Éducation et catéchèse (3)

Éducation et catéchèse (3)

Wim VERBOOM

Le professeur Wim Verboom, qui enseigne la catéchèse aux futurs pasteurs à l’Université de Leyde, aux Pays-Bas, nous propose trois études.

Son plan général est le suivant:

– Introduction et l’enseignement religieux dans l’Ancien Testament. –L’enseignement religieux dans le Nouveau Testament. –Education et catéchèse aujourd’hui.

Les deux premières études ont paru dans les numéros précédents; voici la troisième et dernière.

Beaucoup de confusion et d’incertitude entoure la transmission de la foi.

Il n’est pas juste d’appliquer tout simplement les données bibliques à notre temps. Il convient plutôt, à partir des structures offertes par la Bible, de trouver des directives permettant d’assumer notre responsabilité actuelle d’enseigner et d’éduquer nos enfants et nos jeunes. Dans cette étude, nous allons nous intéresser à deux des lieux où s’effectuent l’éducation et l’enseignement de la nouvelle génération. C’est d’abord la famille, avec la tâche des parents et, ensuite, la communauté ecclésiale, avec la tâche des pasteurs et celle de tous ses membres. Il en existe un troisième, à savoir l’école, qui ne sera pas traité ici.

I. La tâche des parents dans la famille

Je prends comme point de départ le baptême de l’enfant, même si je sais bien que certains font un autre choix. Pour la foi réformée, les enfants sont baptisés quand ils sont tout petits. Le baptême est, en effet, le signe et le sceau de l’Alliance de grâce que Dieu a conclue avec les parents et leurs enfants. Dieu incorpore les enfants dans son Alliance. Autrement dit, il est le premier dans la relation qui unit Dieu et l’homme. Les hommes ne cherchent pas Dieu spontanément, mais le Seigneur les cherche dans sa grâce avant qu’ils puissent le faire.

Ainsi Dieu promet sa grâce à nos petits enfants. Selon une liturgie hollandaise classique,

– être baptisé au nom du Père veut dire que Dieu promet d’être notre Père céleste;

– être baptisé au nom du Fils veut dire que Dieu le Fils promet de nous sauver de la damnation que nous méritons à cause de nos péchés;

– être baptisé au nom de l’Esprit saint exprime la promesse que Dieu fortifiera la foi dans nos coeurs et nous rendra participants du salut que Christ a effectué.

Dans son Alliance, le Seigneur promet tout cela aux enfants des croyants et il attend une réponse de l’enfant baptisé qui, en grandissant, est appelé à répondre par l’affirmative à ses commandements et à ses promesses. C’est là un processus de conversion (ou de renaissance) et de foi, qui se concrétise dans l’acte public de la profession de foi.

Il est donc extrêmement important que les enfants et les jeunes apprennent à connaître Jésus-Christ comme leur Sauveur personnel et à le confesser. Cette connaissance n’est pas innée. Personne ne la développe en lui-même. Pour cela, on a besoin du Saint-Esprit, qui ouvre le coeur fermé à la Parole de Dieu. Il nous pousse à nous réfugier dans les bras de Jésus-Christ avec tous nos péchés, à lui faire confiance afin qu’il nous aide à vivre comme un enfant de Dieu. Tout cela est promis dans le baptême. Tout est fondé sur la promesse de Dieu.

Le plus souvent le Saint-Esprit travaille indirectement, c’est-à-dire en faisant appel à des personnes, par exemple les parents qui apprennent aux enfants et aux jeunes à répondre à l’Alliance de Dieu. La Bible attache beaucoup d’importance à cette tâche des parents. Deutéronome 6 et le Psaume 78 la décrivent et la chantent. En Ephésiens 6:4, Paul y insiste. Les parents devront prendre cela à coeur et comprendre qu’ils sont des instruments dans la main de Dieu.

II. L’éducation des petits enfants

Cette éducation commence dès avant la naissance. Les parents qui attendent un enfant prient Dieu afin qu’il veuille le bénir et permettre qu’il soit sauvé avec eux temporellement et éternellement.

Il est essentiel que, dès le début, l’enfant grandisse dans une ambiance de sécurité, ce qui se passe dans la première période de sa vie ayant, ensuite, une influence déterminante. Le climat de la famille où l’enfant grandit doit être un climat de foi qui reflète la confiance que les parents connaissent eux-mêmes en Jésus-Christ.

