alors que, globalement, la population poursuit sa course vers plus de bien-être matériel.

Le postmodernisme se caractérise par une conception du monde qui récuse les visions d’ensemble:

• Les vérités objectives sont mises en doute, on n’est plus sûr de rien.

• Le sens de la vie fondé sur des évidences partagées est perdu.

• Le relativisme et le subjectivisme sont radicalisés et les « vérités » découvertes ne peuvent pas être universelles.

• Il n’y a plus de méthode unique ou objective de recherche: la déconstruction des éléments d’un texte, par exemple, permet sa reconstruction en de nombreuses interprétations possibles. Pour interpréter, il est de mise que chacun aborde la question avec ses bagages propres et la subjectivité devient un facteur déterminant.

• Le caractère hypothétique de chaque nouvelle théorie scientifique est pris au sérieux, sous l’influence des travaux de Karl Popper, Michel Polanyi ou Thomas Kuhn.

Avec la postmodernité disparaissent les certitudes associées aux systèmes qui offrent une explication globale de la réalité. Les maîtres penseurs – Hegel, Marx et Freud – sont l’objet de suspicion. De même, dans le domaine des sciences bibliques, le dogmatisme de la méthode historico- critique commence à être critiqué. Le piédestal de Darwin chancelle, mais aucune autre théorie ne vient remplacer le darwinisme, faute de propositions globales. Le blason de Nietzsche est redoré, mais son nihilisme est loin d’obtenir le suffrage de beaucoup de nos contemporains frileux.

Ce nouveau climat peut apparaître plus favorable au témoignage évangélique que le modernisme et plus propice au développement d’une meilleure interprétation biblique, puisque l’individu et l’adhésion personnelle à une vérité, comme aussi, apparemment du moins, le témoignage du Saint-Esprit y ont plus de place.

Mais en est-il vraiment ainsi? D.A. Carson, dans son livre The Gagging of God, en comparant la modernité et la postmodernité, estime qu’il existe un facteur commun aux deux: l’approche naturaliste de la réalité, dans laquelle l’expérience humaine constitue un réseau de relations fermées qui ne permettent aucune interférence de la transcendance. Si le subjectivisme et le relativisme n’étaient pas déjà liés au naturalisme, il conviendrait de les ajouter.

Cette continuité empêche de penser que nous sommes, enfin, arrivés à une période de réorientation, à un moment dans l’expérience humaine où, à partir d’un constat douloureux d’échec établi dans une situation de type apocalyptique, surgit l’espérance de « retrouver le nord »1.

Il n’est donc pas illégitime de rechercher ailleurs que dans le présent des éléments susceptibles d’aider à sortir des ténèbres. C’est ainsi qu’il est intéressant de noter que ce qui oppose Calvin à la postmodernité, c’est le naturalisme. Cette opposition est particulièrement frappante dans le domaine de l’épistémologie et dans celui de l’interprétation.

Calvin se rapproche de la postmodernité dans l’accent qu’il met sur le caractère personnel de la connaissance de Dieu. Contrairement à la structure nature-grâce de la scolastique avec sa métaphysique objectiviste qui estime que Dieu peut être connu de façon naturelle par la raison, Calvin affirme, dès le premier paragraphe de l‘Institution chrétienne, que la connaissance de Dieu et la connaissance de soi vont ensemble. Cette connaissance est selon l’alliance entre Dieu et l’homme. En valorisant le caractère subjectif de la connaissance, Calvin est plus proche de l’esprit de la postmodernité que de celui de la modernité.

L’épistémologie de Calvin est personnaliste, mais elle est aussi éthique, car la connaissance dépend de la relation que l’homme entretient avec Dieu. Pour Calvin, le problème de la connaissance est un problème éthique et si le réformateur revenait aujourd’hui, il dirait que le problème relationnel de l’homme postmoderne est celui de son introversion, et donc de son égoïsme. Ce qui distingue Calvin et la postmodernité dans le domaine de la connaissance, c’est que, pour le réformateur, les réalités visible et invisible sont unifiées en un uni-vers sous la direction de Dieu, qui l’a créé. La réalité, en tant qu’ensemble, est à la fois spirituelle et matérielle et tient sa cohérence structurelle de Dieu. C’est pourquoi le christianisme classique propose une vision du monde où:

• Dieu est à l’origine de toute la réalité comme Créateur;

• le Créateur se révèle de deux façons, dans une révélation de nature « générale » et une révélation « spéciale »;

• l’Ecriture fait connaître et Dieu (le personnel) et la cohérence de la réalité (l’impersonnel).

