Editorial

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Un regard protestant sur la procréation médicalement assistée (PMA)

Au cours de l’année 2018, les Etats généraux de la bioéthique, organisés par le Comité consultatif national d’éthique, ont préparé le terrain de la révision de la loi de bioéthique initialement prévue pour la fin de l’année 2018. Les sujets sont sensibles : la fin de la vie, l’expérimentation sur les embryons ou la procréation médicalement assistée (PMA). Sur cette dernière, le gouvernement a souhaité mettre en discussion l’élargissement de l’accès à la PMA aux couples de femmes, comme aussi, de manière plus singulière, aux femmes vivant seules. En raison, officiellement, de « l’encombrement législatif », l’examen du projet de loi a été reporté à plusieurs reprises. Celui-ci a été présenté en Conseil des ministres le 24 juillet 2019 et adopté par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019.

Entre le lancement des Etats généraux de la bioéthique en janvier 2018 et l’adoption de la révision de la loi de bioéthique en octobre 2019 s’est posée la question du positionnement des protestants. C’est pourquoi la Faculté Jean Calvin a choisi le thème de la PMA pour son Carrefour 2019. Ce sont les textes de ce carrefour que nous vous présentons dans ce numéro, à l’exception de la contribution de Michel Johner, professeur d’éthique à la Faculté Jean Calvin, qui a pris une telle ampleur qu’il a été décidé de la publier sous la forme d’un petit livre, à paraître prochainement. Nous vous encourageons à vous procurer cet écrit très pédagogique, qui présente l’éthique chrétienne de la PMA sous la forme d’un dialogue imaginaire entre un catholique et une protestante mariés depuis plusieurs années et confrontés à un douloureux problème d’infertilité. Leur cheminement, ainsi que les éclairages apportés par le médecin qui les accompagne, permettront au lecteur, et plus particulièrement aux couples infertiles, de mieux se situer dans ce débat complexe, non seulement dans ses aspects médicaux, mais aussi éthiques et spirituels.

Pour celui qui est attaché à l’éclairage de la Bible, ce n’est pas directement l’intrusion de la technologie dans le processus de procréation qui pose un problème éthique, mais la possibilité qu’au travers de l’artifice technique soit descellée l’alliance des sexes, et bouleversé le cœur de la relation triangulaire qui caractérise la naissance de l’enfant : horizontale entre les deux sexes et verticale envers l’ultime Vis-à-vis qui donne la vie et qui la reprend.

De ce point de vue, il est des valeurs que le droit civil a pour vocation de promouvoir et protéger pour le bien commun : faite pour pallier des problèmes d’infertilité au sein du couple, la PMA ne saurait servir à suppléer à l’absence de conjoint ou à l’impossibilité de relations avec un individu du sexe opposé. Elle ne saurait court-circuiter la reconnaissance de la finitude et de la complémentarité des deux sexes, qui ont besoin l’un de l’autre pour se réaliser et se reproduire.

La PMA ne saurait davantage devenir le fer de lance d’un « acharnement procréatif » : la revendication idéologique d’un singulier « droit à l’enfant », qui placerait l’enfant dans la position de « l’objet auquel on a droit », plus que dans celle de « sujet qui a des droits ». Même au sein du couple hétérosexuel, elle n’a pas pour vocation de satisfaire la revendication (de type « prométhéen ») d’une forme de « toute-puissance » sur la transmission de la vie.

Menacés aujourd’hui de disparaître, ce sont en particulier les droits de la paternité, déjà réduite à une paillette congelée, que la loi doit protéger, comme aussi et d’abord les droits de l’enfant à naître, qui, pour construire son identité humaine, a besoin de racines : la référence assurée à l’existence de ses deux parents biologiques. Sur ce point, une avancée positive, pour la France, serait de rejoindre le cercle des pays européens qui ont reconnu les « droits de l’enfant à connaître la vérité de ses origines biologiques ». Pour la bioéthique française, ce serait certes une petite révolution, dont les modalités d’application devraient être soigneusement réfléchies. Mais soumises à une obligation de transparence, les demandes de PMA ne connaîtraient-elles pas une première forme essentielle de régulation ? A défaut d’une référence à la Bible, à laquelle il n’est pas admis en France que le législateur fasse directement écho, n’est-ce pas aux droits et besoins des plus faibles, les enfants à naître, qu’une politique courageuse se devrait aujourd’hui de donner le dernier mot ?

Le comité de rédaction

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