Historique de l’église en Corée

HISTORIQUE DE L’ÉGLISE EN CORÉE1

 

 

Kyoung-Bae MIN*

 

 

 

– Le premier vicaire apostolique de Corée, qui a été établi par le pape Grégoire XVI en 1831, était l’évêque Barthélemy Bruguière (1792-1835), un Français. Les évêques qui lui ont succédé ont tous été Français jusqu’en 1942, date à laquelle le premier évêque coréen, Noh Kinam, a été nommé.

 

La nomination d’évêques français a suscité une polémique ecclésiastique: était-il légitime de nommer un Français à un tel poste alors que, jusque-là, le travail missionnaire avait été effectué, plus ou moins, par les Portugais, selon un accord passé avec le Comité du pape Alexandre VI, en 1493.

 

En mai 1898, la cathédrale de Myung-Dong est construite. Elle est un des deux premiers bâtiments de grande taille qui ont été édifiés en Corée dans un style inspiré de l’Occident. L’autre a été construite en 1908 par l’YMCA2. Si la première demeure telle qu’elle était, la seconde a été détruite pendant la guerre de Corée et reconstruite dans un style différent.

 

Les Eglises protestantes coréennes

 

L’Eglise de la croissance miraculeuse. L’étonnante histoire d’un monde nouveau.

 

Rapport du Conseil international missionnaire en 1910. La Corée est «choisie»; elle est comme un «Israël de l’Est».

 

En 2005, le nombre total des chrétiens s’élève à 12 millions, soit un tiers de la population totale.

 

L’effectif de l’Eglise du Plein Evangile d’Yoido Full est de 750 000 membres enregistrés. Elle est la plus grande institution de Corée et comprend des hommes et des femmes très motivés. Elle est l’Eglise qui envoie le plus grand nombre de missionnaires et qui imprime un tiers des Bibles publiées dans le monde.

 

Le tout début des Eglises coréennes

 

Catholicisme romain 

Anonymat des premiers chrétiens. En 1758, on trouve une première mention des chrétiens dans les annales royales, dans la province reculée de Kangwon, dans l’arrière-pays. C’est en 1785 que l’Eglise catholique fait sa première entrée officielle en Corée.

 

Eglises protestantes

Le premier protestant a été baptisé au Japon en 1883. Il a traduit l’évangile de Marc que H.G. Underwood, le premier missionnaire protestant en Corée, a apporté lorsqu’il a débarqué, pour la première fois, dans ce pays.

 

En 1882, un autre protestant, converti en Mandchourie, a traduit l’évangile de Luc.

 

La traduction de la Bible en coréen a permis la renaissance et l’usage courant du coréen.

 

Les premiers missionnaires protestants arrivés en Corée sont, en 1884, H.N. Allen, qui est médecin, H.G. Underwood (presbytérien), en 1885, Appenzeller (méthodiste), en 1885, et S.A. Moffett  (presbytérien), en 1890.

 

La guerre sino-japonaise et l’assassinat de la reine Min

 

Montée en puissance de l’armée impériale du Japon sur la scène mondiale. Le Japon commence à envahir la Corée. La constitution impériale japonaise et le christianisme coréen entrent inévitablement en opposition, d’où des conflits entre les deux pays.

 

Une relation proche s’instaure entre la Corée et les Etats-Unis. Les missions ont été présentes tout au long du processus de modernisation de la Corée. Leur dévouement humanitaire est allé jusqu’au sacrifice pour les affligés durant la guerre sino-japonaise (1894-1895), en particulier durant l’épidémie de choléra. Grâce aux efforts des missionnaires, la classe sociale opprimée a été libérée. Grâce à la diplomatie des Etats-Unis, un accord a été conclu en 1882 proclamant l’indépendance de la Corée vis-à-vis de la Chine, qui exerçait sa souveraineté sur elle depuis longtemps. La qualité de la représentation diplomatique des Etats-Unis à Séoul était exactement la même qu’à Pékin.

 

La politique missionnaire

 

La stratégie de la mission: l’église, l’école, la ferme. La méthode de Nevius:

Direction, diffusion et financement autonomes de la mission.

