La montée de l’athéisme contemporain

La montée de l’athéisme contemporain

Philippe SERRADJI*

Si l’on constate un regain d’intérêt pour le « spirituel », l’athéisme reste, en France, un interlocuteur important du christianisme. Non seulement pour des raisons historiques, mais également pour le renouveau « populaire » qu’il connaît. Dans une suite de deux articles et au travers de trois ouvrages représentatifs, nous analyserons les propositions de la pensée d’auteurs athées contemporains. Nous étudierons l’athéisme « militant » de Michel Onfray, puis, dans un article séparé, les athéismes « transcendants » de Luc Ferry et André Comte-Sponville. L’analyse n’aura pas pour objet d’approfondir les questions philosophiques, mais plutôt de souligner les points sur lesquels il est utile de s’arrêter dans une perspective apologétique.

    Il n’est nullement nécessaire de présenter M. Onfray tant ses ouvrages sont connus, commentés et médiatisés. On peut, néanmoins, signaler qu’il représente un courant fort, opposé aux monothéismes en général et au christianisme en particulier. Son récent ouvrage, le Traité d’athéologie[1], est un exemple symptomatique de la pensée du philosophe, résurgence des anticléricaux les plus virulents. Beaucoup a été dit et écrit sur l’ouvrage lui-même. Il est utile néanmoins d’en rappeler les grandes lignes avant de répondre à quelques-unes des principales accusations et de voir les points saillants de sa philosophie.

I. LE TRAITÉ D’ATHÉOLOGIE

L’ouvrage est tout à fait intéressant, car il illustre bien les préjugés et les écueils de l’athéisme « militant ».

 1. Antimonothéisme ou antichristianisme ?

Onfray dit s’attaquer aux monothéismes, il le fait, mais il est clair qu’il vise le christianisme et ce pour plusieurs raisons : 1. Il consacre un chapitre entier au christianisme comme démonstration de la « construction » monothéiste. 2. Il utilise des termes propres au christianisme pour illustrer ses propos, ce qui semble montrer qu’il le préoccupe premièrement. 3. Il réserve les termes les plus violents à Jésus et à Paul. 4. Il l’affirme lui-même : « l’athéologie peut s’occuper particulièrement de l’une des trois religions[2] », ce sera le christianisme !

2. Un ouvrage péremptoire sans argumentaire

« Loin de défendre l’athéisme d’une manière philosophiquement solide, il se livre en effet à une attaque en règle contre la religion en général, ce qui n’est pas du tout la même chose[3]. » On relève d’emblée que M. Onfray ne s’intéresse pas à la question de l’existence de Dieu, pourtant essentielle si l’on veut suggérer l’athéologie. S’il est clair qu’il n’y a pas de réel argumentaire, Onfray fait cheminer le lecteur pour l’amener à partager sa conclusion. Il s’agit de proposer « une physique de la métaphysique, donc une réelle théorie de l’immanence, une ontologie matérialiste[4]. » Pour Onfray, « Dieu n’est pas mort », « qui a vu son cadavre ? » demande-t-il. Une « fiction ne meurt pas[5] » ! Dieu respire encore en raison de l’antiphilosophie, de l’opposition des monothéistes à tout ce qui leur est étranger, de la stigmatisation des athées, et de « l’organisation de l’oubli[6] ». Il se doit donc de développer une « athéologie » dont l’objectif est de « déconstruire les trois monothéismes »[7] qui sont donc à combattre pour leurs haines de l’intelligence, de la femme, de la science, etc. A combattre aussi pour leur violence et leur tromperie, car la religion « … se constitue, s’installe et s’enracine sur des principes qui supposent toujours la falsification, l’hystérie collective, le mensonge, la fiction et les mythes…[8] ». Il faut, selon Onfray, une « laïcité post-chrétienne » émancipée « de la métaphysique judéo-chrétienne ». Une laïcité qui ne reconnaît pas le religieux, contrairement à celle « qui triomphe aujourd’hui », et qui met « à égalité toutes les religions et leur négation » et « avalise le relativisme »[9]. « Or tous les discours ne se valent pas[10]. » Les croyants ne valent pas « les rieurs, les matérialistes, les radicaux, les cyniques, les hédonistes, les athées, les sensualistes, les voluptueux. Ceux-là savent qu’il n’existe qu’un monde et que toute promotion d’un arrière monde nous fait perdre l’usage et le bénéfice du seul qui soit. Péché réellement mortel[11]. »

