Psaume 23 : la grande rédemption réactualisée

PSAUME 23:

LA GRANDE RÉDEMPTION RÉACTUALISÉE

 

 

Ronald BERGEY*

INTRODUCTION

Le vingt-troisième Psaume est, sans doute, le plus lu et le plus connu des cent cinquante du Psautier. De toutes les strophes de ce recueil, ce Psaume – «Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien» – est celui qui retentit le plus dans les cœurs des fidèles. Le psalmiste qui a élaboré ce poème, David, loue le Seigneur qui prend soin de lui. Dieu s’occupe de lui comme un berger qui guide, paît et protège son troupeau (vv. 1-4). Le Seigneur, en tant qu’hôte, l’accueille pour un festin dans sa maison (vv. 5-6). Cette double mise en scène, pastorale et conviviale, a comme objet de présenter la nature du rapport que le Seigneur entretient avec le psalmiste; et, par ces mêmes mots, ce dernier relate le bien-être qu’il trouve dans cette relation. C’est, peut-être, cet aspect infiniment relationnel du Psaume qui touche si profondément les cœurs de ceux qui le méditent et fait de lui un Psaume tellement aimé.

 

I. ALLURE STYLISTIQUE DU PSAUME

 

Le Psaume 23 présente autant d’attraits au niveau du style. D’abord, le poème est très court; il n’a que six versets et cinquante-deux mots (ou cinquante-quatre mots, si l’on inclut l’intitulé hébreu traduit «Psaume de David»). Cela représente trois lignes ou trois lignes et demie d’un texte dactylographié. Selon les traductions modernes françaises, la longueur varie entre cent dix (version formelle, BJ) et cent trente-deux mots (traduction fonctionnelle, BFC). Quant aux versions anciennes, la Septante et la Vulgate comportent cent quatre et quatre-vingt-quinze  mots respectivement. Ce Psaume figure, donc, parmi les poèmes les plus brefs du Psautier.

 

Puis, c’est du genre «je psaume»1, c’est-à-dire exposé à la première personne (cf. aussi Ps 22, 51, 61, 71, 73). Cela apparaît quatre fois par le sujet des verbes (par exemple, «je ne crains aucun mal» (23.4b; vv. 1, 4a, 6b), mais, le plus souvent, par le biais du complément d’objet: «il me fait reposer» (v. 2a; aussi, p. ex., vv. 2b, 3a-b). Cet effet est également obtenu par les possessifs: «mon berger», «mon âme», «ma tête», «ma coupe» (v. 1 et passim), ou encore «avec moi» et «devant moi» (vv. 4 et 5).

 

Aux versets 2 à 4a-b, le psalmiste se réfère au Seigneur à la troisième personne. Toutefois, si le sujet est à la troisième personne, le complément du verbe est à la première personne, par exemple: «il me guide» (v. 2). Une seule fois, le complément se trouve à la même personne; il parle du Seigneur sous la forme du possessif: «son nom», mais il s’agit d’un complément circonstanciel dont le complément du verbe est à la première personne: «il me mène (…) à cause de son nom» (v. 3).

 

Aux versets 4c-d et 5, le psalmiste s’adresse au Seigneur à la deuxième personne; le complément du verbe est néanmoins à la première personne: «tu dresses devant moi une table» (v. 5). Il y a également une double occurrence de l’emploi de la même personne, il s’agit des adjectifs possessifs: «ta houlette et ton bâton» (v. 4d). Ce sont, pourtant, les compléments d’instrument d’un verbe qui, à son tour, a son complément d’objet à la première personne: «ils [les outils du berger] me réconfortent». Au premier verset, le titre «Seigneur» est le sujet du participe en hébreu, traduit normalement «mon berger», mais peut être traduit, comme dans la Septante et dans la version fille, la Vieille Latine: «me faisant paître». Au dernier verset, ce titre est un complément de nom: «maison du Seigneur». L’ensemble syntaxique «c’est là où je reviendrai » est un complément de lieu du verbe à la première personne.

 

Contrairement à ce qu’on peut penser, l’emploi de la première personne ne met pas l’accent sur le psalmiste lui-même mais plutôt sur la personne et les œuvres du Seigneur en sa faveur.

 

II. ATTRAIT STRUCTUREL DU PSAUME

 

L’attrait singulier du Psaume tient à la disposition des strophes. Selon une certaine division du texte, le poème met en exergue, de façon concentrique, l’exclamation: «car tu es avec moi» (v. 4c). Il y a vingt-six mots qui précèdent cette confession (en excluant l’intitulé) et le même nombre de vocables qui la suit. Une confirmation de cette division tient également aux éléments structurant chacune de ces deux moitiés et à la charpente de l’ensemble.

 

En ce qui concerne sa charpente globale, le poème est enchâssé entre les titres «Seigneur» aux deux extrémités du texte: «le Seigneur, mon berger» et «la maison du Seigneur» (vv. 1 et 6). Ainsi sa personne et ses œuvres en tant que Seigneur, berger et hôte, sont accentuées. Mais quel lien existe-t-il entre «mon berger» et sa «maison»? Par leurs rapports étroits, grâce au nom «Seigneur», ces termes sont aussi mis en relief. Enfin, quel rapport y a-t-il entre ces mots et l’expression centrale: «tu es avec moi»? Nous y reviendrons2.

 

III. ARTICULATION THÉOLOGIQUE DU PSAUME

 

L’articulation théologique des vers du Psaume 23 est très particulière. Elle est mise en lumière par une étude des parallèles linguistiques. Vus ensemble, ces rapprochements au niveau du langage gravitent autour du grand thème de l’exode de l’Egypte ou de la rédemption3. Ces affinités se trouvent, pour la plupart, dans quatre poèmes commémorant cette grande délivrance. Ces poèmes comprennent Exode 15, le premier cantique de Moïse (cf. v. 1), le poème archétype de ce genre, et certains psaumes, notamment les Psaumes 78, 95 et 106. Par exemple, l’expression «à cause de son nom» (23.3), au Psaume 106.8, rappelle la raison ultime de la délivrance à la mer Rouge. La tournure «dresser une table» (23.5) renvoie, au Psaume 78.19, à la manière dont le Seigneur a pourvu son peuple alors qu’il traversait le désert.

 

Les affinités théologiques et linguistiques ne se limitent pas à ces poèmes. A titre d’exemple, l’expression «ne manquer de rien» (23.1) trouve son parallèle dans le Pentateuque et dans la prière de Néhémie concernant la façon dont le Seigneur a pris soin de son peuple pendant les quarante années dans désert (Dt 2.7; Ex 16.18; Né 9.21).

 

Puis Esaïe, surtout aux chapitres 40 à 66, et les prophètes majeurs de l’époque de l’exil, Jérémie et Ezéchiel, puisent dans ce même thème, en se servant des mêmes images et du même langage pour prophétiser le nouvel exode et le retour dans la terre donnée en héritage (cf. Es 40.11; 49.10; Jr 31.10; Ez 34.11-16, 25-31). Parfois, des leçons pour leurs contemporains sont tirées de cette tradition. Par exemple, «l’ombre de la mort» (23.4; tsalmavet) trouve son parallèle en Jérémie 2.6: le prophète rappelle au peuple étourdi les bienfaits divins du passé lors de la traversée du désert, ce lieu agreste et terrifiant qualifié par ce même mot.

 

Le Dieu rédempteur, le Seigneur, a conduit son peuple, le troupeau de son pâturage, de la bergerie hors de la servitude, il l’a guidé et il a pourvu à ses besoins dans le désert, puis il l’a fait entrer dans le repos sur le pâturage de la terre promise. Le psalmiste s’inspire clairement de cette grande délivrance, la rédemption, il la réactualise et la personnalise. Mais il fait plus. Vu sa propre expérience, il affirme souvent l’inverse de ce qui est dit de la génération de l’exode. Par exemple, sa confession «tu dresses une table (…)» rebondit sur l’expression de l’incrédulité de ses ancêtres: «Dieu peut-il dresser une table dans le désert?» (Ps 78.19) L’affirmation de David, «tu es avec moi», répond au doute du peuple: «Le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non?» (Ex 17.7) Ainsi sa réactualisation reprend cette histoire et, en la revivant, il s’approprie la grâce manquée par cette génération.

 

L’objet principal de cette étude est de mettre en lumière, verset par verset et strophe par strophe, le rapport du Psaume 23 avec le thème de la rédemption. Ces parallèles nous invitent, dans la perspective de la théologie biblique, à remonter, d’abord, dans l’Ancien Testament pour y trouver les antécédents de ce thème, puis à en chercher ensuite les prolongements vétérotestamentaires et, enfin, à relever les continuités dans le Nouveau Testament et, surtout, les rapprochements christologiques. Car le Psaume 23 parle ultimement du bon berger, le Seigneur Jésus-Christ (Lc 24.27). Nous verrons le lien entre la réactualisation de David du grand rachat et celle du Christ au travers de son ministère. Et, en même temps, nous sommes conviés à savourer, certes collectivement, mais aussi personnellement ou individuellement, comme le psalmiste, les bienfaits de cette délivrance accomplie en faveur de tout le peuple de Dieu4.

 

IV. INTERPRÉTATION

 

V. 1,  Le Seigneur

 

Le Seigneur, c’est  le «Il Est» (yhvh), ou le Kurios dans la version grecque de l’Ancien Testament et, par la suite, dans le Nouveau Testament. C’est le nom par excellence du Dieu rédempteur, celui qui a racheté son peuple de l’emprise de l’esclavage. Comme le psalmiste s’exclame: «Israël, mets ton espoir dans le Seigneur! Car la miséricorde est auprès du Seigneur, et la rédemption est auprès de lui en abondance.» (Ps 130.7) En Exode, où il entonne le cantique qui commémore cette grande œuvre du salut accomplie par le Seigneur, Moïse dit: «Par ta miséricorde tu as mené, tu as racheté ce peuple; par ta puissance tu le guides, vers ton saint pâturage.» (v. 13)

 

Le «Il Est», en lui adressant sa vocation, dit à Moïse:

Je Suis qui Je Suis. Et il ajouta: C’est ainsi que tu répondras aux fils d’Israël: Celui qui s’appelle «Je Suis» m’a envoyé vers vous (…) Tu parleras ainsi aux fils d’Israël: le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous. Voilà mon nom pour l’éternité, voilà mon nom de génération en génération (…) Je vous ai vus, et j’ai vu ce qu’on vous fait en Egypte, et j’ai dit: Je vous ferai monter de l’Egypte, où vous souffrez, (…) dans un pays où coulent le lait et le miel. (Ex 3.14-17)

 

Ce rapport avec le Seigneur, son alliance et son œuvre de rédemption est souligné en Exode 6.2-8. Les occurrences de son nom forment une inclusion:

Dieu parla encore à Moïse, et lui dit: Je suis le Seigneur [litt. «Je ‹Il Est»]. Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu tout-puissant; mais je n’ai pas été connu d’eux sous mon nom, le Seigneur. J’ai aussi établi mon alliance avec eux, pour leur donner le pays de Canaan, le pays de leurs pèlerinages, dans lequel ils ont séjourné. J’ai entendu les gémissements des fils d’Israël, que les Egyptiens tiennent dans la servitude, et je me suis souvenu de mon alliance. C’est pourquoi dis aux fils d’Israël: Je suis le Seigneur, je vous affranchirai des travaux dont vous chargent les Egyptiens, je vous délivrerai de leur servitude, et je vous rachèterai à bras étendu et par de grands jugements. Je vous prendrai pour mon peuple, je serai votre Dieu, et vous saurez que c’est moi, le Seigneur, votre Dieu, qui vous affranchis des travaux dont vous chargent les Egyptiens. Je vous ferai entrer dans le pays que j’ai juré de donner à Abraham, à Isaac et à Jacob; je vous le donnerai en possession, moi le Seigneur [litt. «Je ‹Il Est»].

 

Quant à la référence au nom de Dieu connu des pères, Exode 6.3b peut être traduit: «ne me suis-je pas fait connaître d’eux sous mon nom Seigneur?». Ainsi il s’agirait d’une interrogation elliptique ou d’une affirmation par une exclamation de négation. Le «aussi» du verset 4, suivi de la proposition affirmative, «j’ai établi mon alliance avec eux (…)», implique nécessairement que la proposition précédente soit positive5.

 

Le Psaume 106 attribue cette rédemption au Seigneur: «Il les a sauvés de la main de celui qui les haïssait, il les a rachetés de la main de l’ennemi.» (v. 10) Dans une prophétie relative au nouvel exode, Esaïe s’exclame: «Sortez de Babylone, fuyez du milieu des Chaldéens! Avec une voix d’allégresse annoncez-le, publiez-le, faites-le savoir jusqu’à l’extrémité de la terre, dites: le Seigneur a racheté son serviteur Jacob!» (Es 48.20; cf. 44.23; 49.7; 52.9)

 

Le «Il Est», dans le Nouveau Testament, c’est le Seigneur Jésus-Christ qui a racheté son peuple définitivement de l’esclavage du péché. Il prétend sans équivoque être ce «Je Suis»: «Oui, je vous le déclare, c’est la vérité: avant qu’Abraham soit né, Je Suis (…) Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous reconnaîtrez que (…).» (Jn 8.58 et 28a) Les épîtres réclament ce Seigneur comme celui en qui la rédemption autrefois préfigurée est maintenant définitivement accomplie:

– «Ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus Christ.» (Rm 3.24)

– «Or, c’est par lui que vous êtes en Jésus-Christ, lequel, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, justice et sanctification et rédemption.» (1Co 1.30)

– «En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce.» (Ep 1.7; cf. v. 14, 4.40; Col 1.14)

– «Il est entré une fois pour toutes dans le lieu très saint, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang, ayant obtenu une rédemption éternelle.» (Hé 9.12)

– «(…) car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de (…) toute nation.» (Ap 5.9b)

 

Ce sang de la rédemption n’est autre que le sang de la nouvelle alliance (cf. Lc 22.20; Hé 13.20).

