APPRENDRE À AIMER – Les turbulences de l’amour dans la pensée contemporaine

APPRENDRE À AIMER
Les turbulences de l’amour
dans la pensée contemporaine

Michel JOHNER1

Parler de l’amour, c’est, de prime abord, désigner une réalité qui semble très simple et universelle, dont tout le monde comprend spontanément le sens, y compris les enfants. L’amour semble rejoindre l’expérience universelle et existentielle de chacun et se passer de définition. Toutefois, dès qu’on y réfléchit, l’amour est aussi une notion complexe, particulièrement difficile à analyser. Comme l’écrit France Quéré, « je ne sais s’il existe dans la langue française un mot qui ait porté les esprits à plus d’effusions et de confusions »2.

Sur un mode plus méditatif qu’académique, cette présentation introductive propose un rapide tour d’horizon des sens variés et parfois contradictoires que revêt la référence à l’amour dans le langage contemporain, la littérature, la philosophie : une sorte de « radioscopie » du concept, au sein du couple principalement.

Sur l’amour, l’usage de la langue française, réputé généralement assez précis et nuancé, se révèle assez pauvre, en désignant par le même terme des attachements de natures fort diverses. Quelqu’un peut dire indistinctement « j’aime ma femme, j’aime mes enfants, j’aime mes parents, j’aime Dieu » ; mais aussi « j’aime le chocolat, j’aime mon chien, j’aime ma patrie, j’aime le foot, j’aime la moto » ; comme il peut déclarer aussi « aimer la justice, le pouvoir, l’argent ou la gloire ». On dit aussi « faire l’amour » pour désigner un rapport sexuel, même unique ou accidentel, une expression singulière quand on y réfléchit : comme si la sexualité était la forme d’expression la plus évidente et immédiate de l’amour, et nécessairement mue par lui, ou comme si une relation sexuelle avait la capacité d’épuiser l’amour, d’en faire en quelque sorte le tour, ou en tous les cas d’en exprimer la quintessence3.

Ne peut-on pas faire l’amour sans amour ? (Lucrèce)4

Certains de ces attachements sont superposables. N’étant pas de même nature, ou ne se disputant pas le même objet, ils ne se font pas concurrence. Les attachements qu’un homme peut éprouver pour Dieu et pour sa femme, ou pour sa femme et sa fille, ne sont pas en conflit. Ce qu’il donne à l’un, il ne le dérobe pas à l’autre, ou alors il y a problème, que stigmatise, dans le premier cas, l’interdit de l’idolâtrie ou, dans le second, celui de l’inceste. Pour compliquer le tout : alors que certains de ces amours, dans leurs domaines spécifiques, se laissent partager et multiplier de manière exponentielle, comme l’amour fraternel ou parental5, d’autres exigent l’exclusivité, comme l’amour de Dieu ou l’amour du conjoint.

L’amour est un dieu jaloux qui ne souffre aucune rivalité. (Marquise de Lambert)6

Comment donc définir plus précisément cette « généreuse prodigalité de l’expérience humaine »7, ou « cette étrange attirance d’un être vers un autre » ?8 La question semble si complexe que nos dictionnaires, écartant le risque d’une parole globale, ne proposent que des définitions fragmentaires qui se laissent globalement ranger en deux catégories, généralement opposées. D’abord des définitions subjectives : aimer désignerait essentiellement un ressenti, éprouver un sentiment de désir, de satisfaction ou de plaisir au contact de quelque chose ou de quelqu’un. L’amour serait une variante de l’attirance ou de la jouissance. Puis des définitions objectives : l’amour désignerait une forme particulière de comportement à laquelle l’homme serait porté ou appelé, que l’on pourrait qualifier d’altruiste9. Si la définition subjective est par nature égocentrique (elle vise la satisfaction de soi), l’objective recherche d’abord le bien-être de l’autre (la satisfaction de l’autre), même si elle peut aussi, au final, combler la première (lorsque la satisfaction de l’autre devient aussi satisfaction de soi). Les maîtres mots sont ici générosité et désintéressement.

I. Les conceptions subjectives de l’amour

Ouvrant Le Petit Larousse sous le mot « aimer », on peut lire : « éprouver une profonde affection pour une personne ou un objet, un attachement très vif » ; ou, sur un plan plus charnel : « un sentiment très intense, un attachement englobant la tendresse et l’attirance physique entre deux personnes ». Le Petit Robert parle d’« une disposition favorable de l’affectivité à l’égard d’un objet » et le Dictionnaire universel Hachette de « l’attirance affective et sexuelle d’un être humain pour un autre »10.

1) L’amour courtois

Dans la culture occidentale, l’histoire de cet amour subjectif – amour-sentiment ou passion – commence, dès l’Antiquité, sous l’égide d’Éros (chez les Grecs), puis de Cupidon (chez les Romains), les deux divinités païennes qui la gouvernent et lui donnent ses premières lettres de noblesse.

Elle se poursuit ensuite au Moyen Âge, par la philosophie de l’amour courtois (appelé fin’amor), dans les cours de Provence et Languedoc au xie siècle. Chez les troubadours et les trouvères, l’amour est défini comme « désir érotique », dont la satisfaction ne peut être atteinte qu’en dehors du mariage11. S’il exerce une forte attraction sur les jeunes nobles et les chevaliers, c’est aussi que l’amour courtois est subversif et condamné par l’Église : il flirte avec la transgression, se porte vers un objet défendu et penche vers l’adultère.

Mais la philosophie courtoise n’est pas pour autant libertine dans ses conclusions. Loin de prôner l’abandon à l’empire des sens, elle est plutôt une école de l’ascèse et de la maîtrise de soi. Plus le chemin vers la satisfaction sera long et semé d’embuches pour le soupirant, plus il sera « courtois ». Et le désir disparaissant quand il est assouvi, l’amour, pour perdurer, doit être le plus difficile possible à satisfaire : la dame convoitée doit toujours paraître et rester insaisissable.

L’amour courtois est un ensemble de règles (les 31 articles formulés par André le Chapelain dans son opuscule Tractatus de Amore de 1184) qui cherchent à sortir la sexualité de la brutalité ou de la bestialité prêtées aux mœurs paysannes. Plusieurs siècles avant Flaubert, c’était, pour les jeunes nobles, une première école d’éducation sentimentale12, dans laquelle voulaient prévaloir, bien avant la satisfaction érotique qui n’était pas nécessairement jugée souhaitable, l’apprentissage du sens de l’honneur, l’importance de la parole donnée et du serment, la noblesse des sentiments, la conduite généreuse, la politesse dans le langage et les manières, et ainsi de suite. Si aujourd’hui le féminisme s’intéresse à l’étude de la « littérature courtoise », c’est qu’il s’agissait aussi pour la chevalerie d’apprendre à respecter la femme, et couper court aux libertés et expédients dont pouvait user la noblesse sur les subalternes et le personnel domestique. Paradoxalement, si l’amour courtois a attisé le feu de l’érotisme, c’était pour mieux le maîtriser. L’objectif ultime était de contenir les poussées de l’instinct sexuel par la maîtrise de soi, de le tenir en bride.

2) L’amour-passion : amour romantique

À la suite de l’« amour-désir » maîtrisé par les lois de la courtoisie se développe en Occident l’amour-passion, l’amour proprement « romantique », dont Denis de Rougemont, dans son essai L’amour et l’Occident, situe l’avènement dans l’exploitation, en littérature, du mythe de Tristan et Iseult, lequel en serait devenu (à côté de celui de Roméo et Juliette) la figure emblématique. C’est autour de ces deux récits, selon l’écrivain et moraliste suisse, que l’amour romantique serait devenu en Occident, du xiie jusqu’à la fin du xxe siècle, « une véritable religion dans toute la force de ce terme »13.

L’amour romantique est un amour passionnel, absolu et idéalisé. C’est l’inverse d’un amour raisonnable et maîtrisé : un amour fou, spontané, imprévisible, instinctif, impulsif, irrésistible et extraordinaire. L’amour romantique est fondé sur l’admiration, l’enthousiasme, l’inspiration, la fougue, parfois le délire.

On n’est vraiment pas raisonnable lorsque l’on est un amoureux romantique. (Christophe Bernard)14

Ici, comme dans l’amour courtois, une certaine mystique est présente. Chez plusieurs auteurs, la passion romantique confine à la tragédie et à l’expérience du divin au sens païen du terme. L’amour est placé au-dessus de toutes les lois, tant sociales que religieuses15. Si, dans la tradition courtoise, le désir, qui est généralement unilatéral (de l’homme soupirant vers la femme objet de son désir), veut être absolument maîtrisé, dans la tradition romantique, en revanche (comme dans la légende même de Tristan et Iseult), le désir, qui est généralement partagé, est aussi impossible à maîtriser. L’amour y est conçu comme une fatalité irrésistible.

Dans le romantisme, enfin, éros flirte de manière étroite avec la mort : éros et thanatos forment un couple infernal qui inspire une très abondante production artistique, en peinture, sculpture, littérature16. La mort des amants devient la réalisation suprême d’un amour divin et absolu qui dépasse les bornes du monde des hommes. Dans Roméo et Juliette, en particulier, l’amour et la mort se cherchent en permanence, et se trouvent au final comme les deux serpents du Caducée. Alchimie et fusion des contraires qui joue sur cette complicité étroite : le premier baiser d’amour de Roméo et Juliette est déjà un baiser de mort, et leur lit d’amour – chant du cygne du romantisme lyrique – devient une tombe. Pour Roméo et Juliette, mourir ensemble devient paradoxalement la forme la plus aboutie de l’amour.

La psychanalyse souligne le paradoxe : à un premier niveau rien ne serait plus opposé que éros et thanatos, l’un désignant les pulsions de vie et l’autre les pulsions de mort. Éros et thanatos seraient les deux pôles les plus extrêmes de l’arc électrique entre lesquels notre vie psychique serait prise en tension. Mais, à un second niveau, les deux pulsions fondamentales ne pourraient être pensées séparément : elles œuvrent toujours ensemble. Elles se rejoignent et s’appellent mutuellement. De sorte qu’éros et thanatos, au final, ne pourraient exister l’un sans l’autre. Ils forment un couple insécable et s’« embrassent » mutuellement. Le désir « tutoie » la mort en permanence.

3) L’amour-plaisir

Après l’amour-désir, puis l’amour-passion, dernière étape dans l’histoire de l’amour-sentiment, on est entré aujourd’hui dans l’ère de l’amour-plaisir.

C’est l’avènement de ce que l’on pourrait appeler « la postmodernité » de l’amour, largement bâtie sur « les ruines de l’amour passion » ou la critique du « mythe du grand amour pur et parfait, absolu, emportant tout sur son passage ». Dans le même élan, il s’agit aussi d’affranchir l’amour des définitions objectives de l’héritage judéo-chrétien (présentées plus bas) : l’amour comme altruisme, désintéressement ou fidélité, définitions jugées dépassées et d’un autre temps.

1. Jouir sans entraves

Dans cette catégorie peuvent être rangées des définitions ou des commentaires sur l’amour particulièrement sarcastiques et volontairement dénués de toute élévation spirituelle.

