L’adoption, une alternative à la PMA ? L’idéal, la réalité, l’état des lieux

L’adoption,
une alternative à la PMA ?
L’idéal, la réalité, l’état des lieux


Matthieu Arnéra
Responsable de la communication de la Fondation La Cause


Introduction

N’étant pas un spécialiste de l’adoption, j’ai préparé mon intervention avec l’aide de ma collègue Véronique Goy, directrice du département enfance de la Fondation La Cause, qui ne pouvait pas être présente à ce carrefour. De plus, en tant que responsable de la communication, je me suis dit qu’il serait dommage que la Fondation soit absente d’une rencontre où il est question d’adoption, alors qu’elle est le premier et le seul organisme protestant autorisé pour l’adoption.

Le titre de cette intervention comporte un point d’interrogation, ce qui change tout ! L’adoption est-elle une alternative à la PMA ? Une connaissance des méandres du processus adoptif nous oblige à répondre par la négative. Il s’agit plutôt de deux projets fondamentalement différents.

En préparant cette intervention, j’ai tenté de tirer profit de ma position de néophyte en matière d’adoption. J’ai donc choisi d’en parler en me demandant quels a priori je pouvais avoir à ce sujet et quels aspects j’aurais besoin d’approfondir.

Mon premier a priori était que l’adoption était une bonne chose. Ma collègue pourrait pourtant vous citer de nombreux cas de personnes de notre génération ou de la génération précédente qui ont appris qu’elles avaient été adoptées par la bouche du notaire après le décès de leurs parents. C’est dire si on n’en parlait pas et si l’adoption pouvait être vécue comme une tare à cacher. Il est heureusement possible aujourd’hui de vivre l’adoption comme une réalité positive. Mon deuxième a priori était que l’adoption était peut-être supérieure à la parentalité biologique. Je me disais que si Dieu nous avait adoptés, c’était que l’adoption était la plus haute forme de parentalité. De plus, lorsque j’ai eu un enfant biologique, j’ai dû passer par un processus adoptif pour que, dans ma tête, je puisse considérer celui-ci comme mon fils. Ici je dirais que travailler cette question m’a fait déplacer un peu les lignes, et que je ne formulerais plus les choses de la même manière aujourd’hui. Mon troisième a priori était que l’adoption était un parcours du combattant. Je dois dire que, sur ce point, j’étais encore loin du compte ! Mais ce que je voyais comme des complications inutiles a trouvé une justification. Mon dernier a priori était qu’élever un enfant adopté était une tâche compliquée. Là encore, la recherche m’a permis de préciser les choses.

Un peu d’histoire

L’adoption a toujours existé, elle est aussi vieille que l’humanité. Mais, selon les époques et les civilisations, elle a eu des connotations très différentes. Souvenons-nous des empereurs romains, à qui l’adoption n’a pas toujours réussi… A Tahiti et dans d’autres cultures, il existe ce qu’on appelle les enfants confiés, lorsque la mère ne peut pas ou ne veut pas s’en occuper. Mais ce genre d’adoption n’a pas d’existence juridique. En pays de droit musulman, l’adoption n’existe pas, car elle est interdite par le Coran, qui considère comme un mensonge de dire qu’un enfant est le fils de quelqu’un qui n’est pas son père biologique. Il existe donc la kafala, une procédure qui rappelle un peu les enfants confiés de Tahiti : on reconnaît que l’enfant est élevé par une autre famille, mais il conserve son droit d’héritage de sa famille biologique et n’acquiert pas de droit d’héritage de sa famille adoptive.

En France, l’adoption est permise par Napoléon en 1804. Auparavant, le droit canon ne l’autorisait pas. A l’époque, on n’adopte que des adultes, le Code napoléonien stipulant que le candidat à l’adoption doit accepter celle-ci et considérant que seul un adulte est en mesure de remplir cette condition. Typiquement, une personne d’âge mûr, fortunée et privée d’héritier légitime, adoptait l’enfant qu’elle avait eu hors mariage pour transmettre le nom et la fortune, et éviter que l’Etat ne récupère tout.

La situation a radicalement changé en 1923, lorsque la loi a permis l’adoption des mineurs. Ce changement n’est pas surprenant après l’hécatombe de la Grande Guerre, qui a laissé plus de 1 million d’orphelins dans notre pays.

La Cause existait depuis 1920 et était déjà sollicitée depuis un certain temps. C’est donc tout naturellement qu’elle a été la première œuvre sociale d’adoption, comme on disait à l’époque. Ces œuvres sociales ont été rebaptisées OAA (organismes autorisés pour l’adoption) en 1996. La Cause a aussi participé à la création de la FFOAA (Fédération française des organismes autorisés pour l’adoption) et elle siège à son conseil d’administration.

