La célébration religieuse du mariage étendue au PACS ou au concubinage ?

La célébration religieuse du mariage étendue au PACS ou au concubinage ?

Le statut théologique de la célébration religieuse du mariage

Michel JOHNER

Un couple « PACSé » demande une bénédiction nuptiale, que répond le pasteur et, plus largement, la communauté protestante? L’Eglise doit-elle accueillir toutes les demandes? L’amour peut-il être un péché? Qu’est-ce qu’une bénédiction nuptiale? L’Eglise peut-elle refuser de prier pour un couple qui se forme?

Telles sont quelques-unes des questions qui ne manqueront pas, dans les années à venir, d’interpeller, parfois violemment, les différentes Eglises auxquelles nous appartenons, que ce soit au niveau des synodes nationaux (débats relatifs à la discipline ou à la liturgie1) ou celui des Eglises locales dans l’exercice de la pastorale conjugale.

Dans la société française, innombrables ont été les bouleversements du couple apparus ces trente dernières années, se traduisant par la prolifération des modèles de conjugalité2. De plus, à partir de novembre 1999 (date à laquelle ont été adoptées la loi sur le PACS et la reconnaissance du concubinage par le Code civil), la société française admet juridiquement la coexistence de plusieurs formes de conjugalité. Le pluralisme juridique a gagné le droit du mariage, de telle sorte que, à ceux qui cherchent un cadre pour y inscrire leur vie commune, s’offrent désormais plusieurs statuts juridiques: mariage, PACS et concubinage. Il y a là un fait nouveau, dont nous n’avons certainement pas encore mesuré toutes les retombées sur le plan symbolique et psychologique3.

Sans vouloir être pessimiste, il me semble probable que les Eglises protestantes, malgré les positions relativement courageuses exprimées récemment dans le cadre du Conseil permanent des Eglises luthériennes et réformées (CPLR)4, se trouveront extrêmement démunies, dans les années à venir, devant cette évolution, et incapables de faire face aux interpellations des « nouvelles formes de conjugalité » avec le courage et la lucidité qui conviendraient à leur apostolat. Et ceci pour plusieurs raisons conjointes:

1) Sauf exception, les Eglises protestantes, au cours de ces dernières décennies, ont largement dilué l’enseignement biblique sur le mariage en une morale de l’amour et de la fidélité, aux contours assez flous, qui n’a plus grand-chose à opposer à la reconnaissance d’un couple concubin ou d’un couple homosexuel, lorsqu’elles ne sont pas amenées, comme elles le font déjà dans certaines Eglises du Danemark, des Pays-Bas ou de Suisse, à lui donner leur bénédiction5. Il n’est pas exceptionnel, aujourd’hui, d’entendre des protestants français affirmer qu’il n’y aurait pas de théologie du mariage dans la Bible6. Il est aussi devenu courant de parler de « conjugalité chrétienne » (et non de « mariage chrétien ») pour appuyer l’idée d’une pluralité possible de formes de fidélité à l’enseignement biblique.

2) Le protestantisme a largement soutenu l’idée que le mariage est une affaire civile dont la juridiction appartient non à l’Eglise mais à l’Etat. Dès lors, dans la situation où l’Etat accorde la reconnaissance du droit à plusieurs formes de conjugalité, la théologie protestante, si elle n’y est pas attentive, pourrait se trouver comme prise en otage, et contrainte de les accueillir toutes indifféremment.

3) La demande de bénédiction d’un PACS ou d’une union libre renverra directement à la question du sens de la célébration religieuse, un autre sujet sur lequel les convictions protestantes d’aujourd’hui sont particulièrement floues et contradictoires. Les protestants se montrent généralement très affirmatifs lorsqu’il s’agit d’opposer aux catholiques que la cérémonie ecclésiale n’est pas un sacrement, mais beaucoup plus hésitants et discordants lorsqu’il s’agit de définir quel pourrait être son statut positif7. C’est pourquoi nous proposons, dans cette étude, sinon de répondre aux questions pratiques qui ont été posées en introduction, du moins de chercher à les cerner de plus près, en procédant à une clarification de la question du statut théologique de la cérémonie religieuse.

I. Questions préliminaires


1. Les célébrations civile et religieuse du mariage

Il existe une forme de « mariage objectif » entre le protestantisme et l’institution du mariage civil, qui tient non seulement à des raisons d’ordre historique8, mais aussi à des raisons d’ordre théologique. C’est sur la base de sa théologie que la Réforme a défini le mariage comme un engagement civil sur lequel Dieu place sa bénédiction. Le mariage, en théologie protestante, est l’un des domaines privilégiés dans lesquels se « visibilise » l’articulation du spirituel et du social. De son point de vue, le « oui » devant le maire est aussi le « oui » devant Dieu. Il n’y a pas de dichotomie entre les deux. Il n’y a pas de « oui » civil auquel viendrait s’ajouter un « oui » religieux, pas plus qu’il n’y a de « oui » religieux qui ne serait aussi un « oui » civil9. C’est aussi la raison pour laquelle l’obligation légale de l’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux10 n’a jamais été ressentie, par le protestantisme, comme une entrave ou une contrainte.

Dans cette perspective, quel rôle conserve alors l’Eglise au moment de la formation du mariage? Lorsqu’un pasteur préside une célébration nuptiale, il n’a pas la pensée de « marier » les intéressés (bien que les mots soient souvent restés dans le langage courant), mais d’accueillir et d’accompagner des personnes qui se sont mariées devant le maire, le représentant de la société à laquelle ils appartiennent. Le pasteur (et la communauté chrétienne avec lui) a sans doute pour vocation de les accompagner, de leur apporter un enseignement, de leur rappeler les promesses de l’Evangile relatives à leur choix de vie (cf. ci-après B.1), de prier et d’intercéder pour que Dieu leur donne les ressources dont ils auront besoin pour mener à bien leur projet conjugal (cf. ci-après B.2), mais certainement pas de les « marier » au sens propre du terme.