La passion amoureuse, comme la sexualité, n’est qu’une ruse de la nature pour assurer la préservation et la propagation de l’espèce. (Schopenhauer)17

L’amour, tel qu’il existe dans la société, n’est que l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. (Nicolas de Chamfort)18

L’amour n’est autre chose que la soif de jouissance en le sujet désiré. (Montaigne)19

L’amour est un phénomène d’autosuggestion réciproque unissant deux êtres pour un temps dont la durée ne peut se mesurer qu’à l’aide du calcul des probabilités. (Jean Simard)20

Le désir est une tension déplaisante, qui vise à la détente, à l’apaisement, au retour à l’état antérieur, donc à sa propre disparition, à l’indolence. (Freud)21

L’amour est une guerre, dont la haine mortelle des sexes est la base. (Nietzsche)22

Aimer, c’est jouir, tandis que ce n’est pas jouir que d’être aimé. (Aristote).23

Aimer, dans cette perception, c’est essentiellement éprouver un sentiment de satisfaction ou de plaisir au contact d’une personne. C’est un sentiment qui peut être parfaitement pur ou sain, même s’il s’exprime sous forme sexuelle, et qui est reçu par les croyants comme don de Dieu, mais qui peut aussi s’égarer, se fourvoyer et engendrer des formes d’esclavage, voire d’addiction ou d’aliénation qui n’ont plus rien à voir avec l’amour24. Tout ce dont l’éros est capable n’est pas compatible avec l’amour. L’éros, rebelle, échappe en partie à son emprise.

C’est cette réduction de l’amour au plaisir que met en scène de manière subtile l’œuvre littéraire de Milan Kundera (dans L’insoutenable légèreté de l’être)25, comme aussi de manière plus crue la production romanesque de Michel Houellebecq. « Dans ce monde liquéfié, libéral, consumériste, affirme ce dernier, il n’y a plus d’amour possible, il ne reste que le plaisir. »26

Livré à lui-même, l’amour-passion peut aussi perdre le contrôle de lui-même, jusqu’à prendre littéralement possession de l’autre, jusqu’à en faire sa chose, son objet. La passion possessive de l’amoureux éconduit peut devenir meurtrière pour celle qui en est la victime, lui disant en substance : « J’ai tellement besoin de toi, que je ne te reconnais plus la liberté de vivre sans moi. Je serais capable de te tuer plutôt que de te voir en préférer un(e) autre. » Ici, amour et haine deviennent les deux faces d’une même médaille. La versatilité de l’amour, ses volte-face vous font annihiler ce que vous avez adoré.

Dès lors, tout ce qui semble entraver la libre subjectivité est mal supporté aujourd’hui (« jouir sans entraves »). En témoigne, par exemple, de manière anecdotique, en 2009, une singulière polémique sur La Princesse de Clèves, roman de Madame de la Fayette (1678). Bien que profondément amoureuse, l’héroïne, au terme de très subtils raisonnements, modèles de prudence (on est dans l’école de la « préciosité »), préfère les solitudes glacées du veuvage aux risques d’une vie sentimentale incertaine27. Et Finkielkraut de conclure de la violente attaque dont l’étude de ce roman a fait l’objet en 200928 en interrogeant : « Sommes-nous encore capables, nous autres modernes, d’aimer contre le temps, contre la mort, et même parfois contre le plaisir ? »

2. Le nouvel hédonisme de Michel Onfray

Une forme particulièrement radicale de réduction de l’amour au plaisir s’exprime aujourd’hui au travers de l’œuvre philosophique et littéraire de Michel Onfray. Apôtre d’une nouvelle forme d’hédonisme, le philosophe de Caen entend redonner ses lettres de noblesse à la philosophie naturaliste et libertine qui était dans l’Antiquité grecque celle des Cyrénaïdes. L’auteur publie de nombreux ouvrages, Manifeste hédoniste, L’invention du plaisir ou encore L’art de jouir29, qui laissent peu de doutes sur la nature de son projet. Et s’il s’agit, pour Michel Onfray, d’enterrer l’idéalisme romantique ou le mythe de l’amour-passion, il s’agit aussi, il ne s’en cache pas (cf. son Traité d’athéologie30), d’enterrer l’héritage judéo-chrétien et d’achever la déconstruction du christianisme. Chez lui, on a affaire à une forme d’athéisme confessant et militant, qui « veut en finir avec la monogamie, la fidélité, la procréation, la famille, le mariage », et remplacer le modèle chrétien par « une théorie du contrat érotique, appuyée sur la seule volonté de deux libertés célibataires »31.

À l’aide d’un bestiaire humoristique, Onfray dresse une typologie des différentes conceptions de l’amour et de la sexualité : de la sirène au hérisson, en passant par le carrelet, le chien, l’éléphant, l’abeille et le pourceau. Parlant du christianisme, il propose l’image de l’éléphant (celle de la stabilité du couple judéo-chrétien monogame, de l’aversion et de la répugnance de la chair, de la virginité) opposée à celle du pourceau épicurien (capable de prendre son plaisir)32.

Il va sans dire que sa définition de l’amour est dénuée de connotation spirituelle. L’amour est essentiellement un ressenti33. C’est, dit-il, « l’état dans lequel on se trouve quand on ne peut faire l’économie de la présence ou de l’existence de l’autre sans douleur »34, définition à la fois égocentrique et négative : égocentrique, parce qu’elle range l’amour dans la catégorie de la satisfaction des besoins, et négative, parce que l’amour serait essentiellement nostalgie et frustration d’un manque, à la manière de l’hermaphrodisme chez les Grecs35. De même André Comte-Sponville, non sans esprit critique : « On n’aime passionnément que ce qui manque. On s’ennuie de ce qui ne manque plus. »36

3. L’amour liquide selon Zygmunt Bauman

Dans la postmodernité, l’amour réduit au sentiment ou au plaisir devient un « amour liquide », selon l’expression inventée par Zygmunt Bauman37.

a. La spontanéité

Parmi les caractéristiques de cette « fluidité », le sociologue d’origine polonaise mentionne la spontanéité, la fragilité et l’éphémérité (le deuil de la durée). Si l’amour est réduit à l’émotionnel, il ne peut se concevoir que dans l’immédiateté. Disant « j’aime le chocolat » ou « je déteste la couleur violette », je désigne des perceptions que j’éprouve comme des évidences spontanées. Une éducation est peut-être possible dans l’apprentissage du goût (certains éducateurs aujourd’hui y travaillent, notamment en milieu scolaire), mais sa portée reste assez limitée.

La vie amoureuse n’ayant pas pu rompre entièrement avec le romantisme (le ressenti dans ce domaine est visiblement plus lent à évoluer que le discours), elle connaît encore aujourd’hui cette forme de spontanéité appelée « coup de foudre », ou « tomber amoureux »38. L’événement est perçu par l’individu qui l’éprouve comme quelque chose d’irrationnel et d’irrésistible, qui l’emporte et le terrasse : l’homme ne peut rien faire pour le provoquer (un mariage de raison a peu de chances de le faire naître), et lorsque le coup de foudre survient, celui qu’il frappe est incapable de lui résister. De même, quand l’amour « se perd », il serait vain de chercher à le retenir.

b. La fragilité

La place nouvelle, quasi fondatrice (ou « instituante »), reconnue aux sentiments aboutit, entre autres conséquences, à ce que Jean-Claude Guillebaud décrit, dans son ouvrage La tyrannie du plaisir, comme étant « l’affaiblissement du couple par surinvestissement affectif ». De manière paradoxale, dit-il, l’évolution chemine vers un « surinvestissement affectif du couple » qui fait peser sur lui une charge considérable et même étouffante (cf. l’amour « boa constrictor »). « Si le couple a une durée de vie de plus en plus courte, c’est aussi, parce qu’on a des attentes vis-à-vis de lui qui sont de plus en plus élevées, en termes de bonheur subjectif ou d’épanouissement personnel, en tous les cas beaucoup plus élevées que celles des couples d’autrefois. »39

Aujourd’hui prévaut une morale du bonheur personnel, ajoute Guillebaud, qui, dans la mentalité contemporaine, implique aussi ipso facto une morale du divorce, « le divorce venant tirer loyalement les conséquences d’une absence d’amour, ou plutôt de désir […]. Le divorce, ici, n’est plus forcément présenté ou vécu comme un échec, mais plutôt comme une marque de courage, de liberté, d’honnêteté. »40 Ainsi, conclut-il, « une nouvelle morale se substitue à l’ancienne : les comportements jadis célébrés comme méritoires se trouvent affectés d’un signe négatif. Le véritable devoir ne consiste plus à rester, mais à partir. L’impératif familial se trouve récusé au nom d’un autre commandement jugé prioritaire, celui du bonheur individuel et immédiat. »41

Dans cet élan, on notera également que le discours sur la fidélité change de sens : il n’est plus tant question de fidélité à l’autre, comme auparavant, mais essentiellement de fidélité à soi. Le devoir d’authenticité et d’honnêteté, par rapport à ce que l’on ressent ou ne ressent plus (le refus de l’« hypocrisie »), l’emporte ici sur l’idée d’engagement.

Un éthicien protestant, Robert Grimm, spécialisé dans les évolutions du mariage et de l’union libre, discerne derrière cette évolution ce qu’il appelle une « transmutation des valeurs morales » et « l’émergence d’une nouvelle sensibilité éthique ». Parmi ces déplacements ou transmutations significatifs, il mentionne : 1) la prééminence de l’amour sur l’institution, de l’affectivité sur le légal ; 2) la priorité accordée à l’instant sur la durée, à l’intensité sur la répétition ; 3) l’affaiblissement des idées de promesse et d’engagement, au profit de la liberté et de l’authenticité42.

Pascal Bruckner fait un constat analogue dans son essai Le mariage d’amour a-t-il échoué ? « L’inflation des divorces souligne le succès paradoxal du mariage d’amour, dont on attend tellement, plénitude et volupté, qu’on est prêt à le rompre au premier accroc. […] Nos couples ne meurent pas d’égoïsme ou de matérialisme, ils meurent d’un héroïsme fatal, d’une trop vaste idée d’eux-mêmes. […] Autrefois on disait que le mariage tuait l’amour, aujourd’hui n’est-ce pas l’amour qui tue le mariage ? […] Il ne faut pas enfermer l’amour dans une ‹définition maximaliste›, suivant le rêve actuel qu’un seul être condense la totalité de nos aspirations, et qu’il soit écarté s’il ne remplit pas cette mission. »43

c. L’éphémérité

Troisième aspect de la fluidité postmoderne, que Bauman désigne par l’expression le « présent liquide » : c’est, pour l’amour, le deuil de la durée, le règne du provisoire44.

Par la création du couple, il n’est plus question, comme autrefois, d’inscrire l’espérance conjugale dans la durée, ou de vouloir manifester, dans l’amour, l’espérance d’une histoire commune, ni même de poser, au départ, dans un calcul de type épicurien, un rapport entre le désir et la durée nécessaire à son épanouissement.

Le mariage ? Une union conjugale dont la pérennité est tenue pour acquise45.

Kierkegaard (ou son héros) parle de « celle qu’il a aimée et gardée dans la fidèle étreinte de sa résolution »46.

Que nos deux destinés se fondent dans le même avenir. Je t’aime. (Victor Hugo)47

Aimer, ce n’est pas regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. (Antoine de Saint-Exupéry)48

À proprement parler, les conjoints ne se donnent plus, mais se prêtent l’un à l’autre, pour un temps, la calculatrice à la main.

L’amour est un phénomène d’autosuggestion réciproque unissant deux êtres pour un temps dont la durée ne peut se mesurer qu’à l’aide du calcul des probabilités. (Jean Simard)49

Bauman déplore que l’amour et la sexualité soient aujourd’hui soumis au règne du provisoire et du consumérisme, « pollués » par la loi du changement ou du remplacement. L’obsolescence du couple est programmée.