Mais l’adoption est mal vue au début du xxe siècle. Avant la Première Guerre mondiale en Occident, l’origine d’un enfant adopté est souvent cachée : faire savoir qu’on a adopté, c’est avouer publiquement son infertilité, ce qui est impensable pour un homme comme pour une femme. La Cause a œuvré auprès des familles adoptantes pour les convaincre que l’enfant devait connaître ses origines, sans toujours y réussir.

L’adoption aujourd’hui

Juridiquement, on distingue deux types d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple. L’adoption plénière rompt totalement les liens juridiques avec la famille biologique et fait de l’enfant adopté l’enfant légal de ses parents adoptants. L’adoption simple ne rompt pas les liens avec la famille d’origine et permet donc à l’enfant d’hériter de sa famille biologique, tout en y ajoutant l’adoption, et donc le lien avec sa famille adoptive.

Les défis de l’adoption

Il y a aujourd’hui très peu d’enfants français adoptables, quelques enfants nés sous X, mais de moins en moins, et quelques rares enfants orphelins par accident sans famille proche. Environ 700 enfants français ont été adoptés en 2018. Il y a aussi de moins en moins d’enfants étrangers adoptables en France. La baisse s’est accélérée ces dernières années, depuis que de plus en plus de pays ont adhéré à la Convention de La Haye, qui délimite le cadre dans lequel un enfant est adoptable. Seulement 615 enfants étrangers ont été adoptés en France en 2018.

Une conséquence de la baisse du nombre d’enfants adoptables est que l’adoption n’est plus le dernier recours. On trouve aujourd’hui des couples qui, n’ayant réussi à devenir parents ni par la PMA ni par l’adoption, se tournent vers les pays où la GPA est autorisée.

De l’avis de tous les acteurs de l’adoption, la baisse du nombre d’enfants adoptables à l’international est globalement une bonne chose, même si certains organismes dont c’était le métier sont obligés de songer à un autre type d’activité ! En effet, cette baisse signifie que les enfants sont plus souvent maintenus dans leur culture, proposés à l’adoption dans leur pays ou accueillis par des structures financées en partie par les familles qui restent présentes. D’autre part, cette baisse signifie qu’on a de moins en moins d’adoptions individuelles, faites sans vérification de l’adoptabilité de l’enfant. Il existe bien sûr des pays qui se sont fermés à l’adoption internationale sans mettre en place de solution de remplacement, ce qui est dramatique, mais on peut dire que cette baisse est plutôt une bonne nouvelle. La Convention de La Haye a été conçue pour que cessent les adoptions d’enfants à grand renfort d’argent, ce qui entraînait la vente d’enfants qui n’étaient pas vraiment orphelins.

Un jour, ma collègue a reçu un couple qui désirait adopter mais qui ne comprenait pas les contraintes de l’adoption internationale, en particulier qu’on s’assure que tous les ayants droit, non seulement les parents, mais aussi les cousins, grands-parents, oncles et tantes, soient décédés ou prévenus que l’enfant allait être adopté et d’accord pour renoncer à leurs droits. Le raisonnement de ce couple était le suivant : « Nous avons de l’argent, nous pouvons procurer à cet enfant une vie bien plus confortable et heureuse que celle qu’il aurait dans son pays, puisqu’il est dans un centre pour enfants abandonnés, alors quel est l’obstacle ? » Ce couple ne comprenait pas que le droit donne la priorité à la famille biologique quant à l’éducation d’un enfant. Voici ce que ma collègue leur a répondu : « Si c’est seulement votre aisance financière qui légitime votre projet d’adoption, quelle que soit la situation de l’enfant par rapport à sa famille biologique, adoptez un enfant d’une famille de RMIstes ! » C’était un peu brut de décoffrage, mais ils ont enfin compris qu’aimer un enfant ne dépendait pas des ressources financières.

L’adoption suppose de créer un nouveau lien là où le lien biologique a été rompu. Il faut toujours essayer de réparer un lien abîmé quand cela est possible. S’il est complètement rompu, alors on peut chercher une solution de rechange, mais tant que le lien existe, c’est celui-ci qu’il faut privilégier, réparer et renforcer. Le lien biologique existe, il est un lien indéfectible, et seul celui qui l’a fait naître peut décider d’y mettre un terme. La responsabilité d’un chrétien est d’aider à réparer le lien abîmé, d’aider le parent déficient à combler ses manques, à mieux aimer, et c’est seulement s’il y a un constat d’échec que peuvent être envisagées la séparation et l’adoption.