En conséquence, il est certain que la cérémonie religieuse du mariage ne revêt pas dans le protestantisme une importance comparable à celle qu’elle peut avoir dans le catholicisme. Ne considérant pas la cérémonie religieuse comme constitutive du mariage, le protestantisme reconnaît sans difficulté comme mariées des personnes qui ne l’auraient été « que civilement ». Pie IX a qualifié le mariage civil de « honteux concubinage »: « Entre chrétiens, dit-il, l’union de l’homme et de la femme hors du sacrement, contractée sous le pouvoir de n’importe quelle loi civile, ne peut être rien d’autre que ce concubinage honteux et funeste, tant de fois condamné par l’Eglise. »11 De telles paroles sont impensables du point de vue protestant.

Il est même des théologiens protestants qui sont allés jusqu’à mettre en question la légitimité d’une cérémonie religieuse de mariage. On prête à Luther, par exemple, l’affirmation selon laquelle « le mariage ne regarde pas l’Eglise, il est extérieur à elle, c’est une affaire séculière, temporelle, qui est du ressort des autorités »12. Et Karl Barth, qui est sans doute le théologien protestant qui est allé le plus loin dans la mise en question de la cérémonie religieuse du mariage, développe, dans sa Dogmatique, la thèse selon laquelle « la bénédiction nuptiale est restée une coutume dont il faut dire qu’elle est à la limite extrême – et même largement au-delà! – des pratiques dont la communauté chrétienne peut prendre la responsabilité »13.

2. Les morales séculière et chrétienne du mariage en contact et en décalage perpétuels

Souligner la nature civile du mariage ne doit pas, pour autant, porter le protestantisme à sacraliser le mariage civil républicain et, encore moins, à le confondre avec l’idée chrétienne du mariage, qui, sous de nombreux aspects, véhicule une vision du couple plus élevée et plus exigeante! De tout temps, sur la question du mariage, morales séculière et chrétienne ont été en décalage et en conflit.

Le fait que le protestantisme ait affirmé que c’est à l’Etat que Dieu confie la juridiction du mariage ne signifie pas que la théologie protestante doive se considérer prise en otage par les évolutions successives du droit civil en la matière, et contrainte d’aligner sa définition du couple sur celles que propose la morale séculière.

Ceci est d’autant plus important à rappeler, dans la situation française actuelle, que l’Etat vient d’accorder la reconnaissance du droit civil à trois formes différentes de conjugalité: mariage, PACS et concubinage. Suffirait-il que le législateur ait reconnu ces différentes formes de conjugalité pour que la « bénédiction » de l’Eglise protestante soit indifféremment acquise à chacune d’entre elles ?

Ceci dit, dans le contexte occidental actuel, il est indubitable que l’institution civile du mariage véhicule, encore, un certain nombre de valeurs objectives que la vision chrétienne du mariage englobe: le don de soi, l’engagement à vie, l’exclusivité du lien, le consentement mutuel, le devoir de fidélité et d’assistance, la dimension publique de l’alliance conjugale, son caractère hétérosexuel14, son articulation avec la filiation, la nature des empêchements au mariage (comme l’inceste), etc., sont autant de traits auxquels l’Evangile vient donner une assise théologique importante!15

Il viendra peut-être un temps où le législateur introduira dans le droit matrimonial des obligations auxquelles la conscience chrétienne ne pourra se soumettre (comme ce fut le cas au XVIIe siècle durant la période dite « du Désert »), mais nous n’y sommes pas encore. La législation actuelle est certainement plus permissive que la morale chrétienne (notamment en matière de divorce), mais une permission ne saurait être confondue avec une obligation.

En bref, la notion chrétienne du mariage est sans doute plus exigeante que l’actuelle notion civile républicaine, mais certainement pas moins! C’est pourquoi il me semble inconcevable, aujourd’hui, que les adeptes de la « conjugalité chrétienne » puissent ou veuillent faire l’économie du mariage civil.

3. Le mariage comme ordonnance créationnelle et manifestation de la grâce commune

Une considération qui a relativisé la portée de la célébration religieuse dans le protestantisme, c’est la conviction que le mariage est une ordonnance divine qui concerne tout homme, du seul fait de son statut de créature. Ainsi le mariage n’appartient pas exclusivement au christianisme: dans cette optique, le mariage de deux musulmans, bouddhistes ou athées n’est pas moins authentique devant Dieu que le mariage chrétien.

Les réformateurs ont nourri conjointement la conviction que la juridiction du mariage appartient non à l’Eglise, mais à l’Etat, aux magistrats, au titre des pouvoirs particuliers qui leur sont conférés par Dieu (cf. Romains 13). C’est en grande partie par le biais d’une théologie de l’Etat que la théologie protestante a pensé et défini le mariage.

Sous-jacente à cette théologie de l’Etat se trouve aussi l’idée de la « grâce commune » ou de la « grâce préservatrice »: la reconnaissance d’une action bienveillante de Dieu envers le monde pécheur (analogue à la bénédiction des justes et des injustes de Matthieu 5:45), sans laquelle le monde cesserait d’être monde et retournerait, en un instant, au chaos primitif. La conviction exprimée par les réformateurs est que l’ordonnance du mariage reste une des expressions de cette grâce commune de Dieu, faite pour préserver, dans les relations des hommes et des femmes, un minimum de cohérence. De telle sorte que, même dans un monde déchu, les notions de couple, de paternité, de filiation et de famille puissent conserver un minimum de lisibilité et de sens.

Lorsque Jésus, en Matthieu 19, s’oppose aux pharisiens sur la question de la répudiation, disant « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni », il est évident que le Christ ne dit pas cela de « mariages chrétiens »! Il dit cela de « mariages pharisiens », conclus et vécus, la plupart du temps, dans l’hostilité aux valeurs spirituelles que l’Evangile met en avant. Jésus reconnaît ici « unis par Dieu » des couples qui ne sont pas « croyants » au sens chrétien du terme. Et le fait que beaucoup d’hommes et de femmes, en dehors des cercles ecclésiaux (et de la chrétienté), bâtissent encore leur relation sur cette modalité-là n’est pas salué par l’Eglise protestante comme un fait accidentel ou uniquement culturel, mais comme une des manifestations de la grâce commune de Dieu et de sa bienveillante Providence.