 

Le psalmiste précise par la suite qui est ce Seigneur pour lui.

 

mon berger

Il s’agit de l’épithète la plus ancienne à propos de Dieu. Jacob bénit Joseph au nom du «Dieu, mon berger» (Gn 48.15) et ce Dieu de Jacob, la Pierre d’Israël, est «le berger» de Joseph (49.24). Au Psaume 80, il est dit: «Prête l’oreille, berger d’Israël, toi qui conduis Joseph comme un troupeau (…).» (v. 1) Selon le Psaume 78, c’est en tant que berger qu’il fait sortir son peuple d’Egypte, le guide dans le désert et le fait entrer dans la terre promise:

Puis il fit partir son peuple comme un troupeau qui sort de la bergerie; il conduisit les siens au désert, comme on conduit ses brebis. Il les mena en sûreté, à l’abri de la peur, et la mer recouvrit leurs ennemis. Puis il les fit venir dans sa terre sainte, à la montagne qu’il avait conquise. Il expulsa devant eux des populations dont il leur répartit le territoire en lots héréditaires; il installa les tribus d’Israël chez les Cananéens eux-mêmes. (Versets 52-55)

 

En revanche, la génération de l’exode a attribué cette délivrance à un autre dieu: «Ils se sont promptement écartés de la voie que je leur avais prescrite; ils se sont fait un veau en fonte, ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices, et ils ont dit: Israël, voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte.» (Ex 32.8) David affirme l’inverse. Ce n’est pas un veau-dieu qui l’a fait sortir de la bergerie de la servitude. C’est plutôt le Seigneur, son berger.

 

Dans un autre psaume, nous lisons: «Tu as mené ton peuple comme un troupeau, par la main de Moïse et d’Aaron.» (Ps 77.21) Ce souverain berger se sert des mains des hommes pour paître son peuple. Le Seigneur a conduit son peuple non seulement par l’intermédiaire de Moïse et d’Aaron mais par toute la lignée de prophètes et de prêtres, les pasteurs issus de ces deux ascendances.

 

Selon les prophètes, qui emploient ce même motif du berger, le Seigneur délivrera son peuple de l’exil et mènera son troupeau lors d’un nouvel exode. Esaïe dit: «Comme un berger, il paîtra son troupeau, il prendra les agneaux dans ses bras, et les portera dans son sein; il conduira les brebis qui allaitent.» (Es 40.11) Jérémie ajoute sa voix: «Nations, écoutez la parole du Seigneur, et publiez-la dans les îles lointaines! Dites: celui qui a dispersé Israël le rassemblera, et il le gardera comme le garde son troupeau.» (Jr 31.10) Un élément missiologique ressort de cette prophétie: les nations reconnaîtront la voix du Seigneur grâce à ce nouveau rachat du reste d’Israël.

 

Jésus revendique ce titre «berger» en disant: «Je Suis le bon berger. Le bon berger est prêt à donner sa vie pour ses brebis.» (Jn 10.11; cf. v. 14) Il paîtra aussi un autre peuple, les nations: «J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là, il faut que je les amène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger.» (Jn 10.16) L’apôtre Pierre, après avoir exhorté les anciens – «faites paître le troupeau de Dieu» – qualifie le Christ, en tant que chef des pasteurs dans l’Eglise, le souverain berger (1 Pi 5.1-4). L’auteur de l’épître aux Hébreux dit: «[C’est] notre Seigneur Jésus, devenu le grand berger des brebis grâce au sang de son sacrifice, qui garantit l’alliance éternelle.» (Hé 13.20)

 

L’Apocalypse élargit les thèmes de l’exode et de la traversée du désert pour parler du lieu céleste où sera amené ce seul troupeau de Dieu. Ce berger est aussi l’Agneau: «(…) l’Agneau qui est au milieu du trône sera leur berger et les conduira aux sources d’eau vive. Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.» (Ap 7.17) Cet Agneau berger, celui qui est  immolé dès la fondation du monde (13.8) et qui règne sur un trône (5.13, 7.9), est aussi l’Agneau guerrier qui vaincra, comme Seigneur des seigneurs et Roi des rois, les ennemis de son peuple (17.14; cf. Ex 15.3, «Seigneur guerrier»). Comme le Seigneur dans le passé, cet Agneau fera entrer tout son peuple dans la nouvelle terre promise et lui accordera le repos eschatologique.

 

Parce que le Seigneur est son berger, le psalmiste s’exclame: Je ne manquerai de rien.

 

L’expression relève, d’abord, des approvisionnements du Seigneur lors des pérégrinations des Israélites: «En effet, le Seigneur (…) a veillé sur vous lors de la traversée de ce grand désert. Durant quarante ans, il a été avec vous, et vous n’avez manqué de rien.» (Dt 2.7) Quant aux vivres, il est dit au sujet de la manne: «Lorsqu’ils en mesurèrent la quantité, ceux qui en avaient beaucoup n’en avaient pas trop, et ceux qui en avaient peu n’en manquaient pas (…).» (Ex 16.18) Au sujet des habits du peuple: «Durant quarante ans, tu as pris soin d’eux, dans le désert, ils n’ont manqué de rien. Leurs vêtements ne se sont pas usés, leurs pieds n’ont pas enflé.» (Né 9:21) En ce qui concerne l’arrivée dans la terre promise: «C’est un pays où poussent le blé et l’orge, la vigne, le figuier et le grenadier, un pays qui abonde en huile d’olive et en miel; le pain ne vous y sera pas rationné et vous n’y manquerez de rien (…).» (Dt 8.8-9) Ainsi pour le nouvel exode de l’exil: «Bientôt, le prisonnier accablé sera remis en liberté. Il ne mourra pas dans son cachot et ne manquera plus de pain.» (Es 51.14) Jésus interroge ses disciples: «Quand je vous ai envoyés en mission sans bourse, ni sac, ni chaussures, avez-vous manqué de quelque chose? De rien, répondirent-ils.» (Lc 22.35)

 

Ces derniers ne manquaient de rien parce que leur mission était de courte durée et que ceux qui étaient réceptifs à leur message ont pourvu à leurs besoins (Mt 10.10; Lc 10.7; cf. 1Co 9.14; 1Tm 5.15). En revanche, le pain de ce jour dans le désert provenait de miracles quotidiens. Mais il est clair que le Seigneur n’agit pas toujours ainsi!

 

Est-ce que l’affirmation du psalmiste signifie que le croyant ne se trouvera jamais dans le besoin ou ne manquera de quoi que ce soit? Une telle prétention se heurterait non seulement aux expériences de beaucoup de fidèles, mais aussi à d’autres affirmations scripturaires. Prenons le cas de celle qui se trouve dans le Deutéronome: «Toutefois, il n’y aura pas de pauvre parmi vous, car le Seigneur votre Dieu vous comblera de biens dans le pays qu’il vous donnera en possession.» (Dt 15.4) Et, quelques versets plus loin, il y a le constat: «Il y aura toujours des pauvres dans votre pays, c’est pourquoi je vous commande d’être généreux envers vos compatriotes malheureux et pauvres.» (Dt 15.11) Jésus reprend cela pour affirmer: «(…) vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m’avez pas toujours.» (Mt 26.11) Les biens matériels, surtout la nourriture et les vêtements, manquent aux pauvres. Pour combler ce besoin, les indigents doivent dépendre de la générosité des autres. En manquant de ce qui est nécessaire, les pauvres seront, sinon dans la durée au moins ponctuellement, éprouvés par le besoin.

 

En effet, les épîtres racontent les expériences des apôtres et des membres de l’Eglise qui manquaient, parfois cruellement, du nécessaire. Le mot hébreu «manquer» (hasar) est traduit, dans la version grecque de l’Ancien Testament, par hustereo. Ce terme est repris dans le Nouveau Testament dans les versets suivants:

– «Et lorsque j’étais chez vous et que je me suis trouvé dans le besoin, je n’ai été à charge à personne; car les frères venus de Macédoine ont pourvu à ce qui me manquait.» (2Co 11.9)

– «Je sais vivre dans la pauvreté aussi bien que dans l’abondance. J’ai appris à être satisfait partout et en toute circonstance, que j’aie de quoi me nourrir ou que j’aie faim, que je sois dans l’abondance ou dans le besoin.» (Ph 4.12)

– «Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour (…).» (Jc 2.15)

– «Ils furent lapidés, ils furent sciés; ils moururent tués à coups d’épée; ils menèrent une vie errante, vêtus de peaux de moutons ou de toisons de chèvres; ils étaient soumis aux privations, opprimés, maltraités.» (Hé 11.37)

 

La lecture des récits sur sa vie et les Psaumes montrent que David a été dans le besoin, a souffert de privation et disette à certaines époques de sa vie. On peut donc se demander à quoi il pensait en disant qu’il ne manquerait de rien? Pour répondre à cette interrogation, l’usage de ce même mot, ailleurs dans le Nouveau Testament, nous vient en aide.

 

Par exemple, au sujet du jeune homme riche: «Jésus le regarda avec amour et lui dit: «Il te manque une chose: va vendre tout ce que tu as et donne l’argent aux pauvres, alors tu auras des richesses dans le ciel; puis viens et suis-moi.» (Mc 10.21) Les richesses du monde avaient aveuglé cet homme et étaient devenues pour lui une pierre d’achoppement. Pour lui, il s’agissait de manquer de quelque chose pour être en règle avec Dieu. La même idée de manque spirituel est exprimée par Paul, qui emploie ce terme: «Car tous ont péché et sont privés [manquent] de la gloire de Dieu.» (Rm 3.23)

 

Plus significatives encore sont les exhortations de l’auteur de l’épître aux Hébreux quand, s’adressant à ses contemporains en se servant de l’exemple de la génération de l’exode, il emploie ce mot pour dire qu’il ne faut pas être en manque, comme cette génération: «Dieu nous a laissé la promesse que nous pourrons entrer dans le repos qu’il nous a préparé. Prenons donc bien garde que personne parmi vous ne se trouve avoir manqué l’occasion d’y entrer.» (Hé 4.1, BFC) Plus loin, il dit: «Veillez à ce que quelqu’un ne manque de la grâce de Dieu.» (12.15)

 

Plus on avance dans le Psaume 23, plus il devient clair que le psalmiste a en vue «la bonté et la miséricorde» (v. 6a) qui découlent de l’alliance, voire les bénédictions dérivées de l’œuvre rédemptrice que le Seigneur lui avait appliquée. Si le Seigneur est son berger, c’est qu’il a été racheté. C’est par rapport à cette grâce qu’il peut dire «je ne manquerai de rien». Il va préciser, dans les strophes qui suivent, quels sont les bienfaits qui en sont dérivés.

 

V. 2, Il me fait reposer

 

Faire reposer ou plutôt faire coucher (rbts), c’est ce que fait le berger une fois le troupeau rassasié. Le nouvel exode est dépeint en ces mêmes termes dans la suite du texte d’Ezéchiel, cité plus haut: «(…) C’est là qu’il pourra se coucher dans un bon pâturage et faire paître le troupeau dans un gras pâturage, sur les montagnes d’Israël. C’est moi qui ferai paître mes brebis, c’est moi qui les ferai coucher, dit le Seigneur.» (Ez 34.14b-15) Selon cette prophétie, c’est dans un pâturage, comme dans la suite de la strophe du Psaume 23, où le Seigneur, comme un berger, fera coucher de nouveau le troupeau, son peuple.

 

dans de verts pâturages

Le pâturage (navah) verdoyant ou herbeux, le lieu où le Seigneur berger fait coucher les rachetés, est une métaphore de la terre promise, celle qui est évoquée dans la citation d’Ezéchiel plus haut et aussi dans le cantique de Moïse en Exode 15: «(…) Tu le guidas par ta force vers ton saint pâturage.» (v. 13b) Le mot utilisé ici est synonyme d’un autre terme qui se trouve dans la louange familière: «Car il est notre Dieu, et nous sommes le peuple de son pâturage (mar‘ît), le troupeau que sa main conduit (…).» (Ps 95.7)

 

Ces mêmes termes sont employés par les prophètes pour parler de l’installation future dans la terre promise après le nouvel exode et le retour de l’exil. En Esaïe: «[Dites] aux captifs: sortez! Et à ceux qui sont dans les ténèbres: paraissez! Ils paîtront sur les chemins, et ils trouveront des pâturages (mar‘ît) sur tous les coteaux.» (49.9) Dans le même contexte du passage d’Ezéchiel cité avant: «Je le ferai paître dans un bon pâturage , son pâturage (navah) sera sur les montagnes du haut pays d’Israël (…).» (Ez 34.14a) Se trouver dans ces pâturages tient au fait que le berger l’y a guidé.

 

il me dirige

Comme cela a été précisé auparavant, le psalmiste, pour évoquer cet aspect du travail d’un berger, se sert de deux verbes homophones et synonymes. Ici, c’est le verbe que nous traduisons «guider» (nahal) et, au verset 3, «mener» (nahah). Ces mêmes mots se trouvent dans le cantique de Moïse en Exode 15: «Tu as mené par ta fidélité le peuple que tu as racheté. Tu l’as guidé (nahal) par ta force vers ton saint pâturage.» (V. 13; cf. Ps 31.3)

 

Un troisième terme fait partie de ce domaine sémantique: «conduire» (nahag). Ce verbe signifie «faire avancer en dirigeant» et a comme compléments d’objet: un troupeau (Gn 31.18; Ex 3.1; 1S 23.5; 30.20), une ânesse (2R 4.20), un chariot tiré par un cheval (2R 9.20) et des captifs de guerre (Gn 31.26; 1S 30.2; Es 20.4). La nuance qui différencie ce verbe des deux autres est celle de la contrainte. L’objet conduit est obligé d’aller où le sujet veut. Même si ce verbe n’est pas employé dans le Psaume 23, il s’y trouve deux fois avec le Seigneur comme sujet et son peuple comme objet.