3. Asséner et « prélever » pour convaincre

Pour Onfray, les croyants sont des névrosés, des abusés, des crédules, des aveugles volontaires, des profiteurs, des malades mentaux, des comploteurs, des despotes, des misogynes, des ignorants, des tortionnaires, des mutilateurs, des faussaires, des antisémites, et la liste n’est pas exhaustive ! Les croyances sont dès lors des billevesées, des névroses, des schizophrénies, des balivernes, des fables, des stupidités, etc. Paul est un hystérique, un esclavagiste et un misogyne, entre autres[12]. M. Onfray répète à l’envie que le christianisme fait preuve de haine : de la vie, de l’intelligence, de la femme[13]. On peut aisément se demander s’il n’est pas de bon ton d’appliquer à Onfray le reproche qu’il fait aux monothéistes : « juifs, chrétiens et musulmans aiment les exercices de mémoire, (…) l’ensemble contribuant à faire passer l’esprit, le sens et l’intelligence du texte derrière le pur travail phonique de la lettre…[14] »

Onfray dénonce une « logique du prélèvement ». Selon lui, les chrétiens justifient tout et n’importe quoi à partir de versets « prélevés ». Mais comment peut-on reprocher à des chrétiens de bâtir des croyances sur des versets dont la signification première est détournée, pour, ensuite, construire soi-même une attaque basée sur la conception d’un Dieu et d’une religion, entièrement fondée sur sa propre interprétation de ladite religion, par la méthode du « prélèvement »[15] ?

4. Histoire revue et corrigée

L’histoire, c’est frappant dans le Traité d’athéologie, est détournée. Elle l’est premièrement par la torsion de faits, ce qui permet de placer la religion sous un jour ténébreux. Deuxièmement, par l’omission des crimes perpétrés par les visions immanentistes et athées des siècles précédents. Or, comme le déplore Baumier : « Il est des omissions qui alertent[16]. » Pour René Rémond : « Relire le passé d’une manière aussi unilatérale revient à opérer une sorte de purification historique, de ségrégation…[17] » Sans aucun scrupule, Onfray accuse néanmoins la religion d’être une construction au mépris de l’histoire[18].

II. LA RELIGION, SOURCE DE HAÎNE ?

    Pour R. Rémond, M. Onfray « cristallise un certain nombre de reproches que nos contemporains adressent au christianisme[19]. » Plus largement, il s’inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs.

1. Haine de l’intelligence et de la science ?

Les « prêches de Bossuet constituent une exception au milieu d’un flot de platitudes deux fois millénaires…[20] » Il faut être passablement sélectif pour ne pas remarquer l’apport des penseurs chrétiens à la science et à la philosophie et pour ne pas considérer la vivacité de la recherche théologique. La haine de l’intelligence est totalement étrangère au lecteur attentif des Ecritures. Les Proverbes, appel à l’intelligence et à la sagesse, prônent la vertu de la connaissance. De toutes façons, Onfray « pose comme allant de soi que nul chrétien ne peut rechercher le savoir pour lui-même dans le domaine religieux, que toute théologie est apologétique, et toute apologétique de mauvaise foi, toutes propositions également fausses[21]. » Onfray condamne a priori toute forme de recherche ou de savoir dès l’instant où le chercheur est croyant. A partir de ce postulat, nulle intelligence n’est possible quand on croit en Dieu !