Le renoncement à la durée marque une époque du monde. L’ère du provisoire est ouverte. (Paul Valéry)

C’est Heidegger qui aurait dit : « N’être que dans le présent, c’est être remplaçable. À tout objet il est essentiel qu’il soit déjà consommé et appelle ainsi à son remplacement. » Mais l’amour, ajoute Finkielkraut, est précisément « le fait d’éprouver un autre être comme irremplaçable et de le lui déclarer »50.

Ceci dit, il ne faut pas se tromper sur les motivations de ceux qui, tels Michel Onfray, disent vouloir préférer les amitiés érotiques à la religion de l’amour. La nouvelle « philosophie libertine » n’entend pas faire l’apologie de l’infidélité, ou prôner l’abandon à la faiblesse ou au vice, comme pourrait le faire un « libertinage primaire »51. C’est la conclusion d’une analyse qui se veut sérieuse et réfléchie : ne pas tabler sur une utopique pérennité de l’amour, qui, de ce point de vue, n’existe pas, et avoir le courage de prendre acte de sa précarité dans une attitude lucide, réaliste, honnête (non hypocrite) et même « morale ». C’est le refus, à la fois, des « utopies chrétiennes » et du lyrisme des sentiments romantiques qui porte cette nouvelle philosophie à « concevoir le couple dans un cadre fluide, dans lequel vouloir asservir le futur est aussi impossible que réprouvé »52.

Mode d’emploi : « Première condition, il faut s’engager dans cette relation en toute conscience et avec modération. Il n’est pas ici question de coup de foudre. On ne tombe pas amoureux. On ne se laisse pas submerger et étouffer par une vague d’émotion, pas plus l’émotion qu’on appelle amour que celle qu’on appelle désir. Il faut garder la tête froide et veiller à ce que l’on ne vous dérobe pas la calculatrice que vous avez en main. »53 Aucun « tout ou rien » n’a de prise sur cette philosophie libertine. La radicalité, sous quelque forme qu’elle prenne, lui est odieuse54.

L’idée chrétienne du don de soi et de l’espérance a cédé la place à la perspective économique du prêt. Il s’agit de remplacer une alliance (à qui l’on reproche d’engager imprudemment la vie) par des contrats et des deals temporaires.

d. De nouvelles formes de contrats

Dans le même élan, ajoute Zygmunt Bauman, notre temps se caractérise par de nouveaux discours sur le couple et la fidélité, l’apparition de nouvelles formes de contrats : « Les relations durables ont été ‹liquidées› (c’est son mot fétiche) au profit des liaisons flexibles, des connexions temporaires et des réseaux qui ne cessent de se modifier. »55 Si subsistent encore aujourd’hui les modèles de couples à plein temps (les couples se composent, se décomposent ou se recomposent), on assiste aussi à l’apparition d’une conjugalité d’un troisième type et à des redéfinitions plus fondamentales : les couples à temps partiel. Bauman propose comme typologie : les couples « semi attachés », des « unions intermittentes » et des « unions mitoyennes ».

Que sont les « couples mitoyens » ? Ce sont des révolutionnaires des relations qui ont crevé l’étouffante bulle du couple pour faire comme ils veulent, […] qui exècrent l’idée de devoir partager une maison, un ménage, préférant conserver domicile, compte bancaire et cercles d’amis distincts, et partager le temps et l’espace quand ils en ont envie, et s’en abstenir quand l’envie n’est pas là […]. De même que la location ou l’achat de propriété à l’ancienne tendent de nos jours à être remplacés par une occupation en multipropriété, le mariage à l’ancienne, version « jusqu’à ce que la mort vous sépare », déjà écarté du coude par la cohabitation soi-disant temporaire du type « pour voir si ça fonctionne », se voit remplacé par des réunions flexibles à temps partiel56.

Plus révolutionnaires encore sont les couples qui se définissent encore, à l’ancienne, comme couples à plein temps, mais qui, tels les échangistes, desserrent l’emprise de l’engagement conjugal en s’accordant mutuellement la liberté de vivre, en dehors du couple, de nouvelles expériences érotiques et sexuelles que le mariage exclusif ne peut pas satisfaire. Après les mariages blancs, dit Baumann, ce sont des « mariages gris ».

L’échangisme, qui est rarement pris au sérieux, procède en réalité, selon Baumann, d’un raisonnement très réfléchi : une redéfinition à la baisse de l’engagement des conjoints, qui, sans le rompre, et surtout d’un commun accord (c’est là la différence avec l’adultère), s’accordent mutuellement la liberté de vivre des aventures érotiques avec des tiers (ensemble ou séparément). Ceci dans des cercles bien codifiés et protégés, où il est préalablement acquis et garanti, par la signature d’une charte, que tous les participants se sont accordés sur le sens de ces relations, les empêchant de déborder du cadre du club et des limites assignées à cet « adjuvant érotique ». Chacun des deux conjoints est censé trouver son compte dans ce contrat : maintenir la stabilité du couple (du point de vue affectif, économique et social par rapport à leurs enfants) tout en nourrissant à l’extérieur le souffle érotique qui leur semble s’être épuisé à l’intérieur. Ici, l’octroi mutuel d’une plus grande liberté sexuelle prétend être le ciment d’un couple stable et paradoxalement une « preuve d’amour »57.

Ce qui est relativement nouveau ici, c’est que les deux conjoints prétendent être fidèles affectivement sans l’être sexuellement. L’adultère n’est plus ce qu’il était ! Le désir est désormais dissocié de l’amour, le sexuel de l’affectif. Sur ce point, le couple hétérosexuel, écrit Paul Parent, journaliste au journal Têtu, se rapproche du mode de fonctionnement du couple gay, chez qui, dit-il, l’exclusivité sexuelle est rare, et qui aurait développé, depuis longtemps déjà, et en partie par obligation, une culture du sexe sans attache, où le désir et l’amour sont en partie dissociés : « Les couples homos sauraient, mieux que les hétéros ou de manière plus affichée, distinguer la loyauté affective et l’exclusivité sexuelle. »58

Des avocats de la légalisation du divorce ont défendu l’idée selon laquelle la possibilité du divorce valoriserait le mariage. Paradoxalement, la légalisation du divorce ne serait pas une atteinte au mariage, mais son appui principal, en ce qu’il en fait un destin choisi, au lieu d’une prison subie. C’est la possibilité de la séparation qui rendrait au mariage sa dignité, c’est la dissolubilité du lien qui assurerait sa pérennité. Dans cette optique, il est reconnu à l’autre la liberté de se séparer et d’engager une nouvelle relation. Mais, à la différence de l’échangisme, cette toujours possible nouvelle relation est vue comme devant briser le premier ménage, qui reste défini comme exclusif 59.

II. Des voix discordantes

Toutefois, si c’est là un courant largement majoritaire, et qui met en mouvement sur son passage des lames de fond puissantes, des voix discordantes s’expriment aussi aujourd’hui parmi les écrivains, philosophes et sociologues contemporains, pour regretter dans la confusion de l’amour avec le sentiment une forme abusive de réductionnisme ou de rationalisation. Il n’est dans leur intention affichée, ni de ressusciter l’amour romantique et son cortège d’illusions, ni de faire l’apologie de la pensée judéo-chrétienne, mais de faire la critique de la critique, en signalant les appauvrissements que cet aplatissement induit dans la vision de l’amour lui-même, du couple et de la sexualité.

De leur point de vue, force est de constater qu’il y a dans l’expérience humaine de l’amour quelque chose, sinon de mystique ou de spirituel, du moins d’irrationnel, qui reste une écharde pour la raison, une épaisseur de mystère que le philosophe se doit de reconnaître et de respecter : l’irrationalité de l’expérience humaine de l’amour, sa puissance, son caractère absolu et global, son contact avec l’éternité, son contact avec la transcendance…

1) Irrationalité de l’amour

Il y a tout d’abord quelque chose de profondément irrationnel dans l’expérience humaine de l’amour. La séduction amoureuse est davantage que l’effet produit par la somme des qualités reconnues à l’élu ou à l’élue. Quand bien même ces qualités viendraient à manquer ou disparaître, l’amour peut conserver la capacité d’y survivre.

« Pourquoi l’aimes-tu ? » demande, agacée, une mère à sa fille Valérie, contrariée par le style du « personnage » dont sa fille s’est éprise. « Mais qu’est-ce que tu lui trouves ? » Il n’existe pas de réponse rationnelle à cette question, laquelle serait même suspecte. On n’aime pas parce que ! Valérie ne peut répondre. Ou si elle peut répondre (si elle parvient à rationaliser), c’est qu’elle n’aime pas vraiment. Un mariage d’amour sera toujours plus qu’un mariage de raison. Il y a en lui, par nature, quelque chose d’irrationnel et d’inconditionnel.

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. (Pascal)60

L’amour est une expérience dans laquelle l’homme est loin d’être en position de maîtrise, comme voudrait l’être le nouvel hédoniste, sa calculatrice à la main. Elle est tout sauf rationnelle : elle véhicule par nature un « brin de folie », comme l’écrit Christiane Singer dans Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies61.

L’amour est une passion qui peut naître en nous sans que nous apercevions en aucune manière si l’objet qui en est la cause est bon ou mauvais. (Descartes)62

Un amour, une carrière, une révolution : autant d’entreprises que l’on commence en ignorant leur issue. (Jean-Paul Sartre)63

Sans imagination, l’amour n’a aucune chance. (Romain Gary)64

2) Puissance de l’amour

Après son irrationalité, la puissance de l’amour est tout aussi remarquable.

Monique Canto-Sperber écrit : « L’amour est la plus puissante et caractéristique des émotions humaines, par la capacité qu’il a à donner, souvent de façon soudaine, un sens à la vie, à infléchir les perceptions, les pensées et les actes, et nous persuadant que la vie hors d’elle n’aurait plus de sens ou de goût. »65

L’amour a le pouvoir de changer le visage du monde, de redonner la force de vivre au plus abattu. Ou, a contrario, qui ne connaît pas le vers célèbre de Lamartine : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. »66

La loi de l’amour se montre plus efficace que ne l’a jamais été la loi de la destruction. (Gandhi)67

L’enfer, Madame, c’est de ne plus aimer. (Georges Bernanos)68

Cette puissance explique aussi pourquoi les philosophes politiques n’ont jamais beaucoup goûté la référence à l’amour, jugée dangereuse (selon Kant, « l’amour est le plus grand danger qui nous guette »69) ou menteuse (selon Rousseau, « il faut se méfier de la passion qui ne mène jamais au bonheur qu’elle promet ») et fait souffrir. Conjointement à la religion, l’amour, tel l’opium du peuple (Marx)70, nous démobiliserait dans les combats à mener ici-bas, en nous faisant excuser l’inexcusable.

3) Globalité et absoluité de l’amour

En troisième lieu, l’amour est décrit comme étant par nature une élection absolue et globale.

Que celui qui voudrait déclarer sa flamme ne s’aventure pas à vouloir augmenter la force de sa déclaration en disant à celle qu’il espère séduire : – Je t’aime bien, ou – Je t’aime beaucoup. Catastrophe ! « Aimer beaucoup, comme c’est aimer peu ! On aime, rien de plus, rien de moins », écrit Guy de Maupassant71. Ou à l’inverse Christian Bobin : « Moins aimer, c’est ne plus aimer du tout. »72

Il y a, par nature, quelque chose d’absolu dans l’amour. « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure. » (Saint Augustin)73 Toute adjonction d’adverbe introduit nécessairement une diminution, même si c’est « beaucoup ». Les seuls qualificatifs qui pourraient éventuellement convenir sont « infiniment » (= sans limite), ou « éperdument » (= avec une telle émotion qu’on en perd le contrôle de soi), ou « à la folie » (comme dans l’effeuillage des marguerites).