Dans cette optique, ce n’est donc pas parce que le mariage est civil (ou non célébré religieusement) qu’il n’est plus une grâce! Il y a là une particularité, dans la pensée protestante, qu’ont beaucoup de mal à percevoir nos frères catholiques (liant la grâce matrimoniale au sacrement), comme aussi certains frères évangéliques qui donnent l’impression de ne reconnaître le mariage « uni par Dieu » que dans le cas où ce mariage réunit deux convertis. Est révélatrice de cette dernière conception l’absence d’objection de conscience à un remariage, si le premier mariage a été antérieur à la conversion des intéressés. De même, le fait que, pour le catholicisme, il n’y ait pas d’objection à un « remariage » si le premier mariage n’a pas été catholique, puisque la grâce matrimoniale n’est pas considérée comme reçue (ou même accessible) en dehors du sacrement ecclésial. Les facilités avec lesquelles la théologie catholique salue la manifestation de la grâce de Dieu sous de nombreux comportements moraux objectifs, en dehors de toute relation consciente à l’Eglise16, devrait lui rendre la conception protestante de la grâce matrimoniale plus familière. Mais, curieusement, tel n’est pas le cas.

4. La non-sacramentalité du mariage

Autre considération qui a énormément relativisé la portée de la célébration religieuse dans la pensée protestante: le fait que le protestantisme ait toujours refusé de compter le mariage au nombre des sacrements, non qu’il ait contesté que celui-ci puisse représenter (ou rendre présente) l’union Christ-Eglise, au sens d’Ephésiens 5, mais qu’il ait réservé le terme de « sacrement » aux gestes rituels qui réunissent trois conditions:

1) Avoir été formellement institués par le Christ lui-même, et relever de son autorité immédiate. Or, l’institution du mariage est antérieure à la venue du Christ. L’œuvre de rédemption accomplie par le Christ aura, certes, des retombées importantes sur la vie conjugale, mais elle n’en est pas fondatrice17.

2) Désigner une grâce, un engagement ou une vocation qui soit commune à tous les chrétiens et constitutive de l’identité chrétienne. Or, le mariage, ainsi que l’ordination des prêtres ou l’onction des malades n’ont pas ce caractère puisqu’ils répondent à des vocations ou à des situations particulières.

3) Désigner ou établir un lien avec le salut qui est en Jésus-Christ (que ce soit, par le baptême, sous l’angle de la promesse, ou que ce soit, par la sainte cène, sous l’angle de l’accomplissement). Or, le mariage n’a pas pour effet de rapprocher les époux du salut. Même si le mariage est une grâce, ce n’est pas de la grâce du salut qu’il s’agit. Le lien établi par le catholicisme entre la grâce matrimoniale et la grâce baptismale ou eucharistique18 n’est pas reconnu par le protestantisme19. Si le salut s’acquiert par la foi en Jésus-Christ (cf. la doctrine protestante de la justification par la foi seule), mariés et célibataires se retrouvent à égale distance de son appropriation.

5. Eclairage historique sur la cérémonie religieuse

Dans les premiers siècles de l’histoire de l’Eglise, on a beau chercher, on ne trouve pas trace d’un cérémonial religieux ou ecclésiastique du mariage.

On n’en trouve pas (ou très peu) dans l’Ecriture: Jésus a bien participé aux noces de Cana et apporté sa contribution active à la fête (Jean 2), mais ce détail reste insuffisant pour fonder théologiquement la pratique d’une cérémonie religieuse.

On ne trouve pas davantage trace d’une cérémonie ecclésiastique de mariage dans la patristique des premiers siècles20. De toute évidence, les chrétiens des premiers siècles ont adopté, en la matière, le droit et les coutumes traditionnelles, celles qui prévalaient dans les sociétés païennes (notamment romaines) auxquelles ils appartenaient, comme en témoigne, par exemple, la fameuse épître à Diognète, qui date de la fin du IIe siècle, laquelle déclare: « Les chrétiens se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. »21Dans toute cette période, il n’y a, à notre connaissance, aucun mariage religieux à proprement parler: le mariage est une affaire essentiellement familiale et civile, dans laquelle les chrétiens reconnaissent le don de Dieu.

Pour trouver la première trace d’une liturgie chrétienne de mariage, il faut attendre le Ve siècle et l’œuvre de Paulin de Nole, en suite de quoi le rite va se développer progressivement jusqu’au IXe siècle22. Mais il faut noter que, dans cette période, l’intervention d’un prêtre dans la cérémonie de mariage reste facultative (non essentielle à la constitution du mariage), et consistera – précision importante – à introduire, dans la cérémonie civile, des éléments de nature religieuse, et non à juxtaposer une cérémonie religieuse à côté d’une cérémonie civile. Le but recherché était de limiter l’extension de pratiques matrimoniales jugées immorales par l’Eglise, comme des mariages incestueux (qui ne respectaient pas le nombre de degré d’exogamie que l’Eglise jugeait suffisant), ou des mariages forcés (suite à des rapts ou dus à l’autoritarisme parental), ou des mariages sauvages ou clandestins. En recommandant l’intervention du prêtre dans la cérémonie, l’Eglise apportait au mariage célébré une forme de caution morale que les pratiques séculières ne garantissaient plus.

Ce n’est qu’au IXe siècle, dans les écrits apocryphes du Pseudo Isidore, que la bénédiction nuptiale devint canoniquement obligatoire. Néanmoins, jusqu’à la fin du Moyen Age, le mariage restera valide même sans avoir rempli cette condition. Ce n’est qu’à partir du Concile de Trente, donc au XVIe siècle (au cœur de la Contre-Réforme), que l’absence de bénédiction religieuse par un prêtre autorisé va invalider le mariage23. Et ce n’est donc qu’à partir de ce moment qu’est née, dans l’histoire de l’Eglise, la problématique du mariage religieux et du mariage civil (comme deux entités distinctes), telle que nous la connaissons aujourd’hui.