C’est bien ce qui se passe dans l’adoption divine, où Dieu répare le lien et nous adopte comme ses enfants alors que le péché avait rompu ce lien avec lui. C’est aussi ce qui se passe dans le processus d’adoption intrafamiliale, où je prends conscience que le lien biologique parfois ne suffit pas, qu’il n’a pas déclenché les flux hormonaux et de neurotransmetteurs permettant normalement de se sentir parent de son enfant biologique. Il faut donc un travail conscient d’adoption, un chemin intérieur pour devenir parent. Tout cela pour souligner qu’en réalité ce travail d’adoption doit se faire encore et toujours, et ce qui nous semble naturel dans certaines situations ne l’est pas dans d’autres.

La Convention de La Haye atteste qu’il faut que les liens initiaux aient été rompus pour être adoptable. Tant que ces liens existent, il faut d’abord chercher à les réparer. Selon la loi, toute adoption doit :

  1. répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant, autrement dit c’est l’enfant qui doit être bénéficiaire des effets de l’adoption, et non un tiers pour quelque raison que ce soit ;
  2. être autorisée par les autorités compétentes ;
  3. avoir été vérifiée quant à sa faisabilité par lesdites autorités ;
  4. faire l’objet du consentement éclairé de ceux qui représentent juridiquement l’enfant, consentement devant être vérifié par les autorités compétentes.

Les déclinaisons de ces quatre obligations peuvent varier selon les Etats, mais elles constituent normalement un socle commun à l’ensemble des procédures nationales mises en œuvre par les pays ayant ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant.

Selon les pays, les candidats à l’adoption peuvent être soumis à l’obtention d’un agrément préalable à l’engagement des démarches en vue d’adopter. Les règles encadrant cette démarche relèvent du droit de chaque pays.

Un exemple concret

Pour mieux comprendre les paramètres, je vais vous donner un exemple concret parmi ceux que nous côtoyons régulièrement à La Cause.

Un couple décide d’adopter. Il s’agit parfois d’une famille qui a déjà des enfants et souhaite s’agrandir d’une autre manière. Souvent la démarche survient après une période plus ou moins longue de tentatives infructueuses d’avoir un enfant, malgré le recours à la PMA. Le couple a donc déjà la trentaine ou plus.

Ce couple doit tout d’abord demander au Conseil départemental un agrément en vue d’adoption. Celui-ci s’obtient après un certain nombre de démarches et de processus avec les services sociaux, qui s’efforcent de déterminer si l’arrivée de l’enfant dans cette famille lui donne des chances supplémentaires par rapport à la situation d’où il vient. N’oublions pas qu’en cas d’adoption internationale, on a affaire à des enfants déracinés, parfois même malades ou infirmes ; il faut donc savoir avec le plus de certitude possible, ou peut-être avec le moins d’incertitude possible, si les parents sont prêts à accueillir cet enfant et à lui donner toutes ses chances, si leur projet est compatible avec l’enfant et s’ils ont la capacité de s’inscrire comme parents de cet enfant. En France, il faut avoir au moins 28 ans – et quinze ans de plus que l’enfant – et remplir un certain nombre d’autres conditions. La procédure dure symboliquement neuf mois – le temps d’une grossesse – et l’agrément est valable cinq ans.

Une fois l’agrément obtenu, les parents peuvent prendre contact avec les services du Conseil départemental s’ils souhaitent adopter un enfant français, pupille de l’Etat, par exemple. S’ils frappent à la porte de La Cause, nous leur indiquons que nous avons une habilitation pour des adoptions à Madagascar, avec un maximum de six adoptions simultanément en instance. Comme nous avons déjà six demandes sur les bureaux du Ministère de l’action sociale, ils devront attendre. Le délai est d’environ deux à trois ans à l’heure actuelle.

En outre, il faut tenir compte, non seulement des règles écrites, mais aussi des habitudes liées à la culture. Si les parents, par exemple, nous envoient une photo du papa en maillot de bain jouant avec ses enfants, nous leur disons que cela est mal vu à Madagascar. S’ils ont déjà un enfant non malgache, nous les avertissons que leur dossier ne sera pas prioritaire, c’est-à-dire qu’il dormira sur un bureau pendant cinq ans, ce qui correspond à la durée de l’agrément. En outre, il faut se plier aux règles officielles édictées par Madagascar pour l’adoption : être un couple hétérosexuel et avoir une différence d’âge avec les enfants qui ne dépasse pas trente-neuf ans.