Par nature, l’amour est aussi global.

Nous nous imaginons que l’amour a pour objet un être qui peut être couché devant nous, enfermé dans un corps. Hélas, il est l’extension de cet être à tous les points de l’espace et du temps que cet être a occupés et occupera. (Marcel Proust)74

Dans la séduction amoureuse, l’être désiré est aimé comme un tout et regardé, dans sa globalité, comme un « objet de perfection ». Non sans un certain aveuglement, tous ses défauts sont occultés, ils deviennent transparents.

L’amour est aveugle. (Platon)75

Celui qui est passionnément amoureux devient inévitablement aveugle aux défauts de l’objet aimé, bien qu’en général il recouvre la vue huit jours après le mariage. (Emmanuel Kant)76

Rousseau écrit : « Il n’y a point de véritable amour sans enthousiasme, et point d’enthousiasme sans un objet de perfection réel ou chimérique, mais toujours existant dans l’imagination. »77

Dans son étude Le consentement amoureux chez Rousseau, Claude Habib explique : « Cette perfection, que l’amoureux distingue dans l’autre, est peut-être illusoire, mais elle est nécessaire. Pour Rousseau, l’amour est ce qui fait sortir du relatif, du plus ou moins. C’est la rencontre, peut-être illusoire, de l’absolu. »78

4) Amour et éternité

Si l’amour est la rencontre de l’absolu, c’est aussi pour plusieurs auteurs, ne s’affichant pas spécialement comme religieux ou croyants, une rencontre avec l’éternité. « Toute déclaration d’amour est une déclaration d’éternité », écrit Alain Finkielkraut.

Il est significatif que Jean-Paul Sartre, cherchant à libérer le sentiment amoureux du serment d’amour, recommande à ses lecteurs de se défier de l’usage même du mot « amour ». L’utilisation du mot entre les amants, dit-il, est un piège, en ce qu’il introduit inconsciemment dans cette relation les contraintes d’un avenir et d’une essence objective qui ne lui correspondent pas. Par cette faiblesse, les amants laissent leur culture leur jouer ce vilain tour. Les hommes sont libres de leurs choix, mais rattrapés par leurs formules : ces mots murmurés dans l’intimité […] conduisent tout droit ceux qui les prononcent dans la cellule carcérale ou monastique du couple marié79. À l’en croire, jusque dans notre inconscient le verbe aimer exprimerait (intrinsèquement) un engagement pour l’éternité, il créerait un enfermement à vie.

Selon la belle parole de Kierkegaard, plus positive, il semble que l’on donne encore aujourd’hui mandat à l’amour de résoudre la grande énigme : « Comment vivre dans l’éternité tout en écoutant sonner la pendule. »80 Interrogeant l’idéologie de l’amour libre, Finkielkraut écrit : « L’amour, qui se défie expressément de ce qu’il déclare, l’amour qui s’accommode de son propre parjure, cet amour est-il encore l’amour ? »81 Comme si, pour l’auteur, la déclaration d’amour restait, par nature, qu’on le veuille ou non (et jusque dans le postromantisme), une déclaration d’éternité.

5) Amour et transcendance

Enfin, pour couronner le tout : le contact avec la transcendance. Claude Habib écrit : « L’expérience de la transcendance, dans nos sociétés laïcisées, seul l’art ou l’amour peut encore nous la donner. » D’où le titre étonnant donné à l’un de ses articles, « Les libertins sont des athées en amour ». Même cette transcendance-là (cette transcendance laïque de l’amour), les néolibertins la refusent82. Mais ce n’est pas le cas de tous les auteurs qui, comme Victor Hugo, au xixe siècle, écrivait : « Aimer, c’est savourer, au bras d’un être cher, la quantité de ciel que Dieu a mise dans la chair. »83

Vivre est une prière que seul l’amour peut exaucer. (Romain Gary)84

Le sexe touche à l’infini, ou plutôt y tend. (André Comte-Sponville)85

Ce n’est pas à cause de l’attraction terrestre que des gens tombent amoureux. (Albert Einstein)86

L’expérience de l’amour, dont on a évoqué l’irrationalité, la puissance, l’absoluité, l’éternité, la transcendance, serait-elle, en l’homme, comme un reste d’étincelle divine ? Un écho perceptible à l’amour de Dieu, une facette de sa ressemblance ? Un reflet de l’amour de Dieu dans les relations humaines ?

III. L’Amour dans la Bible

1) L’Ancien Testament

L’amour de Dieu, contrairement à la rumeur tenace propagée par les disciples de Marcion, est une notion largement présente dans l’Ancien Testament, nommé explicitement (aheb/ahab) à plus de quarante reprises parmi les fondamentaux, comme, par exemple, en Deutéronome 7.6-7, où il est dit aux fils d’Israël : « Si l’Éternel s’est attaché à vous et qu’il vous a choisis, ce n’est parce que vous surpassez en nombre tous les peuples, vous êtes en réalité le moindre de tous les peuples, mais parce que l’Éternel vous aime. »

L’amour de Dieu, toutefois, n’est pas tant défini dans la Bible de manière abstraite que concrète, au travers des actions qui le traduisent, des attitudes et des actes qu’il inspire à Dieu, notamment son élection gratuite, ou le don de ses promesses. Pour les fils d’Abraham, qu’est-ce que l’amour de Dieu ? C’est, ultimement, le secret fondement de l’alliance que Dieu a établie en leur faveur, le motif de la rédemption qui, par elle, leur est promise. Dans les Psaumes, notamment, résonne tel un refrain la litanie « car sa miséricorde dure à toujours » (Ps 136). L’expression de son amour, ici, c’est sa miséricorde, sa propension à la pitié. Le visage le plus évident de l’amour de Dieu est son inclination bienveillante au pardon.

2) Le Nouveau Testament et la langue grecque : éros et agapè

Dans le Nouveau Testament, comme dans la langue et la culture grecques, existent des mots distincts pour dire aimer : agapè, philia, éros.

‒  Tout d’abord éros : une affection qui cherche à posséder. C’est « l’amour qui prend », souvent à connotation sexuelle, la satisfaction d’une libido. En forçant le trait, on pourrait dire qu’éros désigne l’amour « qui consomme » et qui, à l’instar de la consommation, est habité par une inextinguible soif de recommencements. De connotation négative, éros est aussi l’amour de soi, l’amour égoïste, égocentrique. Tout ce qui a été décrit plus haut au titre de l’amour comme sentiment, plaisir ou ressenti entre globalement dans le champ sémantique de ce premier concept.

‒  Ensuite philia, qui désigne les liens d’amitié réciproque. Philia est l’amour qui partage, autrement dit, « qui prend et qui donne ». C’est le souci de l’autre (l’amitié, la solidarité) dont parlait Aristote. C’est, dit Jean-Jacques Chevalier, « la réserve de chaleur humaine, d’affectivité, d’élan et de générosité qui nourrit et stimule le compagnonnage humain »87.

‒  Et enfin agapè, que l’on dit être absent de la littérature grecque classique. Comment rendre en grec l’enseignement du Christ sur l’amour divin ? Pour désigner un amour désintéressé et sans contrepartie, ni éros ni philia ne pouvaient convenir. D’où la mise en honneur d’un nouveau mot, agapè, qui ne se trouvait guère que dans la traduction grecque de la Bible des Septante au iie siècle av. J.-C., pour désigner l’amour de l’autre, l’amour qui donne, pouvant aller jusqu’au sacrifice de soi. Agapè désigne alors le don sans attente de réciprocité, et indépendamment de ce qu’est l’être aimé, un amour qui est conçu comme une grâce, un don de Dieu.

3) Anders Nygren

Ce triptyque (souvent réduit au diptyque éros et agapè) a été répandu et popularisé, dans les années 1930, par le théologien luthérien Anders Nygren, auteur d’un ouvrage devenu célèbre, Éros et agapè88. Denis de Rougemont, en 1939, lui emboîte le pas en publiant L’amour et l’Occident, pour prôner l’agapè (l’amour chrétien) contre l’éros (le désir sans fin, ultime déni de la vie)89.

Dans le sillage de Nygren, la réflexion sur l’amour ne semble plus pouvoir s’affranchir du paradigme éros-agapè, et d’une typologie antagoniste/bipolaire du genre :

  • Amour de soi (jusqu’au sacrifice de l’autre) ou Amour de l’autre (jusqu’au sacrifice de soi) ?
  • Amour qui prend (et consomme) ou Amour qui donne ?
  • Amour de concupiscence ou Amour de bienveillance ?
  • Amour égoïste ou Amour altruiste ?
  • Amour charnel ou Amour spirituel ?
  • Amour qui mène à la mort ou Amour qui mène à la vie ?

La faiblesse principale de l’approche de Nygren (qui explique qu’on s’y réfère si peu aujourd’hui) est de présupposer une opposition absolue entre éros et agapè, un antagonisme fondamental et irréductible. Celui qui construit sa pensée autour du couple éros et agapè aura vite tendance, par effet de symétrie, à tirer l’éros vers le bas, dans la direction du charnel, dans la catégorie du péché où il semble englué, et à tirer l’agapè vers le haut, vers le spirituel et le platonique.

Dans la pensée occidentale, l’influence considérable de l’enseignement de saint Augustin sur la sexualité contribue également à lester éros d’une lourde charge négative. Stigmatisant la « concupiscence inhérente à toute sexualité », l’évêque d’Hippone fait une association si étroite entre sexualité et péché qu’elle interdit de les penser séparément. Dans cette perspective théologique, la sexualité, cette « misérable et ardente envie de se frotter aux créatures sensibles » (Confessions, saint Augustin)90 ne peut plus désigner que ce dont l’amour agapè veut affranchir91. De là à poser éros et agapè comme deux concepts antithétiques, à la manière de Nygren, il n’y a qu’un petit pas à franchir. Une vigilance, pour le moins, s’impose.

Nygren, au final, s’affranchit difficilement d’une sorte de dualisme néoplatonicien entre la matière et l’esprit, entre le charnel et le spirituel, comme s’il n’y avait entre eux ni contact, ni passerelle, ni aucune forme de réconciliation possible. Nygren parle de leur « foncière antinomie enracinée dans le Nouveau Testament », alors qu’en réalité, jusque dans la Bible, leurs frontières ne sont pas étanches.

L’amour, dans son acception biblique, n’est pas imperméable à des formes d’expression érotique (notamment dans le Cantique des cantiques). L’expression de l’agapè n’est pas nécessairement « platonique »92. L’« érotisme chrétien » est aussi un lieu dans lequel l’« agapè peut survenir », suivant la belle expression du pape Benoît xvi, qui explique : « Même si initialement l’éros est surtout sensuel, lorsqu’il s’approche de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même. Il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se donnera et désirera être pour l’autre. C’est ainsi que le moment d’agapè s’insère en lui. »93

Il y a de l’agapè dans cet éros. (Alain Finkielkraut)94

L’amour, c’est aussi la spiritualisation de la sensualité. (André Comte-Sponville)95

IV. Les conceptions objectives de l’amour

1) Générosité et désintéressement

Dans une seconde approche, plus objective, l’amour ne désigne pas en premier lieu un ressenti ou un désir…

L’amour, c’est quand on n’obtient pas tout de suite ce qu’on désire. (Alfred Capus)96

L’amour de charité est un amour qui renonce à exercer au maximum sa puissance. (Simone Weil)97

… mais une forme objective de comportement : une relation caractérisée par l’altruisme, la générosité, le désintéressement. L’amour désigne, à l’inverse de l’égocentrisme, la vocation qui nous serait faite de nous excentrer de nous-mêmes pour nous attacher à autrui et rechercher le bonheur de cet autre, s’il le faut, jusqu’au sacrifice de soi, l’acte suprême de l’amour étant ici de faire le sacrifice de sa vie pour celui ou celle que l’on aime98.