Une des premières choses à apprendre aux enfants, c’est à prier. D’abord, la mère prend les petites mains de l’enfant et prie pour lui. Ensuite, l’enfant doit apprendre à joindre les mains et à fermer les yeux lui-même et à répéter la prière de sa maman. On peut le faire à l’heure du dîner, au coucher ou quand l’enfant se lève. Pour ces trois moments, le Réformateur Luther a consigné quelques belles prières dans son Petit Catéchisme (1529). Les abécédaires (manuels d’école) de la Genève de Calvin proposent de telles prières. En ouvrant la Bible, les parents mettent leurs enfants en contact avec le Seigneur, ses promesses et ses commandements. La Bible est le livre où Dieu se révèle et offre son salut aux hommes. Que saurions-nous de Dieu s’il ne s’était pas présenté lui-même dans sa Parole?

Un bon instrument est La Bible racontée aux enfants , où on lit les histoires les plus importantes. Ainsi la Bible devient familière aux enfants. Pourtant, ces ouvrages ne sont pas la Bible elle-même; ils ne font que montrer la voie qui y mène, comme le précise son auteur, Anne de Vries.

Ensuite, il est très important que les enfants comprennent qu’ils font partie de la communauté chrétienne. La famille où ils grandissent n’est pas isolée des autres familles qui appartiennent aussi à celle-ci. C’est pourquoi il est nécessaire que le dimanche, les parents emmènent leurs enfants au culte. Ceux-ci font totalement partie de la communauté et dans le culte, on peut très bien tenir compte de leur présence. Des rassemblements d’enfants, où les petits s’appliquent à chanter, à écouter la Parole et apprennent à être ensemble au nom de Jésus, sont une grande bénédiction. Il faut que les parents saisissent les occasions de parler aux enfants de leur foi en Jésus-Christ et de les mettre en contact avec le Seigneur, notamment au moment du coucher en évoquant les événements de la journée. L’enfant avant de s’endormir devrait non pas se remémorer les images de la télévision, mais penser à la conversation intime qu’il vient d’avoir avec papa et maman, ou à la lecture de la Bible ou d’un autre livre sur la foi.

Dans la vie de famille, certaines habitudes ou certains rituels sont utiles. L’éducation religieuse exige de l’ordre et des règles (lecture de la Parole de Dieu et prière). De plus, il y a des habitudes et des activités susceptibles d’avoir une bonne influence sur l’éducation, comme chanter des cantiques après le dîner. Des parents prêtent une attention spéciale à la date du baptême de leur enfant et lui racontent, tout jeune, que ce jour-là Dieu s’est engagé à son égard d’une façon particulière. Il y a aussi de multiples formes de célébrer les fêtes chrétiennes comme Noël, Pâques, etc.

De nos jours, il n’est pas facile, pour les parents, de donner une bonne éducation chrétienne, car ils sont souvent dépourvus d’expérience et ne savent pas par où commencer et comment procéder ensuite. Tous les moyens leur sont d’un grand secours: livres très simples où sont décrits les aspects élémentaires du culte, du baptême, de la sainte cène, etc.

Le rôle des parents est de la première importance. Comment les enfants apprendront-ils que Dieu est digne de confiance si leurs parents qui en parlent ne le sont pas? Chaque parent est appelé à prier: « Dieu, rends-moi sincère, afin de montrer à mes enfants quelque chose de ta vérité et de ton amour. » Quelle bénédiction s’il manifeste par son attitude sa joie de croire au Seigneur Jésus. Ce que les enfants apprennent dès la plus tendre enfance garde son importance pour toujours et porte son fruit quand Dieu le veut.

L’image de Dieu que les parents donnent, consciemment ou inconsciemment, à leurs enfants est très importante. Est-ce un Dieu dur ou plein d’amour, sévère ou tolérant? La Bible est normative. Les parents ont promis d’être fidèles; cela vaut également pour l’éducation de leurs enfants. Les parents qui ont dit « oui » au baptême de leur enfant doivent résister à la séduction actuelle de le laisser n’en faire qu’à sa tête. Ce n’est pas respecter sa liberté, mais le placer dans une situation d’esclavage.

Il y a certes des situations très compliquées. Que les parents qui ont besoin d’assistance la cherche auprès de leur médecin et surtout de leur pasteur, et qu’ils lisent des ouvrages de pédagogie. Ce sont là de bons moyens pour éviter de trop graves erreurs.

III. L’éducation des enfants plus âgés

Normalement, les enfants entrent dans une nouvelle période de leur vie à l’âge de douze ans. Leur phase enfantine est terminée; un monde plein d’autres milieux que celui de leur propre famille et de cultures différentes s’ouvre devant eux. Ils découvrent des enfants éduqués autrement et professant une autre religion. Jusque-là, ils ont suivi leurs parents. Cala va changer maintenant.