Au Psaume 78, il s’agit de la suite de l’exode: «Il fit partir son peuple comme des brebis, il les conduisit comme un troupeau dans le désert.» (v. 52) Puis, en Esaïe 49, c’est le nouvel exode: «Ils n’auront pas faim et ils n’auront pas soif; le mirage et le soleil ne les feront point souffrir; car celui qui a pitié d’eux sera là, les conduira, et il les guidera vers des sources d’eaux.» (v. 10) Dans ces deux cas, il est question d’une marche au travers d’un désert, un lieu hostile. Sans être conduit, poussé en avant, le troupeau mourrait vite sinon de soif, du moins de faim. Il faut se déplacer fréquemment pour trouver, aux intervalles réguliers, de l’eau et des pâturages. Si le Seigneur a contraint son peuple à traverser le désert, c’était pour que celui-ci puisse apprendre à lui faire confiance en toutes choses (cf. Ex 13.17-18).

 

Ces trois mots – «guider» (nahal), «mener» (nahah) et «conduire» (nahag) – sont traduits dans la Septante par parakakeo, (an)ago ou hodegeo. Ce dernier mot grec, que nous verrons au verset 3, traduit normalement nahah mais parfois aussi nahag. Le verbe «guider», celui du verset 2, dans un contexte pastoral est presque toujours traduit en grec par parakaleo, comme dans les exemples ci-dessous (mais cf. Es 49.10):

– «(…) Tu l’as guidé par ta force vers ton saint pâturage.» (Ex 15.13b)

– «Comme un berger, il paîtra son troupeau, il prendra les agneaux dans ses bras, et les portera dans son sein; il guidera les brebis qui allaitent.» (Es 40.11)

– «Ils n’auront pas faim et ils n’auront pas soif; le mirage et le soleil ne les feront point souffrir; car celui qui a pitié d’eux les conduira (nahag, en grec parakaleo), et il les guidera (nahal, en grec ago) vers des sources d’eaux.» (Es 49.10)

 

Pour compléter le tableau, des exemples du verbe «conduire» (nahag) dans un contexte pastoral comprennent:

– «Il fit partir son peuple comme des brebis, il les conduisit (anago) comme un troupeau dans le désert.» (Ps 78.52)

– «Ô Berger d’Israël, écoute; toi qui conduis (hodegeo) ton peuple comme un troupeau (…) Prête l’oreille, berger d’Israël, toi qui conduis Joseph comme un troupeau (…).» (Ps 80.1-2)

– «Comme la bête qui descend dans la vallée, l’Esprit du Seigneur les a menés au repos (Hi nûah, en grec hodegeo). C’est ainsi que tu as conduit (ago) ton peuple, pour te faire un nom glorieux.» (Es 63.14)

 

Ce terme, parakaleo, celui qui est utilisé dans le grec du Psaume 23.2, est fréquemment employé dans le Nouveau Testament. Un de ces usages est particulièrement pertinent dans ce contexte. C’est celui où l’auteur de l’épître aux Hébreux se sert de l’exemple de la génération qui a traversé le désert pour encourager ses judéo-chrétiens contemporains à persévérer:

Mais exhortez-vous, les uns les autres, jour après jour, tant que dure la proclamation de l’aujourd’hui, afin qu’aucun d’entre vous ne s’endurcisse, trompé par le péché (…) alors qu’il est dit: Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs comme au temps de l’exaspération. Quels sont, en effet, ceux qui entendirent et qui provoquèrent l’exaspération? N’est-ce pas tous ceux qui sortirent d’Egypte grâce à Moïse? Et contre qui s’est-il emporté pendant quarante ans? N’est-ce pas contre ceux qui avaient péché, dont les cadavres tombèrent dans le désert? Et à qui jura-t-il qu’ils n’entreraient pas dans son repos, sinon à ces indociles? Et nous constatons qu’ils ne purent pas entrer à cause de leur incrédulité. (Hé 3.13,15-19)

L’apôtre Pierre, en s’adressant aux anciens de l’Eglise dit: «J’exhorte donc les anciens qui sont parmi vous (…) Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié (…).» (1Pi 5.1-2)

 

Jésus, en parlant de la venue de son Esprit, dit: «Quand le consolateur [exhorteur] (parakletos) sera venu, l’Esprit de vérité, il vous mènera (hodegeo; voir Ps 23.3 ci-dessous) dans toute la vérité (…).» (Jn 16.13) Au sujet du ministère de l’Esprit, Paul dit: «Mais si l’Esprit vous conduit (ago; mot qui traduit nahal en Es 49.10 cité ci-dessus), alors vous n’êtes plus soumis à la loi.» (Ga 5.18) A la lumière de ces passages, on peut dire que le Seigneur guide son peuple par son Esprit. Il se sert des anciens qui dirigent et enseignent la Parole ainsi que des membres de l’Eglise qui s’exhortent mutuellement. Il le guide, comme le psalmiste, vers ce dont il a besoin et ce qui est essentiel pour son bien-être.

 

près des eaux paisibles

Au désert, endroit desséché et aride, l’eau est vitale! Chaque station de la traversée au désert a été marquée par cet approvisionnement. Ceci est à l’origine du cantique «Le Puits»: «L’étape suivante les conduisit au lieu dit ‹Le Puits›, où le Seigneur donna cet ordre à Moïse: Rassemble le peuple pour que je puisse lui donner de l’eau. C’est alors que les Israélites chantèrent le chant que voici: Que l’eau jaillisse du puits, sous les acclamations! Les chefs l’ont creusé, les nobles l’ont foré, avec leurs bâtons de commandement et leurs sceptres!» (Nb 21.16-18a)

 

Mais le Seigneur a aussi abreuvé son peuple dans le désert d’une manière miraculeuse rappelée dans le Psaume 105: «Il ouvrit un rocher, l’eau se mit à couler, traversant le désert comme un fleuve.» (v. 41) Dans le récit de la traversée du Sinaï, le Seigneur avait dit à Moïse: «(…) tu frapperas ce rocher, il en sortira de l’eau et le peuple pourra boire. Moïse obéit à cet ordre, sous le regard des anciens. On a appelé cet endroit Massa et Meriba – ce qui signifie ‹Epreuve› et ‹Querelle› – parce que les Israélites avaient cherché querelle à Moïse et avaient mis le Seigneur à l’épreuve, en demandant: Le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non?» (Ex 17.6-7) Cet incident miraculeux mais malheureux est évoqué dans les paroles du peuple incrédule rapportées au Psaume 78: «C’est vrai, il a frappé le rocher pour en faire couler de l’eau et ruisseler des torrents. Mais pourrait-il aussi nous fournir du pain ou offrir de la viande à tous?» (v. 20)

 

En prophétisant la nouvelle traversée du désert pour les rachetés de l’exil, Esaïe emploie une expression assez voisine de celle du Psaume 23: «Ils n’auront pas faim et ils n’auront pas soif; le mirage et le soleil ne les feront point souffrir; car celui qui a pitié d’eux les conduira, et il les guidera près des sources d’eaux (‘al-mabû‘ê mayîm).» (Es 49.10)

 

Pourtant, cette expression du Psaume 23, qu’on peut traduire «près des eaux du repos» (‘al-mé menuhôt), trouve son parallèle le plus proche dans la tournure homophonique et antonymique du Psaume 106: «Près des eaux de Meriba [ou «dispute, révolte»] (‘al-mé meriba), ils irritèrent le Seigneur (…).» (v. 32; cf. Dt 33.8; Ps 81.8) En effet, c’est pourquoi la génération de l’exode n’a pas pu entrer dans la terre promise, dans ce repos pourvu par leur berger: «Car notre Dieu, c’est lui, nous sommes le peuple dont il est le berger, le troupeau que sa main conduit. Aujourd’hui, puissiez-vous entendre ce qu’il dit: Ne refusez pas de comprendre, comme vos ancêtres à Meriba, lors de l’incident de Massa, dans le désert.» (Ps 95.7-8) Ce Psaume s’achève sur un accord mineur: «Aussi je jurai dans ma colère: ils n’entreront pas dans mon repos (menuhah)!» (v. 11)

 

Ce passage du Psaume 95 est celui qui est cité par l’auteur de l’épître aux Hébreux dans son avertissement solennel mentionné plus haut. Paul se sert aussi de cet incident au désert pour avertir les Corinthiens: «Ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ. Mais la plupart d’entre eux ne furent pas agréables à Dieu, puisqu’ils tombèrent morts dans le désert.» (1Co 10.4-5) Il conclut par l’exhortation suivante: «(…) que celui qui pense être debout prenne garde de tomber!» (v. 12) Ce rapprochement du rocher et du Christ explique aussi pourquoi Moïse, qui a frappé ce rocher deux fois, au lieu d’une fois comme ordonné, a été si sévèrement puni (Nb 20.11-12). Il n’a pas pu entrer dans la terre promise et il est mort de l’autre côté du Jourdain (Dt 34.4-5). Frapper ce rocher une seule fois suffisait pour en faire couler de l’eau, figure de la mort de Christ (frappé) une fois pour toutes et des bienfaits (eau) qui en découleraient.

 

Le psalmiste, en réactualisant cet épisode à Meriba, fait l’inverse de ses ancêtres. Pour lui, ces eaux ne sont pas un lieu de révolte (‘al-mé meriba) contre le Seigneur. Au contraire, il s’agit d’un lieu du repos (‘al-mé menuhôt).

 

Par la voie d’une métaphore, ces eaux peuvent, sous le rapport du complément «du repos», se référer, comme l’image du «pâturage», à la terre promise. C’est en ce sens que le Psaume 95.11 utilise ce mot. Au seuil de la terre promise, Moïse dit au peuple: «(…) vous n’êtes pas encore arrivés dans le lieu de repos et dans l’héritage que le Seigneur, votre Dieu, vous donne.» (Dt 12.9; cf. Gn 49.15; Jos 1.13, 15) Le nouvel exode est dépeint en ces termes: «Comme la bête qui descend dans la vallée, l’Esprit du Seigneur les a menés au repos (nûah, verbe apparenté à menuhah). C’est ainsi que tu as conduit ton peuple pour te faire un nom glorieux.» (Es 63.14) «Repos», dans ces passages, est une image du don du pays; à son tour, cette terre est aussi une figure du repos, celui du salut pour le peuple de Dieu.

 

Le Seigneur, lui aussi, avait un lieu du repos: lors du séjour dans le désert, c’était à chaque station où l’arche s’est arrêtée: «Ils partirent de la montagne du Seigneur, et marchèrent trois jours; l’arche de l’alliance du Seigneur partit devant eux, et fit une marche de trois jours, pour leur chercher un lieu de repos.» (Nb 10.33) La destination finale, le temple à Sion, qui abritait l’arche, l’était aussi. Dans le Psaume 132, il est dit: «Lève-toi, Seigneur, viens à ton lieu de , toi et l’arche de ta majesté! (…) En effet, le Seigneur a choisi Sion, il a désiré y faire sa résidence. Il a déclaré: Voilà pour toujours le lieu de mon ; c’est ici que je désire habiter.» (vv. 8, 13-14) Esaïe en parle aussi en ces termes: «Ainsi parle le Seigneur: le ciel est mon trône et la terre le marchepied. Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour moi? Quel serait l’emplacement du lieu de mon ?» (66.1; cf. 1R 8.56; 1Ch 28.2)

 

Pourtant, l’objet ultime de cette figure n’est ni la terre promise, ni le sanctuaire, mais le salut en Christ. L’auteur de l’épître aux Hébreux exhorte son auditoire en s’appuyant sur le Psaume 95:

Ainsi donc, pendant que la promesse d’entrer dans le repos de Dieu est toujours en vigueur, prenons donc bien garde que personne parmi vous ne se trouve avoir manqué l’occasion d’y entrer. Car nous aussi, nous avons entendu la bonne nouvelle, tout comme eux [la génération de l’exode]. Mais le message qu’ils ont entendu ne leur a servi à rien, car ils ne se sont pas associés par leur foi à ceux qui l’ont reçu. En effet, c’est nous qui croyons, qui entrons dans ce repos (…). (4.1-3a)

 

Ce repos, ou ce salut, est reçu par la foi dans les promesses de Dieu et non pas par les œuvres. Le Seigneur a pourvu complètement. On ne peut rien y ajouter.

 

Si le psalmiste se trouve près de ces eaux du repos, c’est aussi grâce à son berger qui l’y a guidé. Quel en est le résultat?

 

V. 3, Il restaure mon âme

 

Nous traduisons ce verbe «revenir/restaurer» (shub), ici à la conjugaison du polel (shobeb), de manière factitive, «il fait revenir/ramène mon âme». Par exemple, au Psaume 19.8, où le hiphil factitif du même verbe est employé, c’est la Torah du Seigneur qui fait revenir l’âme (heshîb nepesh; cf. Pr 25.13; Rt 4.15; Lm 1.11, 16, 19).

Dans une prophétie concernant le retour de l’exil, Jérémie emploie ces mêmes termes: «Je ramènerai Israël dans sa demeure. Il aura ses pâturages du Carmel et du Basan, et son âme se rassasiera sur la montagne d’Ephraïm et dans Galaad.» (50.19; cf. Ez 39.27) Le serviteur d’Esaïe 49 est à l’origine du retour eschatologique: «Maintenant, le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès ma naissance pour être son serviteur, pour ramener (polel) à lui Jacob, et Israël encore dispersé; car je suis honoré aux yeux du Seigneur, et mon Dieu est ma force. Il dit: C’est peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener (hiphil) les restes d’Israël: Je t’établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu’aux extrémités de la terre.» (Versets 5-6) Comme en Jérémie 31 cité plus haut, ce passage relie le salut des nations au retour du reste d’Israël.