L’amour a toujours pour base le renoncement au bien individuel. (Tolstoï)99

Sous le nom d’amour, on peut comprendre toutes les passions expansives qui portent l’homme hors de lui-même, lui créent un but, des objets supérieurs à sa vie propre, le font comme exister dans autrui, ou pour autrui. (Maine de Biran)100

L’amour-passion, lorsqu’il n’est plus encadré par cet impératif altruiste, est capable de se transformer en haine et devenir meurtrier pour celui/celle qui en est l’objet. L’amoureux éconduit peut devenir très violent. La versatilité de l’amour, ses volte-face lui font piétiner ce qu’il a adoré.

Le verbe aimer, explique Christiane Singer, est par nature un verbe transitif (il attend un complément d’objet)101. En d’autres termes, on ne peut jamais aimer seul (cf. la doctrine chrétienne de la Trinité102).

Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne peut pas se passer d’un complice. (Charles Baudelaire)103

Aimer, c’est trouver sa richesse hors de soi. (Alain)104

L’amour est par nature relation à autrui105. Tournant le dos au narcissisme, l’amour s’épanouit dans l’attachement à une altérité irréductible, dont il respecte la liberté106, voire dans l’attachement à la transcendance.

L’amour est mouvement de dévotion qui porte vers une divinité. (Petit Larousse)

Cette idée de l’amour est souvent reconnue faire écho, dans la conscience humaine, à une autorité morale ou spirituelle extérieure à soi, plus élevée que les sentiments. Elle peut aussi être rapprochée de l’idée de spiritualité, qui désigne en l’homme ce qu’il peut y avoir de meilleur et le distinguerait de l’animal, que ce soit son ouverture au divin (sa conscience de Dieu) ou seulement son altruisme, sa capacité à se décentrer de lui-même107.

2) Le commandement d’aimer

Défini comme type de comportement, l’amour présente un nouveau visage et différentes caractéristiques qui n’ont pu être évoquées jusqu’à présent. Ici, l’idée d’un commandement d’aimer (qui peut sembler très paradoxal dans la première optique) trouve un sens, car cet amour est aussi fidélité et obéissance. Il exige aussi un positionnement volontaire.

Aimer quelqu’un ne relève pas seulement de la puissance du sentiment mais d’une décision, d’un jugement, d’une promesse. (Erich Fromm)108

Au départ, cet amour-là n’est pas forcément un ressenti, même s’il peut le devenir. Il peut être commandé en l’absence de sentiments (l’indifférence), ou même à l’encontre de sentiments opposés. C’est évidemment le cas, dans la Bible, du commandement d’aimer ses ennemis (Mt 5.44), c’est-à-dire ceux pour qui l’on éprouve au départ la plus franche aversion. L’amour ici ne dépend pas du caractère aimable de la personne à aimer. Au contraire : il relève le défi de s’attacher à elle et de chercher son bien en dépit des sentiments d’abjection qu’elle peut inspirer, en dépit de son caractère a priori parfaitement non aimable109.

3) L’apprentissage de l’amour

Impliquant un choix (une dimension volontaire), et comprenant une dimension d’obéissance et de fidélité (une dimension morale), il devient compréhensible que l’amour puisse aussi se prêter à une forme d’éducation : qu’une place soit faite à l’apprentissage de l’amour.

L’amour n’est pas seulement un sentiment, il est un art aussi. (Balzac)110

En 1869, Gustave Flaubert publie L’éducation sentimentale, pour stigmatiser les préjugés des différents types de bourgeoisie de son époque et prôner la libération de ces préjugés sociaux111, ou plus récemment Philippe Roth publie Professeur de désir pour libérer le sentiment amoureux du serment d’amour112. Mais pour un chrétien il s’agit d’autre chose : apprendre à restituer, dans ses relations à autrui, une partie de l’amour dont Dieu l’a personnellement aimé. Le croyant ne conçoit l’amour des hommes qu’en écho à la grâce dont il a lui-même été le premier bénéficiaire. Sur le registre conjugal, en particulier, il s’agit pour l’époux chrétien d’apprendre à aimer sa femme comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle (Ep 5.25). Dans la spiritualité chrétienne, l’apprentissage de l’amour prend la forme de l’imitation de Dieu ou du Christ.

Concrètement, que veut dire aimer ? À l’école de la foi, c’est apprendre à porter sur l’autre le regard d’amour et d’espérance que Dieu porte sur lui : aimer, c’est choisir : de lui pardonner, comme Dieu veut lui pardonner ; d’espérer à son sujet contre toute espérance ; de passer par-dessus tout ce qui peut être momentanément détestable ou insupportable en lui, dans l’espérance de son devenir en Dieu ; de ne pas porter sur lui des jugements derniers ; de discerner sous les traits de Saul de Tarse ceux de l’apôtre Paul, ou sous les traits de l’insupportable Jacob la figure fondatrice d’« Israël » (Gn 32.22-32).

Sur ce point, Christiane Singer propose une forme de parabole laïque fort pertinente :

Une promenade à travers le verger m’éclaire : c’est l’hiver, et tous les arbres fruitiers sont plus semblables à de grands balais de bruyère, le manche fiché au sol, qu’à ce que nos yeux nomment un arbre. Celui qui céderait à la logique des sens, à l’impulsion d’un robuste réalisme, constaterait que la vie a quitté ces arbres et donnerait l’ordre de les abattre. [Mais] il n’apprendrait jamais que les lois de la nature [ou l’Évangile de la grâce] ont prévu quelque chose d’invraisemblable, de déraisonnable et d’inespéré, connu sous le nom de printemps, et que ces arbres morts vont dans un jour proche se couvrir de bourgeons, de feuilles, de fleurs. Personne ne m’ôtera de l’esprit qu’il en est ainsi des relations qui nous unissent, et que nous [les] scions à la base, [ses relations], parce que nous les croyons mortes113.

Aimer, c’est trouver, grâce à un autre, sa vérité, et aider cet autre à trouver la sienne. (Jacques de Bourbon Busset)114

Merci de renforcer ma puissance d’exister et d’agir. (André Comte-Sponville)115

5) Histoire et géographie de l’amour

Celui qui veut, dans cet apprentissage de l’amour, s’affranchir de la « tyrannie du plaisir » trouvera une aide précieuse dans la prise de conscience que la conception occidentale de l’amour-sentiment est loin d’être universelle, que le ressenti n’a pas toujours et partout reçu, dans la conception de l’amour, le rôle fondateur qu’on lui prête aujourd’hui. L’Occident n’est ni la première ni la seule famille culturelle à s’être exprimée sur l’amour. L’Extrême-Orient, l’Inde, l’islam ont concouru à cette « exaltation des sens et de l’esprit » de manières riches et fort différentes116, en particulier dans la manière dont s’articulent ses composants affectifs, sexuels, volontaires, sociaux, moraux, spirituels. Si l’on peut reconnaître à l’expérience de l’amour une dimension universelle (qui porte Finkielkraut et Bruckner à opposer au « mythe de la révolution sexuelle issu de Mai 68 » que « l’amour ne se prête ni à la réforme ni à la révolution »117), on doit reconnaître que son expression est aussi marquée par une culture118.

Dans le récit de la Genèse, par exemple, Abraham demande à son serviteur de retourner dans son pays d’origine pour y chercher une femme pour son fils (Gn 24). Isaac ne choisit pas Rebecca au sens moderne du terme. Mais le récit biblique n’en dit pas moins qu’il l’« aima » éperdument (Gn 24.67), tout comme son fils Jacob « aimera » Rachel (Gn 29.18, 20). C’est ce que nous appellerions un mariage arrangé qui est devenu un mariage d’amour. L’alliance conjugale ici précède et conditionne l’éclosion et l’épanouissement de l’amour-sentiment. Le mariage est le cadre préalable dans lequel l’amour subjectif est appelé à naître et à s’exprimer119.

S’ils ont raison d’être intransigeants sur la question des « mariages forcés », on peut être frappé combien les Français, aujourd’hui, peuvent manquer de nuances sur celle des mariages dits « arrangés », alors qu’il suffit de remonter seulement deux ou trois générations (jusqu’à la première moitié du xxe siècle) pour trouver dans l’histoire de France d’innombrables mariages arrangés qui n’ont choqué personne, ni contredit l’idée que l’on se faisait de l’amour.

Pour être complet, on ne saurait passer sous silence toutes les libertés qui ont pu être prises pour satisfaire en dehors du mariage la passion amoureuse, l’érotisme, la sexualité, depuis l’Antiquité, notamment chez les Grecs et Romains, au Moyen Âge, ou dans les aristocraties et bourgeoisies des xixe et xxe siècles. En 340 av. J.-C., Démosthène écrivait déjà : « Qu’est-ce que vivre en mariage avec une femme ? C’est avoir d’elle des enfants […]. Nous prenons une courtisane pour nos plaisirs, une concubine pour recevoir d’elle les soins journaliers qu’exige notre santé, nous prenons une épouse pour avoir des enfants légitimes et une fidèle gardienne de tout ce que contient notre maison. »120 Le rôle traditionnel dévolu au mariage est d’assurer une descendance légitime, la transmission du nom, du patrimoine et des titres. Les enfants adultérins (ou naturels) ne sauraient par leurs revendications confondre ces différents ordres. La société ne l’aurait pas toléré. Le « mariage d’amour », tel que nous le concevons aujourd’hui, est une invention relativement récente dans l’histoire du mariage.

V. Synthèse

1) Amour de l’autre, amour de soi

Les distinctions conceptuelles proposées par Nygren sont certainement utiles dans l’apprentissage de l’amour, ne serait-ce que pour pouvoir défricher le terrain et entrer, à l’école de Dieu, dans l’apprentissage d’un amour qui ne se confonde pas avec le culte des sentiments. Mais, de toute évidence, si elles permettent d’entrer en matière, elles permettent difficilement d’en sortir. Les distinctions qu’elles proposent ne peuvent être reçues que comme provisoires, et s’effacer à l’heure d’une conclusion qui les dépasse, à la manière, dans l’Évangile, du « serviteur inutile ».

Amour de soi (jusqu’au sacrifice de l’autre)

ou Amour de l’autre (jusqu’au sacrifice de soi) ?

Amour égoïste ou Amour altruiste ?

Amour qui prend (consomme) ou Amour qui donne ?

Toutefois, en fin de parcours, il n’est pas reconnu que ces deux amours doivent rester exclusifs, ou ces deux définitions antagonistes. Après avoir été sanctifiées et transfigurées à l’école de l’Esprit, ces deux formes d’amour ne trouvent-elles pas une forme de réconciliation ? Au travers de l’amour de l’autre, n’est-ce pas toujours l’amour de soi qui s’exprime ? André Comte-Sponville écrit avec raison : « L’amour n’est ni purement altruiste, ni purement égoïste : il fait exploser ces oppositions naïves et confortables […]. L’amour dépasse l’opposition de l’unité et de la dualité, de l’égoïsme et de l’altruisme. »121

Au travers de l’autre, n’est-ce pas soi que l’on aime ? (Alain Finkielkraut)122

L’amour est, de tous les sentiments, le plus égoïste. (Benjamin Constant)123

Aimer, c’est essentiellement vouloir être aimé. (Jacques Lacan)124

L’autre reste un inconnu. Soi-même aussi. (Christiane Singer)125

Ultimement, peut-on vraiment distinguer l’amour de l’égoïsme ? L’amour de soi, après avoir été redéfini chrétiennement, n’est-il pas lui aussi comblé, d’une nouvelle manière, dans l’amour de l’autre, ne serait-ce que dans l’esprit paradoxal des Béatitudes : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Mt 5.4), ou par les promesses éternelles que Dieu laisse à ceux qui, ici-bas, aimeraient jusqu’au sacrifice de leur vie ?126 L’amour don de soi, l’amour altruiste, auquel l’Évangile appelle, ne procure-t-il pas également des formes indirectes de satisfaction de soi ?