L’action missionnaire concerne toute la vie humaine.

Action auprès des personnes appartenant aux classes sociales inférieures, notamment des femmes, la classe méprisée.

 

L’action missionnaire est menée comme une action sociale destinée à relever les personnes appartenant à une classe sociale basse, afin de les conduire à un état de citoyenneté moderne et responsable, vers la classe moyenne et bourgeoise.

 

Le christianisme a fourni l’énorme énergie qui a créé la classe moyenne; la mission en a été l’acteur social.

 

Afin d’éviter les rivalités entre missions et permettre leur développement, un accord a été signé qui a servi, par la suite, à alimenter des séparations profondes entre les Eglises. Selon cet arrangement, les missions nord-presbytériennes ont occupé la vaste région fertile du nord-ouest de la Corée, qui est devenue la région la plus puissante du pays sur le plan ecclésiastique.

 

Les descendants du Grand Réveil de 1905-1907

 

Le contexte. La victoire des Japonais sur la Russie blanche chrétienne, en 1905, a entraîné la dépréciation de l’image de l’héritage chrétien européen.

 

Le traité de protectorat du Japon, qui a été imposé à la Corée en 1905, a brisé le moral du pays tout entier.

 

De violentes révoltes armées, auxquelles les chrétiens ont pris part, ont eu lieu. L’échec de l’héritage chrétien européen et les soulèvements des chrétiens ont permis aux missionnaires de susciter un réveil religieux: le Mouvement du renouveau.

 

L’objectif. Affermir l’image du christianisme en Corée, où la guerre russo-japonaise était engagée. Les soulèvements armés des chrétiens doivent s’arrêter, soulèvements qui ont justifié les dures représailles des Japonais et la totale destruction des églises en Corée. Cela a entraîné l’attitude résolue des missionnaires, à savoir dépolitiser les Eglises.

 

Le progrès. L’évolution positive a commencé, en 1904, à Wonsan, avec le missionnaire R.A. Hardie: réunions de prière en commun et conférences pour étudier la Bible. Ce mouvement s’est poursuivi jusqu’en 1907, lorsque le Saint-Esprit a visité Pyongyang, le 12 janvier 1907, alors qu’un missionnaire s’est mis à prier en utilisant le mot «Père, Père».

 

Le Saint-Esprit s’est déversé sur une assemblée de 1400 personnes réunies dans l’église de Jangdaehyun. Son action s’est étendue sur toute la ville, sur le pays et même jusqu’an Chine. Cela a été un vrai miracle: confessions des péchés en public, bruyantes et accompagnées de coups avec la tête, prières durant toute la nuit exprimant avec violence la souffrance… Les journalistes venus de Londres, New York, Philadelphie, Boston, Chicago, Tokyo, Toronto, qui ont été témoins de cette scène merveilleuse en ont été vivement impressionnés.

 

Les résultats. L’organisation de l’Eglise (souvent, dans l’histoire moderne, l’expérience du Saint-Esprit a causé la division des Eglises établies). Des conventions annuelles de méthodistes sont organisées au sein de All Korea Presbytery ainsi qu’une formation du type de «la foi de la combustion interne pour atteindre l’expérience de l’Esprit». De telles choses se sont produites à l’occasion du jour du mouvement d’indépendance, le 1er mars 1919: les leaders étaient tous évangéliques.

 

L’Eglise coréenne a été reconnue comme orthodoxe et apostolique. C’est ainsi, par exemple, que W.T. Ellis, de New York, a remarqué que la foi chrétienne était pleinement exprimée par l’Eglise coréenne née du réveil.

 

Le réveil a changé les caractères des hommes et des femmes de Corée, il a suscité de nouveaux fondements pour eux: ceux d’une Eglise qui a une ecclésiologie fermement fondée. La sainte cène a été célébrée dans plus de 2000 églises.

 

La foi historique a été activement établie dans le monde. Le visage dénominationnel de l’Eglise a été clairement précisé afin de détourner l’attention de l’oppression japonaise et d’inciter les Eglises à se développer de façon solidaire: elles avaient une identité claire et de fortes convictions orthodoxes.