 

Dans la Septante, c’est le terme «revenir, se tourner, se convertir» (epistrepho) qui traduit ce verbe dans le Psaume 23 et souvent ailleurs (p. ex., Es 49.6; cf. Ac 13.47). Dans le Nouveau Testament où l’image pastorale est évoquée, Pierre reprend la pensée de cette strophe du Psaume et ces mots: «(…) maintenant vous vous êtes tournés vers le berger [pasteur] et le gardien [évêque] de vos âmes (psuche).» (1P 2.25)

 

L’âme, comme partie intégrale du corps, est le lieu où sont ressenties la faim et la soif, qu’elle soit physique, psychique ou spirituelle. C’est le soi, l’être profond, celui du désir ou de l’appétit, bon et mauvais. L’âme est en situation de manque ou de rassasiement, d’agitation ou de calme, de tristesse ou de joie, de peur ou de paix. L’âme malade peut être guérie ou l’âme abattue relevée. Ces situations soit d’insuffisance soit de plénitude sont ressenties. L’âme est le siège des impressions et des sentiments du bonheur ou du malheur. Ce «soi», comme un mouton, va s’égarer, chercher sa propre voie et se détourner du chemin tracé par le berger. Cet égarement est développé particulièrement dans le Psaume 106. Mais l’expression la plus frappante de cet état d’âme de la génération rebelle est celle qui est hurlée à Dieu et à Moïse: «(…) Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d’Egypte, pour que nous mourions dans le désert? Car il n’y a pas de pain, et il n’y a pas d’eau, et notre âme est dégoûtée de cette misérable nourriture.» (Nb 21.5)

 

David savait que son âme avait besoin d’être ramenée, par le berger, sur le bon sentier: de justice. Cette image pastorale évoque le changement radical de la disposition de l’âme vis-à-vis du Seigneur, sa personne et ses œuvres. L’incrédule place sa confiance dans le Seigneur. L’ingrat devient reconnaissant. C’est le Seigneur seul qui peut opérer cette transformation de l’être profond.

 

il me conduit

Comme cela est indiqué plus haut, le verbe qu’on peut traduire «conduire» (nahag) n’est pas utilisé dans ce Psaume. Ce verbe, que nous traduisons ici «mener» (nahah), est traduit dans le Deutéronome en grec par ago: «Oui, le Seigneur seul a mené son peuple, sans l’aide d’aucun autre dieu.» (Dt 32.12) Dans le Nouveau Testament, des exemples de l’emploi de ago incluent:

– «Jésus, rempli du Saint-Esprit, revint du Jourdain, et il fut mené par l’Esprit dans le désert, où il fut tenté par le diable pendant quarante jours.» (Lc 4.1-2a)

– «J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas dans cet enclos. Je dois aussi les mener; elles écouteront ma voix, et elles deviendront un seul troupeau avec un seul berger.» (Jn 10.16)

 

Ce verbe «mener», normalement traduit dans la Septante par hodegeo, fait aussi partie du vocabulaire de la tradition de l’exode, comme les versets suivants l’illustrent (sauf en Ex 13.21 et Es 57.18 ci-après):

– «Lorsque Pharaon laissa aller le peuple, Dieu ne le mena pas par le chemin du pays des Philistins, quoique le plus proche, car Dieu dit: Le peuple pourrait se repentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte.» (Ex 13.17)

– «Le Seigneur allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée pour les mener (hegeomai) dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils marchassent jour et nuit.» (Ex 13.21)

– «Tu as mené par ta fidélité le peuple que tu as racheté (…).» (Ex 15.13a; cf. Ps 31.3)

– «Le jour, il les menait par la nuée, et chaque nuit, par la lumière d’un feu.» (Ps 78.14)

– «Il les mène avec sûreté, ils n’ont pas à trembler quand la mer recouvre leurs ennemis.» (Ps 78.53)

– «Le jour tu as mené ton peuple par une nuée, et la nuit par une colonne de feu qui éclairait leur chemin.» (Né 9.12)

– «Même alors, toi, dans ton amour infini, tu ne les as pas abandonnés dans le désert: la nuée qui les menait sur la route pendant le jour ne s’est pas éloignée d’eux, ni la colonne de feu qui éclairait leur chemin pendant la nuit.» (Né 9.19)

 

Il en est ainsi pour le nouvel exode de l’exil: «Je connais bien sa conduite. Or voici quelle sera ma revanche: je le guérirai, je le mènerai (parakaleo), je le réconforterai!»

 

Vu cet usage prépondérant de hodegeo dans la Septante, il est intéressant de noter quelques exemples de ce même mot dans le Nouveau Testament:

– «Car l’Agneau qui est au milieu du trône sera leur berger et les mènera aux sources d’eau vive (…).» (Ap 7.17)

– «Quand viendra l’Esprit de vérité, il vous mènera dans toute la vérité (…).» (Jn 16.13) Ceci fait écho au Psaume 143: «(…) Que ton bon Esprit me mène sur la voie droite!» (V.10)

– «[L’eunuque éthiopien] répondit: Comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me mène [dans la compréhension de l’Ecriture]? Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui.» (Ac 8.31)

 

Comme son synonyme au verset 2 étudié plus haut, ce mot dans le Nouveau Testament, le Seigneur mène principalement par son Esprit et le ministère de l’enseignement de la parole.

 

Où le Seigneur berger mène-t-il le psalmiste?

 

dans les sentiers de la justice

 

La tournure presque identique sur les «sentiers de la justice» (ma‘gelé tsedek) se trouve en Esaïe dans le contexte de la restauration du peuple dans le pays de Juda: «(…) toi qui es juste, tu aplanis le sentier du juste (ma‘gal tsadîq).» (26.7b) La juxtaposition de ces deux termes ne se trouve que dans ces deux passages. Le mot traduit «sentiers» se réfère plutôt aux traces laissées par le passage d’une charrette ou aux ornières causées par les multiples passages. Sans y être mené par le Seigneur berger, ce chemin difficile ne serait pas emprunté par son troupeau. Celui-ci préfère le chemin battu de sa propre voie, comme la génération de l’exode: «Pendant quarante ans, j’eus cette race en dégoût, et je dis: C’est un peuple dont le cœur est égaré; ils ne connaissent pas mes voies.» (Ps 95.10) Dans cette même veine, Esaïe dit: «Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre voie (…).» (53.6a) Etre mené dans ces sentiers veut dire avoir sa vie ordonnée selon les normes divines, être disposé (le vouloir) et rendu capable (le pouvoir) de mettre en œuvre la justice. Cette nouvelle soif de la justice est le fruit du renouveau de l’âme.

 

Qu’est-ce que la justice? La justice comprend les valeurs morales ou spirituelles d’une communauté, codifiées par la loi. La justice et la loi vont de pair. Cette dernière expose le cas  qui lie le rapport de droit et indique les actions à accomplir qui dénoueront ce rapport aboutissant dans la justice. En ce sens, le juste est celui qui ordonne sa vie selon les valeurs divines pour le bien de tous (et parfois à son propre détriment!).

 

Que veut dire pratiquer la justice? Vivre de cette manière relève, d’abord, d’une connaissance factuelle de la loi de Dieu ainsi que d’une compréhension des champs d’application de ces normes. Les dix commandements résument, sous forme de proscriptions («ne (…) pas»), toutes les prescriptions particulières et d’autres proscriptions de la Torah. Le reste de l’Ecriture éclaire ces lois et élargit les domaines où s’applique la justice dans la vie personnelle et communautaire. Mais ces connaissances ne suffisent pas.

 

Prenons, par exemple, le huitième commandement: «Tu ne voleras pas.» (Ex 20.25) Cette loi ne se limite pas à ce qu’il ne faut pas faire, à savoir enlever à quelqu’un son bien. La sagesse consiste à développer et à agrandir les sphères d’application de cette loi, en la confrontant à la justice, comme le montrent des exemples du chapitre 11 des Proverbes:

– «La balance fausse est en horreur au Seigneur, mais le poids juste lui est agréable.» (V. 1)

– «Au jour de la colère, la richesse ne sert à rien; mais la justice délivre de la mort.» (V. 4)

– «Le méchant fait un gain trompeur, mais celui qui sème la justice a un salaire véritable.» (V. 18)

– «Celui qui se confie dans ses richesses tombera, mais les justes verdiront comme le feuillage.» (V. 28)

 

La proscription du huitième commandement sur le vol, sous forme de proverbes, comprend l’honnêteté dans les affaires (vv. 1 et 18) et le détachement du cœur des richesses (vv. 4 et 28). Le sage ou le juste est celui qui pratique cette justice vis-à-vis de lui-même puis envers les autres.

 

La justice est souvent confrontée, dans la Torah et les Ecrits, à la pauvreté, comme l’illustrent les exemples suivants:

– «Ne commettez pas d’injustice dans les jugements: n’avantage pas le pauvre et ne favorise pas le grand, mais juge avec justice ton compatriote.» (Lv 19.15)

– «Soyez des juges pour le faible et l’orphelin, rendez justice au malheureux et au pauvre.» (Ps 82.3)

 

Rendre la justice, dans ces cas, nécessite l’impartialité à l’égard de la situation de la personne, faible ou forte. Ceci est souligné par l’usage d’autres termes connexes à la justice: équité et droiture (p. ex., Ps 89.14; 99.4; Pr 1.3; 2.9; cf. Jc 2.1-4).

 

La justice préconisée est souvent radicale. Pratiquer la justice peut signifier pourvoir aux besoins des pauvres (cf. Ex 23.11; Lv 19.10). Au sujet de la collecte organisée dans les Eglises des gentils en faveur de l’Eglise judéo-chrétienne à Jérusalem afin de soulager les effets d’une famine, Paul exhorte les Corinthiens en citant le Psaume 112.9: «(…) selon qu’il est écrit: Il a fait des largesses, il a donné aux pauvres; sa justice subsiste à jamais.» (2Co 9.9) Puis il ajoute le commentaire suivant: «Celui qui fournit de la semence au semeur, et du pain pour sa nourriture, vous fournira et vous multipliera la semence, et il augmentera les fruits de votre .» (v. 10; cf. Pr 11.4, 18, 28) La justice et la générosité sont étroitement liées à tel point que la justice est assimilée à ce geste de donner aux nécessiteux.

 

Cette mise en œuvre de la justice est développée sous un autre angle. A partir de la loi sur la restitution d’un vol (Ex 21.37-22.3), qui prescrit la peine pour avoir violé le huitième commandement, Paul va, en combinant ces lois, jusqu’à dire que le voleur qui dérobait afin de s’enrichir doit apprendre à travailler pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin (Ep 4.28). S’arrêter de voler ne suffit pas; car ne plus voler veut dire, au fond, travailler pour donner aux pauvres. Il s’agit d’un changement radical du cœur, de l’âme ou du désir. Au lieu de vouloir priver les autres de leurs biens, le voleur, maintenant converti, est prêt à se priver des fruits de son travail pour le bien des autres. En effet, c’est revêtir la nouvelle nature créée par Dieu «dans la justice» (v. 24).

 

La raison pour laquelle le Seigneur mène son troupeau sur ces sentiers de la justice est élucidée par la suite.

 

à cause de son nom

L’expression «à cause de son nom» est la même qui est employée par un psalmiste lorsqu’il précise la raison ultime pour laquelle le Seigneur a délivré son peuple après la révolte à la mer: «Mais il les sauva à cause de son nom (…).» (Ps 106. 8) En s’adressant à Ezéchiel, la même tournure est employée par le Seigneur: «Cependant je me mis à l’œuvre à cause de mon nom, pour qu’il ne fût pas profané aux yeux des nations parmi lesquelles ils habitaient. Je me fis connaître à eux, sous les yeux de ces nations, en les faisant sortir du pays d’Egypte.» (Ez 20.9) Esaïe parle du nouvel exode en ces termes: «C’est ainsi que tu as conduit ton peuple, pour te faire un nom glorieux.» (63.14) Ce que le Seigneur a fait en faveur de son peuple était la manière qu’il a choisie pour se faire connaître et pour révéler sa grâce. Mais il l’a fait, avant tout, à cause de son nom, raison pour laquelle il mène son peuple sur le chemin de la justice. Les œuvres de justice accomplies par son peuple révèlent au monde la bonté et la miséricorde (v. 6) du Seigneur.

 

V. 4, Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort

 

Si le psalmiste marche (halak), comme ses ancêtres, dans ce lieu qualifié «l’ombre de la mort» (tsalmavet), en quoi ou en qui placera-t-il sa confiance? Le prophète Jérémie rappelle à ses contemporains qu’ils sont comme leurs pères étourdis et la génération incrédule de l’exode: «Ils n’ont pas dit: Où est le Seigneur, qui nous a fait monter du pays d’Egypte, qui nous a fait marcher dans le désert, dans une terre aride et pleine de fosses, dans une terre où règnent la sécheresse et l’ombre de la mort, dans une terre par où personne ne passe, et où n’habite aucun homme?» (Jr 2.6; cf. Ps 107.10-14) L’oubli de la grâce de Dieu est au fond de l’aveuglement spirituel et de l’ingratitude (2P 1.9), d’où la nécessité de revivre, qui réactualise et personnalise ces hauts faits de Dieu, comme le psalmiste le souligne.