Ne serait-ce pas plutôt le matérialisme qui, invalidant tout absolu, représente un danger pour l’intelligence ? Les matérialistes forment ce « groupe de penseurs » qui pourraient « jusqu’à un certain point, arrêter la progression de la pensée en enseignant à la génération suivante qu’il n’y a rien de valide dans aucune pensée humaine[22]. » Or c’est bien parce que la théologie place Dieu comme source de connaissance et d’intelligence que la pensée de l’homme peut être rationnelle.

La science a également une place contradictoire dans le modèle d’Onfray. Elle est exclue des bases épistémologiques de l’athéisme à venir, car : « L’athéisme post-moderne abolit la référence théologique, mais aussi scientifique, pour construire une morale[23]. » Pourtant, comme le souligne R. Rémond, « Le christianisme est … coupable aux yeux d’Onfray de dresser une sorte de barrière morale contre le progrès scientifique[24]. »

On peut finalement ajouter que les implications mécanistes de la philosophie matérialiste qui, en fin de compte ne sont qu’une option philosophique, sont une négation des progrès scientifiques.

2. Haine de la vie et pulsion de mort ?

Irène Fernandez note la contradiction[25] qui apparaît quand on tente de conjuguer croyance en Dieu et « pulsions de mort » : « Mais si la religion aime tant la mort, comment peut-elle en avoir en même temps aussi peur, puisqu’elle ne procède que de cette peur, comme le soutient ce Traité ?[26] »

Peut-on affirmer, comme le fait Onfray, que seules les croyances religieuses sont porteuses de violence ? Pour R. Rémond : « A décrire à longueur de pages comme des absurdités qui déshonorent ceux qui ont la faiblesse d’y croire les vérités de leurs religions respectives, ne compromet-on point toute possibilité d’estime entre compatriotes appelés à vivre ensemble ? Où est l’intolérance ? (…) On sait aussi par expérience que le mépris conduit à la haine[27]. » Le matérialisme[28] ne permet pas d’évacuer la violence, plus propre à l’homme qu’à la foi. Par ailleurs, l’analyse théologique de certaines dérives religieuses décriées par Onfray démontre que ce sont leurs visions trop immanentistes qui les ont poussées à rechercher dans ce monde l’établissement d’une théocratie. C’est précisément un danger propre à l’athéisme, forcément immanentiste, qui risque bien de s’ériger comme seule règle acceptable. Comme le rappelle Comte-Sponville : « Ce n’est pas la foi qui pousse aux massacres. C’est le fanatisme, qu’il soit religieux ou politique. C’est l’intolérance. C’est la haine[29]. » Chesterton le souligne : « Nous n’admirons pas, nous n’excusons guère, le fanatique qui détruit ce monde pour l’amour de l’autre. Mais que dire du fanatique qui détruit ce monde par haine de l’autre?[30] » Peut-être que l’athée l’ignore, mais l’absence de croyance en Dieu n’en est pas moins une croyance et les « croyances qui s’ignorent sont toujours les plus naturellement allumeuses de bûche[31]. »

La violence est en grande partie le résultat d’une perversion de l’Evangile. Cette perception faussée est en partie explicable par la torsion opérée dans l’histoire de l’Eglise par les chrétiens eux-mêmes, tant sur le plan individuel que sur le plan institutionnel. Nul ne peut nier que certaines des accusations portées contre le christianisme soient vraies[32]. D’ailleurs, Onfray entrevoit la torsion : « L’appartenance à la communauté chrétienne suppose l’adhésion au message évangélique, pas aux détails de prescription maniaque[33]. » Pour I. Fernandez : « Que ceux qui croient en Dieu soient criminels ou stupides, ou même les deux, ne prouve en rien qu’ils aient tort de croire en Lui : peut-être après tout ne comprennent-ils rien à Celui auquel ils accordent foi[34]. » Même si l’on admettait toutes les fautes dont Onfray accuse les chrétiens, ce ne serait en rien un argument contre l’existence de Dieu.

