Présentation de Louis Berkhof

Présentation de Louis Berkhof1

(1873-1957)

Louis Berkhof est né le 13 octobre 1873 à Emmen, Drenthe, Pays-Bas. Il arriva aux Etats-Unis à l’âge de 8 ans, ses parents y ayant émigré. Déjà, étant adolescent, il fut membre actif et secrétaire de la première Société des jeunes réformés, organisés à Grand Rapids, au Michigan. Les objectifs de cette société étaient d’étudier la doctrine réformée et les principes du calvinisme, par rapport à tous les domaines de la vie. Berkhof avoua plus tard qu’il ne pourrait jamais rembourser ce qu’il devait à la Société des jeunes réformés, car c’est dans son sein qu’il apprit à étudier et à s’exprimer. C’est là aussi qu’il réalisa combien Dieu l’avait pourvu de talents pour travailler dans son Royaume. C’est là encore qu’il ressentit le désir de devenir ministre de Dieu.

C’est en 1893 que Berkhof confessa publiquement sa foi en Christ, à l’Eglise chrétienne réformée de l’avenue Alpine, à Grand Rapids. En septembre de la même année, à 19 ans donc, il entrait à l’Ecole de théologie de l’Eglise chrétienne réformée et, le 16 septembre 1900, il fut consacré dans l’Eglise chrétienne réformée d’Allendale, au Michigan. Moins de deux ans après, son nom figurait sur une liste de candidats potentiels à une nouvelle chaire de théologie exégétique.

Finalement, c’est Roelof Janssen qui fut nommé, car il était docteur en théologie de l’université de Halle, en Allemagne; du reste, il avait étudié à Kampen, aux Pays-Bas. Berkhof décida alors d’approfondir ses connaissances et compléta sa formation par deux années à Princeton (1902-1904), alors le bastion de l’orthodoxie réformée. Il eut comme professeurs B. B. Warfield et G. Vos, tous deux d’inébranlables défenseurs de l’orthodoxie confessionnelle réformée et de l’autorité de l’Ecriture, ce qui incluait son infaillibilité et son inerrance. Berkhof sortit de Princeton avec le grade de bachelier en théologie.

En août 1904, Berkhof prit en charge la paroisse chrétienne réformée d’Oakdale, à Grand Rapids. Il s’y fit rapidement une solide réputation à cause de l’enracinement scripturaire de son enseignement. Outre son travail pastoral, il écrivit un opuscule intitulé « L’éducation chrétienne et l’avenir de notre Eglise ». Enfin, parallèlement, il suivit quelques cours de philosophie par correspondance à l’université de Chicago.

Le comité responsable de l’Eglise ne recommanda pas la reconduction de Janssen dans son poste de professeur. En effet, il existait un conflit latent entre celui-ci et le professeur de théologie systématique, F.M. Ten Hoor, au sujet de l’autorité de l’Eglise sur les études en théologie. De plus, certains l’accusaient d’être plus ou moins critique. Le comité n’ayant proposé personne, c’est le synode de l’Eglise qui s’en chargea et qui nomma son vice-président L. Berkhof au poste laissé vacant par le départ de Janssen.

Louis Berkhof fut installé comme professeur d’exégèse le 5 septembre 1906. De 1906 à 1914, Berkhof enseigna au Calvin Seminary toutes les matières de l’Ancien et du Nouveau Testaments: hébreu, grec du Nouveau Testament, exégèse de l’Ancien et du Nouveau Testament, introduction à l’Ancien et au Nouveau Testament, histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament.

En 1911, il publia en hollandais un livre sur l’herméneutique biblique, simple et limpide. En 1937, cet ouvrage fut publié à l’usage des étudiants anglophones sous le titre Principes d’interprétation biblique. Il ne publia qu’un pamphlet « La vie et la Loi dans la théocratie pure ». Vers 1914, la réduction de la charge d’enseignant permit à Berkhof de prendre sa plume. Il écrivit L’archéologie biblique et, l’année suivante, Une introduction au Nouveau Testament.

Malgré une lourde charge professorale, Berkhof écrivit en 1912 Christianisme et vie, qui concernait le christianisme et la culture. L’année suivante parut L’Eglise et les problèmes sociaux, qui fut sa première publication en langue anglaise. Il partait de l’affirmation que l’Evangile de Jésus-Christ était la plus grande force libératrice du monde, applicable même aux problèmes sociaux. L’Eglise avait donc des devoirs sociaux et des responsabilités qui n’étaient pas honorés. D’après Berkhof, l’Eglise était non seulement la communauté spirituelle des croyants, mais aussi une organisation qui avait une tâche précise dans le mouvement des réformes sociales.

L’Eglise, instrument choisi par Dieu, ne se limitait pas à sauver des individus et à les préparer à la vie éternelle; elle devait aussi accomplir, autant qu’il est possible, le Royaume de Dieu sur terre. La Bible contenait de nombreuses directives pour la vie sociale et les ministres de l’Evangile devaient proclamer, sans crainte et en toute clarté, les grands principes de cette même vie.