 

Un bon berger dans le désert pour la génération de l’exode: «Le Seigneur marchait devant eux, le jour dans une colonne de nuée pour les guider dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer; ils pouvaient ainsi marcher jour et nuit.» (Ex 13.12) Par cette présence dans la nuée et dans la colonne, certes pour guider et éclairer, mais aussi pour protéger contre le froid, la nuit; et la chaleur, le jour, le Seigneur a pourvu de cette façon aussi pour son peuple durant quarante années. Sa présence a accompagné le peuple jusqu’à la terre promise: «Je marcherai moi-même avec toi, et je te donnerai du repos.» (Ex 33.14)

 

En se souvenant de ces bienfaits, le psalmiste sait qu’il peut se confier au Seigneur. Même s’il traverse des circonstances terrifiantes, le Seigneur marchera avec ou devant lui. Assuré et confiant de la présence du Seigneur, grâce à cette réactualisation, le psalmiste peut dire:

 

je ne crains aucun mal

Les forces égyptiennes poursuivaient la génération de l’exode. Mais le Seigneur «(…) les mena en sûreté; ils ne craignaient pas (pahad), et la mer recouvrit leurs ennemis.» (Ps 78.53) L’heure arrivée pour entrer dans la terre promise, Moïse exhorte le peuple: «Seulement ne soyez point rebelles contre le Seigneur, et ne craignez pas (yare’) les gens de ce pays (…).» (Nb 14.9a) Lors de la crise assyrienne, le Seigneur des armées dit: «Ô mon peuple, toi qui habites en Sion, ne crains pas l’Assyrien! Il te frappe de la verge, et il lève son bâton sur toi, comme faisaient les Egyptiens.» (Es 10.24) Au sujet de la délivrance de l’exil: «Et toi, mon serviteur Jacob, ne crains pas, dit le Seigneur. Ne t’effraie pas, Israël! Car je te délivrerai de la terre lointaine, je délivrerai ta postérité du pays où elle est captive. Jacob reviendra, il jouira du repos et de la tranquillité, et il n’y aura personne pour le troubler.» (Jr 30.10; cf. 46.27-28)

 

Est-ce que l’affirmation «je ne crains aucun mal» veut dire, au fond, qu’il n’y a rien à craindre ou que le fidèle ne doit jamais avoir peur? Au contraire! Lorsque celui-ci sera devant une situation redoutable, il peut dire comme David: «Ô Dieu, je me plains à toi, écoute-moi! Préserve ma vie de l’ennemi que je crains!» (Ps 64.2) En même temps, il peut dire: «Le Seigneur est ma lumière et mon salut: de qui aurais-je crainte? Le Seigneur est le soutien de ma vie: de qui aurais-je peur?» (Ps 27.1) Ou encore: «Quand je suis dans la crainte, en toi je me confie. Je me glorifierai en Dieu, en sa parole. Je me confie en Dieu, je ne crains rien: que peuvent me faire des hommes?» (Ps 56.3-4, 11)

 

Jésus-Christ, la pierre angulaire de l’Eglise, le jour où il fut rejeté, priait: «Le Seigneur est pour moi, je ne crains rien: que peuvent me faire des hommes?» (Ps 118.6) Pourtant ces hommes l’ont tué. Plus loin, dans ce Psaume, il est dit au sujet de ce jour-là: «La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle. C’est du Seigneur que cela est venu. C’est un prodige à nos yeux. C’est ici le jour que le Seigneur a fait. Qu’il soit pour nous un sujet d’allégresse et de joie!» (118.22-24) Le jour dont il est question, c’est la Pâque véritable. Ce mal (rejet des hommes) a concouru au bien (salut en Christ). C’est le sujet de joie.

 

Certes, il y a le mal et le mal fait mal. Mais face aux situations qui font peur, le psalmiste n’est ni ébranlé ni immobilisé par la crainte. En voici la raison:

 

car tu es avec moi

Cette expression de la confiance du psalmiste est, comme nous l’avons dit, au cœur, au centre précis, du Psaume. La crainte confrontée à la reconnaissance de la présence du Seigneur se transforme en confiance et en courage. Cet échange est expliqué en toute simplicité: c’est l’assurance de la présence du Seigneur qui chasse la peur. Pourtant, cela ne signifie pas qu’il n’y a plus rien à craindre. Par exemple, dans l’histoire des ancêtres du psalmiste, l’arrivée à Canaan a provoqué la peur. A ce moment-là, le Seigneur a assuré le peuple de sa présence:

– «(…) le Seigneur est avec nous, ne les craignez point!» (Nb 14.9b)

– «Car le Seigneur, votre Dieu, marche avec vous, pour combattre vos ennemis, pour vous sauver.» (Dt 20.4)

 

David savait que, pour ses pères, le danger était réel. Avoir peur des ennemis était normal, et même sain. Les ennemis de David lui faisaient peur. Mais à cause de la crainte, qui n’a pas été mêlée avec la reconnaissance de la présence de Dieu avec eux, cette génération est tombée dans le désert. Elle a même eu l’audace de demander: «Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non?» (Ex 17.7) Mais la confiance et le courage du psalmiste dans de telles circonstances s’inspirent du fait que c’est, par sa présence, «avec», que le Seigneur délivre.

 

Cette présence s’incarnera dans la venue au monde de Jésus. Dans le récit de sa naissance, Matthieu précise que sa présence et la délivrance vont de pair:

[Marie] enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Tout cela arriva afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous. (Mt 1.21-23; cf. Es 7.14)

 

Mais quel rapport existe-t-il, dans l’esprit de l’évangéliste, entre le nom donné au fils dans la prophétie d’Esaïe et à celui que Marie enfanterait? Cette brève narration s’appuie sur la théologie du «Dieu avec nous» de l’Ancien Testament. Ce faire-part d’Esaïe d’une naissance, donné lors de la crise assyrienne, devait inspirer la confiance et chasser la peur, car dire Emmanuel signifiait «Dieu est avec nous pour nous délivrer». Or, le nom Jésus veut dire «le Seigneur sauve». Cet Emmanuel, «Dieu avec nous», c’est le «Seigneur sauveur» qui est venu au monde. Cette fois-ci, la délivrance serait beaucoup plus grande que celle des mains des ennemis égyptiens, cananéens ou assyriens. C’est la délivrance du péché, l’ennemi le plus redoutable6.

 

La rédemption, ainsi que toutes les grâces qui en découlent, n’a pas été accomplie par un Dieu lointain, mais par le Seigneur qui est toujours là, avec son peuple, pour le secourir.

 

ta houlette et ton bâton me réconfortent

La houlette (shebet), dans les mains d’un roi, c’est son sceptre (Gn 49.10; Za 10.11), signe de sa souveraineté et de sa puissance. De même, la houlette et le bâton, dans les mains d’un berger, servent à guider le troupeau et à le défendre contre les bêtes féroces et les brigands. Ces sont les outils indispensables qui permettent au berger d’exercer son métier.

 

Ces deux instruments figurent dans le vocabulaire de la tradition de l’exode. De façon négative, la houlette symbolise la subjugation aux mains des oppresseurs: «Ô mon peuple, toi qui habites en Sion, ne crains pas l’Assyrien! Il te frappe de la houlette, et il lève son gourdin sur toi, comme faisaient les Egyptiens.» (Es 10.24) Mais, dans l’aspiration du prophète Michée, cet instrument symbolise les bienfaits du Seigneur tant attendus: «Pais ton peuple avec ta , le troupeau de ton héritage (…) comme au jour d’autrefois. Comme au jour où tu sortis du pays d’Egypte (…).» (7.14a, 15a) L’autre instrument, le bâton (mish‘enet), est mentionné en rapport avec la traversée du désert dans le cantique «Le Puits»: «Puits, que des princes ont creusé, que les grands du peuple ont creusé, avec le sceptre, avec leurs bâtons!» (Nb 21.18)

 

Puisque, dans la tradition de l’exode, la houlette et le bâton sont les outils avec lesquels le berger s’occupe de son troupeau, ceux-ci sont, à juste titre, une source de réconfort pour le psalmiste. Etre réconforté (nhm) fait partie du langage de la rédemption, surtout en vue de la délivrance future. Dans le cantique de Moïse du Deutéronome: «Le Seigneur jugera son peuple; mais il réconfortera ses serviteurs, en voyant que leur force est épuisée (…).» (32.36) Cette délivrance constitue un thème majeur d’Esaïe 40-66. Cette section du livre s’ouvre par cette parole:

Réconfortez, réconfortez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et proclamez à son adresse que sa corvée est remplie, que son châtiment est accompli, qu’elle a reçu de la main du Seigneur deux fois le prix de toutes ses fautes. Une voix proclame: Dans le désert dégagez un chemin pour le Seigneur, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu! Que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient rabaissées, que l’éperon devienne une plaine et les mamelons une trouée! Alors la gloire du Seigneur sera dévoilée et tous les êtres de chair ensemble verront que la bouche du Seigneur a parlé. (Es 40.1-5)

 

Plus loin, le même prophète dit: «Explosez, poussez des acclamations toutes ensemble, dévastations de Jérusalem, car le Seigneur réconforte son peuple, il rachète Jérusalem.» (Es 52.9) Et aussi: «(…) je le guérirai, je le mènerai, je le réconforterai (…).» (57.18)

 

Ce réconfort vécu par le psalmiste tient à l’assurance de sécurité qu’il éprouve. Il sait que son berger, ainsi équipé, peut le protéger et pourvoir à tous ses besoins.

 

V. 5, Tu dresses devant moi une table (…) coupe (…)

 

C’est une expression de reconnaissance de la part de l’invité, le psalmiste, envers l’accueil de l’hôte, le Seigneur. Comme indiqué au départ, ce motif du Seigneur hôte est mis en relief dans cette seconde partie du Psaume. Cet accueil est dépeint et repris par le terme de festin. Ce motif, tout comme celui du berger, met en avant le thème de l’exode. L’expression «dresser une table» se trouve pour la première fois dans la bouche de cette génération: «Ils parlèrent contre Dieu, ils dirent: Dieu pourrait-il dresser une table dans le désert?» (Ps 78.19) Au lieu d’être confiant et reconnaissant, ce peuple remettait en question le soin que Dieu prenait de lui. L’obstacle, pour ces gens, était d’avoir à attendre l’intervention miraculeuse pour pouvoir manger. Ils ne voyaient pas la nourriture avant que cela ne tombe chaque jour du ciel. Pour ces gens sans foi, cela est devenu insupportable; une pierre d’achoppement au lieu d’une occasion de surmonter cette absence de vue par la foi dans les promesses du Seigneur (cf. Ex 16 et Nb 11).

 

Il existait une autre table: la table rituelle dans le tabernacle du désert et dans le temple dans la terre promise. C’était l’endroit où on mettait les pains de la présence (celle du Seigneur), arrangés devant la tente de rencontre, qui abritait l’arche de l’alliance (Ex 25.23; 40.4, 23; Lv 24.8; Nb 4.7; 2Ch 29.18). Les signes de convivialité, dresser une table et remplir une coupe, constituent, en Esaïe 65.11, une figure de la communion rituelle mais avec des idoles (cf. 1Co 10.21). En Malachie 1.7, 12, la table du Seigneur est assimilée à l’autel, lieu des sacrifices sanglants substitutifs, fondement du rétablissement de la communion. Manger et boire en Exode 32.6 accompagnaient la présentation de sacrifices lors du culte de la statue du veau d’or ( 1Co 10.6). A la lumière de ces usages, il est clair que ces termes, table et coupe, peuvent renvoyer aux rites par lesquels l’adorateur, en visualisant les réalités spirituelles signifiées, s’approchait de Dieu.

 

Si cette table dressée par le Seigneur dans ce Psaume se réfère à un rite, plus précisément à un sacrifice, celui-ci pourrait être, étant donné le thème dominant de la rédemption, l’immolation de l’agneau et le repas pascal. Par la suite, bien que toujours mangé en groupes de familles, l’agneau pascal figurait parmi les sacrifices offerts au temple (Dt 16.2, 4-8; cf. Nb 9.10; 2R 23.21-23). «Tu dresses une table» peut exprimer la reconnaissance de David pour l’œuvre rédemptrice rituellement symbolisée par le sacrifice ou le repas pascal.

 

Le soir de la Pâque, à table avec ses disciples, qualifiée «la table du Seigneur» (1Co 10.21), le Christ, l’Agneau pascal de Dieu (Jn 1.29; 1Co 5.7; Ap 5.6, 7.17), a parlé en ces termes: «Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang.» (Lc 22.20; 1Co 11.25) Cette coupe était, dans la tradition liturgique ancienne, employée ce soir-là, la troisième coupe, celle qu’on buvait après le repas (Mishnah, Pes. 10.7; Lc 22.20; 1Co 11.25). Cette coupe, dans la tradition juive, est appelée «la coupe de la rédemption» ou «la coupe de bénédiction» (1Co 10.16). Cette troisième coupe fut ainsi désignée, car la grande délivrance a eu lieu après le repas de la Pâque, qui symbolisait rituellement le rachat.

 

Manger et boire dans un contexte rituel renvoient ultimement à l’alliance qui est à la base des rites et de ce rapport convivial avec le Seigneur, dont bénéficie le psalmiste (cf. Ex 24.11; Dt 31.20 et la sainte cène). Ayant à l’esprit ces éléments, on peut comprendre que le psalmiste fasse référence, au moyen de la table et de la coupe, à la communion avec le Seigneur, une grâce communiquée rituellement dans sa maison ( v. 6).