3. Haine de la femme ?

On pourrait, bien évidemment, avancer l’argument du rôle plus que positif du christianisme en faveur de la condition féminine. Par exemple, comme le rappelle R. Rémond : « Le Christianisme a très tôt postulé l’égalité absolue de l’homme et de la femme pour contracter le mariage[35]. » I. Fernandez démontre que la vision hédoniste proposée par Onfray va elle-même, pour le coup, à l’encontre des intérêts réels de la femme : « Même en dehors de tout contexte religieux et sans référence à l’âme ou à rien de pareil, et si on ne retient que trois figures de la féminité, l’amante, l’épouse et la mère, pourquoi la femme ne devrait-elle « épanouir sa subjectivité » que dans la première d’entre elles ? Ne serait-ce pas là un point de vue tout masculin, et même un peu macho?[36] » On le voit clairement, « la condition générale des femmes dans le monde n’est visiblement pas son sujet[37]. »

4. Christianisme et nazisme[38]

« Ainsi, sous le seul prétexte que Hitler cite avec éloge le fouet qui sert à chasser les marchands du Temple dans l’évangile de Jean, le Führer est-il promu ‘disciple de saint Jean’[39]. » M. Baumier consacre un chapitre[40] entier à la question de la relation supposée entre christianisme et nazisme, chapitre auquel on renverra le lecteur pour une réponse très détaillée. Cependant, « il est impossible de ne pas s’interroger sur les mobiles de tant d’invectives et de faits détournés ou inventés. (…) de quoi M. Onfray veut-il exonérer l’homme immanentiste?[41] » Pourquoi faut-il que l’athéisme soit absolument absout de tout soupçon ? Pourquoi Onfray exclut-il soigneusement toutes philosophies, tous régimes profondément athées et immanentistes lorsqu’il « réfléchit » sur la «  pulsion de mort »? « Quant à Staline, Mao, Pol Pot, Mengistu … est-ce leur idéologie officiellement agressivement athée qui leur vaut ce silence retentissant de la part d’un auteur prompt à la diatribe ? Mais excuserait-il donc, sous le prétexte que le marxisme relève pour lui des Lumières, les millions de morts, sans exagération rhétorique cette fois-ci, qu’on leur doit ?[42] » Si l’on n’exonère pas l’homme de ses crimes par l’aliénation que suppose la religion, on ne peut pas proposer une philosophie de l’homme qui soit acceptable. Pour M. Onfray : « Le bien n’a pas besoin de Dieu », il suffit d’« un code de conduite entre les hommes[43]. » Impossible si l’homme porte en lui les raisons des crimes passés ! M. Baumier rappelle que « chaque époque construit ses boucs émissaires qui permettent aux aveugles de jouir en paix[44]. » Jouir en paix, n’est-ce pas ce que réclame l’hédoniste ?

En fin de compte, ce que cachent les athées les plus militants par leurs propos violents, c’est leur incapacité à formuler une alternative cohérente et solide. C’est ce que nous allons observer maintenant.

III. MATÉRIALISME ET HÉDONISME

1. Le matérialisme comme négation de Dieu

La philosophie d’Onfray se veut exclusivement, et ce n’est pas surprenant, immanentiste et matérialiste. Mais le matérialisme, contrairement aux affirmations de M. Onfray, n’est pas la solution aux problèmes qu’il souhaite voir résolus et semble tomber plus bas encore dans les profonds écueils où notre auteur entrevoyait alors le christianisme.

i) Rien d’autre que la matière !

