1) Introduction – Présentation générale

Introduction
Présentation générale

Le Conseil international sur l’inerrance biblique a été fondé en 1977, conçu pour durer dix ans et atteindre dans ce délai un objectif précis. Celui-ci était d’oeuvrer, Dieu voulant, par des publications et l’enseignement académiques à la consolidation de la confiance chancelante du peuple chrétien dans l’entière véracité des Ecritures.

Puisqu’une telle perte de confiance estompe l’affirmation des absolus du christianisme authentique et émousse le zèle à les maintenir, la tâche paraissait urgente. Dix années d’efforts consacrés à inverser la tendance au scepticisme à l’égard de la Bible, cela ne paraissait ni trop long quant au travail à faire, ni trop lourd quant à la charge financière. Dans sa dixième année et de tous les points de vue, le Conseil considère tout ce qui a été accompli comme une raison de profonde reconnaissance envers Dieu.

Les trois conférences au sommet, organisées par le Conseil et réunissant des spécialistes de renom[1], ont été conçues comme une série logiquement ordonnée, chacune permettant de mettre à profit les compétences et d’unifier le témoignage.

– Le « sommet » de 1978 a débouché sur une reformulation, importante pour notre temps, de la conception chrétienne traditionnelle de l’Ecriture sainte: la révélation canonique donnée sous plusieurs formes de témoignages humains à la volonté, aux oeuvres et aux voies de Dieu[2].

– Le « sommet » de 1982 a suscité un très large consensus autour des principes herméneutiques et des critères de l’interprétation biblique[3].

– Le « sommet » de 1986 entendait montrer comment la Bible, correctement interprétée, est pertinente dans des domaines où règne la confusion, où fait rage la controverse, au sein de la culture occidentale aujourd’hui[4].

D’emblée, la nécessité des deuxième et troisième « sommets » a été manifeste, car croire la Bible inerrante ne sert pas à grand-chose si on ne sait pas comment l’interpréter. Quant à l’interprétation, elle implique aussi l’application aux réalités de la vie contemporaine.

Le troisième « sommet » s’est préoccupé de l’application des vérités éternelles aux situations concrètes de la fin du XXe siècle. Il n’a pas mis en relief la tâche pastorale et l’évangélisation, qui cherchent à assumer l’intériorisation et la mise en pratique de la vérité connue. Il a plutôt porté son attention sur ce que signifie vivre cette vérité dans le monde actuel. Le « sommet » ne s’est donc pas arrêté sur la discipline personnelle de la vie chrétienne parce que de très bons ouvrages existent déjà sur ce sujet et parce que la crise ne sévit pas tant sur ce point.

En revanche, il a porté son attention, en premier lieu, sur le fondement trinitaire, qui doit déterminer la vie entière de l’Eglise ainsi que son témoignage, et, en second lieu, sur un certain nombre de préoccupations en rapport avec la société que l’on pourrait regrouper sous la même rubrique de l’éthique sociale chrétienne.

Les thèmes choisis l’ont été en partie à cause de leur importance intrinsèque et en partie parce qu’il fallait dissiper le doute quant à la possibilité pour des chrétiens respectueux des Ecritures de se mettre d’accord sur la manière de les traiter.

Ainsi, comme le consensus du premier « sommet » a dissipé le doute quant à l’entente possible sur la nature des Ecritures et, celui du deuxième « sommet » le doute quant à l’entente possible sur les principes d’interprétation du texte inspiré entre défenseurs de l’inerrance, le troisième « sommet » a présenté un très large consensus sur la façon dont la Bible, à laquelle on accorde sa confiance, dirige la prière, les projets et l’action dans cette société à la dérive qu’est la société présente.

Nous remercions Dieu pour tous ces points d’accord qui revêtent à nos yeux une profonde signification pour notre temps.