6. Le statut théologique de la cérémonie religieuse du mariage: quelques définitions

Robert Grimm24:

La célébration religieuse du mariage est un culte que les conjoints demandent à l’occasion de leur mariage. Elle comporte l’annonce de l’Evangile, l’engagement de Dieu envers le couple et l’intercession de l’assemblée pour les conjoints.

La cérémonie religieuse se situe au plan du témoignage, non à celui de la formation du couple.

L’Eglise ne marie pas, elle consacre un couple. Il ne convient pas de surévaluer cette cérémonie et de ne pas la sacraliser. Elle n’est pas un moyen de grâce, mais le lieu où on la demande.

André Dumas25:

Il est encore un sens au mariage qui est, lui, particulier à la vie devant Dieu: l’occasion de remercier, de rendre grâces, et l’occasion de demander, de prier. Tel est le sens propre du mariage religieux: remercier Dieu pour ce que l’on reçoit, et demander ce dont on a besoin.

Jean-Jacques von Allmen26:

Dans cette affaire civile, l’Eglise a-t-elle aussi quelque chose à dire? 1) Elle précise la signification profonde de cette ordonnance créationnelle; 2) par sa présence, elle atteste publiquement que le mariage en question correspond à la volonté de Dieu, et donc que Dieu le bénit; 3) elle prie pour les époux et 4) avec eux, elle s’engage à leur côté pour encourager et fortifier leur vie commune.

II. Le statut théologique de la cérémonie religieuse du mariage

Essai de synthèse en cinq propositions

1. Un acte d’enseignement et d’annonce de l’Evangile

La célébration religieuse du mariage peut être définie, en premier lieu, comme un acte d’enseignement et d’annonce de l’Evangile. Cet enseignement a déjà sa place dans la préparation au mariage (sorte de catéchèse privée), mais il a aussi sa place dans cette cérémonie solennelle et publique, qui, tel un rite de passage, marque un des moments et un des choix les plus importants de la vie.

Quel est le contenu de cet enseignement? C’est le rappel de la signification de l’ordonnance créationnelle du mariage, et l’apport, en la matière, d’un certain nombre de correctifs par rapport à la morale séculière. Jésus, par exemple, dans l’Evangile, apporte des correctifs importants aux idées que ses interlocuteurs Juifs s’étaient faites du mariage, en leur rappelant quel fut le sens premier du mariage et le sérieux qui s’y attache (Matthieu 19).

Aujourd’hui encore, il est certain que la morale commune, en matière de mariage, est plus permissive que la morale chrétienne. Par exemple, la loi sur le divorce par consentement mutuel induit, dans la société française contemporaine, une sorte de banalisation du divorce à laquelle la conscience chrétienne résiste. Aussi sera-t-il important, dans ce contexte, que l’Eglise rappelle que le mariage n’est pas un contrat à durée déterminée et qu’elle mette en valeur les promesses qui s’attachent à cette forme d’engagement27.

La parole de l’Eglise, en la circonstance, sera également une parole d’évangélisation, d’annonce de l’Evangile de la grâce, dans laquelle les conjoints sont susceptibles de trouver les forces et les ressources nécessaires pour mener à bien un tel projet. Sont-ils déjà chrétiens? Peut-être, mais pas nécessairement (cf. ci-après B.3.b). Il est, en tous les cas, du devoir de l’Eglise de les engager à le devenir, et avec eux toute l’assemblée présente.

2. Un acte de prière solennelle

Remercier Dieu pour ce que l’on reçoit, et demander ce dont on a besoin. Rendre grâces pour le couple qui se forme, pour l’amour qui a été donné, amour dans lequel l’Eglise discerne un don de Dieu. (« Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. ») Intercéder, en demandant à Dieu de protéger et d’accompagner l’union qui se forme. Nous sommes dans un monde où le couple est considérablement fragilisé. Combien il est essentiel que Dieu l’appuie, le soude, le protège!

3. Un acte d’engagement

a) Lever certaines ambiguïtés liturgiques

La question des engagements est quelque peu ambiguë en théologie protestante, car le couple qui franchit le seuil du temple est un couple qui, à ses yeux, est déjà engagé! Comme nous l’avons dit précédemment: le « oui » devant le maire est aussi le « oui » devant Dieu. Il n’y a pas de « oui » civil auquel viendrait s’ajouter un « oui » religieux, pas plus qu’il n’y a de « oui » religieux qui ne serait aussi un « oui » civil.

Dans la pratique liturgique classique subsistent à cet égard certaines ambiguïtés dont les pasteurs n’ont pas toujours conscience lorsqu’ils font répéter des engagements qui ont déjà été pris, ou invitent les époux à s’engager comme s’ils ne l’étaient pas déjà. (« M. X, voulez-vous prendre pour épouse Mlle Y ici présente? ») Et, comble de l’ambiguïté, lorsque le pasteur, après avoir recueilli les consentements des époux, prononce une formule du genre: « Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare unis par les liens sacrés du mariage », une parole par laquelle le pasteur (ou l’Eglise) se donne une autorité que ne lui reconnaissent ni le droit civil, ni même sa propre théologie du mariage… le tout suivi de la signature d’un registre qui ressemble à s’y méprendre à un registre d’état civil.

En revanche, une idée pourrait être reçue comme légitime, à savoir que la dimension « verticale » de l’engagement matrimonial (l’engagement devant Dieu) puisse être formalisée à travers un cérémonial religieux que la cérémonie civile, dans le contexte français, n’autorise pas (à la différence des pays anglo-saxons). Le « oui » devant le maire est certes aussi le « oui » devant Dieu. Mais n’est-il pas utile de le formaliser?

