Des livres à lire

Des livres à lire

Jean-Claude Guillebaud: Le principe d´humanité (Paris : Seuil, 2001)

Ah, que le progrès paraissait bien sympathique, il y a encore une ou deux décennies! Comme le note Pierre-André Taguieff, dans son dernier ouvrage, Résister au bougisme (Fayard 2000), nous étions tous emportés par un optimisme naïf, partisans de la modernité salvatrice et adeptes de la religion du progrès.

Malheureusement, toutes les mutations engendrées par des découvertes scientifiques de plus en plus nombreuses s´attaquent aux questions fondamentales de l´existence humaine; elles touchent au sens, à la valeur aux finalités de la vie tant au niveau individuel qu´au niveau communautaire Les trois révolutions-mutations se sont opérées dans l´économie, l´informatique et la génétique. Elles s´ajoutent et se conjuguent.

Le remarquable ouvrage du journaliste Jean-Claude Guillebaud, Le principe d´humanité, dans un style clair et pédagogique, dresse un premier bilan de ces mutations et des redoutables questions qu´elles posent sur l´homme et sur ce qui fait son originalité par rapport à l´animal et à la machine.

On est surpris de la naïveté de certains scientifiques qui semblent faire autorité dans leur domaine. Pour certains, l´homme n´est qu´un ordinateur perfectionné; pour d´autres, il n´est qu´un singe nu, proche du gorille et du chimpanzé (98% de gènes communs); pour d´autres encore, il n´est que le support d´une séquence d´ADN; enfin, pour d´autres, que du biomatériel qu´on peut reproduire à volonté. Les enjeux ne sont pas seulement scientifiques; ils concernent aussi l´industrie et la finance. La vie devient objet de spéculations financières.

Nous sommes dans le paradoxe suivant: au moment où l´homme semble accéder à une certaine toute-puissance grâce aux sciences et à la finance, celles-ci programment la mort de l´homme en tant que sujet autonome qui a des droits et des responsabilités sur la création. Cette attaque atteint aussi indirectement Dieu. Car si l´homme est mort, qu´adviendra-t-il de Dieu?

Heureusement, nous n´en sommes pas encore là! Guillebaud, avec une pensée tonique, énumère tout au long de son travail ce qui fait l´originalité de l´homme, son principe d´humanité. « A la différence de l´ordinateur, l´homme n´est pas défini une fois pour toutes. Il est en devenir perpétuel. L´homme n´est pas un état, mais un projet.’ (Page 95.)

D´après Ernst Cassirer, « la société humaine se distingue de la société animale en ce qu´elle est fondée sur le langage, le sentiment, les productions culturelles et les formes symboliques’. (Page 139.)

La psychanalyse de Lacan vient ici au secours du christianisme pour défendre l´homme. La personne s´inscrit nécessairement au-delà de son corps, dans une généalogie et un ordre symbolique. De plus, entre les personnes circule l´interdit fondateur (la prohibition de l´inceste, etc.). Enfin, la loi structure les hommes et leur permet de s´appuyer et de s´épanouir sur des refus salvateurs. A plusieurs reprises, Guillebaud invite ses lecteurs à la résistance face à la tyrannie de la biotechnologie. Cela n´est pas sans nous rappeler la résistance de Dietrich Bonhoeffer face au totalitarisme nazi.

Les Eglises, et non uniquement les théologiens, sont appelées à dire, à partir de la Bible, ce qu´est la condition de l´humanité de l´homme. Et là, on constatera, avec surprise, que les textes bibliques ne sont pas dépassés, voire caduques. Ils inscrivent l´homme dans une histoire, dans un projet de vie qui part de la mort pour aller au-delà, vers la résurrection en Christ.