C’est en 1924 que Berkhof fut appelé à prendre la succession de F. M. Ten Hoor à la chaire de théologie systématique. Il considérait que les matières bibliques préparaient à la dogmatique, qui récoltait les fruits de la théologie biblique.

Après 1926, la polémique théologique sur le prémillénarisme et sur l’autorité de l’Ecriture qui faisait rage à l’intérieur de l’Eglise chrétienne réformée cessa au point de ne jamais revenir avec la même acuité pendant la vie de Berkhof. L’Eglise s’était débarrassée du prémillénarisme, de la menace de la recherche scientifique libre et de la critique biblique, ainsi que du danger d’une conception trop étroite de l’opération du Saint-Esprit dans la vie culturelle humaine. Il en résulta un consensus théologique fondamentalement conservateur et profondément enraciné dans l’orthodoxie réformée traditionnelle confessante. C’est dans ce climat que Berkhof s’engagea dans la recherche théologique, la réflexion, l’enseignement et la publication. En 1928, il publia une étude doctrinale spéciale: L’assurance de la foi.

En 1931, il fallut nommer au Calvin Seminary un directeur plus permanent et administratif. Berkhof était l’homme de la situation. Il avait pendant la même année académique servi de doyen de manière très brillante. De plus, il jouissait de la confiance de l’Eglise et du respect des étudiants. Il fut donc élu président du Calvin Seminary, poste qu’il mena de front avec son professorat pendant treize ans.

En tant que professeur de théologie systématique, Berkhof pensait que sa tâche principale était de présenter la vérité scripturaire de manière compréhensible et dans un ordre logique, d’une façon compatible avec la théologie réformée historique. Il tenta de promouvoir la pensée réformée, en la faisant contraster avec ce qu’il appelait des positions doctrinales aberrantes. Pour étudier une doctrine, il commençait par définir la position réformée et commentait brièvement l’histoire de la doctrine en question. Puis il présentait le fondement scripturaire de la position réformée. Enfin, venaient la discussion et la critique des vues alternatives. Berkhof reprochait surtout à la théologie catholique romaine de faire de l’Eglise hiérarchique la source et l’autorité du dogme. Cependant, ses flèches les plus aiguës étaient dirigées contre la théologie libérale moderne, qui réduisait la théologie à l’anthropologie ou à une simple étude de la religion.

Selon Berkhof, l’objet d’investigation en théologie était la connaissance de Dieu, tel qu’il se révèle dans la Sainte Ecriture. L’homme ne pouvant connaître Dieu comme Dieu se connaît lui-même, il peut quand même le connaître, parce que et dans la mesure où Dieu a choisi de se révéler lui-même. Berkhof affirmait que la connaissance de Dieu forme le contenu de la révélation spéciale. Cette dernière constituait un exposé de la connaissance de Dieu et du concept de la rédemption dans le Christ-Jésus. Si, au sens strict, la révélation spéciale était plus large que l’Ecriture sainte, elle en était synonyme de manière pratique et concrète. Ainsi, l’Ecriture sainte était la source unique de la théologie systématique. Elle était également la seule norme ayant autorité pour juger la vérité formulée et affirmée par la théologie.

Berkhof pensait que la théologie systématique était une entreprise scientifique. L’Ecriture sainte contenait des vérités (des événements et des idées), mais elle ne présentait pas de système logique à recopier purement et simplement. Cependant, les vérités contenues dans la Bible étaient reliées entre elles. Pour Dieu, la vérité était une unité, et la vérité révélée dans la Parole de Dieu un tout organique. De plus, l’homme, créature douée d’une raison, ressentait un besoin irrésistible de comprendre la vérité dans son unité. Ainsi, la tâche particulière du dogmaticien consistait à penser les pensées de Dieu après lui, sous la direction du Saint-Esprit, à assimiler clairement la vérité révélée dans la Parole de Dieu, et à la reproduire logiquement sous une forme systématique. Berkhof rejetait l’usage de la raison spéculative comme source et norme de vérité théologique, mais affirmait la fonction nécessaire de la raison; le but était d’unifier les événements particuliers et les idées contenus dans la Parole de Dieu et de les organiser en un système cohérent de vérité.

Cependant, il ne permettait pas à la raison de fonctionner indépendamment de la foi. En théologie, la foi correspondait à la connaissance révélée de Dieu et était utilisée comme un instrument nécessaire au cœur de l’homme, qui s’appropriait la vérité divine. En un mot, la foi s’appropriait la vérité révélée et la raison l’organisait et la systématisait.