Les parents qui prennent contact avec nous ont essayé pendant des années d’avoir un bébé, et voici qu’on leur dit : « Vous avez 45 ans, vous pouvez donc adopter un enfant de 5 ans ou plus, mais étant donné les délais moyens pour accueillir un enfant, qui sont de trois ans, lorsqu’il arrivera chez vous il aura au moins 8 ans. » Je vous laisse imaginer le choc que cela peut être pour certains parents, qui doivent porter un regard différent sur leur projet.

Le séjour à Madagascar est une autre contrainte non négligeable. Lorsque l’enfant est adoptable et que le jugement est prêt à être prononcé, l’Etat demande aux parents de rester sur le sol malgache trois mois avec l’enfant avant de repartir. C’est le temps nécessaire, à partir du moment où l’enfant est juridiquement adopté, pour obtenir une transcription du jugement d’adoption en droit français, la nationalité française pour l’enfant et donc un passeport et un visa pour entrer sur le sol français.

On estime que le coût moyen d’une adoption internationale se situe entre 10 000 et 40 000 euros, ce qui comprend :

  • les frais de l’OAA (fixés par le Ministère des affaires étrangères) ;
  • les frais de l’orphelinat jusqu’à l’adoption (dans de nombreux pays les orphelinats ne sont pas subventionnés par l’Etat) ;
  • les frais de traduction des actes juridiques ;
  • les frais de vie dans le pays pendant quelques semaines ou quelques mois selon les pays.

C’est ce qui explique que le niveau de vie moyen des adoptants soit plus élevé que la moyenne nationale (40 % des adoptants sont des cadres, alors qu’ils ne représentent que 20 % de la population).

Vous me direz qu’on peut toujours éviter de telles complications en passant par des filières individuelles dans des pays où l’adoption est moins réglementée. C’est vrai. Il vous en coûtera un peu plus d’argent, parce qu’il faudra faire appel à des avocats sur place pour gérer le dossier et le mener à terme. N’oubliez pas que dans le cas d’une adoption internationale, il faut reprendre l’avion ou le bateau pour rentrer en France, et qu’il faut que l’enfant ait une identité bien établie juridiquement si vous ne voulez pas rencontrer de gros problèmes une fois arrivés sur le sol français, si vous y arrivez !

Voici un dernier chiffre pour vous aider à prendre conscience des difficultés. J’ai déjà indiqué qu’il y avait eu environ 1400 adoptions en France en 2018. Or il faut savoir que 17 000 agréments étaient en cours de validité la même année ! Sur ces 17 000, on sait que la moitié des couples environ va renoncer à adopter dans les deux ans, en général parce que le projet n’était pas assez mûr. Il reste 7000 à 8000 couples en attente d’enfant, dont seulement 1400 ont été choisis pour en accueillir un. Et donc 5000 à 6000 couples qui n’ont pas vu leur projet aboutir.

Vivre avec un enfant adopté

Une fois passées toutes ces étapes, il y a la vie avec l’enfant. Et là encore les choses peuvent devenir complexes. Non que la vie et l’éducation d’un enfant biologique soient simples, mais il faut admettre que l’adoption met les parents dans une situation différente.

D’abord, la plupart des enfants adoptés ont une histoire personnelle compliquée, avec parfois de la maltraitance, de la sous-alimentation ou d’autres problèmes de santé, et même s’il n’y a pas ce genre de problème, il y a toujours une souffrance liée à la perte des parents, un vécu « abandonnique », comme on dit parfois, c’est-à-dire que ces enfants, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ont été abandonnés dans un orphelinat à un moment de leur vie.

Parfois, c’est pour des raisons économiques : les parents ne pouvaient pas assurer leur subsistance. Parfois, c’est parce que les parents sont morts. Mais toujours il y a cette cassure dans leur histoire qui nourrit cette conviction que, s’ils ont été abandonnés, c’est parce qu’ils n’avaient pas assez de valeur pour être gardés. Et cette idée-là, d’une manière ou d’une autre, ressortira à l’adolescence, bien souvent par des comportements qui testent les parents adoptifs pour voir si « vous aussi, vous allez m’abandonner, au bout du compte ».