Freddy Sarg, pasteur

Anne Brown: « Mesdames, acceptez nos excuses.’ Les représentations chrétiennes de la femme (Québec: La Clairière, collection Sentier, 1997)

C´est d´Angleterre, sous la plume de la conférencière Ann Brown, que nous vient l´ouvrage Apology to Women, curieusement traduit Mesdames, acceptez nos excuses. Les difficultés connues par la plupart des femmes envers ou dans l´Eglise sont à la source de cette démarche qui dénonce nombre de représentations de la femme, véhiculées par la culture occidentale. Illustrant ou démasquant, expliquant et corrigeant toute forme de dévalorisation de la femme dans l´art ou la littérature chrétiens, A. Brown veut restituer l´image positive et libératrice de la femme qu´offre la Bible et que devrait confesser l´Eglise. De cette entreprise, on retiendra surtout la perspicacité de l´auteur, qui cherche à mesurer l´incidence des présupposés culturels dans les diverses attitudes adoptées, ainsi que sa rigoureuse approche des textes bibliques.

Le premier chapitre s´attache donc d´abord à présenter et analyser les écrits des Pères et des réformateurs. A l´encontre de toute caricature facile, l´attitude patristique, bien souvent négative à l´égard des femmes, est explicitée à la lumière d´une conception dualiste de l´âme et du corps comme l´illustre, par exemple, l´apologie de la virginité. De même, si le rôle stéréotypé dévolu à l´homme et à la femme par les réformateurs est envisagé comme un trait de dépendance à la culture du temps, l´affirmation réformée qui reconnaît la femme comme partenaire et compagne de l´homme est perçue comme facteur de progrès.

La démarche qui cherche à percevoir l´impact de l´air du temps sur les prises de position conduit aussi l´auteur à dénoncer l´attitude antitraditionnelle tant du féminisme postchrétien (avec sa vision manichéenne du monde où la femme apparaît comme la victime de l´homme) que du mouvement dit révisionniste (tel que l´incarne la rédaction de la Woman´s Bible et pour lequel l´expérience féminine devient la clef interprétative de la Bible1). En revanche, le féminisme biblique est présenté comme une juste approche qui, prônant une attention plus ou moins insistante au contexte, repose sur le juste présupposé que la Bible est Parole de Dieu.

Avec ce présupposé, l´auteur revient sur les trois premiers chapitres de la Genèse et examine à leur lumière l´enseignement dispensé dans l´Eglise au cours des âges. L´examen sérieusement mené permet de souligner la part belle faite au chapitre 2 aux dépens du premier, de mettre à bas la limitation à la sphère domestique pour la femme, de corriger quelques options exégétiques affirmant ou présupposant l´infériorité de la femme, l´édulcoration de son statut d´image de Dieu, son exclusion du mandat culturel, sa seule ou plus grande responsabilité dans le péché, la normalisation du châtiment, etc.

De même, les textes pauliniens et ce qui en a été conclu méritent examen. L´interprétation traditionnelle est mise sur la sellette (décontextualisation, sélection de textes restrictive, parallélisme interprétatif, conclusion hâtive lui sont ici reprochés) et la position égalitariste qui dénigre la différence sexuelle créationnelle est aussi dénoncée. Les devoirs respectifs des conjoints, la spécificité de la relation qui les unit ne sont pas niés mais ce qui est fortement souligné, c´est la liberté possible, la saine responsabilité de chacun dans la mise en pratique de cette liberté.

Quant au problème de l´ordination des femmes, à peine évoqué, c´est l´occasion de rappeler que le modèle du Nouveau Testament est un ministère collégial auquel les femmes ont une part active.

On l´aura remarqué, la complexité du sujet n´est pas éludée, mais abordée avec sérieux à l´aide d´une argumentation rigoureuse, soutenue d´une riche documentation où le lecteur puisera de multiples informations. Dénuée de toute polémique passionnelle, cette approche équilibrée recherche sans cesse l´objectivité dans le respect du texte biblique. C´est bien la force de cet ouvrage que de faire siens les principes méthodologiques édictés: principe d´harmonie des Ecritures, respect de la forme littéraire, attention au contexte immédiat et général. A la perspicacité de l´auteur répond aussi une humble lucidité qui n´est sans doute pas étrangère au caractère irénique de ce travail.

Cette approche méthodologique justement définie n´est pas, en effet, envisagée comme la panacée qui viendrait uniformiser toutes les conclusions exégétiques. Ne voyons pas là une concession relativiste au pluralisme doctrinal, mais l´affirmation que, sur des points ne concernant pas les vérités fondamentales de la révélation, les conclusions peuvent diverger avec l´application pourtant commune d´une même méthode grammatico-historique.