Il faut se défier d’une idée trop spiritualiste de la foi qui laisserait penser que le chrétien, dans les actes d’amour que lui inspire l’Esprit, n’y trouverait aucune forme de satisfaction charnelle et personnelle. « Celui qui aime sa femme s’aime aussi lui-même », écrit Paul aux Éphésiens (5.28, cf. v. 33). Cette affirmation ne vaudrait-elle pas aussi pour l’amour de Dieu et l’amour du prochain ? « Il y a amour de soi et amour de soi », pourrait-on dire. Tout amour de soi n’est pas nécessairement connoté négativement. Lui aussi est susceptible d’être sanctifié et purifié dans la foi. En spiritualité chrétienne, l’antidote de l’orgueil n’est certainement pas le mépris ou le reniement de soi, mais d’apprendre à s’aimer de la manière dont Dieu nous aime. C’est le type de réconciliation avec soi que procure l’Évangile de la grâce.

Le chrétien doit apprendre à aimer, certes, mais n’a-t-il pas aussi besoin d’aimer (comme il a aussi, dès les premiers instants de sa vie, besoin d’être aimé) ? Et n’a-t-il pas besoin de l’autre pour développer cette relation particulière, hors de laquelle il ne pourrait ni s’épanouir, ni devenir tout à fait lui-même ? Est-ce que, dans cette relation, les deux n’y trouvent pas ultimement leur compte ? Dans notre expérience de l’amour chrétien, ces deux dimensions sont présentes à des degrés divers, c’est un trait à la fois de notre spiritualité et de notre humanité que Dieu honore.

2) Deux ou trois commandements ?

Tous connaissent le commandement évangélique : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme de toute ta pensée […], et tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. » (Mt 22.37-40) Mais a-t-on affaire à deux commandements ou à trois ? L’amour de soi est-il lui aussi commandé par Jésus ?

La manière classique de l’entendre, c’est de considérer l’amour de soi comme spontané. Il serait une donnée universelle, le trait d’un orgueil naturel dont tous reconnaîtraient spontanément l’évidence. La pointe du commandement serait d’appeler les hommes à prendre la mesure de leur égoïsme naturel et les engager à en donner au moins autant à leur prochain. Selon Bauman, par exemple, « ce précepte catalogue implicitement l’amour de soi comme non problématique, un toujours déjà-là » et préconise « l’extension de cet amour de soi »127.

Mais une autre lecture est possible et assurément préférable : « Tu dois apprendre à aimer ton prochain, comme tu dois aussi apprendre à t’aimer toi-même, de la manière dont Dieu lui-même t’aime. » André Comte-Sponville commente : « Aimer son prochain comme soi-même, c’est l’aimer comme Dieu nous aime et comme on devrait aussi s’aimer, du seul amour qu’on mérite : un amour de charité. C’est le contraire du narcissisme, de l’égoïsme, de l’égocentrisme, mais aussi de l’orgueil, de la vanité, de la violence. »128

Dans cette optique, l’amour de soi, tel que Dieu le conçoit, n’est pas regardé comme automatique et universel. Un dépressif, par exemple, qui se déprécie de manière abusive, ou est submergé par des sentiments négatifs lui inspirant des comportements suicidaires, n’est-il pas appelé à cheminer, du point de vue psychologique et spirituel, pour apprendre ou réapprendre la considération de soi ? Et ne sera-t-il pas « guéri » le jour où il pourra dire à Dieu avec le psalmiste : « Je te loue de ce que je suis une créature aussi merveilleuse. » (Ps. 139.14) S’aimer soi-même comme Dieu nous aime peut exiger un long apprentissage.

3) Dieu est Amour

Ce tour d’horizon rapide des turbulences du discours contemporain sur l’amour permettra au lecteur, nous l’espérons, de mettre en perspective, au travers des études suivantes129, ce que la théologie biblique de l’amour peut conserver d’original, l’éclairage particulier qu’elle apporte sur le sujet. Mais de nombreux points de contact peuvent déjà être identifiés entre les visions chrétiennes et temporelles de l’amour. Nombre des auteurs cités forment un remarquable cortège de « témoins » qui, au risque de passer pour rétrogrades, gardent le courage d’un discours différent, en dénonçant dans la confusion contemporaine de l’amour avec le sentiment un réductionnisme incapable de rendre compte de la nature plus complexe et irrationnelle de l’expérience humaine de l’amour et des nombreux mystères qui l’habitent. Que ce soit sur le mode négatif ou positif, en creux ou en relief, leurs discours ne dessinent-ils pas en filigrane la forme d’une Présence, la forme d’un Mystère, que ces écrivains laïcs ne peuvent ou ne veulent nommer ?

Dans la foi chrétienne, sur ce Mystère, le voile se lève à la lecture de la première épître de Jean :

Dieu est amour. Et voici comment l’amour de Dieu a été manifesté envers nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui. […] Bien-aimés, si Dieu nous a aimés, nous devons nous aussi nous aimer les uns les autres. (1Jn 4.8, 9, 11)

C’est la personne même de Dieu qui est ici dévoilée comme étant la source de l’amour. L’amour est reconnu comme un des attributs fondamentaux et permanents de son être. Rien de ce qui est en lui n’échappe à cette qualité. Et toute expérience que les hommes puissent faire de cet amour est reconnue dans la foi comme don de Dieu. La fameuse « ressemblance de Dieu » qui, à l’heure de la création (Gn 1.27), fonde la dignité spécifique de l’homme, ne se manifeste-t-elle pas dans son expérience complexe de l’amour ? C’est la foi chrétienne qui permet d’« appréhender l’amour non comme le miroir de nos désirs, mais comme lieu d’une révélation »130.


  1. Michel Johner est professeur d’éthique et d’histoire à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

  2. France Quéré, « Les aventures de l’amour », Présence d’une parole, Paris, Les Bergers et les Mages, Petite bibliothèque protestante, 1997 (1973), p. 25.

  3. Certains, de même, au terme d’un voyage touristique de quelques jours, disent avoir « fait l’Autriche », ou « fait l’Amérique du Sud », comme s’ils avaient l’idée d’en avoir fait le tour, d’en avoir en quelque sorte épuisé l’essentiel.

  4. Cité par André Comte-Sponville, Le sexe ni la mort. Trois essais sur l’amour et la sexualité, Paris, Albin Michel, 2012, p. 205.

  5. C’est une forme de mystère. Par exemple, lorsqu’un couple met au monde un second enfant, en principe il n’aime pas moins le premier, même s’il arrive que le premier éprouve une forme de jalousie envers le nouveau venu. L’amour parental est par nature exponentiel : avec ses enfants, c’est même plus qu’une addition, c’est une multiplication !

  6. Marquise de Lambert, Réflexions nouvelles sur les femmes, 1727 (cf. http://www.mon-poeme.fr/citations-paul-leautau).

  7. Selon Zygmunt Bauman, L’amour liquide. De la fragilité des liens entre les hommes, édition originale Liquid Love 2003, traduit de l’anglais par Christophe Rosson en 2004, Pluriel, 2010, poche, p. 11.

  8. Selon Octavio Paz, La flamme double, amour et érotisme, Gallimard, 1994, présentation de l’éditeur.

  9. Sont qualifiés d’altruistes des actes n’ayant pas d’avantages apparents pour l’individu qui les exécute.

  10. Dictionnaire universel francophone, Hachette, http://psychologie.aujourdhui.com/dossier/amour-definition.asp.

  11. Par définition, il ne peut y avoir d’amour courtois dans le mariage puisque, dans le mariage, le désir peut être assouvi.

  12. Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, histoire d’un jeune homme, Paris, Michel Lévy, 1869.

  13. Denis de Rougemont, L’amour et l’Occident, Paris, Gallimard, Plon, 10/18, 1972 (édition originale 1939). Selon Denis de Rougemont, le mythe de l’amour-passion naît au début du xiie siècle, c’est-à-dire au moment précis où les élites européennes, notamment religieuses, effectuaient un vaste effort de mise en ordre sociale et morale. Il s’agissait, entre autres, de contenir les poussées de l’instinct sexuel et de consolider la famille, en valorisant le mariage, dont l’Église rappelait avec force le caractère de sacrement indissoluble. C’est en opposition à cette mise au pas que serait né l’amour courtois puis romantique, condamné, par cette origine même, à devenir un mythe ou à disparaître. « C’est une religion dans toute la force de ce terme, et spécialement une hérésie chrétienne historiquement déterminée », déclare-t-il. Une religion qu’il n’hésite pas à mettre en rapport avec l’hérésie cathare qui se développe dans le sud de la France au xiiexiiie siècle. Bien que les historiens le dédaignent, et que les spécialistes de la littérature courtoise en réfutent les analyses, le livre reçoit, à sa sortie en 1939, et surtout à sa réédition en 1950, un succès inattendu. Voir compte rendu de François Lebrun :

    http://www.histoire.presse.fr/livres/les-classiques/l-amour-et-l-occident-de-denis-de-rougemont-01-01-2004-4999

  14. Selon Christophe Bernard, Petit guide du romantisme à l’usage des hommes, http://www.eyrolles.com/Chapitres/9782708132979/chap2_Bernard.pdf.

  15. Parmi les icônes de l’amour romantique dans la période contemporaine : l’idylle d’Édouard VIII et de Wallis Simpson. Contraint de choisir entre la couronne d’Angleterre et son mariage avec Wallis Simpson (roturière américaine et divorcée), le roi d’Angleterre Édouard VIII abdique en 1936. Il fait scandale en faisant prévaloir ses sentiments personnels sur les lois les plus sacrées de la monarchie britannique.

    « L’amour est enfant de bohème, qui n’a jamais, jamais connu de lois », chante Carmen à Don José dans l’opéra de Georges Bizet comme pour narguer les conventions.

  16. Sur l’amour et la mort, cf. André Comte-Sponville, op. cit., p. 175, 444-463.

  17. Cité par André Comte-Sponville, op. cit., p. 213.

  18. http://www.maphilo.net/citations_nicolas-chamfort-633.html.

  19. Cité par André Comte-Sponville, op. cit., p. 199.

  20. http://www.maphilo.net/citations.php?cit=5569.

  21. Cité par André Comte-Sponville, op. cit., p. 203.

  22. Ibid., p. 233.

  23. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  24. Cf. Xavier Lacroix, Les mirages de l’amour, Paris, Bayard Centurion, 1997, p. 285.