Un père adoptant m’a dit un jour tout ce que lui faisait subir son fils adopté. Il était tout à fait conscient du vécu d’abandon de son enfant, et il m’a dit : « Il teste pour savoir si nous aussi nous allons le lâcher. Mais il teste loin, le bougre ! La bonne attitude consiste alors à lui dire par nos paroles et nos actes qu’il est notre fils, qu’on ne l’abandonnera jamais et qu’on sera toujours là pour lui, même s’il se montre particulièrement pénible ! »

Bien sûr, il y a des situations plus ou moins difficiles et les parents auront plus ou moins de mal avec leurs enfants. Il existe des lieux et des associations de soutien. C’est pour toutes ces raisons que les OAA prévoient toujours un suivi post-adoptif. Celui-ci vise à aider les parents à affronter des situations propres au vécu adoptif, mais aussi les enfants qui souhaitent en savoir plus sur leurs origines. En général, l’OAA garde dans le dossier toutes les informations relatives à la famille, y compris celles permettant, le cas échéant, de reprendre contact avec elle. C’est une démarche plus ou moins facile selon la situation de l’enfant.

Si c’est un enfant né sous X en France, on peut avoir recours au CNAOP (Conseil national d’accès aux origines personnelles), créé en 2002. Lorsqu’une maman accouche dans l’anonymat, personne ne connaît son identité à la maternité. Elle est néanmoins invitée à laisser ses coordonnées dans une enveloppe scellée qui sera remise au CNAOP et à préciser si elle souhaite que ces coordonnées soient accessibles à son enfant, sachant qu’elle pourra à tout moment revenir sur sa décision. Plus tard, si la mère veut savoir ce qu’est devenu son enfant, elle signale au CNAOP qu’elle est disposée à le rencontrer. Le CNAOP, à la majorité de l’enfant, le contacte pour lui proposer cette démarche. Si l’enfant accepte, les coordonnées sont alors dévoilées de part et d’autre. Si l’enfant refuse, le secret est préservé. Si c’est l’enfant qui veut prendre contact avec sa mère biologique, il prend contact avec le CNAOP et l’informe de son souhait. Le CNAOP prend alors contact avec la mère biologique pour l’informer de la démarche de son enfant et lui demander si elle souhaite conserver l’anonymat ou rencontrer l’enfant. Si la mère accepte, les coordonnées sont alors diffusées de part et d’autre. Si elle refuse, le secret est préservé, y compris après le décès (c’est la dernière volonté exprimée par la mère qui prime).

Conclusion

J’espère avoir réussi à mettre en lumière la différence entre un projet d’adoption et un projet de PMA. J’ai bien conscience que le projet que j’ai pris pour exemple – celui d’un couple sans enfant qui se tourne vers l’adoption après plusieurs années de tentatives de PMA – est loin d’être le seul cas de figure. Mais j’ai choisi celui-ci parce que de nombreux parents envisagent l’adoption comme prolongement de leur projet, alors que les choses sont beaucoup plus complexes. C’est pourquoi, lorsque j’entends des pasteurs conseiller un peu trop vite à des couples infertiles d’avoir recours à l’adoption plutôt qu’à une PMA éthiquement discutable, comme celle avec donneur, cela me laisse perplexe. Il est vrai que la PMA avec donneur soulève des questions et qu’il ne faut pas y recourir sans réfléchir, simplement parce que c’est techniquement faisable et que le médecin la propose, mais il s’agit à mon sens de deux projets complètement différents, qui posent des questions éthiques différentes.

Lorsque j’envisage de faire appel à certaines techniques médicales pour remédier à un manque physiologique, je me demande si celles-ci sont agréées de Dieu. Je dois alors prendre en compte le fait qu’un tiers va entrer en jeu pour me permettre de devenir père, que l’enfant ne sera pas chair de ma chair et qu’une adoption intellectuelle et spirituelle sera nécessaire. Je dois aussi me demander si les conditions techniques dans lesquelles ce geste médical est réalisé, comme la production d’embryons surnuméraires, sont compatibles avec mes convictions éthiques.

Dans un projet d’adoption, il me semble qu’il faut renoncer à sa fécondité biologique et remettre sa fécondité familiale à la providence, étant donné le nombre limité d’enfants adoptables. Mais si dans la PMA on peut parler de droit à la santé, si chacun a le droit de bénéficier des techniques médicales disponibles pour pallier un manque physiologique, il n’existe pas de droit à l’enfant inscrit dans la loi, mais seulement le droit de l’enfant. Et c’est celui-là qui prime en matière d’adoption, ce qui signifie que si aucun enfant correspondant à ma situation n’est trouvé, on ne va pas l’inventer. Et on ne va pas m’attribuer un enfant qui correspond partiellement à mes aspirations, si cela risque de lui porter préjudice. Il n’est donc pas certain que mon projet réussisse, mais s’il aboutit par la grâce de Dieu, « de deux malheurs, des enfants sans parents et des parents sans enfants, résultera un double bonheur », comme nous aimons à le dire à la fondation.

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