 

en face de mes adversaires

Le choix du mot «adversaires» (tsorer) dans le Psaume fait penser, d’abord, aux forces égyptiennes qui poursuivaient Israël: «Les eaux recouvrirent leurs adversaires, aucun de ceux-ci n’en réchappa.» (Ps 106.11; cf. 78.53, 66) Puis, dans le récit de l’idolâtrie dans les plaines de Moab, ce même mot se réfère à un autre adversaire: «Le Seigneur parla à Moïse, et dit: Traite les Madianites en adversaires, et tuez-les; car ils se sont montrés vos , en vous séduisant par leurs ruses, dans l’affaire de Peor (…).» (Nb 25.16-17) Comme cela est rappelé par David au Psaume 83, ces derniers troublaient Israël, dans la terre promise au temps de Gédéon: «(…) ces gens qui avaient déclaré: Emparons-nous du pâturage (navah; cf. Ps 23.2) de Dieu!» (v. 13)

 

Dresser une table, manger et boire, oindre d’huile les boucliers faisaient partie des préparatifs pour une bataille: «On dresse la table, la garde veille, on mange, on boit (…) Debout, princes! Oignez le bouclier!» (Es 21.5) Au temps même du conflit, David saisissait l’occasion de se fortifier et de s’équiper des armes spirituelles par la communion avec le Seigneur. A la différence de la génération de l’exode, qui a remis en cause le pouvoir de Dieu de pourvoir à leurs besoins, le psalmiste exprime sa confiance dans le Seigneur qui peut subvenir à tout ce dont chacun a besoin.

 

tu oins d’huile ma tête, et ma coupe déborde

Le verbe ici n’est pas «oindre» (mashah) mais «graisser, enduire» (au piel dishen) apparenté au mot «graisse» (deshen; des offrandes Lv 1.6; cf. Nb 4.13; Ps 20.4; Es 34.6; des olives, c’est-à-dire l’huile d’olive, Jg 9.9). Dans ce Psaume, il ne s’agit pas d’une onction quelconque non seulement à cause du verbe, mais aussi parce que pour oindre un roi ou un prêtre cette huile a été versée ( Ex 29.7; 1S 10.1; 2S 1.16; 2R 9.3, 6). Graisser ou enduire d’huile la tête des invités faisait partie des festins. L’hôte, en guise d’accueil et de reconnaissance de la présence du convié, s’en occupait.

 

Le verbe au qal, «s’engraisser», est employé une fois dans le contexte de l’installation en Canaan: «Car je mènerai ce peuple dans le pays que j’ai juré à ses pères de lui donner, pays où coulent le lait et le miel; il mangera, se rassasiera, s’engraissera, se tournera vers d’autres dieux et les servira; il me méprisera et violera mon alliance.» (Dt 31.20) Manger, se rassasier, s’engraisser sont les gestes qui accompagnaient les rites cultuels.

 

Ce n’est pas que la coupe du psalmiste débordait; mais l’hôte soucieux tenait à ce qu’elle soit toujours pleine à ras bord. Le qualificatif «déborde» (revaya) est apparenté au verbe «rassasier» (ravah) et n’est employé qu’une seule fois ailleurs, dans le Psaume 66.12, où ce terme peut vouloir dire «abondance» ou même «banquet» (TOB). Quoi qu’il en soit, ce mot est utilisé dans le contexte du sanctuaire, des sacrifices et des vœux (v. 13).

 

Au Psaume 36.9, la graisse qui rassasie se trouve dans la maison de Dieu. En Esaïe 55.2, ce qui rassasie vraiment, plutôt que de manger et de boire, c’est se délecter de la graisse pour l’âme, en l’occurrence, de l’écoute de la parole et de l’alliance éternelle du Seigneur.

 

Ces expressions du verset 5 se trouvent également dans des textes du Proche-Orient ancien. Pour le récompenser, le souverain invitait son vassal fidèle à un banquet pour qui «il dresse une table». Dans un banquet de dédicace d’un palais mésopotamien, les mets savoureux et abondants fournis par le roi sont résumés «graisse» (dsn) et «plein/abondance» (rvh). Le roi oint d’huile la tête des invités7.

 

Comme dans ce Psaume, la juxtaposition du motif du berger et de celui de l’hôte se fait, dans la prophétie de Jérémie du nouvel exode et de la nouvelle alliance, par l’emploi de ces mêmes termes et d’autres se trouvant dans cette seconde moitié du Psaume:

Nations, écoutez la parole du Seigneur, et publiez-la dans les îles lointaines! Dites: Celui qui a dispersé Israël le rassemblera, et il le gardera comme le berger garde son troupeau. Car le Seigneur rachète Jacob, il le délivre de la main d’un plus fort que lui (…). Leur âme sera comme un jardin arrosé (rvh); ils ne seront plus dans la souffrance (…). Alors les jeunes filles se réjouiront à la danse, les jeunes hommes et les vieillards se réjouiront aussi; je changerai leur deuil en allégresse, et je les consolerai (nhm; cf. Ps 23.4, «réconforter», v. 4 ci-dessus). Je leur donnerai de la joie après leurs chagrins. Je rassasierai (rvh) de graisse (dsn) l’âme des sacrificateurs, et mon peuple se rassasiera de ma bonté (tûbî; cf. Ps 23.6, «bonté» ci-dessous), dit le Seigneur. (Jr 31.10-14)

 

Puisque le Seigneur, qui rassemble son troupeau, va combler de graisse l’âme des prêtres, les rachetés, même parmi les nations, seront rassasiés de sa bonté. Les tâches des prêtres consistaient, en résumé, à enseigner la parole et à présider aux sacrements (Dt 33.10). Ils avaient à se servir de ces moyens de grâce pour le bien-être du peuple racheté.

 

Ce verset du Psaume 23, par ces gestes – dresser une table, enduire/graisser d’huile la tête, la coupe pleine à ras bord – certes, souligne la générosité de l’hôte, le souverain Seigneur, qui fait tout pour que son convive soit comblé. En même temps, ces figures renvoient aux rites qui symbolisent la communion spirituelle qui rassasie l’âme.

 

V. 6, Oui, la bonté et la miséricorde

 

Le Psaume 106, qui commémore la rédemption de l’Egypte, débute par la louange: «Louez le Seigneur! Louez le Seigneur, car il est bon (tôb; même mot traduit «bonté» au v. 6 du Ps 23), car sa miséricorde (hesed) dure à toujours!» (v. 1) Ce Psaume se poursuit en disant: «Nos pères en Egypte ne furent pas attentifs à tes miracles, ils ne se rappelèrent pas la multitude de tes miséricordes, ils furent rebelles près de la mer, près de la mer Rouge. Mais il les sauva à cause de son nom, pour manifester sa puissance.» (vv. 7-8) Puis, dans le cantique de Moïse: «Par ta miséricorde tu as conduit, tu as racheté ce peuple; par ta puissance, tu le diriges vers la demeure de ta sainteté.» (Ex 15.13a) La rédemption est l’œuvre par excellence par laquelle le Seigneur montre sa bonté et sa miséricorde.

 

La Septante traduit de façon caractéristique «miséricorde» (hesed) par eleos. Ce mot se trouve très fréquemment dans le Nouveau Testament. La prophétie du prêtre Zacharie va dans le même sens que le Psaume 106:

Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple, et nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur, comme il l’avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens, – un Sauveur qui nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent! C’est ainsi qu’il manifeste sa miséricorde envers nos pères, et se souvient de sa sainte alliance. (Lc 1.68-72)

 

Cette prophétie de Zacharie met en rapport la rédemption de l’Egypte et celle qui se réaliserait en Jésus-Christ. En le faisant, ce prêtre souligne, en quelques mots, les axes cruciaux de la théologie de l’Ancien Testament: le rachat est la manifestation par excellence de la miséricorde du Dieu d’Israël. En même temps, cette rédemption constitue une œuvre de grâce qui dépend entièrement du rapport de l’alliance conclue dans le passé. Car, en établissant l’alliance, le Seigneur peut se montrer miséricordieux en délivrant son peuple de sa misère.

 

Le rachat constitue l’action salutaire qui démontre la bonté et la miséricorde du Seigneur.

 

m’accompagneront

Ce verbe, qu’on peut mieux traduire par «poursuivre» (radap), surprend. Ce mot, avec un complément d’objet de personne, a toujours une connotation péjorative. C’est ce que les Egyptiens ont fait aux Israélites une fois sortis d’Egypte: «L’ennemi disait: Je poursuivrai, j’atteindrai, je partagerai le butin; ma vengeance sera assouvie, je tirerai l’épée, ma main les détruira.» (Ex 15.9; voir aussi 14.4, 8, 9, 23; Dt 1.44; 11.4; 32.30) Ce même terme est employé pour les sanctions qui poursuivent ceux qui ne respectent pas les stipulations de l’alliance: «Toutes ces malédictions viendront sur toi, elles te poursuivront et seront ton partage jusqu’à ce que tu sois détruit, parce que tu n’auras pas obéi à la voix du Seigneur, ton Dieu, parce que tu n’auras pas observé ses commandements et ses lois qu’il te prescrit.» (Dt 28.45) En revanche, pour le psalmiste qui s’attache au Dieu rédempteur, c’est la bonté et la miséricorde de son Dieu, grâces imméritées, qui le poursuivront. Sa vie est bénie.

 

tous les jours de ma vie

Par cette tournure «tous les jours de ma vie» (kol yemé hayyaï), le psalmiste exprime sa jouissance quotidienne des bénédictions d’alliance. Ceci pour avoir respecté l’alliance du Seigneur et s’être approprié les moyens de grâce préconisés.

 

La même tournure apparaît dans une exhortation deutéronomique concernant l’installation dans la terre promise: «Seulement, prends garde à toi et veille attentivement sur ton âme, tous les jours de ta vie, de peur que tu n’oublies les choses que tes yeux ont vues, et qu’elles ne sortent de ton cœur; enseigne-les à tes enfants et aux enfants de tes enfants.» (Dt 4.9; cf. v. 1) Ce principe de vie a été rappelé aux Israélites juste avant l’entrée dans la terre promise, événement qui a eu lieu au commencement de la Pâque (Jos 4.19; Ex 12.3). Cette expression  stipule et codifie le souvenir de l’exode par la loi sur l’observance de la Pâque: «Pendant la fête, tu ne mangeras pas du pain levé, mais tu mangeras sept jours des pains sans levain, du pain d’affliction, car c’est avec précipitation que tu es sorti du pays d’Egypte: il en sera ainsi, afin que tu te souviennes tous les jours de ta vie du jour où tu es sorti du pays d’Egypte.» (Dt 16.3) Ceci nécessite un choix préalable rappelé à la fin des listes des bienfaits et des malheurs dressées dans le Deutéronome: «J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité.» (30.19)

 

Le psalmiste a fait le bon choix. Il a choisi la vie. Si oui, il reconnaît que ce choix est aussi le résultat d’une œuvre de grâce, la rédemption, appliquée à sa vie. Ce choix doit être nourri et renouvelé. Comment? En communion avec le Seigneur dans sa maison. Comme David l’exprime ailleurs: «Je demande au Seigneur une chose, que je désire ardemment: je voudrais habiter tous les jours de ma vie dans la maison du Seigneur, pour contempler la magnificence du Seigneur, et pour admirer son temple.» (Ps 27.4)

 

Il formule une résolution semblable dans la strophe suivante.

 

et je reviendrai dans la maison du Seigneur

Cette strophe du Psaume soulève bon nombre de questions. Certains commentateurs prétendent que «la maison du Seigneur» se réfère métaphoriquement, ici comme parfois ailleurs, à la terre promise (cf. «ma maison» en parallèle avec «mon héritage», Jr 12.7; «pays» terme parallèle à «maison du Seigneur», Os 9.3-4; voir aussi 8.1; Za 9.8). Ainsi la mention de cette maison évoquerait, comme d’autres termes dans le Psaume, le thème de l’exode. Nous y reviendrons.

 

Quant au verbe, s’agit-il de «habiter» (yashab) ou de «revenir» (shûb)? La difficulté principale de «et j’habiterai» est qu’il manque à la forme du verbe le premier radical (y ou avec la voyelle correspondante ya). Toutefois, si les autres consonnes sont celles du verbe habiter, il s’agirait d’une forme syncopée et hybride (yashabtî abrégée en shabtî).

 

Une autre hypothèse avancée en faveur de ce verbe nécessite un changement des voyelles; les consonnes du texte traditionnel (shbt) auraient dû être vocalisées comme l’infinitif shibtî («mon habitation»)8. Ainsi le texte donnerait «et mon habitation est dans la maison du Seigneur». C’est le même infinitif employé au Psaume 27.4 cité plus haut: «(…) je voudrais habiter [litt. «mon habitation»] tous les jours de ma vie dans la maison du Seigneur (…).» (Cf. le même infinitif, «ton [du Seigneur] habitation» en Ex 15.17)

 

Or, si la forme du verbe dans le texte est celle toujours traduite ailleurs «et je reviendrai»9, pourquoi plusieurs versions anciennes et modernes et certains commentateurs lisent-ils «et j’habiterai»? Le problème majeur relatif à ce verbe «revenir» est d’ordre syntaxique. Le complément «maison du Seigneur» est précédé de la préposition normale pour dire «habiter dans» (b-) et non pas «revenir à» (’el). C’est sans doute pour cela que la Septante, la Vulgate et les Targums traduisent «j’habiterai». Cette raison est également évoquée par certains commentateurs, qui pensent qu’il s’agit d’un constructio praegnans qui signifie: «Je retournerai à la maison du Seigneur, et y retournant j’y habiterai.»10 Ainsi l’incongruité entre le verbe et la préposition préfixée au complément est voulue.

 

Quelle issue trouver? Il s’avère que la préposition b- employée ici peut, selon le contexte, aussi signifier «à», comme le montre l’exemple suivant: «Le peuple ne sacrifiait qu’aux (b-) hauts lieux, car jusqu’à cette époque il n’avait point été bâti de maison au nom du Seigneur.» (1R 3.2; cf. 22.44; 2R 12.4; 14.4; «sacrifier sur» [‘al] un autel, Ex 20.24; 1R 13.2) A la lumière de cet usage, on peut supposer que le verbe et la préposition dans ce verset du Psaume 23 peuvent être traduits «je reviendrai à».