Toujours selon Berkhof, la théologie systématique réformée était une question ecclésiastique. L’Eglise, sous la direction du Saint-Esprit, s’engage dans une activité intellectuelle qui produit le dogme. Lorsque l’Eglise réfléchit sur la vérité de la Parole de Dieu, cette vérité prend une forme bien précise dans la conscience de l’Eglise, et est formulée dans des doctrines clairement définies.

Bien que l’Ecriture demeure toujours la source, la norme et l’examen final de toute vérité dogmatique, les credos et les confessions de foi de l’Eglise fournissent un noyau dans la théologie systématique. Berkhof soulignait que le théologien est toujours le théologien d’une Eglise particulière. Il reçoit la vérité dans la communauté ecclésiale, partage les convictions de l’Eglise et promet d’enseigner en harmonie avec elle, aussi longtemps que la compréhension de la vérité par l’Eglise n’est pas contraire à la Parole de Dieu.

Les écrits dogmatiques principaux de Berkhof provenaient de ses cours et visaient à aider les étudiants. En 1932, sa Systematic Theology fut d’abord publiée en deux volumes sous le titreReformed Dogmatics. Un peu plus tard, dans la même année, parut le Introductory Volume to Reformed Dogmatics. En 1941, une édition révisée de Reformed Dogmatics fut publiée en un volume, Systematic Theology. En 1937, Berkhof écrivit une History of Christian Doctrine, courte et claire. En 1942, il publia un Textual Aid to Systematic Theology, à l’intention des étudiants en théologie systématique. Vinrent encore deux études doctrinales spéciales: The Vicarious Atonement (expiation) through Christ en 1936 et Recent Trends in Theology en 1944, juste avant de prendre sa retraite.

Louis Berkhof peut être critiqué de n’avoir pas été un théologien créatif, ni ayant de l’imagination. Il croyait, en effet, que la théologie réformée avait, depuis Calvin, pris une forme plus ou moins définitive à travers les siècles. Du point de vue de la structure comme du contenu de sa théologie, Berkhof demeura dépendant de Herman Bavinck. Il se détacha légèrement de ce dernier dans sa Systematic Theology en réorganisant les rubriques et la répartition des données. Il citait les noms des théologiens mentionnés, commentait les opinions et donnait les références bibliques.

Berkhof possédait des dons personnels et intellectuels remarquables qui le prédisposaient à l’étude de la dogmatique. Lecteur vorace et savant assidu, il se maintenait au courant des diverses théologies. Il avait cette rare capacité à assimiler une grande quantité de données, à retenir leur contenu essentiel et à les reproduire sous une forme condensée. Il était spécialiste de la définition des termes et des distinctions théologiques. Ses conférences et ses écrits étaient marqués par un esprit pénétrant et ordonné.

Il était réservé, digne, humble et très humain. Il n’était pas du genre « bagarreur » et n’aimait pas la controverse. Toutes ces qualités et ces dons produisirent un théologien qui savait comment présenter la doctrine réformée de manière systématique. Mais il avait aussi la capacité de juger avec précision et justesse les autres théologies.

Quand Berkhof prit sa retraite, en 1944, il avait conservé toute sa vigueur physique et intellectuelle. Il continua à écrire: Aspects of Liberalism, The Kingdom of God (1951) et The Second Coming of Christ (1953). Jusqu’au jour de sa mort, le 18 mai 1957, il a participé à l’élaboration d’articles concernant la doctrine chrétienne.

Aucun théologien, aucun homme d’Eglise n’a eu un si grand impact sur l’Eglise chrétienne réformée aux Etats-Unis que lui. Pendant les trente-huit ans de sa carrière, il participa directement à la formation de plus de trois cents pasteurs de l’Eglise. Ses travaux dogmatiques devinrent le modèle de l’orthodoxie réformée. Personne n’a été davantage respecté et honoré que lui dans l’histoire de l’Eglise chrétienne réformée. Il occupa une place prépondérante et assura sa réputation théologique en Amérique.

Sa Systematic Theology le fit connaître comme théologien réformé orthodoxe de renommée internationale; on l’étudia dans plusieurs facultés des Etats-Unis. Certains de ses écrits ont été traduits dans diverses langues étrangères et utilisés dans le monde anglophone, en Europe et en Orient (Chine, Japon, Corée). Il est toujours disponible aux éditions de la Banner of Truth (Edimbourg).

Cependant, malgré sa compétence, il était un homme de grande humilité, respecté et aimé par tous ceux qui le connaissaient. Il possédait le caractère et la marque d’un enfant de Dieu. Impossible pour l’Eglise d’évaluer sa perte, ni de l’effacer de sa mémoire.


Bibliographie

On peut consulter:

Henry Zwaanstra, « Louis Berkhof » in Reformed Theology in America, David F. Wells ed., (Grand Rapids: Eerdmans, 1985), 153-171.


1 Les textes de ce numéro constituent de très larges extraits d’un mémoire de maîtrise en théologie présenté par Marie-Josée de Visme, en juillet 2000, à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence.

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