Au terme de l´ouvrage et pour qui en doutait encore, il est nettement démontré que le message libérateur de l´Ecriture s´adresse également aux femmes. Sans nier la différence sexuelle créationnelle, l´auteur a sans conteste montré l´égalité de l´homme et de la femme devant le salut, l´identité de leur statut spirituel aux yeux de Dieu.

Le but fixé est indéniablement atteint, mais l´on reste un peu sur sa faim… On regrettera, en effet, que les incidences de cette réflexion ne débouchent pas plus nettement sur la pratique ecclésiale, que de sûres pistes ne soient pas plus clairement indiquées pour une juste reconnaissance de la place des femmes dans l´Eglise.

Quoi qu´il en soit, ce livre est à lire, mieux, à étudier et, pour le moins, à consulter pour sa riche bibliographie et ses parlantes illustrations. Il offre une base incontournable pour réfléchir sereinement aux ministères de la femme dans l´Eglise, fût-ce au ministère pastoral… dans l´attente du second tome!

Annie Bergèse, diacre spécialisé

William MacDonald: Le commentaire biblique du disciple, Nouveau Testament (Saône: Ed. Burgat, La joie de l´Eternel, traduction de J. Coleman, A. Doriath et M. Labeau, 1999)

Dans la lecture et la compréhension de la Parole de Dieu, la majorité du monde chrétien a, depuis toujours, souhaité avoir un outil qui l´aide à étudier et à comprendre, sans trop de difficulté, le Nouveau Testament. Aussi, la parution de cet ouvrage, dans le monde francophone, est-elle la bienvenue. Traduit dans un français simple, accessible à tous, ce commentaire verset par verset du Nouveau Testament se révèle très utile tant au simple chrétien, un laïc, qu´au théologien en herbe ou chevronné, désireux d´étudier et de mettre en pratique la Parole de Dieu.

L´auteur, ayant pour but de stimuler l´étude personnelle des Ecritures saintes et d´inciter à obéir aux préceptes du Seigneur, s´efforce d´être pratique et de rejoindre le chrétien au cœur de ses préoccupations personnelles. Trente-huit excursus, particulièrement secourables pour la compréhension des passages difficiles, accompagnent le commentaire du texte. C´est ainsi que MacDonald développe divers sujets doctrinaux tels que la pneumatologie, l´ecclésiologie et l´eschatologie, sujets qui ont divisé et divisent encore aujourd´hui les chrétiens. Il présente les différentes interprétations possibles permettant au lecteur de choisir par lui-même. Il expose, avec clarté, ses préférences et explique pourquoi. Même s´il diffère d´opinion, l´utilisateur tirera un grand avantage à consulter cet ouvrage pour mener, dans de meilleures conditions, le combat de la foi.

Ce commentaire comporte une introduction générale au Nouveau Testament et des introductions, claires et concises, pour chaque livre, qui aident à situer leur auteur, leur place dans le canon du Nouveau Testament, la date probable de leur rédaction, leur arrière-plan et leur contenu. On trouve également des notes qui abordent des questions textuelles, des problèmes de traduction ainsi que des précisions d´ordre culturel et des explications de termes techniques. En annexe, des tableaux permettent d´avoir une vue d´ensemble sur les auteurs du Nouveau Testament, les personnages, et sur la chronologie des événements. Un rappel des prophéties messianiques accomplies par le Christ confirme qu´il est bien celui que Dieu a choisi pour accomplir le salut du monde. On trouvera aussi des cartes et reproductions de lieux évoqués dans le commentaire.

Grâce à cet ouvrage, ceux qui n´auront pas eu la possibilité de faire des études spécialisées dans un institut biblique ou une faculté pourront bénéficier d´une aide précieuse pour approfondir leur connaissance de l´Ecriture. Ce n´est évidemment qu´en l´utilisant que l´on pourra apprécier la richesse d´un tel ouvrage.

Sandratana Rarijason, étudiant en théologie


1 La réflexion du chapitre suivant sur la masculinité de Dieu qu´induiraient les images et le langage bibliques répond suffisamment à une telle tentative, infirmant la liberté de nous adresser à Dieu selon notre bon plaisir, d´user d´une terminologie taillée à l´aune de notre idéologie.

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