James I. Packer

LIMINAIRE: LA DOCTRINE DE L’ÉCRITURE

L’action divine surnaturelle, qui a produit les Ecritures canoniques, nous a livré non pas un manuel de théologie et d’éthique, mais quelque chose de plus riche et de plus instructif: un livre de vie constitué de soixante-six livres différents et regroupant beaucoup de matériaux variés. Sa colonne vertébrale est un ensemble de récits historiques s’étalant sur des millénaires et rapportant comment Dieu le Créateur est devenu Dieu le Rédempteur après que le péché fut entré dans le monde et eut corrompu l’humanité.

Tous les matériaux bibliques, qu’ils soient didactiques, doctrinaux, liturgiques, relatifs à la piété ou à la morale et quelle que soit leur forme (sermon, lettre, hymne, prière, loi, liste, proverbe ou réflexion philosophique ou pratique), possèdent cette même caractéristique: fournir des exemples d’application à des groupes particuliers, dans un contexte historique et théologique précis, à un moment donné du déroulement de la révélation et de la rédemption.

Par conséquent, et en raison de la grande distance culturelle entre les civilisations du Proche-Orient ancien, qui ont donné naissance à la Bible, et la vie collective de l’Occident moderne, il est souvent difficile de discerner quelle est, pour notre temps, l’application la plus fidèle et la plus sage des principes bibliques.

Il faut dégager les vérités universelles sur Dieu et sur l’homme en relation l’un avec l’autre, des applications dans lesquelles elles se sont tissées et dans lesquelles nous les découvrons; il faut, ensuite, appliquer ces vérités universelles au contexte culturel et au déroulement de l’histoire actuels, bien différents, il est vrai, du contexte biblique. Ainsi, en vue de l’application de l’Ecriture au milieu changé et changeant de notre temps, il faudra garder à l’esprit les principes suivants:

I. L’autorité de l’Ecriture et celle du Christ ne font qu’un

L’Ecriture entière doit être considérée comme le canal et l’organe de l’autorité du Christ puisqu’il nous a certifié lui-même qu’elle était la Parole de Dieu et la seule autorité permanente: l’Ancien Testament par le témoignage qu’il lui a rendu et par l’usage qu’il en a fait, et le Nouveau Testament par sa promesse que le Saint-Esprit assisterait ses auteurs apostoliques et prophétiques.

En conséquence, être fidèle au Christ implique d’accepter en conscience tout ce que l’Ecriture enseigne, à l’indicatif comme à l’impératif. En outre, l’idée communément répandue selon laquelle la loyauté au Christ pourrait s’accommoder d’une lecture sceptique et sélective de l’Ecriture doit être rejetée comme une illusion perverse et injustifiable. L’autorité de l’Ecriture et l’autorité du Christ ne font qu’un.

II. L’Ecriture procède de la pensée de Dieu l’Esprit

L’Ecriture est totalement cohérente dans tout ce qu’elle enseigne puisqu’elle procède en fin de compte de la même pensée, celle de Dieu l’Esprit. Toute apparence de contradiction ou de confusion internes est donc trompeuse; la tâche de l’exégète consiste aussi à trouver comment la dissiper. Dans quelle mesure réussira-t-on? Cela variera, mais il faudra toujours viser ce but. L’harmonie de l’Ecriture est axiomatique; elle est certaine si le Dieu de vérité, de qui tout enseignement biblique procède, connaît toujours sa propre pensée et ne falsifie jamais les faits. Si donc, de par sa nature, Dieu dit seulement ce qui est vrai et digne de confiance, il convient de recevoir comme certain tout ce que l’on croit enseigné par l’Ecriture, quel qu’en soit le sujet.

III. Une révélation progressive

Il ne faut pas négliger les différences entre les étapes successives de la révélation divine et il convient d’être attentif au fait que certaines exigences de Dieu aux temps pré/néotestamentaires étaient seulement temporaires. Toutefois, cela admis, nous devons chercher à discerner quels principes moraux et spirituels permanents ont été appliqués et exprimés par ces exigences avant de nous poser la question de leur application aujourd’hui.