Du point de vue liturgique, cette intention peut se formaliser par une invitation du genre: « Je vous invite à confirmer maintenant devant Dieu (et devant cette assemblée) les promesses que vous avez échangées devant l’officier d’état civil. » Et après avoir formulé les questions usuelles, le pasteur d’ajouter: « Monsieur/Madame, confirmez-vous cet engagement? Est-ce bien là le contenu de l’engagement que vous avez pris? »

Pour souligner cette continuité, il serait également souhaitable que les pasteurs soient davantage sensibilisés à l’importance d’être eux-mêmes présents lors de la cérémonie civile. Symboliquement, la chose aurait son importance.

b) L’engagement de personnes non croyantes

S’il arrive qu’une demande de cérémonie religieuse émanant de deux non-croyants puisse être refusée dans l’Eglise protestante, ce n’est pas que leur union soit mise en question du fait de leur incrédulité (cf. ci-dessus A.3), mais que les motifs qui les poussent à demander une cérémonie religieuse peuvent, dans certains cas, être jugés irrecevables. Il ne serait pas licite, par exemple, de se moquer de Dieu ou de prendre son nom en vain, au travers d’une cérémonie dans laquelle les deux époux seraient délibérément hypocrites.

Pour qu’une cérémonie religieuse puisse s’ajouter à la cérémonie civile, il est nécessaire que les deux conjoints éprouvent un minimum d’attente commune vis-à-vis de Dieu et de l’institution ecclésiale à laquelle ils s’adressent. Pas forcément une profession de foi chrétienne complète et idéale mais, au minimum, le simple désir commun de placer leur couple sous le regard de Dieu28.

Il faut aussi que les pasteurs, avant de se réfugier dans des positions de refus, prennent conscience que la cérémonie religieuse du mariage est un module à géométrie variable, qui, dans ses formes – à la différence du baptême ou de la cène –, n’est pas gouvernée par des directives bibliques et théologiques contraignantes. Rien n’empêche donc le pasteur (et le conseil d’anciens qui l’accompagne) de proposer aux personnes à qui ce profil conviendrait une cérémonie religieuse « simplifiée » qui ne serait essentiellement qu’un acte de prière ou de prédication. Ce qui importe, pour que la cérémonie puisse avoir lieu, c’est que soit définie avec les époux une démarche spirituelle minimale, sur laquelle les deux seront d’accord et qu’ils pourront vivre en toute vérité29.

Ce qui doit être refusé, à ce propos, c’est l’idée, présente malheureusement chez de nombreux pasteurs, d’accepter toute demande de bénédiction religieuse sous prétexte d’évangélisation. Comme l’a écrit récemment le pasteur R. Gelin: « En aucun cas, l’alibi de l’évangélisation ne justifie d’accepter une demande que l’on ne respecte pas en tant que telle. Ce serait là une démarche malhonnête, une tromperie des personnes, un comportement indigne de l’Evangile. Ou la bénédiction a sa légitimité propre, et il faut l’accepter, ou il faut la refuser. »30

c) Le mariage entre deux chrétiens engagés

Si le mariage est contracté entre deux chrétiens engagés, il est fréquent que ceux-ci souhaitent adjoindre aux engagements traditionnels des engagements de nature plus explicitement religieuse.

Il est vrai qu’il existe de nombreuses formules liturgiques sur les devoirs réciproques des époux, qui n’ont de sens que dans la bouche de chrétiens engagés (comme celles qui s’inspirent d’Ephésiens 5: « Aimer sa femme comme le Christ a aimé l’Eglise, se soumettre à son époux comme au Christ, etc. »).

Il faut cependant rester très attentif au fait que le mariage de deux chrétiens est un « contrat » dont les termes ne sont pas différents du mariage de deux non-chrétiens. La foi lui apporte certainement une assise et un rayonnement tout à fait particuliers, mais elle n’en modifie pas les termes. Ce qui change, dans la foi, ce sont les ressources (accessibles au travers d’une relation personnelle au Christ) qui aideront à mener ce projet à bien.

L’erreur serait de transformer le mariage en un engagement conditionnel qui s’effondrerait dès l’instant où l’un des deux époux changerait d’orientation religieuse. Même si votre conjoint se refroidit spirituellement, votre engagement conjugal demeure vis-à-vis de lui (cf. 1 Corinthiens 7:12-17).

Selon les données du Nouveau Testament, la communion spirituelle est suffisamment importante, dans un couple, pour que l’Eglise mette en garde une personne qui voudrait contracter un mariage « mixte » et l’avertisse des difficultés au-devant desquelles elle chemine (cf. 1 Corinthiens 6:14-18 et 7:39), mais elle n’est pas suffisamment importante pour que sa perte invalide un mariage établi antérieurement (cf. 1 Corinthiens 7:12-17) ou même invalide un mariage contracté malgré les mises en garde de l’Eglise.

Discutable également est l’idée de vouloir mêler aux engagements conjugaux des considérations de ministère ou de vocation. Car, ce n’est pas le/la ministre que le/la conjoint/e épouse, mais sa personne, bien que cette personne, il est vrai, soit présentement pasteur, évangéliste ou missionnaire. En d’autres termes, l’engagement conjugal ne saurait être conditionné par l’exercice d’un ministère. Quand bien même votre conjoint ne pourrait ou ne voudrait plus exercer ce ministère, votre engagement conjugal envers lui demeurerait entier!

Plus recevable, en revanche, sera le souhait de deux chrétiens d’ajouter aux engagements traditionnels un engagement à accueillir avec reconnaissance les enfants qui leur seront donnés (une façon de signifier que le couple qui se forme veut intégrer dans sa définition une ouverture à la transmission de la vie) ou un engagement à élever les enfants que Dieu leur donnera dans la foi (comme cela se fait dans le mariage catholique). A condition, toutefois, qu’il soit bien clair, dans l’esprit des intéressés, que de tels engagements ne peuvent avoir qu’une portée optative: leur non-respect par l’un des deux conjoints, ou l’apparition ultérieure d’une divergence sur la portée de cet engagement (notamment en matière de nombre d’enfants) ne saurait être évoqué par l’autre partie pour justifier un divorce31.