Calvin propose donc une vision surnaturaliste de la réalité qui est aux antipodes du naturalisme des épistémologies modernes. L’aspect personnaliste de Calvin s’enracine dans le fait que tout révèle Dieu, y compris la subjectivité de l’homme dont l’existence fait partie de la révélation, car il est créé à l’image de Dieu. Une connaissance personnelle, alliancielle, dépendante, seconde par rapport à Dieu, s’oppose à une connaissance autonome, indépendante et naturaliste de l’homme post-Lumières.

En résumé, pour Calvin, si l’univers est relativement fermé du côté de l’homme à cause de sa nature et de sa temporalité, il est infiniment ouvert du côté de Dieu par sa révélation. Après la chute, à cause de son introversion éthique, l’homme est enfermé sur lui-même, mais il reste disponible pour accueillir la révélation et le salut de Dieu. La clef se trouve dans la révélation divine et dans l’alliance qui renouvelle l’homme de façon personnelle dans sa relation avec son Créateur. Ceci explique, chez Calvin, le rôle capital du Saint-Esprit, qui a fait classer le réformateur comme « le théologien du Saint-Esprit ».

La pensée classique de Calvin se trouve exprimée dans l’Institution chrétienne, I.vii.4. Son affirmation centrale est que le même Esprit qui a inspiré les prophètes scelle la conviction de la vérité de l’Ecriture dans le croyant. C’est l’Esprit qui, par un acte souverain, établit la correspondance entre le texte et la personne croyante, les faisant se rejoindre. Cette correspondance, dit Calvin, est différente d’une démonstration logique, rationnelle, même si une cohérence structurelle est présente dans la révélation étant donné le caractère non contradictoire de l’Esprit. Calvin formule quatre affirmations:

• Dieu est l’auteur des Ecritures, qui sont autopistos, car « la souveraine preuve de l’Ecriture se tire de la personne de Dieu qui parle en elle ». Ainsi l’Ecriture est la Parole de Dieu et c’est là que Dieu se fait connaître. C’est le principe du témoignage « extérieur » de la révélation.

• La raison, avec ses démonstrations, n’est pas de grande utilité à cet égard, et « ceux qui s’efforcent de maintenir la foi de l’Ecriture par disputes, pervertissent l’ordre ». L’approche scolastique nature-grâce et la capacité de la raison humaine sont, là, mises à mal.

• C’est le Saint-Esprit qui donne, par son témoignage intérieur, la certitude de la foi. Si l’Ecriture est vraie, c’est l’Esprit seul qui permet d’appréhender ce fait: « Bien que Dieu soit témoin suffisant de soi dans sa Parole, toutefois cette Parole n’obtiendra pas foi au cœur des hommes si elle n’y est scellée par le témoignage intérieur de l’Esprit. »

• L’Ecriture a un double caractère divin et humain. « Les prophètes ont fidèlement mis en avant ce qui leur était commandé d’en haut. » Et « l’Ecriture est de Dieu… elle nous a été donnée de la propre bouche de Dieu par le ministère des hommes, comme si nous contemplions à l’œil l’essence de Dieu en elle » (§5). Cette dernière phrase constitue un des rares exemples où Calvin utilise le mot « essence ». Calvin ne veut pas dire que l’essence cachée de Dieu est visible dans sa Parole, mais que les attributs de sa personne y sont perceptibles: son nom, sa spiritualité et sa supériorité.

Nous sommes ici au cœur de l’épistémologie de Calvin, celle qui donne « une certitude de foi telle que la piété la requiert ». La piété, selon lui, est « la connaissance que nous avons de Dieu qui doit, en premier lieu, nous instruire à le craindre et à le révérer, puis nous enseigner et conduire à chercher de lui tous les biens, et lui en rendre la louange » (I.ii.1,2).

S’il y a une subjectivité dans la piété, ce sentiment a un fondement objectif, extérieur, dans le témoignage du Saint-Esprit d’une part, et dans la vérité de l’Ecriture qu’il illumine d’autre part. Les deux reposent sur une action de Dieu qui s’accommode à l’homme et à sa nature, en se révélant à lui. Calvin propose donc un cercle herméneutique qui commence avec Dieu et sa révélation, inclut la réception par l’homme dans sa subjectivité et retourne à Dieu, dans un esprit de reconnaissance et de louange de l’homme. Ainsi il y a une unité entre Dieu et l’homme dans l’alliance et une objectivité de la connaissance chez l’homme. Loin de proposer une intériorité unilatérale de la connaissance, tournée sur elle-même, Calvin propose une vérité qui correspond à la réalité; Dieu, étant le Créateur et l’interprète de sa réalité, se révèle à l’homme de façon, à la fois, extérieure et intérieure. La certitude subjective est fondée de façon objective, comme « vérité vraie », pour utiliser l’expression de F. Schaeffer.