  25. Alain Finkielkraut, Et si l’amour durait, Paris, Gallimard, Folio, 2011, p. 110-114.

  26. Selon Victoria Déodato : « Haï par les uns, idolâtré par les autres, Michel Houellebecq est le curieux prototype de l’écrivain français contemporain incompris. Totalement ancrée dans notre époque, son œuvre en est à la fois le miroir et le repoussoir. À travers les quatre romans de Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, Les particules élémentaires, Plateforme et La possibilité d’une île, l’analyse du rapport hommes/femmes et quelques portraits de personnages féminins permettent d’interroger le rapport entre le libéralisme et l’amour. Il n’y a plus d’amour possible, répond Houellebecq, il ne reste que le plaisir. Il n’y a plus rien à sauver de cette humanité souffrante. Hommes et femmes sont seuls. Autant promener son chien. L’image de la femme dans l’œuvre de Houellebecq est, pour les uns, trop teintée de chair : on n’est pas loin de l’étal de boucherie. La sexualité, elle, est souvent réduite à un plaisir très égoïste masculin : la fellation. » (http://www.houellebecq.info/revuefile/50_victoria.pdf)

  27. Ce roman, que l’on fait étudier dans la formation supérieure (notamment les écoles d’administration) comme un classique de la formation de l’esprit, a été, en 2009, la cible d’une violente diatribe de la part du président de la République en exercice, qui, à trois reprises, s’en est pris à l’ouvrage comme à « l’emblème de l’inutilité et le repoussoir de la formation professionnalisante qu’il appelle de ses vœux ». Il serait allé jusqu’à dire, dans un accès de colère, « qu’un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis ce texte au programme du concours d’attaché d’administration ». Mais la réplique ne s’est pas fait attendre : le jeudi 12 mars 2009, un petit badge bleu, de forme ronde, sur lequel était inscrit « Je lis la Princesse de Clèves » (comme on a écrit en 2014 « Je suis Charlie »), arboré par des étudiants sur le revers de leur veste, a été l’attraction de la soirée d’ouverture du 29e Salon du livre de Paris. « On a vu, à côté du ruban rouge de la lutte contre le sida, fleurir ce badge bleu, chez les opposants à la tyrannie de l’idéologie ambiante », commente Finkielkraut. Au final, l’acharnement contre La Princesse de Clèves a eu pour effet paradoxal de remettre ce classique au goût du jour. Selon Alain Finkielkraut, Et si l’amour durait, Paris, Gallimard, Folio, 2011, p. 29-31. Cf. Pascal Bruckner, Le mariage d’amour a-t-il échoué ? Essai, Paris, Grasset, 2010, poche, p. 77-79.

  28. http://www.lepoint.fr/grands-entretiens/alain-finkielkraut-toute-declaration-d-amour-est-une-declaration-d-eternite-22-09-2011-1377867_326.php.

  29. Cf. Michel Onfray, Manifeste hédoniste, Autrement, 2011 ; L’invention du plaisir. Fragments cyrénaïques, LGF, 2002 ; L’art de jouir. Pour un matérialisme hédoniste, Grasset 1991 ; Le souci des plaisirs. Construction d’une érotique solaire, Flammarion, 2008 ; Théorie du corps amoureux, pour une érotique solaire, Grasset, 2000 ; Féeries anatomiques, Grasset, 2003.

  30. Michel Onfray, Le Traité d’athéologie. Physique de la métaphysique, Grasset, 2005 ; Un requiem athée, Galilée, 2013.

  31. Michel Onfray, Théorie du corps amoureux, pour une érotique solaire, Grasset, 2000, couverture.

  32. Onfray aurait pu ajouter à sa liste l’image de la mante religieuse, qui dévore ses amants après l’accouplement, ou encore celle du boa constrictor (cf. la figure de Génitrix chez François Mauriac) qui les étouffe.

  33. On est ici dans l’école du sensualisme : sensation et connaissance sont coextensives. La réflexion n’est, en dernière analyse, qu’une sensation mémorisée, suivant Helvetius pour qui « penser, c’est sentir ».

  34. http://www.psychologies.com/Couple/Vie-de-couple/Amour/Articles-et-Dossiers/Savoir-aimer/Peut-on-aimer-en-toute-infidelite.

  35. Sur l’hermaphrodisme : Platon (427-348 av. J.-C.) est l’un des premiers à s’être intéressé à l’amour en philosophie. Dans Le banquet, il raconte ce mythe resté célèbre. À l’origine, l’homme était une sphère, mais Zeus l’a coupé en deux. Depuis, il erre de par le monde à la recherche de sa moitié perdue. Pour Platon, l’amour est une convoitise liée à un sentiment de privation. Il n’est pas purement spontané et immotivé comme pourrait être l’agapè, il est intéressé. Comme l’éros, il est par nature égocentrique. Ce qu’on désigne depuis la Renaissance par l’expression « amour platonique » (vision non charnelle de l’amour, amour chaste, en dehors de toute sensualité, amour intellectuel) n’a pas grand-chose à voir avec ce que théorisait le philosophe sur l’emprise du désir.

    Sources : Cf. https://fr-fr.facebook.com/notes/questions-philosophiques-et-psychologiques/définition-de-lamour-des-3-termes-grec-eros-philia-et-agapé/183468731672076 ; http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie-ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  36. André Comte-Sponville, op. cit., p. 204. Sur l’athéisme, Comte-Sponville peut soutenir des positions de fond proches de celles d’Onfray, mais Comte-Sponville sait aussi reconnaître et respecter la valeur objective des vertus mises en honneur dans la tradition judéo-chrétienne. Cf. André Comte-Sponville, Dieu existe-t-il encore ? (entretien avec Philippe Capelle), Cerf, 2005 ; L’Esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu, Albin Michel, 2006.

  37. Zygmunt Bauman, op. cit.

  38. Cf. « Tomber amoureux », dans Xavier Lacroix, op. cit., p. 157-198.

  39. Jean-Claude Guillebaud, La tyrannie du plaisir, Paris, Seuil, 1998, p. 365.

  40. Ibid.

  41. Ibid.

  42. C’est dans la foulée de ce rapport que le Synode national de l’Église réformée de France, réuni à Dourdan en 1984, entend relativiser la distinction entre mariage et union libre, en déclarant que « le respect, l’amour et la fidélité sont constitutifs de tout couple qui s’engage dans un projet commun, cela vaut autant pour les couples de cohabitants que pour les couples mariés civilement […]. Accueillir et élever les enfants […] sont des réalités qui peuvent être vécues aussi bien dans la cohabitation que dans le mariage. » Information-Evangélisation, Église réformée de France, 1984, no 2-3, p. 65-96, 109 (décision 26/points 1 et 2).

  43. Pascal Bruckner, Le mariage d’amour a-t-il échoué ? Essai, Paris, Grasset, 2010, poche, p. 41, 53, 60, 62-69.

  44. Sur le sujet, le lecteur lira avec profit Laïdi Zaki, La tyrannie de l’urgence, Fides, 1999, 45 p. ; Le sacre du présent, Paris, Flammarion, 2002, 278 p.

  45. Selon Zygmunt Bauman, op. cit., p. 111.

  46. Søren Kierkegaard, Stades sur le chemin de la vie, Robert Laffont, 1993, cité par Alain Finkielkraut, op. cit., p. 97.

  47. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  48. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  49. http://www.maphilo.net/citations.php?cit=5569.

  50. http://www.lepoint.fr/grands-entretiens/alain-finkielkraut-toute-declaration-d-amour-est-une-declaration-d-eternite-22-09-2011-1377867_326.php.

  51. Selon Alain Finkielkraut, on discerne « deux types de coureurs de femmes : le coureur romantique, qui, projetant sur les femmes son idéal féminin, ne sort jamais de lui-même, et le coureur libertin (ou antilyrique), qui n’a pas d’a priori, pas de modèle, et qui n’est jamais déçu, car c’est la diversité qui le passionne, à la manière de Tomas, le héros de L’Insoutenable légèreté de l’être de Kundera ». Et si l’amour durait, Paris, Gallimard, Folio, 2011, p. 115.

  52. Zygmunt Bauman, op. cit., p. 21.

  53. Ibid., p. 33.

  54. Alain Finkielkraut, op. cit., p. 113.

  55. Zygmunt Bauman, op. cit., couverture.

  56. Ibid., p. 51.

  57. Bauman explique que l’échangisme disposerait ainsi d’un avantage sensible sur les « liaisons » sans lendemain et autres rencontres hasardeuses. Il ne s’agit pas d’une tentative solitaire mais partagée, par des alliés dévoués. L’avantage de l’échangisme sur le simple adultère hors mariage est flagrant. Il est aussi « affranchi de toutes les plaies et déficiences qui constituent le poison du ménage à trois ». Cf. L’amour liquide. De la fragilité des liens entre les hommes, op. cit., p. 69-70.

  58. Selon Volana Razafimanantsoa, « Gays : couple du troisième type », dans « Couple. La tentation de l’infidélité », L’Express, du 21-27 mai 2009, p. 94.

  59. Selon Pascal Bruckner, op. cit., p. 39-44.

  60. http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/textes/textesm/pascal1.htm.

  61. Christiane Singer, Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies, Paris, Albin Michel, 2000.

  62. http://la-philosophie.com/amour-definition-philosophie.

  63. http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie—ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  64. http://osezleromantisme.com/citations-amour-definition/.

  65. Monique Canto-Sperber, Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, PUF, 1996, p. 33.

  66. « C’est dans la première de ses Méditations poétiques (1820) intitulée ‹L’isolement› que figure ce vers du poète Alphonse de Lamartine. L’absence évoquée est celle de Julie Charles que Lamartine avait rencontrée lors d’une cure à Aix-les-Bains en 1816 et qui était devenue sa maîtresse […] et qui est morte en décembre 1817 […]. Le poème débute par l’évocation de la nature qui entoure Lamartine, nature diverse et resplendissante mais à laquelle le poète reste insensible car le souvenir de la femme qu’il a aimée et dont la mort l’a séparé ôte toute valeur à ce tableau. »

    Selon http://www.devoir-de-philosophie.com/dissertation-seul-etre-vous-manque-tout-depeuple-lamartine-commentez-cette-citation-139944.html.

  67. http://www.alliancespirite.org/citation-166.html.

  68. Extrait du Journal d’un curé de campagne,

    http://www.espacefrancais.com/citations/?searchq=enfer&show=10000.

  69. http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie—ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  70. http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/textes/textesm/marx1m.htm.

  71. http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie—ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  72. http://www.dicocitations.com/citation-c-est-quoi-l-amour.php#6du913u1GWh7AxyH.99.

  73. http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie—ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  74. Marcel Proust, La prisonnière, NRF, tome II, p.135, http://www.maphilo.net/citations.php?cit=4620.

  75. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  76. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  77. Rousseau écrit aussi : « L’amour n’est qu’illusion ; il se fait pour ainsi dire un autre univers, il s’entoure d’objets qui ne sont point. »

    Cf. http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie—ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  78. Claude Habib, Le consentement amoureux, Hachette, 1998. Cf. interview de Claude Habib : « Les libertins sont des athées en amour »,

    http://www.psychologies.com/Couple/Vie-de-couple/Amour/Articles-et-Dossiers/Savoir-aimer/Peut-on-aimer-en-toute-infidelite.

  79. Par le terme d’amour, affirme Sartre, « la collectivité affirme son droit de regard sur l’intimité la plus purement subjective ». Dès que le mot d’amour est prononcé, « la tendresse est dotée d’un avenir, d’une essence objective […]. La culture prend possession des cœurs, et fait main basse sur l’amour des amants à travers un serment soutiré à chacun d’eux […] et qu’aucun d’eux ne peut trahir [désormais] sans se renier lui-même. Ces mots murmurés dans l’intimité […] sont le cheval de Troie de la société. Ils signent l’intrusion du monde dans le duo des amants. Les hommes sont libres de leurs choix mais rattrapés par leurs formules […], qui conduisent tout droit ceux qui les énoncent dans la cellule carcérale ou monastique du couple marié. » Cité par Alain Finkielkraut, op. cit., p. 36.