 

Cette solution cadre bien avec le contexte immédiat; c’est dans les deux derniers versets du Psaume où le motif de l’hôte est palpable. Dans ce contexte des images rituelles sous forme d’un festin, la maison dont il est question serait plus naturellement le sanctuaire. C’est aussi le sens premier, même si le mot «maison» peut parfois renvoyer métaphoriquement à la terre promise. Le psalmiste veut revenir au temple pour méditer le rachat de son peuple afin de louer le Seigneur pour sa faveur envers lui. Y revenir, dans le contexte de la grande rédemption, serait pour assister à la fête de la Pâque.

 

pour la durée de mes jours

Ce complément circonstanciel, «pour la durée de [mes] jours» (’orek yamîm), peut être traduit «pour la prolongation de [mes] jours». Cette dernière formulation constituerait un complément circonstanciel de but et non pas de temps comme l’autre. C’est la même expression qui se trouve dans l’exhortation deutéronomique relative au principe de vie citée plus haut. En voici la suite: «Choisis la vie (…) pour aimer le Seigneur, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t’attacher à lui: car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours, et c’est ainsi que tu pourras demeurer dans le pays que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob.» (30.20)

 

David expose-t-il son désir de continuer à revenir à la maison du Seigneur? A la lumière de l’usage deutéronomique et d’autres occurrences de cette expression (Ps 21.5; 91.6; Pr 3.2, 16), le psalmiste considère plutôt que la longueur de sa vie dépend de son attachement au Seigneur, et ceci en s’appropriant les moyens de grâce pourvus dans le cadre de l’alliance. Ces moyens de grâce et la maison du Seigneur sont inséparables.

 

V. LA RÉACTUALISATION DU RACHAT ET LE MINISTÈRE DU CHRIST

 

Nous avons, au fur et à mesure, signalé les mots et les images du Psaume 23 qui sont repris dans le Nouveau Testament et appliqués à Jésus. Cette lecture n’est pas surprenante étant donné le thème dominant du Psaume. Le rachat de l’esclavage en Egypte est le présage par excellence de l’œuvre rédemptrice en Christ. Mais, étant donné la manière dont ce thème est repris, peut-on considérer la réactualisation de David comme préfigurant le ministère de Jésus-Christ? Quant à sa propre expérience, les affirmations du psalmiste sont, le plus souvent, aux antipodes des assertions de la génération de l’exode. Le psalmiste personnalise surtout les occasions de chute dans cette histoire, circonstances dans lesquelles s’est enflammée la colère divine contre le peuple. Son histoire à lui, c’est l’anti-histoire de ce peuple. David réactualise cette histoire en réaffirmant, en ce qui le concerne, le contraire de ce qui s’est passé.

Le tableau suivant récapitule ce phénomène:

      Histoire de la génération de l’exode

Anti-histoire du psalmiste

«un veau (…) voici ton dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte» (Ex 32.8)

«le Seigneur mon berger» (v. 1a)

«(…) avoir manqué d’y entrer» (Hé 4.1)

«je ne manquerai de rien» (v. 1b)

«Ils ont irrité Dieu près des eaux de Meriba» (106.32); «Ils n’entreront pas dans mon repos!» (95.11)

«tu me mènes près des eaux de menuhah» («repos», v. 2)

«notre âme est dégoûtée» (Nb 21.15); «ce peuple dont le cœur est égaré» (95.8, 10)

«il ramène mon âme» (v. 3a)

«Ils se sont promptement écartés de la voie (…)» (Ex 32.8); «ils ne connaissent pas mes voies» (Ps 95.10b)

«il me conduit dans les sentiers de la justice» (v. 3b)

«Ils furent rebelles près de la mer (…) mais il les sauva à cause de son nom» (Ps 107.7-8)

«à cause de son nom» (23.3c)

«Ils n’ont pas dit: Où est le Seigneur? (…) qui nous a fait marcher dans tsalmavet» (Jr 2.6)

«quand je marche dans tsalmavet» (v. 4)

«Nous ne pouvons pas monter pour combattre ce peuple (…) Ne craignez pas les gens de ce pays» (Nb 13.31; 14.9)

«je ne crains aucun mal» (v. 4b)

«le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non?» (Ex 17.7)

«car tu es avec moi» (v. 4c)

«Dieu peut-il dresser une table dans le désert?» «Pourra-t-il aussi donner du pain, ou fournir de la viande à son peuple?» (78.19-20)

«tu dresses devant moi une table» (v. 5a)

«ce peuple mangera (…) s’engraissera; il se tournera vers d’autres dieux (…) et violera mon alliance» (Dt 31.20)

«tu graisses d’huile ma tête (v. 5b)

«Le peuple s’assit pour manger et pour boire» (Ex 32.6; culte du veau d’or)

«table (…) ma coupe déborde» (v. 5a, c)

«Ils ne se rappelèrent pas la multitude de tes miséricordes» (Ps 106.7)

«la miséricorde» (v. 6)

«Toutes ces malédictions te poursuivront» (Dt 28.45)

«la bonté et la miséricorde me poursuivront» (v. 6)

 

Ce phénomène du renversement de l’histoire à travers la réactualisation, surtout les occasions de chute de la génération de l’exode, se trouve également dans la vie du Christ rapportée dans les évangiles. En fait, le passage de la mer, la traversée du désert et l’entrée dans la terre promise fournissent le schéma du déroulement des événements dans la vie et le ministère de Jésus. Il revêt cette histoire caractérisée par la désobéissance et il la refaçonne dans le moule de sa parfaite obéissance.

 

D’abord, comme les Israélites baptisés dans la mer, il passe par les eaux du baptême (Mt 4.13-17; cf. 1Co 10.1-2)11. Le passage de la mer pour les Israélites était, pourtant, l’occasion de la première grande chute (Ex 14.10-14). En sortant des eaux, Jésus, déclaré «mon fils», fait écho à l’esclave Israël, «mon fils», ainsi qualifié pour la première fois à l’aube de la rédemption (Mt 4.17; Ex 14.22). Comme le Seigneur a conduit son troupeau dans le désert (Ps 78.52b; verbe traduit en grec ago), Jésus est alors conduit (ago) dans le désert par l’Esprit (Mt 4.1; Lc 4.1). Pourtant Jésus y est conduit «pour être tenté (perazo) par le diable» (Mt 4.1; cf. Mc 1.13; Lc 4.2). Dieu «a mis à l’épreuve» (nissah traduit en grec perazo) les Israélites dans le désert (Ex 15.25; 16.4; 20.20; Dt 8.2, 16). Ils ont échoué devant ces épreuves. Jésus reprend cette histoire.

 

Puis les récits sur la tentation de Jésus précisent la durée de son séjour dans le désert (Mt 4.1-11; Mc 1.12-13; Lc 4.1-13). Les quarante jours que Jésus passe dans le désert correspondent à la durée précise de l’exploration de la terre promise, d’où la peine de quarante ans d’errance infligée à cause du refus d’y entrer (Nb 14.34). Cela rappelle aussi les quarante ans pendant lesquels les Israélites ont tenté Dieu (nissah ou, en grec, perazo; Ex.17.7; Dt 6.16; 33.8; Ps 78.18, 41; 95.9; 106.14). C’est aussi pendant la même durée que Dieu a eu cette génération en dégoût (Ps 95.10). Il ne s’agit pas uniquement d’une tentation personnelle à laquelle il a dû, dans son humanité, résister pour montrer son obéissance active à la volonté de Dieu en toutes choses. En fait, Jésus incarnait, en tant que Fils, les épreuves qui ont conduit au jugement des fils d’Israël de la génération qui est tombée dans le désert. La durée du séjour de Jésus dans le désert fait le lien entre la tentation et la rébellion de la génération de l’exode.

 

Viennent ensuite les trois tentations. Le jeûne de Jésus, mentionné en préambule, est en lien étroit avec la première tentation – changer les pierres en pains – que le diable a jetée à la figure de Jésus, qui «eut faim» (Mt 4.2; Lc 4.2). Les murmures des Israélites à Sin, et leur révolte à Massa et à Meriba provenaient, d’abord, de leur faim, puis de leur incrédulité quant au pouvoir du Seigneur de procurer du pain et de l’eau (Ex 16.1s; 17.1s). Ensuite, la tentation relative à tous les royaumes du monde, que le diable disait qu’il donnerait à Jésus, correspond à la promesse, foulée aux pieds par le peuple, que le Seigneur lui livrerait tous les royaumes de la terre promise (Dt 3.21; 28.25). Puis, la tentation d’agir d’une manière présomptueuse en  se jetant du pinacle du Temple pour que Dieu, selon sa parole, vienne secourir son Fils correspond à la présomption des fils d’Israël qui, à cause de la sanction due à leur refus d’entrer dans la terre promise, ont obstinément décidé, après coup, d’y monter en supposant que Dieu, comme il l’avait promis auparavant, leur viendrait en aide (Nb 14.40-45; Dt 1.41-44). A la lumière de ces parallèles, les tentations auxquelles Jésus est confronté lui font revivre les expériences d’échec de la génération de l’exode. Contrairement à elle, il les surmonte par la parole.

 

Puis, face à ces tentations, toutes les réponses scripturaires de Jésus sont, dans leur contexte deutéronomique, les paroles adressées à la nouvelle génération avec laquelle le Seigneur a renouvelé l’alliance. Moïse raconte les souvenirs des événements passés pour exhorter le peuple à propos de son avenir dans la terre promise. La raison pour laquelle Dieu a éprouvé la génération précédente par la faim était de lui apprendre que «l’homme ne vit pas de pain seulement mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur» (Dt 8.3). C’est la réplique de Jésus à la première tentation. Face à cette épreuve, cette génération a échoué. Mis de nouveau à l’épreuve, Jésus répond: «Vous ne tenterez pas le Seigneur.» Il rappelle ainsi l’incident de Massa et de Meriba, où le peuple avait tenté Dieu (Dt 6.16). Puis, pour résister encore une fois à la tentation, Jésus donne l’ordre au diable: «Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, c’est à lui que tu rendras un culte.» Ceci vient de l’avertissement concernant les dieux auxquels le peuple ne doit pas se rallier une fois arrivé dans la terre promise (Dt 6.13-14). L’histoire de cette première génération dans la terre promise est justement marquée par ce péché (Jg 2.2s).

 

Il est clair que le diable cherchait à faire tomber Jésus, comme la génération de l’exode qui est tombée dans le désert. Il a été tenté en toutes choses comme les fils d’Israël, mais, contrairement à eux, par son obéissance active, le Fils de Dieu a parfaitement accompli la volonté du Père.

 

Son baptême et son triomphe sur la tentation dans le désert précèdent son ministère public. Ces événements introduisent une réactualisation du conflit qui a eu lieu pour prendre possession et s’installer dans la terre promise. Le rapprochement de son nom et de celui qui a conduit le peuple dans la terre promise n’est pas gratuit; «Jésus» est la forme grécisée du nom hébreu «Josué». Comme les Israélites ont traversé le Jourdain près de Jéricho lors de la Pâque, Jésus le fait aussi au même endroit et au même moment en tant qu’Agneau de Dieu (Jn 1.23; cf. 10.40)12. Une fois entré, il traverse le pays, comme les Israélites, du sud au nord, et arrive en Galilée.

 

Jésus mène la conquête et prêche la bonne nouvelle de l’irruption du royaume de Dieu (Mt 4.17-25). Depuis la montagne, il octroie la loi du royaume des cieux. Il prononce les béatitudes attachées à la mise en œuvre de la loi sur la terre pour que le règne de Dieu vienne et que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Et lui, il commence à accomplir tout ce qui est écrit dans la loi et les prophètes (Mt 5.17s; 6.10-13). Il poursuit son ministère en démontrant sa puissance sur l’ennemi par ses miracles, en guérissant les malades et les possédés (Mt 4.23; 8.1s). Tout au long de son ministère, Jésus s’oppose à ceux qui aveuglent le peuple. Comme le Seigneur a chassé les nations ennemies devant Israël (garash; en grec ekballo; p. ex., Ex 23.29-32; 33.2; 34.11), Jésus chasse (ekballo) les démons et ceux qui désacralisent le temple (p. ex., Mt 8.31; 10.1; 17.19; Lc 19.45).

 

En effet, son ministère public reprend l’histoire de l’homme depuis la chute. Par la tentation dans le jardin d’Eden, Satan a voulu usurper le dominion sur l’homme et sur la femme investis divinement de cette autorité. En revanche, au commencement de son ministère, Jésus, le logos créateur, rétablit comme norme et le mandat créationnel et la bénédiction prononcée sur le couple, mâle et femelle (Gn 1.27). Il le fait par sa présence aux noces de Cana (Jn 2.1-11), où il a opéré son premier miracle en changeant l’eau en vin, car «le vin venait à manquer» (hustereo; cf. Ps 23.1). Le renouvellement du mandat est fait par la présence de ce dernier Adam avec sa mère, qui, comme Eve (signifiant «Vivante», «la mère de tous les vivants», Gn 3.20), au travers de son fils, est la dernière «Eve» de tous ceux qui ont la vie en lui. En assistant au mariage, il rétablit la bénédiction du couple. Le «bon» vin qu’il a créé rappelle le «bon» prononcé sur les œuvres de création. Certes, sa présence aux noces préfigure les réalités qui s’ensuivraient pleinement, les noces de l’Agneau eschatologique, car, comme Jésus l’a réitéré: «mon heure n’est pas encore venue» ( Ap 19.1s). Cette heure, la Pâque, est celle de sa mort (Mt 26.45).