4. Une attestation de l’engagement de Dieu vis-à-vis du couple

La cérémonie religieuse du mariage n’est pas seulement la formalisation de l’engagement du couple vis-à-vis de Dieu, mais aussi l’attestation de l’engagement de Dieu vis-à-vis du couple. La célébration religieuse est aussi un acte symbolique de caution. Elle est l’attestation du regard favorable que Dieu porte sur l’union qui se contracte! Elle est l’attestation que celle-ci correspond à la volonté de Dieu. Non pas dans le choix de l’époux ou de l’épouse (l’Eglise n’a absolument rien à dire sur la secrète élection de deux personnes), mais dans sa forme, dans ses modalités extérieures. C’est la reconnaissance publique que cette union est en conformité avec l’institution du mariage, telle que Dieu l’a définie, ordonnée et bénie.

Nous abordons là, de toute évidence, le point le plus délicat de notre développement, et qui sera aussi, nous n’en doutons pas, le plus contesté par les partisans de pratiques plus libérales envers les « nouvelles formes de conjugalité ».

La demande de « bénédiction religieuse » répond, de toute évidence, à un besoin de normalisation vis-à-vis de Dieu, par l’intermédiaire des institutions qui, aux yeux des époux, le représentent. S’il n’en était pas ainsi, le refus de la célébration religieuse (lorsque l’Eglise ne peut accéder à cette demande) ne serait pas reçu si douloureusement, comme une forme de désaveu spirituel ou le signe d’une désapprobation divine. C’est là un trait de notre humanité: nous avons un rapport à l’institution qui, dans de nombreux domaines, lui confère une importance symbolique très importante. Pourquoi est-ce que le couple homosexuel, aujourd’hui, exprime le besoin de s’unir à l’Eglise, sinon parce que, au travers de ce cérémonial, lui serait donné d’accéder à une forme de normalité, à une forme de respectabilité/reconnaissance (sociale et religieuse) égale à celle du couple hétérosexuel?

Le théologien Christophe D. Müller (de la Faculté de théologie protestante de Berne), fortement engagé en faveur de la bénédiction religieuse du couple homosexuel, soutient la thèse selon laquelle « la bénédiction d’un couple ne légitime pas sa forme sociale »32. Il est d’avis que l’Eglise, ce faisant, ne se prononcerait pas sur la valeur du choix de vie en question, elle resterait neutre. Dans un ouvrage ultérieur, il conteste également l’idée que la bénédiction implique une forme de légitimation divine ou ecclésiale33. Mais il nous semble évident, à l’inverse, que l’Eglise, en appelant la bénédiction de Dieu sur l’union qui se contracte, reconnaît également la valeur du projet de vie qui s’exprime au travers d’elle. Elle ne reste pas neutre. Elle dit sa conformité à ce qu’elle croit être le projet de Dieu pour le couple.

En prononçant une bénédiction sur un concubinage ou une union libre, l’Eglise, non seulement se mettrait en infraction par rapport à la loi civile34,mais surtout donnerait la caution de l’Evangile à l’idée que l’engagement conjugal peut être une réalité privée ne regardant pas la société civile35. Ou plus préoccupant encore: elle laisserait croire que le vis-à-vis du mariage pourrait être l’Eglise (la communauté ecclésiale) et non la société civile, ce qui correspondrait, théologiquement, à un retour à la conception (catholique) du mariage à laquelle les protestants se sont historiquement opposés36.

En prononçant une bénédiction sur un PACS hétérosexuel, l’Eglise donnerait la caution de l’Evangile à une forme d’engagement dans laquelle chacun des partenaires conserve la liberté de dissoudre à tout instant l’union contractée, et cela de façon unilatérale (ce serait la reconnaissance par l’Eglise d’une forme de « droit à la répudiation »)37. Le fait que le PACS présente certains progrès par rapport à l’union libre (il encourage la durabilité des liens et exprime une forme d’engagement civil) ne saurait, de notre point de vue, justifier que l’Eglise lui donne sa caution, tant que subsistera, à ses côtés, l’alternative du mariage vers lequel la pastorale chrétienne a pour vocation d’accompagner les couples.

De surcroît, en prononçant une bénédiction sur une union ou un PACS homosexuel (désignée, dans les Eglises qui la pratiquent, par l’expression « bénédiction d’amitié » ou « bénédiction d’amour »), l’Eglise donnerait la caution de l’Evangile à l’idée selon laquelle l’altérité des sexes ne serait pas une donnée essentielle de la constitution du couple38. Elle affirmerait, à l’encontre des données bibliques sur le sujet39, que l’homosexualité est également susceptible de s’épanouir en harmonie avec l’ordre de Dieu et la vocation que revêt à ses yeux la sexualité humaine. Elle réduirait également l’éthique biblique du mariage à une morale de l’amour aux contours assez flous et à connotation purement subjective. (« L’amour peut-il être un péché? » demande une théologienne suisse dans une publication récente40.)

En accédant à ce type de demandes, l’Eglise, de toute évidence, compromettrait le témoignage qu’elle est appelée à rendre au nom du Christ, ou se ferait complice de choix de vie que l’Evangile réprouve. Ce serait, de la part de l’Eglise, prononcer le nom de Dieu en vain, commettre une sorte de péché contre le troisième commandement du Décalogue: abuser du Nom de Dieu, jouer avec l’autorité de ce nom pour « bénir » des choix de vie desquels ce Dieu, en réalité, travaille à nous détourner.

5. Un acte de témoignage

Enfin, par les différentes facettes énumérées, on peut dire que la célébration religieuse du mariage peut aussi être définie, pour le couple, comme un acte de témoignage vis-à-vis de ses proches et de la société en général. Enseignement, annonce de l’Evangile, action de grâces et intercession, formalisation de l’engagement devant Dieu, attestation de sa conformité à l’ordonnance divine, tout cela dans une cérémonie publique, à laquelle tous (amis, parents, collègues, voisins) ont été invités, c’est nécessairement un témoignage, c’est un message qui est délivré aux tiers, qui leur parle de l’Evangile et les incite à suivre le même exemple de vie!