IV. L’Ecriture est suffisante et claire

L’Eglise n’est, dans aucune de ses instances, source d’information infaillible sur Dieu en dehors des Ecritures, ou interprète infaillible de la Bible. Elle se situe sous l’autorité de la Bible et non pas au-dessus. Les prétentions traditionnelles du magistère catholique romain ne sont ni justifiées bibliquement, ni vraisemblables en elles-mêmes. Celles de certains groupes protestants se disant conduits et enseignés par l’Esprit ne le sont pas davantage, tant que manque l’appui biblique.

En revanche, des siècles d’étude de la Bible ont montré maintes et maintes fois que l’Ecriture canonique s’interprète elle-même de l’intérieur sur tous les sujets d’importance pour la vie: la foi, l’espérance, l’obéissance, l’amour et le salut. La quasi-unanimité des commentateurs respectueux des Ecritures, sur ces points essentiels, confirment avec force l’affirmation des Réformateurs selon laquelle l’Ecriture, telle que nous la possédons, est à la fois suffisante et claire.

En d’autres termes, l’Ecriture est complète en tant que révélation de Dieu et claire quant à son message et à sa signification pour tous ceux qui, par la grâce du Saint-Esprit, voient ce qui est manifeste. Etant donné que la sanctification intellectuelle des chrétiens est encore imparfaite, comme le reste de leur sanctification, on peut s’attendre à certaines divergences d’opinion entre lecteurs « évangéliques » sur des points secondaires. Qu’on ne les prenne pas pour une mise en cause de la clarté intrinsèque des Ecritures, que tous veulent mettre en évidence, puis appliquer.

V. L’Ecriture doit nous façonner intellectuellement, moralement et spirituellement

Réduire l’enseignement biblique à des axiomes, des présuppositions et des paradigmes culturels d’un âge ou d’un autre est une erreur de méthode. En effet, l’Ecriture dévoile l’oeuvre du Créateur, « chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation » (Jacques 1:17), ses voies et sa volonté pour l’humanité en tant que telle. Ainsi toute opinion humaine sur les valeurs, les priorités et les devoirs doit être évaluée et, si nécessaire, corrigée à la lumière de cette révélation.

Chaque culture, puisqu’elle est l’expression des buts d’une collectivité faisant partie de l’humanité pécheresse, tord, émousse et réprime les vérités bibliques qui, si elles étaient appliquées, la transformeraient. Tenir fermement à ces vérités et refuser leur assimilation compromettante au statu quo culturel n’est jamais facile.

L’histoire du protestantisme officiel des deux siècles passés est évocatrice en la matière. On a largement erré à cause de l’habitude prise de relativiser l’enseignement biblique en suivant la mode séculière du jour, qu’elle ait été rationaliste, historique, évolutionniste, existentialiste, marxiste ou autre.

On oublie ainsi que le péché plonge l’intelligence humaine dans les ténèbres et l’égare quand il s’agit de choses d’importance capitale; on oublie aussi que l’Ecriture nous a été donnée pour éclairer nos ténèbres mentales et spirituelles et qu’elle montre les limites des conceptions et des prétentions de toute culture.

Au sujet de Dieu ou de la manière de vivre, la culture séculière s’égare toujours (voir Romains 1:18-32) et, seule, la révélation biblique peut apporter les rectifications nécessaires. Nous n’avons pas pour mission de corriger la Bible, mais de permettre à l’Ecriture de nous corriger. Nous ne lirons correctement l’Ecriture que lorsque nous laisserons l’enseignement biblique, en tant que vérité absolue de Dieu, modifier les conceptions que la société tient pour acquises au sujet de Dieu et de la meilleure façon de vivre.

L’approche correcte de l’Ecriture consiste à la laisser nous façonner intellectuellement, moralement et spirituellement. C’était l’argument des Réformateurs lorsqu’ils parlaient de la nécessité de l’Ecriture: nul ne peut penser juste sur Dieu, ni vivre et se conduire comme il le faut sans la Bible.

Bien poser la question herméneutique, tellement centrale pour nos débats contemporains, c’est se demander quels obstacles, en nous ou dans notre culture, nous empêchent de percevoir l’application à notre situation de la Parole immuable de Dieu, parole de jugement, de miséricorde, de repentance et de justice.