 

Par son obéissance active, dans son baptême, sa tentation et son ministère public, Jésus, le Fils de Dieu, défait, oui, l’histoire des fils d’Israël, mais aussi l’histoire entière de l’humanité déchue. Au moyen de son obéissance passive sur la croix, Jésus délie la malédiction attachée aux mauvaises œuvres de l’homme, sanction qui a empêché celui-ci d’entrer de nouveau dans le jardin d’Eden et Israël dans le repos de la terre promise, figure ultime du repos du salut. Maudit à cause du péché de son peuple et mort sur le bois, Jésus l’a racheté définitivement de la malédiction et est devenu la source de la bénédiction de l’Esprit (Ga 3.13-14). Comme le serpent de bronze placé sur la perche dans le désert pour sauver ceux qui le regarderaient, Jésus, sur la croix, transforme la malédiction en bénédiction pour tous ceux qui croient en lui et leur offre la vie éternelle (cf. Nb 21.8-9; Jn 3.14). Par cette œuvre, il a détruit les œuvres du diable et désarmé les puissances des ténèbres (1Jn 3.8; Col 1.13; 1Co 15.24). Comme l’Agneau de Dieu, il ôte le péché du monde. En tant que dernier Adam, il a vaincu le dernier ennemi, la mort, et il garantit, par sa résurrection, l’entrée de son peuple dans le royaume incorruptible de Dieu (1Co 15.45s).

 

VI. LA RÉACTUALISATION DU RACHAT ET L’ÉGLISE

 

Le Christ, l’Agneau de Dieu et notre Pâque, a renouvelé l’alliance avec un nouveau peuple, son peuple racheté, peuple de toutes les nations, l’Eglise, l’Israël de Dieu (Gal 6.16). A sa table pascale sont les signes de sa bonté et de sa miséricorde, le pain de son corps brisé et la coupe du sang de la rédemption. Assise à cette table, l’Eglise témoigne de cette grâce en annonçant sa mort jusqu’à ce qu’il vienne. Aussi faut-il que l’Eglise incarne, elle aussi, et réactualise l’histoire de la rédemption.

 

Nourrie par le souverain berger, menée par ses pasteurs et conduite (ago) par l’Esprit (Ga 5.18), l’Eglise est appelée, en suivant Christ, à reprendre et à renverser l’histoire où les circonstances étaient une occasion de chute pour la génération qui marchait dans le désert. A titre d’exemple, d’abord, dans l’épître aux Hébreux, la mention des souffrances sacerdotales de la tentation de Jésus encadre (2.18; 4.15) l’avertissement (3.12-4.13) concernant l’entrée «aujourd’hui» du peuple de Dieu, par la foi, dans les promesses de Dieu, dans le repos du salut que cette génération a écarté, «mais la parole qu’ils avaient écoutée ne leur servit de rien» (4.2). L’auteur s’avance en les exhortant: «Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos-là, afin que personne ne tombe, en suivant le même exemple de la désobéissance.» (v. 11) Puis les exemples tirés de l’histoire des fils d’Israël dans le désert sont, en 1 Corinthiens 10, les «exemples pour nous, afin que nous n’ayons pas de mauvais désirs, comme ils en ont eu» (v. 6). Ces exemples sont de grandes occasions de chute d’Israël dans le désert. Enfin, l’ordre «faites tout sans murmures» rappelle les murmures du peuple à cette époque-là, exemples à ne pas suivre et choses qui ne doivent pas caractériser les fils de Dieu dans l’Eglise (Ph 2.14-15; cf. 1P 4.9).

 

CONCLUSION

 

Le Psaume 23 s’inspire clairement du thème de la rédemption. Comme nous avons cherché à le démontrer, toutes les strophes du poème puisent dans cette tradition, en reprenant le même langage et les mêmes motifs. Ces expressions en mots et en images font partie de la manière dont la Bible entière raconte l’histoire de la rédemption. L’apogée de cette histoire est la venue du Seigneur berger, Jésus-Christ, et son œuvre de rédemption en tant qu’Agneau pascal sur la croix.

 

En les réactualisant, le psalmiste a inversé, dans sa propre expérience, les mauvaises œuvres de la génération de l’exode. C’est en ce sens qu’on peut voir son action, dans le Psaume 23, comme un présage de l’obéissance active de Jésus. Mais ce dernier, tenté en toutes choses, a obéi parfaitement à la volonté du Père. De plus, il a racheté son peuple de son passé sombre de la chute jusqu’à la fin des temps, en passant par les élus des fils d’Israël. Par l’établissement de son royaume, le Christ a donné une nouvelle orientation et un nouvel élan à l’histoire qui ne sera éclipsée que par la nouvelle création et le repos éternel du salut vers lequel il mène son peuple de toutes les nations.

 

Il reste certaines questions générales laissées en suspens auxquelles nous tâcherons, en terminant, de fournir quelques brefs éléments de réponse.

 

Comment s’articulent, dans le Psaume, les deux motifs berger et hôte? Les images pastorales et conviviales se confondent, car les pâturages et les eaux du motif du berger correspondent à la table et à la coupe de l’hôte. Ce qui fait le trait d’union entre les deux, c’est le manger (pâturage-table) et le boire (eaux-coupe). De cette même veine, les instruments du berger pour mener et protéger le troupeau, la houlette et le bâton, correspondent à la maison dans laquelle le Seigneur hôte guide et paît l’invité par les moyens de grâce. Ce que fait l’hôte pour le convié spirituellement correspond à ce que fait le berger pour son troupeau physiquement. Le Seigneur, berger et hôte, a pourvu à tout.

 

Le sommet du Psaume est l’exclamation «tu es avec moi». Les deux motifs répondent à la question: de quelle manière le Seigneur révèle-t-il qu’il est avec le psalmiste? La réponse réside dans le choix du vocabulaire et des motifs renvoyant à la grande rédemption, le voyage à travers le désert et l’arrivée dans la terre promise. David réactualise et personnalise cette tradition. Que le Seigneur sauve et pourvoie constitue le témoignage qu’il est avec lui.

 

Comment ces motifs du berger et de l’hôte gravitent-ils autour du thème de la grande rédemption? En un mot, la finalité de l’exode est exprimée de la manière suivante: «Laisse partir mon peuple pour qu’il m’adore.» (Cf. Ex 3.18; 4.23; 5.1, 3) Le lieu où le peuple racheté adorait son Dieu rédempteur, c’était dans sa maison, que ce soit le tabernacle ou le temple, ou au sens plus large la terre promise entière. Cette rédemption y était proclamée par la parole prêchée par les ministres et illustrée par les rites qu’ils présidaient. Le psalmiste déclare, après avoir réactualisé cette histoire, qu’il reviendra à la maison du Seigneur pour la durée de ses jours. C’est dans l’adoration qu’il réactualise les bienfaits de son berger et hôte.

 

Nous avons aussi signalé le lien tissé par le biais du vocabulaire entre «il fait revenir», au centre de la première moitié du Psaume, et «je reviendrai», à la fin de la seconde moitié. Le premier acte – «il fait revenir mon âme» – est à l’initiative de Dieu. Puis vient la réponse du psalmiste: «je reviendrai à la maison du Seigneur». La mise en rapport de ces actions relève de ce que le psalmiste savait: il n’aurait jamais pu expérimenter l’accueil du Seigneur hôte sans que le Seigneur berger ne le conduise sur le chemin de la conversion. En termes théologiques, la conversion ou la régénération est l’œuvre de Dieu, qui précède, dans la vie de la personne à qui la rédemption est appliquée, la réponse personnelle de la foi. La conversion engendre le désir pour les choses de Dieu, comme Lydie qui adorait Dieu, «car le Seigneur avait ouvert son cœur pour la rendre attentive aux paroles de Paul» (Ac 16.14).

 

Un tout dernier point. Certes, le rachat concerne l’ensemble du peuple élu de Dieu de tous les temps. Pourtant, le psalmiste le revit dans le rapport que le Seigneur a avec lui personnellement. Mais, même dans son culte personnel, il ne s’isolait pas de la communauté. Il vit cette grâce en tant que membre du peuple de Dieu. S’il jouit individuellement de la conscience et de la connaissance de la rédemption, c’est parce qu’il s’intègre à la communauté du peuple racheté. La jouissance de ce bienfait est quelque chose qu’il a partagé dans la communion avec tous les rachetés de tous les temps.

 

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Addendum (section 2)

 

En ce qui concerne la première moitié du Psaume (vv. 1-4b), les dernières expressions du premier et du dernier verset – «je ne manque pas [de rien]» (v. 1b) et «je ne crains pas [de mal]» (v. 4b) – forment une inclusion par la récurrence: «ne (…) pas» (lo’). Cet enchâssement majeur est renforcé par l’emboîtement concentrique de deux paires de mots allant vers le centre. D’abord, il y une paire homographique: «berger» (r‘­[h], v. 1a; en paléo hébreu, le vocalique final ne figurait pas dans l’orthographe) et «mal» (r‘, v. 4b). Puis vient une paire homophone et synonyme: «guider» (nahal, v. 2) et «mener» (nahah, v. 3). La strophe «il restaure mon âme» (v. 3a) se trouve au centre exact de cette première partie; en incluant l’intitulé, treize mots précèdent cette déclaration et treize la suivent.

 

En ce qui concerne la seconde moitié du Psaume (vv. 4d-6), les hendiadys (litt. «un [sens] au moyen de deux [mots]», c’est-à-dire les tournures doubles composées des synonymes reliés par «et») – «houlette et bâton» et «bonté et miséricorde» – forment une inclusion qui l’enveloppe. L’extrémité la clôturant est renforcée, d’abord, par les racines homophoniques – «dresser» (v. 5 ‘rk) et «être long» (v. 6 ’rk) – (termes différenciés uniquement par les gutturales initiales), puis, par les expressions synonymiques: «tous les jours (yamîm) de ma vie» et «pour la durée de mes jours » (v. 6).

 

Ces moitiés sont reliées. L’expression «je reviendrai (shûb) à la maison du Seigneur», au dernier verset de la seconde moitié du Psaume, fait écho à «il fait revenir (shôbeb; polel de shûb) mon âme» au milieu de la première moitié (v. 3a). Cette couture est renforcée par les racines homographiques au premier et au dernier verset: «manquer» (hsr) et «être miséricordieux» (hsd). Ces termes ont leurs deux premières consonnes identiques et la forme de la dernière lettre de chacun ressemble à l’autre au point que même les scribes les ont parfois confondues. En reliant les deux moitiés par ces rapprochements linguistiques, le Psaume nous invite à nous poser la question du lien entre ces deux actions dans l’ordre suivant: «il fait revenir mon âme» et «je reviendrai à la maison du Seigneur». Cette question sera abordée par la suite.

 

L’influence du cantique en Exode 15 sur le Psautier, surtout sur son quatrième livre, est aussi perceptible que celle de Deutéronome 32, l’autre cantique de Moïse, sur les écrits des prophètes13. En effet, ce quatrième livre du Psautier, qui commence au Psaume 90 par la prière de Moïse, contient sept mentions de son nom (90.1; 99.6; 103.7; 105.26; 106.16, 23, 32; en dehors de ce livre, une fois en 77.20) et conclut par la grande louange du Psaume 106 concernant la rédemption d’Israël de l’Egypte. Ce psaume, et ainsi le quatrième livre, se termine par une prière pour la délivrance du peuple en exil au milieu des nations, à savoir un nouvel exode. De plus, il est question, dans ce livre, d’un cantique nouveau (Ps 96.1; 98.1). Selon l’Apocalypse, ce nouveau cantique commémorera la rédemption eschatologique du peuple du Seigneur parmi toutes les nations de la terre: «Ils chantaient un cantique nouveau, en disant: Tu es digne de prendre le livre, et d’en ouvrir les sceaux; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation.» (5.9; cf. 14.3; Ps 33.3; 40.3; 144.9; 149.1; Es 42.10) Il s’agit de la célébration de l’achèvement de l’application du rachat aux hommes et d’un nouvel exode, cette fois-ci universel. 

 

Addendum (section 3)

 

Les similitudes théologiques, thématiques et linguistiques entre le Psaume 23 et l’Exode 15 peuvent s’expliquer par le fait que Moïse, qui a écrit le cantique et dirigé le peuple hors d’Egypte, et David, qui a rédigé ce Psaume et régné sur le peuple dans la terre promise, étaient tous deux, par métier, des bergers (Ex 3.1; 1S 16.11). De plus, Moïse, en tant que prophète archétype, ainsi que tous les prophètes dans son sillage, et David, comme roi exemplaire, sont qualifiés chacun de «berger» (Moïse: Ps 77.21; Es 63.11; David: Ps 78.52-53, 71-72; 2S 5.2; 7.7-8; 1Ch 11.2; 17.6). Ils avaient, dans leurs ministères pastoraux respectifs, à prendre soin du troupeau de Dieu.

 

Le Nouveau Testament, en employant le même vocabulaire, reprend le thème de la rédemption et ces motifs du berger et de l’hôte. En voici des exemples:

 

Concernant le motif du berger: 1) autour de l’exode – le Seigneur qui est «Je Suis», la rédemption en Christ, l’Agneau pascal, le Christ, notre Pâque, Jésus, le souverain et grand berger; 2) pour la traversée du désert – Jésus, le bon berger, le rocher, l’eau vive et le pain de vie ou la manne du ciel, le tabernacle du ciel, les quarante jours et quarante nuits dans le désert, son Esprit qui guide/mène; 3) vis-à-vis de l’entrée dans la terre promise – le repos du salut en Christ.

 

Pour du motif de l’hôte: 1) la table – la table du Seigneur, le pain mangé, son corps; 2) la coupe – la coupe de la nouvelle alliance en son sang; 3) la maison du Seigneur – la maison de Christ (Hé 3.6) ou son corps, une maison spirituelle (1P 2.5). 

 

 

 

 

 

 

 

 

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