Mes remerciements vont aux membres de la Commission d’éthique de l’Union nationale des Eglises réformées évangéliques indépendantes (UNEREI) qui m’ont beaucoup aidé par leurs corrections et remarques constructives.

1 Cf. la décision n° 37 du Synode national de l’Eglise réformée de France (ERF) de Soissons (24-27 mai 2001) aux termes de laquelle il est demandé « au nouveau Conseil national, à l’issue de ce synode, de ne pas différer la demande qui lui est adressée d’accepter que la question de l’homosexualité soit travaillée par les différents synodes pour que les pasteurs et paroisses puissent s’appuyer sur une réflexion et des décisions communautaires sur notre réponse aux demandes de bénédiction de couples homosexuels PACsés ou non ». Information-Evangélisation (juillet 2001).

2 Cf. Jean-Claude Kaufmann, Sociologie du couple (Paris: PUF, 1993).

3 Cf., par exemple, Fançoise Dekeuwer-Defossez, Rénover le droit de la famille, propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, rapport au garde des Sceaux (Paris: La Documentation Française, 1999), pp. 109-111.

4 Cf. Eglise et homosexualité: texte de travail du groupe CPLR (ECAAL, EELF, ERF, ERAL) du 8 octobre 2000. A notre avis, la théologie de l’altérité, sur laquelle les auteurs du document du CPLR appuient leurs réserves quant à la bénédiction ecclésiale d’une union homosexuelle, ne manquera pas, à plus ou moins long terme, d’être critiquée (voire rejetée), comme conditionnant la lecture des textes pauliniens par des présupposés anthropologiques qui leur sont étrangers, en l’occurrence les thèses de la psychanalyse lacanienne (qui occupent une place centrale dans le document du CPLR). Pour le théologien suisse Denis Müller, par exemple: « On ne s’explique les raisons véritables de la divergence que si l’on introduit, dans les termes de la formalisation, des présupposés matériels de type anthropologique ou ontologique, par exemple. Autrement dit, la formalisation aboutissant aux catégories de limite et d’altérité est surdéterminée par un choix théologique préalable (Ansaldi, Fuchs). » Denis Müller, L’éthique protestante dans la crise de la modernité (Genève: Labor & Fides, 1999), 189.

Pour plus de développement sur cette critique, cf. Denis Müller et Christian Demur, L’homosexualité, un dialogue théologique (Genève: Labor & Fides, 1992), pp. 17-20, 32-35, et les remarques méthodologiques de D. Müller in Nouveau regard sur l’homosexualité (Montréal: Fides, 1997), 13-39.

5 Cf. Qui a peur des homosexuel-les? Evaluation et discussion des prises de position des Eglises protestantes de Suisse (Genève: Labor & Fides, 2001), chap. 1, « Etat des lieux », pp. 19-40, et chap. 7, « Etat de la discussion au plan œcuménique », pp. 139-172; Anne-Emmanuelle Kervella , « L’homosexualité reconnue », Réforme, n° 2726-2727; Claudine Castelneau, « Bénédiction d’amour », Réforme, n° 2728, 24-30, juillet 1997.

6 Contrairement aux idées reçues, l’Ecriture sainte est loin d’être muette sur la question du mariage. Si elle s’exprime peu sur le mariage en tant qu’acte (les modalités de la formation du mariage), elle est très prolixe, en revanche, sur le mariage en tant qu’état (l’alliance conjugale qui en résulte), que ce soit dans le domaine conjugal ou, par analogie, dans le domaine ecclésial (l’alliance entre Dieu et son peuple). Le thème de l’alliance est présent, de la Genèse à l’Apocalypse, à tous les stades de l’histoire de la Révélation. C’est continuellement en termes d’alliance conjugale que le Seigneur parle du lien qui l’unit à son peuple.

7 Il est intéressant de lire, à ce propos, l’analyse des rapports des synodes régionaux présentée au Synode national de l’ERF de Dourdan, en 1984: « Quelle signification, quelle importance donnons-nous à la célébration civile et religieuse du mariage », rapport au Synode national de Dourdan 1984, Information-Evangélisation (ERF, 1984), n° 2-3, pp. 69-78.

8 En France, en particulier, le protestantisme, condamné à plus d’un siècle de clandestinité matrimoniale par la mainmise de l’ Eglise catholique sur la juridiction du mariage, a accueilli comme une forme de délivrance l’institution du mariage civil par la Constitution de 1790, consolidée, ensuite, par le Code civil de 1804.

9 Cf. Henri Blocher, « Fondement biblique du passage devant le maire », Ichthus (1984-6, n° 125).

10 Cf. Code pénal 1994. Art 433-21: « Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 50 000 francs d’amende. » Les possibilités de reconnaissance de cette infraction restent toutefois très limitées; cf. à ce propos Jean Carbonnier, « Vertu du mariage civil », dans Couples d’aujourd’hui, réflexion protestante (Paris: Les Bergers et les Mages, 1983), pp. 45-46.

11 Pie IX, allocution du 27 septembre 1852, citée par Eric Fuchs, Le désir et la tendresse (Genève: Labor & Fides, 1979, première édition), p. 153.

12 Martin Luther, Propos de table (Ed. Aujourd’hui), p. 347. Pour plus de développements sur la pensée du réformateur sur cette question précise: cf. Robert Grimm, Luther et l’expérience sexuelle ­- Sexe, célibat, mariage chez le réformateur (Genève: Labor & Fides, 1999), pp. 259-263.

13 Karl Barth, Dogmatique, III/4/ vol. I (Genève: Labor & Fides, 1964), p. 235.

14 La législation hollandaise du 1er avril 2001, instituant la possibilité du mariage homosexuel, en effaçant l’obligation de la différence des sexes, vient malheureusement atténuer la portée de cette affirmation sur le plan européen.