  80. Søren Kierkegaard, Stades sur le chemin de la vie, Robert Laffont, 1993, cité par Alain Finkielkraut, Et si l’amour durait, Paris, Gallimard, Folio, 2011, p. 37, 102.

  81. Alain Finkielkraut, op. cit., p. 38.

  82. Interview Claude Habib : « Les libertins sont des athées en amour » :

    http://www.psychologies.com/Couple/Vie-de-couple/Amour/Articles-et-Dossiers/Savoir-aimer/Peut-on-aimer-en-toute-infidelite.

  83. http://www.dicocitations.com/citation-c-est-quoi-l-amour.php#6du913u1GWh7AxyH.99.

  84. http://osezleromantisme.com/citations-amour-definition/.

  85. André Comte-Sponville, op. cit., p. 206.

  86. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  87. Jean-Jacques Chevalier, Histoire de la pensée politique, tome I, Paris, Payot, 1979,

    http://www.appartenance-belonging.org/fr/ressources/la_philia.

  88. Anders Nygren, Éros et agapè. La notion chrétienne de l’amour et ses transformations (2 vol., Stockholm, 1930, d’abord en suédois puis traduit en de nombreuses langues. Version française chez Aubier Montaigne en 1944, et réédité récemment aux Éditions du Cerf, 2009, en 3 vol.

    La thèse de Nygren, pour l’essentiel, consiste à expliquer la naissance de l’amour occidental à partir d’une lutte chrétienne pour la victoire de l’agapè sur l’éros, entre lesquels il y aurait une foncière antinomie, enracinée dans le Nouveau Testament, et qui ne serait autre, fondamentalement, que la guerre spirituelle entre le christianisme et l’hellénisme.

  89. En philosophie, l’œuvre de Denis de Rougemont serait annoncée par Wilamowitz, qui écrivait : « Paul ignorait autant l’éros que Platon l’agapè », et il illustrerait exactement cet aphorisme de Nietzsche : « Le christianisme a empoisonné éros – il n’est pas mort, mais il est devenu vicieux. » Selon http://www.actu-philosophia.com/spip.php?breve574.

  90. http://lewebpedagogique.com/charlierenard/2015/11/03/textes-sur-le-desir-rousseau-saint-augustin-flaubert/.

  91. Cf. Peter Brown, Le renoncement de la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Bibliothèque des histoires, Gallimard, NRF, p. 464-512.

  92. Ce qu’on désigne depuis la Renaissance par l’expression « amour platonique » (vision non charnelle de l’amour, amour chaste, en dehors de toute sensualité, amour intellectuel) n’a en réalité pas grand-chose à voir avec ce que théorisait Platon sur l’emprise du désir.

  93. Benoît XVI, Dieu est amour. Lettre évangélique sur l’amour chrétien, École Cathédrale, Parole et Silence, 2006, cité par Alain Finkielkraut, op. cit., p. 118.

  94. Ibid., p. 18.

  95. André Comte-Sponville, op. cit., p. 237.

  96. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  97. Citée par André Comte-Sponville, op. cit., p. 136.

  98. Sur le sujet, on trouve dans le Nouveau Testament deux affirmations complémentaires : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour celui que l’on aime (Jn 15.13) et Dieu lui-même en Jésus-Christ en a donné l’exemple suprême (Jn 3.15). Mais tout sacrifice de soi n’est pas nécessairement mû par l’amour : celui qui donne sa vie ou son corps pour être brûlé, s’il n’a pas l’amour, n’est rien ! (1Co 13.3).

  99. http://la-philosophie.com/amour-definition-philosophie.

  100. Maine de Biran, Journal, 1819, p. 246,

    http://psychologie.aujourdhui.com/dossier/amour-definition.asp.

  101. Christiane Singer, op. cit., p. 16.

  102. En théologie chrétienne, l’affirmation « Dieu est amour » ne peut être dissociée de la doctrine de la Trinité, de la conviction que Dieu est tout à la fois Un et Trois.

    Pour plus de développements, cf. Wells Paul, « Les différents visages de l’amour selon la Bible », La Revue réformée 229-230 (2004/4-5), p. 130-143.

  103. http://osezleromantisme.com/citations-amour-definition/.

  104. Alain, Éléments de philosophie,

    http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie—ce-que-les-philosophes-en-disent-6873.htm.

  105. Cf. André Comte-Sponville, L’Amour la solitude, Paroles d’Aube, 1992.

  106. « L’amour est un choix délibéré. Deux personnes ne s’aiment vraiment que lorsqu’elles sont capables de vivre l’une sans l’autre mais choisissent de vivre ensemble. » (Scott Peck)

    http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  107. Cf. Michel Johner, « Alliance et spiritualité », La Revue réformée 257 (2011/1), p. 65-76.

  108. http://www.psycho-ressources.com/bibli/amour.html.

  109. Cf. Zygmunt Bauman, op. cit., p. 96ss.

  110. http://www.pensees-citations.com/citation/amour-art-honore-de-balzac-1372/.

  111. Gustave Flaubert, L’éducation sentimentale, histoire d’un jeune homme, Paris, Michel Lévy, 1869. Plusieurs femmes croisent la route de Frédéric Moreau, héros du roman, mais aucune ne peut se comparer à Marie Arnoux, épouse d’un riche marchand d’art, dont il est éperdument amoureux. C’est au contact de cette passion inactive et des contingences du monde qu’il fera son éducation sentimentale, qui se résumera pour l’essentiel à brûler, peu à peu, ses illusions. Autour de la période de la monarchie de Juillet à Paris, les différents personnages que côtoie le héros représentent chacun les idées reçues d’un milieu défini, agissant en fonction des codes sociologiques stéréotypés. On retrouve ainsi le bourgeois parvenu, la bourgeoisie d’affaires, le petit bourgeois rêvant de pouvoir, la courtisane.

    Selon https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Éducation_sentimentale.

    Flaubert suit les traces de Marivaux qui, déjà au siècle précédent (1730), dans Le jeu de l’amour et du hasard, veut montrer comment l’amour se moque de l’ordre établi, en inversant secrètement les rapports maîtres-valets. Silvia obtient de son père l’autorisation d’observer, sous le déguisement de sa servante (Lisette), le jeune homme à qui sa famille la destine (Dorante), ignorant que ce dernier a eu la même idée qu’elle. L’aventure, divertissante au début, tourne au cauchemar lorsqu’elle se rend compte qu’elle est attirée par le valet, qui lui fait une cour discrète, alors que le comportement de celui qui se présente comme son promis lui fait horreur. En obtenant de Dorante qu’il lui propose de l’épouser, alors qu’il la prend pour une domestique, « elle agit en femme moderne qui veut assumer ses responsabilités et prendre part à son destin ».

    Selon https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jeu_de_l%27amour_et_du_hasard.

  112. Philippe Roth, Professeur de désir, traduit de l’anglais par Henri Robillot, Gallimard, 1979. Cf. Alain Finkielkraut, op. cit., p. 37.

  113. Christiane Singer, op. cit., p. 43.

  114. http://evene.lefigaro.fr/citation/aimer-trouver-grace-verite-aider-trouver-creer-complicite-passi-19978.php.

  115. André Comte-Sponville, Le sexe ni la mort. Trois essais sur l’amour et la sexualité, Paris, Albin Michel, p. 135.

  116. Sur l’histoire et la sociologie de l’amour et de la sexualité, voir Paul-Michel Foucault, Histoire de la sexualité, vol. 1 : La volonté de savoir, Paris, Gallimard,‎ 1976, 224 p. ; vol. 2 : L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard,‎ 1984, 296 p. ; vol. 3 : Le souci de soi, Paris, Gallimard,‎ 1984, 288 p. ; Elisabeth Badinter, L’amour en plus : histoire de l’amour maternel (xviiexxe siècle), Flammarion, 1980 ; Francesco Alberoni, Le choc amoureux, trad. fr. Ramsay, 1981 ; L’érotisme, trad. fr. Ramsay, 1986 ; Le vol nuptial, trad. fr. Plon, 1994 ; Je t’aime, tout sur la passion amoureuse, trad. fr. Plon, 1997 ; Denis de Rougemont, L’amour et l’Occident, Paris, Gallimard, Plon, 10/18, 1972 (éd. originale 1939), 433 p. ; Jean Duvignaud, La genèse des passions dans la vie sociale, Paris, PUF, 1990 ; Octavio Paz, La flamme double, amour et érotisme, Gallimard, 1994.

  117. Dans Le Nouveau désordre amoureux, écrit en 1977 avec Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut s’attaque au « mythe de la Révolution sexuelle », qui serait issu de Mai 68, une idéologie dont les femmes seraient les premières victimes. Contre les théories de Gilles Deleuze, Félix Guattari, Guy Debord et des situationnistes qui nieraient l’amour ou, en tout cas, affirmeraient que l’amour, en tant que valeur abstraite, serait une chose « ignoble », Finkielkraut et Bruckner affirment l’existence de l’amour et son impossible réforme : « l’amour ne se prête pas à la révolution ». Cf. Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, Le nouveau désordre amoureux, Paris, Seuil, 1977, Points actuels.

    Selon https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Nouveau_Désordre_amoureux.

  118. « Y aurait-il vraiment une histoire de l’amour ? Ce sentiment brûlant qui vous envahit et vous fait oublier les contraintes du monde, peut-il faire l’objet d’une histoire ? N’est-il donc pas universel, et propre à l’être humain ? Eh bien, non. Si le désir se manifeste dans les corps à peu près de la même façon en tous temps et en tous lieux, les formes culturelles dans lesquelles il se trouve enserré ne sont pas du tout les mêmes selon les époques et les pays. »

    Selon http://hommoinsun.over-blog.com/article-6084248.html.

  119. On notera toutefois que dans ce cadre légal la naissance de l’amour-sentiment n’est pas automatique : si Jacob « aima Rachel » (Gn 29.18, 20), ce ne fut pas le cas de sa première épouse, Léa, que les lois de la polygamie et les duperies de son beau-père lui avaient imposée.

  120. Démosthène, Plaidoyers civils XXXIII, Théomneste et Apollodore contre Nééra,

    http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/demosthene/neera.htm.

  121. André Comte-Sponville, op. cit., p. 237, 240.

  122. Alain Finkielkraut, Et si l’amour durait, Paris, Gallimard, Folio, 2011, p. 49.

  123. « L’amour est, de tous les sentiments, le plus égoïste et par conséquent, lorsqu’il est blessé, le moins généreux. » Cité par Pascal Bruckner, Le mariage d’amour a-t-il échoué ? Essai, Paris, Grasset, 2010, p. 86.

  124. http://www.gralon.net/articles/art-et-culture/litterature/article-l-amour-en-philosophie.

  125. Christiane Singer, op. cit., p. 14-15.

  126. « […] il n’est personne qui ait quitté, à cause de moi et de l’Évangile, maison, frères, sœurs, mère, père, enfants […] qui ne reçoive au centuple, […] dans ce temps-ci, […] et, dans le siècle à venir, […]. » (Mc 10.29-31) « Celui qui aura gardé sa vie la perdra, mais celui qui aura perdu sa vie à cause de moi la retrouvera. » (Mt 10.39)

  127. Zygmunt Bauman, op. cit., p. 97-98.

  128. André Comte-Sponville, op. cit., p. 444. (Appendice : Devenir rien. L’amour et la mort dans la philosophie de Simone Weil.)

  129. Trois études issues du Carrefour 2015 de la Faculté Jean Calvin sont publiées dans ce numéro de La Revue réformée et six autres seront publiées dans le numéro suivant.

  130. Xavier Lacroix, op. cit., texte de couverture.

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