Ils sont à la recherche de leur identité. Pourquoi suis-je tel que je suis? Pourquoi ne suis-je pas comme les autres qui vivent différemment? Pourquoi est-ce que je vis? Au fond, est-ce que je veux vivre comme mes parents? Les questions se multiplient. Période très difficile pour les jeunes. Au lieu d’imiter, ils vont chercher une attitude propre. Ils vont éprouver les normes et valeurs de leurs parents et chercher à discerner si elles sont vraiment fonctionnelles pour eux. Sont-elles utiles pour la vie de tous les jours? Sont-elles dignes de confiance? Pendant cette période de leur vie, les jeunes ont un esprit critique développé; c’est normal dans notre culture, bien que dans la Bible cela ne s’observe guère.

En ce qui concerne leur vie religieuse, les jeunes se replient souvent sur eux-mêmes après avoir été très ouverts et spontanés. A l’âge de la puberté, beaucoup sont temporairement peu communicatifs alors qu’ils sont très vulnérables sur le plan religieux. Certains renient l’Eglise et la foi à la grande tristesse de leurs parents et de leurs grands-parents. D’autres, moins radicaux, remettent à plus tard le moment du choix.

Mais, par la grâce de Dieu, il y a heureusement des jeunes qui font le bon choix (1 Tm 6:12), parfois à travers une crise. Il arrive même qu’ils soient un exemple pour les adultes.

Pendant toute la période de la croissance des enfants, causer avec eux est très important, même si cela devient de plus en plus difficile. Les parents ont souvent beaucoup de peine à écouter, n’ayant pas appris à dialoguer avec leurs enfants. Même s’il n’y a pas d’abîme entre les générations, ils peuvent avoir le sentiment qu’il existe une sorte de cloison en verre entre leurs enfants et eux. Ils se sentent parfois menacés par ce qu’ils entendent et ne l’acceptent pas. La conversation demande, en effet, beaucoup d’abnégation et un processus d’apprentissage, mais l’énergie et le temps consacrés aux conversations pendant cette période sont loin d’être perdus. Si l’occasion d’un moment propice au dialogue se présente, il faut la saisir. Tant pis si l’heure du coucher est tardive; cela vaut la peine.

Josué présente un exemple magnifique de dialogue entre parents et enfants après le passage du Jourdain par un acte puissant de Dieu en faveur de son peuple. Douze pierres dans la rivière le rappellent désormais. Chaque fois que les jeunes interrogent sur le sens de ces pierres, les parents ont l’occasion de rendre un témoignage de leur foi, non pas tant en raisonnant qu’en racontant tout simplement qui est le Seigneur et ce qu’il a fait pour eux.

Une conversation est un dialogue entre deux interlocuteurs. Elle doit être ouverte. En parlant, on avance quelque chose, on montre la voie, on ne prescrit pas. Les jeunes gens sentent très bien l’intention de leurs parents qui, eux aussi, commettent des fautes, et ils l’apprécient.

Si le dialogue entre parents et enfants ne s’établit pas, ceux-ci peuvent menacer de quitter la maison si leurs parents continuent de parler de la foi. Dans ce cas-là, les parents n’ont qu’à se tourner vers Dieu et à prier avec persévérance pour leurs enfants, en rappelant au Seigneur l’Alliance qu’il a conclue avec ceux-ci. Pensons à la mère d’Augustin, Monique. Quand son fils s’est détourné de Dieu et de sa Parole, elle a persévéré dans la prière pour lui pendant trente ans. Un jour, l’évêque Ambroise, de Milan, lui a dit: « Un enfant objet de tant de prières et de larmes ne peut pas périr. » Plus tard, Dieu a exaucé ses prières. Augustin a confessé sa foi en public et, dans l’Eglise, a été un homme de grande envergure. Il est la preuve que Dieu entend les prières et les exauce.

IV. La tâche de la communauté pour les jeunes

Dans la Bible, la tâche d’enseignement des parents dans la famille est attachée à celle de la communauté. A notre époque individualiste, il est grand temps de le remarquer. Bien des parents enferment l’éducation religieuse de leurs enfants entre les murs de leur maison et ne veulent pas que d’autres s’en mêlent. La Réforme a connu le parrain et la marraine, deux personnes qui sont à côté des parents pendant le baptême. Ces témoins répondent aussi aux questions posées aux parents du baptisé et promettent également d’éduquer l’enfant selon la Parole de Dieu. Ils le font de la part de la communauté, qui se sent responsable, avec les parents, du bien-être spirituel des enfants.