15 Il est, du reste, incontestable que l’introduction de ces différentes notions dans le droit matrimonial occidental est directement redevable, du point de vue historique, à l’influence de l’Eglise chrétienne sur la culture séculière. Cf. à ce propos Jean-Claude Bologne, Histoire du mariage en Occident (Paris: JC Lattes, 1995).

16 Cf. la doctrine catholique romaine des œuvres, telle qu’elle fut définie, par exemple, par le Concile de Trente.

17 Sur le plan ecclésial également, Jésus porte le titre de « Médiateur de l’Alliance » (Hébreux 8:6 et 9:15). Il est celui par qui Dieu accomplit les promesses d’une alliance de grâce fondée antérieurement à sa venue (cf., par exemple, la finale du Magnificat: « Comme il l’avait dit à nos pères, envers Abraham et sa descendance pour toujours », Luc 1:55).

18 Cf. à ce propos l’art. 1621 du Catéchisme de l’Eglise catholique (Paris: Mame, 1992).

19 Seule exception: on rencontre parfois, parmi les évangéliques, des protestants qui refusent la célébration religieuse du mariage à des personnes non baptisées.

20 Cf. Eric Fuchs, op. cit., pp. 90-93.

21 « Epître à Diognète », Sources Chrétiennes n° 33 (Paris: Cerf, 1951), V-6, p. 63.

22 Cf. Eric Fuchs, op. cit., pp. 127-132.

23 Cf. Eric Fuchs, op. cit., p. 129.

24 Robert Grimm, « Quelle signification, quelle importance donnons-nous à la célébration civile et religieuse du mariage », rapport au Synode national de Dourdan 1984, Information-Evangélisation (ERF 1984), n° 2-3, pp. 75 B, 95 B, 76 A.

25 André Dumas, « Le mariage change de visage; qu’en pensent les Eglises? », dans  Couples d’aujourd’hui, réflexion protestante (Paris: Les Bergers et les Mages, 1983), p. 84.

26 Jean-Jacques von Allmen, Le prophétisme sacramentel (Neuchâtel: Delachaux & Niestlé, 1964), pp. 183-200, résumé par P. Berthoud dans « Couple et ordonnance créationnelle », La Revue réformée (n° 144-1985/4), p. 184 (citation libre).

27 A ce propos, cf. Michel Johner, « Le mariage et le divorce, considérations bibliques et théologiques », in Les protestants et la famille, Actes du colloque de la Fédération protestante de France du 11 mars 2000 (Paris: FPF), pp. 9-16

28 Dans la pratique pastorale, nous rencontrons souvent, chez les couples candidats à la célébration religieuse, une grande timidité (voire une inculture théologique) qui les empêche de répondre à des questions trop précises. L’expérience m’a toutefois montré qu’il est plus facile de les faire s’exprimer par la négative que par l’affirmative, en leur demandant, non pas quel sens revêt à leurs yeux la cérémonie religieuse du mariage, mais ce qui leur manquerait, ou ce dont ils seraient frustrés, si cette cérémonie leur était refusée.

29 Comme l’écrit Richard Gelin: « Est-il vraiment impossible ou incongru d’adapter le contenu et donc la forme à ce que le couple est capable de signifier de son attente de Dieu? Autre est la prière qui accompagnera le couple vivant dans la joie du salut, autre sera la prière accompagnant le couple demandant seulement la bénédiction du Créateur. » « Bénir ou ne pas bénir », Cahiers de l’Ecole pastorale (décembre 2000, hors série n° 2), pp. 49-50.

30 Richard Gelin, op. cit., p. 45.

31 C’est en catholicisme que dans certaines conditions peut être retenu comme vice justifiant la déclaration de nullité du mariage « l’exclusion explicite d’une propriété ou d’un élément essentiel au mariage: fidélité, indissolubilité, procréation » (cf. Xavier Lacroix, Le mariage tout simplement (Paris: L’Atelier, 1994), p. 105; c’est nous qui soulignons).

32 Christophe D. Müller, « Les actes liturgiques de bénédiction et la demande de reconnaissance », in La reconnaissance des couples homosexuels (Genève: Labor & Fides, 2000), p. 111.

33 Christophe D.Müller, « Pour mieux comprendre la bénédiction », in Qui a peur des homosexuel-les? Evaluation et discussion des prises de position des Eglises protestantes de Suisse (Genève: Labor & Fides, 2001), pp. 71-85.

34 L’obligation de l’antériorité du mariage civil (cf. note 9).

35 Sur le concubinage, cf. Michel Johner, A quoi sert le mariage? (Aix-en-Provence: Ed. Kerygma, 1997).

36 Cf. à ce propos Jean Carbonnier, « Vertu du mariage civil », dans Couples d’aujourd’hui, réflexion protestante (Paris: Les Bergers et les Mages, 1983), pp. 37-48.

37 Sur le PACS, cf. Michel Johner, « Vers un mariage sexuellement neutre? Débats sur le contrat d’union civile et sociale », Nuance (février 1998, n° 82), pp. 3ss, et « Mariage et PACS: le couple à deux vitesses », Nuance (février 1999, n° 92), pp. 6ss.

38 Comme le dit le texte du CPLR: « La différence des sexes et celle des générations doit rester un socle solide. Si la société civile passe outre cette limite qui n’a de but que d’être structurante, les Eglises peuvent avoir le courage de refuser que tout se vaut, et persister à instituer la différence et à indiquer leurs repères et leurs valeurs fondatrices (…). En refusant de bénir une union homosexuelle, l’Eglise signifierait officiellement qu’elle considère que la relation du couple homosexuel (…) ne peut prétendre à s’ériger en modèle d’identification au même titre que la relation du couple hétérosexuel. » Op. cit., pp. 6-7.

39 Sur l’homosexualité, cf. Michel Johner, « L’homosexualité dans la Bible: quand la condamnation et la grâce se rencontrent », Construire ensemble (avril 1999, n° 12), pp. 8ss.

40 Dans Qui a peur des homosexuel-les? Evaluation et discussion des prises de position des Eglises protestantes de Suisse, op. cit., p. 195.

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