La question ainsi posée, la Parole de Dieu produit sur nous son effet, chose difficile autrement. L’effet variera d’une époque et d’un endroit à l’autre, car il est bon que la Parole trouve une expression conforme aux particularités de chaque culture; mais le principal de cet effet, c’est-à-dire l’appel à la repentance et à la foi au Christ, à l’adoration et à la sainteté devant Dieu, à l’amour du prochain et à la justice sera partout et toujours le même.

VI. Les désaccords sur la meilleure application des principes bibliques ne doivent pas troubler

L’application des principes bibliques est toujours conditionnée par les limites de notre information sur la situation en question. Lorsque des discussions naîtront sur les différentes actions possibles ou leurs conséquences probables, directes ou indirectes (comme par exemple les effets à long terme de développements industriels, de politiques économiques ou de stratégies militaires), des désaccords auront tendance à apparaître quand il faudra choisir la façon la meilleure et la plus sage d’agir.

On pourrait être troublé par de tels désaccords puisque le devoir d’aimer le prochain, que l’Ecriture impose à tous, engage à rechercher les meilleures solutions pour les autres. Mais des divergences de cette nature ne signifient pas nécessairement que les principes manquent de certitude; elles ne reflètent pas forcément des interprétations opposées de l’infaillible Ecriture.

VII. Une liberté responsable

En appliquant les principes bibliques, il convient de reconnaître les zones de liberté dans l’espace balisé par les lois de Dieu; nous y avons la responsabilité de choisir les options qui nous semblent les plus fécondes pour la gloire de Dieu et le bien de l’humanité, dont le nôtre. Une des règles de sagesse et d’obéissance chrétiennes est de ne jamais laisser le bien devenir l’ennemi du mieux, ou de ne jamais préférer ce qui semble « pas mal » à ce qui est manifestement meilleur.

Ici encore, les chrétiens, dont les théologies s’accordent en substance, peuvent avoir des divergences de vues dues à des facteurs, personnels ou culturels, qui influencent à juste titre leur échelle de valeurs et leurs priorités. Une fois de plus, ce serait une erreur de considérer que de telles différences témoignent d’un désaccord au sujet de la Bible.

VIII. Pour appliquer l’Ecriture, il ne faut pas s’appuyer sur sa propre sagesse

Pour appliquer l’Ecriture, il faut être oint du Saint-Esprit. Sans cette aide, les réalités spirituelles dont parle l’Ecriture ne seront pas perçues; la portée, la vigueur et la force de persuasion de l’enseignement biblique ne seront pas réellement saisies; l’étendue et la profondeur des visions, des attentes, des défis, des réprimandes et des appels à la foi et au changement de vie ne seront pas correctement comprises.

La seule attitude saine pour ceux qui veulent mettre en avant la pertinence de la Parole de Dieu est de reconnaître humblement qu’il y a toujours plus à apprendre, que nos connaissances actuelles sont incomplètes, et de constamment demander le secours de Dieu pour plus de lumière et de sagesse. Cet état d’esprit ne devient réalité que pour ceux qui sont liés à Jésus-Christ leur Sauveur et qui ont pris conscience de leur aveuglement et de la folie de leur raison naturelle, et à qui le Seigneur lui-même enseigne de ne pas s’appuyer sur leur propre sagesse.


[1] Parmi les quelque 250 rédacteurs des trois textes, on note des docteurs de ferme tradition évangélique comme Henri Blocher, James M. Boice, E.dmund Clowney, Roger Nicole, James I. Packer.

[2] Déclaration parue dans la revue Ichthus, n° 80, décembre 1978.

[3] Déclaration parue dans la revue Ichthus, n° 113, mars 1983.

[4] Le texte original comportait l’adjectif « nord-américaine ». La première publication en français a paru dans Fac-Réflexion (organe d’information publié par la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine), n° 9, juillet 1988. Nous la reproduisons après révision à partir du texte original.

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