La conséquence de cette conception unie de la réalité sous l’autorité de Dieu est que le problème sujet-objet qui a paralysé l’épistémologie moderniste est évité. Le modernisme place, de façon autonome, le sujet intelligent au-dessus de l’objet de la recherche en établissant une séparation entre raison et foi. La raison est objective et neutre, et la foi est subjective et irrationnelle. Cette distinction de domaines laisse la foi sans contact avec la réalité, elle est un « saut dans le vide » qui, finalement, n’a rien à voir avec ce qui est objectif. Contrairement à cela, pour Calvin, les deux domaines sont unis, car les deux ont leur origine dans le Dieu créateur. Il ne peut y avoir de contradiction ultime entre ce que connaît la raison et ce que connaît la foi.

La position de Calvin évite également le nominalisme extrême de la postmodernité. Pour ce dernier, les universaux, les vérités globales, une vision du monde unifié avec un début, une fin et une histoire téléologique n’existent pas. Il n’y a que des perceptions de la réalité cloisonnées dans des schémas de référence et d’application individuels. Ici, chaque homme est un îlot séparé des autres îlots par un océan dont les vagues sont la chance et les courants sont le déterminisme des structures profondes de la conscience. Pour Calvin, s’il y a subjectivité et personnalité, celles-ci ne sont ni arbitraires ni dépourvues de sens. La nature humaine a une rationalité inhérente qui a pour fondement la création de l’homme à l’image de Dieu. Ici, la liberté et la prédestination personnelles prennent la place de la chance et du déterminisme.

Calvin propose donc une vision holistique et non fragmentée de la vocation historique de l’homme et du peuple de Dieu. L’a priori de cette perspective réside dans le fait que le Dieu de la Bible est souverain dans sa connaissance et dans la connaissance de tout ce qui, en dehors de lui, dépend de lui. La connaissance de l’homme n’est que secondaire et dérivée. Dieu interprète et l’homme, avec sa connaissance, ne fait que réinterpréter ce que Dieu connaît déjà. La réinterprétation de l’homme est vraie et authentique, dans la mesure où elle suit l’expression de la réalité que Dieu a fournie dans la révélation biblique. Quand l’homme s’écarte de la vérité divine, il s’égare dans l’erreur.

L’erreur principale de l’épistémologie moderne a son point de départ dans le naturalisme avec ses présupposés dont le premier postulat est l’autonomie de la raison humaine. Sur cette ligne, un choix est inévitable: ou l’irrationalisme ou le rationalisme. Mais la destination est toujours la même: une dichotomie entre une foi subjective sans appui dans la réalité objective et une raison objective incapable de s’accommoder d’une foi irrationnelle. C’est pour cette raison que la science moderne est à la recherche d’une conscience.

Aussi comment ne pas voir que la seule solution est celle que Calvin a proposée. A savoir reconnaître le Dieu auto-épistémologique et auto-attestant comme le présupposé de foi de toutes les démarches intellectuelles de l’homme. Ce présupposé est façonné par le témoignage intérieur du Saint-Esprit. L’Esprit, dans l’Ecriture, nous dévoile le fait que Dieu est, sans expliquer ses pourquoi et ses comment, qui font partie de son mystère insondable. Ainsi, la raison trouve ses vraies fonctions dans les limites de la foi.

Beaucoup pensent que la vision du monde de Calvin est dépassée, démodée et impossible à admettre dans le monde hypermoderne. Cette critique ne tient que si on pense de façon très superficielle. Les présupposés sont de nature préthéorique et, dans ce domaine, un jeu de présupposés en vaut formellement un autre. Leur valeur dépend de la manière dont ils se montrent valides ou invalides dans leurs explications en termes de visions du monde. Celles-ci correspondent ou non avec la réalité en fournissant une explication cohérente ou non. La vision chrétienne, calviniste, du monde avec ses présupposés bibliques offre une vision satisfaisante du monde, plus satisfaisante que celles du modernisme ou du postmodernisme. Par son adéquation avec la réalité, passée, présente et à venir, elle maintient, à leur juste place, le Créateur, la création, l’homme, la nature et l’histoire et elle présente une cohérence qui satisfait les besoins aussi bien de la raison que des sentiments.

Cette vision du monde est-elle plausible? Non, répond le relativisme, car pour le relativisme naturaliste rien n’est ultimement plausible. Si, affirme Calvin…


* P. Wells est professeur de théologie systématique à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence et éditeur de La Revue réformée.

1Ryszard Kapuscinski, dans son livre Imperium (Londres: Granta, 1998), 322, parle des trois étapes de reconstruction dans les changements socioculturels.

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