 

Des églises sont construites dans de nombreux endroits. Des missionnaires sont envoyés, notamment de façon particulièrement forte vers la Chine. L’appui de la Société britannique et étrangère de la Bible est encore plus marqué.

 

Cette Eglise se veut ouverte sur le monde. C’est ainsi que des drapeaux de toutes les nations sont présents lors du rassemblement de All Korea Presbytery, en 1907.

 

Premier mouvement d’indépendance en mars 1919

 

Un rôle central a été tenu par les Eglises. L’Eglise a été la seule organisation à se signaler, dans le pays, par son influence et son esprit. Elle a été comme un sillon, une voix exprimant le sentiment national d’indignation. Elle a eu une fonction prophétique. C’est ce qui explique que quatre cinquièmes des chrétiens sont morts ou ont été blessés alors que ceux-ci ne représentaient que le dixième de la population totale. Les chrétiens ont été la cible prioritaire des Japonais, qui considéraient, à juste titre, l’Eglise comme à l’origine du soulèvement et son premier soutien.

 

Le slogan de l’Eglise. Un espoir vibrant pour le pays et pour le peuple coréen. Un des cantiques chantés, à l’époque, évoquait «les trois mille péninsules de Ris remplies de soie et de broderies. Dieu nous a accordé ce jardin. Laissez-nous aller y travailler puisque nous sommes appelés par Dieu.»

 

L’atmosphère sociale changée: après les années 1920, une opposition existe contre l’Eglise

 

Le sécularisme, le communisme, l’athéisme, le scepticisme et la politique tortueuse du Japon.

 

Les Eglises sont traitées comme des chiens par la police japonaise et considérées comme un outil de l’impérialisme et du capitalisme américains. Le parti communiste coréen est banni et interdit en 1925. Les communistes ont tué dix pasteurs, des laïcs et des femmes en Mandchourie: quelques-uns ont été écorchés vifs, d’autres ont eu des clous plantés en forme de couronne sur leur tête. Les chefs communistes coréens étaient, pour la plupart, des fils de bourgeois, de riches propriétaires terriens ou des hommes d’affaires, qui avaient vécu et fait des études à l’étranger, où ils avaient découvert l’idéologie radicale contemporaine de la libération communiste. Ils appartenaient très rarement au milieu populaire.

 

La réponse des Eglises. La mission se réoriente vers le social, un christianisme social. Mission agricole, mouvement de tempérance, tendance à l’unification des croyances…

 

Un mouvement de réveil est réussi par Kim Ikdoo dans les classes sociales inférieures, qui connaissent la pauvreté. Il amène la lumière, la chaleur et met de la couleur dans des vies démunies. L’appel au mysticisme fut tout aussi profond grâce à son message de quiétude, de confort spirituel, de profonde paix intérieure.

 

Le calvaire des Eglises et la fin de l’occupation japonaise de 1930 à 1945

 

Les différents types d’attitude chrétienne au pied de la croix. On cherche refuge à l’étranger, à se retirer à la campagne, à prendre soin des Eglises opprimées sans souligner le message chrétien, on collabore avec les Japonais en transformant les églises en sanctuaires shintoïstes.

 

Parmi les différentes attitudes sous la croix, la plus noble a été le martyre, mais quelques-uns seulement ont pu s’y soumettre. Un tel comportement ne pouvait pas être imposé à toutes les communautés. La collaboration avec les Japonais a paru le moyen le mieux adapté et inévitable pour les Eglises persécutées: cela leur a permis d’être considérées positivement.

 

L’Assemblée générale presbytérienne, la plus importante dénomination, a pris la décision d’assister au service japonais qui se déroulait  dans le sanctuaire de Shindo, en 1938, sous prétexte qu’il s’agissait d’une simple cérémonie nationale.

 

Près de la moitié des livres de cantiques a été détruite. Il a été ordonné de ne pas lire l’Ancien Testament ainsi qu’une grande partie du Nouveau. Des pasteurs ont été mobilisés pour participer à la construction du sanctuaire de Shindo. Les bâtiments d’églises ont été réquisitionnés pour l’usage de la police militaire, ou pour des fabriques de paniers, ou pour servir d’entrepôts…

 

Un plan terrible a été dressé pour un holocauste de nombreux chrétiens le 18 août 1945, alors que la guerre était finie depuis le 15!