Comment cette responsabilité de la communauté vis-à-vis des enfants peut-elle prendre forme? Par des catéchismes à l’intention des parents qui ont fait baptiser leurs enfants, où l’on parle de la signification du baptême et de l’éducation qui en résulte ainsi que des expériences faites. Cela crée un lien solide entre les parents, qui se sentiront encouragés dans leur tâche.

Dans l’Eglise, des programmes d’apprentissage destinés aux enfants peuvent être institués. Depuis longtemps déjà, il existe des écoles bibliques dans les Eglises. C’est là qu’on raconte les histoires de la Bible aux enfants, qu’on leur apprend à chanter des chants spirituels et que l’on prie avec eux.

Aujourd’hui, de nouvelles formes existent. A partir de douze ans, les jeunes suivent le catéchisme. Au temps de la Réforme, ils confessaient leur foi beaucoup plus tôt qu’à notre époque, du moins dans les Eglises de tendance réformée. La catéchèse pour les jeunes de douze à vingt ans qui se pratique de nos jours n’existait pas. Cette catéchèse « normale » est menacée alors qu’à cette période de leur vie, les jeunes sont exposés à la sécularisation et ont beaucoup d’autres choses à faire. Les intérêts des jeunes et le message central de la religion chrétienne s’affrontent. Entre la tradition et la culture actuelle des jeunes, il y a souvent un abîme. C’est pourquoi il est essentiel de rechercher ensemble comment attirer et capter l’attention des jeunes. Il faut les rendre actifs. Le catéchisme est un processus d’apprentissage qui vise l’homme entier, la tête, le coeur et la main.

L’élément cognitif est important et la connaissance intellectuelle nécessaire. Osée dit: « Mon peuple périt parce qu’il lui manque la connaissance. » Trop de gens, aujourd’hui, n’ont qu’une faible connaissance des Saintes Ecritures. La connaissance affective est également importante. Les jeunes peuvent l’acquérir en dialoguant et en partageant leurs expériences avec les autres.

La communauté ne doit pas oublier ceux qui risquent facilement de rester en marge de la paroisse: les jeunes qui ont un handicap mental et ont besoin d’une catéchèse spéciale adaptée à leur développement intellectuel et psychique.

Un pasteur hollandais bien connu au XVIIe siècle, Wilhelmus A. Brakel a dit: « Je n’arrive pas à comprendre les pasteurs qui vivent et meurent tranquillement sans avoir pris au sérieux la catéchèse. » Ce n’est pas uniquement le pasteur qui doit s’en occuper; c’est aussi la tâche de l’Eglise, même si l’exécution pratique est le fait du pasteur et de quelques autres…

Il est souhaitable, comme l’enseigne la Bible, que la catéchèse aboutisse à une profession de la foi en public. L’Alliance fondée par Dieu attend une réponse; l’amour doit être réciproque. A notre époque, cependant, il n’en est plus toujours ainsi. Si des jeunes décident de la faire, cette confession de la foi est le résultat d’un vrai choix et il importe de les aider à s’y préparer. Le moment où ces jeunes gens prononcent leur grand « oui » en présence de toute l’Eglise est plus émouvant encore si des jeunes ne faisant pas partie de l’Eglise jusque-là veulent se faire baptiser et confesser leur foi.

Conclusion

Selon la Bible, il est clair que, dans le domaine de la foi, l’apprentissage ne s’arrête jamais. Il dure toute la vie. Le Nouveau Testament précise que l’Eglise continue d’apprendre sans cesse. En Actes 2:42, on lit: « Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières. » En d’autres termes, l’apprentissage fait partie intégrante de la vie communautaire.

A l’époque de la Réforme, on avait compris que l’Eglise était une communauté d’apprentissage permanent. Si l’accent a été mis sur l’enseignement des enfants et des jeunes, la formation permanente des adultes existait aussi. Au fond, chaque culte est une forme de catéchèse, d’enseignement de la Parole. A la Réforme, il existait un culte d’apprentissage où petits et grands apprenaient ensemble.

Pourtant les cultes ne suffisent pas et il faut que, dans la vie de tous les jours, les membres de l’Eglise s’arment spirituellement afin de témoigner de l’Evangile, d’assumer une tâche dans l’Eglise ou dans la société. On ne cesse d’apprendre du berceau à la tombe.

Comme l’écrit Kohlbrugge, dans son livre Questions et réponses pour éclairer et confirmer le catéchisme de Heidelberg , à la question: « Combien de temps faudra-t-il pour apprendre la première question (quelle est ton unique assurance dans la vie comme dans la mort?) et la première réponse du catéchisme? », il répond: « Toute la vie. »

Ainsi soit-il!

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