 

La libération

 

Un grand nombre de Nord-Coréens chrétiens se sont réfugiés dans le Sud et y ont implanté beaucoup d’Eglises.

 

L’Assemblée nationale constituante, après la guerre, a inclus un grand nombre de chrétiens et de pasteurs. La session a commencé par des prières conduites par un pasteur ordonné. Tel a été le premier jour de la Corée indépendante.

 

L’invasion nord-coréenne de la Corée du Sud en 1950

 

L’invasion a eu lieu le dimanche 25 juin 1950; la guerre a duré trois ans. Total des morts: 2 574 000, dont 522 000 civils coréens, les autres étant des soldats (135 000 Sud-Coréens, 325 000 Nord-Coréens, 150 000 des Nations Unies, 900 000 Chinois, 542 000 Américains). 

 

On compte 890 églises détruites; 238 responsables d’Eglise ont été martyrisés et déportés dans le Nord.

 

L’ONU et les Eglises du monde entier ont apporté un secours inestimable par l’envoi d’aides matérielles: Holt, World Vision, l’Unicef, le service civil de l’armée américaine et des secours matériels pour la reconstruction.

 

Les conséquences de la guerre

 

De nouvelles sectes religieuses sont apparues, comme l’Eglise de l’unification, la Salle évangélique du millénium. Elles répondent aux besoins et aux souhaits immédiats, matériels et physiques, des personnes qui ont perdu familles et biens.

 

L’apparition de ces sectes a été l’occasion de faire ressortir le message non biblique qui existait dans certaines Eglises. L’Eglise chrétienne, il faut en convenir, ne répond pas toujours aux désirs et aux besoins matériels des personnes.

 

La division des Eglises pendant la guerre. La majorité des dénominations a souffert, en Corée, de séparations. La raison semble en avoir été la psychologie liée à la période de guerre: reprocher aux autres la catastrophe présente à cause d’une repentance insuffisante de péchés commis en participant au service du sanctuaire de Shindo sous l’occupation japonaise, à cause des débats entre théologiens conservateurs et libéraux, et ainsi de suite.

 

La théologie de Minjung de 1980

 

C’est sous le régime dictatorial et militaire de Park Junghee qu’a surgi un conflit social dû à l’accroissement du poids de travail et de la classe pauvre (Minjung signifie: le peuple). Dans de telles circonstances, la théologie de Minjung s’est propagée rapidement avec le slogan «pour le salut du peuple».

 

Cette théologie a été suivie par les théologiens libéraux et modernistes et par un mouvement antigouvernemental le plus militant.

 

Il y avait un risque d’avoir une christologie déviante en identifiant la voix du peuple à celle du Christ. Cependant, depuis la prise de pouvoir par un gouvernement antimilitaire, la théologie de Minjung a perdu de son influence, même si le Minjung existe toujours.

 

La plupart des partisans les plus engagés en faveur de la théologie du Minjung ont été nommés à des postes élevés du gouvernement.

 

Les Eglises coréennes de demain

 

Comme John R. Mott l’a prédit il y a un siècle, la Corée est le premier pays non chrétien à devenir un pays chrétien important.

 

Le type de foi chrétienne le plus courant dans les Eglises coréennes se manifeste de la façon suivante: Eglises évangéliques, la Bible est centrale, piété, envoi de missionnaires, offrandes généreuses venant du cœur, observation du sabbat, réunion commune de prières au début de la journée. Ces traditions ne sont pas près de s’éteindre. Exemple: une petite Eglise comptant 50 assemblées, qui soutient deux missionnaires envoyés à l’étranger, offre une illustration puissante de l’Eglise coréenne.

 

Les Eglises coréennes sont appelées à être les élues de Dieu (le mot anglais chosen est également le nom d’une dynastie), fidèles à la mission que Dieu leur a confiée.

 

 

* Kyoung-Bae Min est

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