Pour le matérialiste, il n’y a rien en dehors de la nature, elle « épuise tout le réel ». Il n’y a rien qui transcende l’homme, ni le monde. Onfray affirme : « Partout j’ai constaté combien les hommes fabulent pour éviter de regarder le réel en face. La création d’arrière-mondes ne serait pas bien grave si elle ne se payait du prix fort : l’oubli du réel, donc la coupable négligence du seul monde qui soit[45]. » Que dire de l’âme ? De la raison ? De la conscience ou de l’inconscient ? De la quête de sens ? De l’idée d’infini ? Des aspirations humaines ? Peut-on limiter cela à la simple matière ? Chesterton, avec sa célèbre prose, affirme : « En tant qu’explication du monde, le matérialisme est d’une démente simplicité. (…) il n’incorpore pas les réalités de la terre, les peuples qui luttent, les mères fières de leurs enfants, le premier amour ou la première peur ressentie en mer[46]. » Il ajoute que « les déductions du matérialisme … détruisent graduellement son humanité. Je ne veux pas seulement parler de l’humaine bonté, mais encore de l’espoir, du courage, de la poésie, de l’initiative, de tout ce qui est humain[47]. »

Il y a une aberration dans la philosophie matérialiste dont les fondements ne sont qu’axiomes et négation de la réalité de l’homme dans sa totalité, preuve manifeste que la matière n’épuise pas tout le réel. Si l’on accepte que toutes ces « parties » de l’homme soient réduites à la vision matérialiste du monde, la raison inclue, « surgit alors le problème redoutable de savoir comment il se fait qu’une partie de la nature puisse penser la nature[48]. » Dès lors, la raison souffre d’un sérieux problème: elle est vidée de toute substance et sans fondement. Il ne reste en l’absence de toute transcendance divine et personnelle, que le hasard et la nécessité. Ces deux notions réintroduisent inévitablement un aspect métaphysique, quasi religieux : « La sagesse matérialiste ne parvient jamais à s’accomplir pleinement sans retomber lourdement dans les ornières de la métaphysique auxquelles elle se faisait pourtant un devoir absolu d’échapper[49]. » Pour que le monde soit ce qu’il est, même sur le simple plan matériel, il faut un sens, une direction, un plan pourrait-on dire. Le monde matériel renvoie immanquablement à un au-delà, à une réalité forcément transcendante, explication du monde et de l’homme, et annule, de fait, une vision strictement immanente. Affirmer la réalité du monde tel qu’il est, c’est infirmer sa seule réalité matérielle[50]. Pour P. Chaunu : « Etre créé, c’est pour qui n’est pas l’être en soi, la seule possibilité d’être réellement[51]. » La position matérialiste se trouve face à une dialectique décrite par C. Van Til : Le non-croyant est à la fois rationnel car il souhaite s’appuyer uniquement sur sa raison et irrationnel car il croit également au hasard comme seule origine du monde.

La volonté aveuglante de nuire à la religion mène l’athée matérialiste et militant à occulter les questions parfaitement humaines par son refus catégorique d’envisager l’hypothèse de l’existence de Dieu. Le matérialisme ainsi affirmé comme simple négation de Dieu rend pertinents les propos de Chesterton : « Les hommes qui s’en prennent à l’Eglise au nom de la liberté et de l’humanité finissent par bazarder liberté et humanité pour mieux combattre l’Eglise[52]. » Le matérialisme est finalement une aliénation de l’homme par l’homme.

ii) Le matérialisme est inopérant pratiquement

C’est bien parce que le monde, tel que nous le voyons, n’épuise pas tout le réel que le matérialisme est inopérant. Comment pourrait-il répondre aux profondes aspirations de l’homme simplement en les occultant ? Le matérialiste nie le libre arbitre, « postulat » uniquement envisagé comme « indispensable » à « l’opération répressive »[53] imaginée par les religions. Mais, comme le remarque L. Ferry : « Face à l’imminence de la catastrophe – la maladie d’un enfant, la victoire possible du fascisme, l’urgence d’un choix politique ou militaire, etc. –, je ne connais aucun sage matérialiste, aucun spinoziste qui ne redevienne aussitôt un vulgaire kantien soupesant les possibles, tout à coup convaincu que le cours des événements pourrait bien en quelque façon dépendre de ses libres choix[54]. » Le matérialisme est insupportable car il ne renvoie à rien. Le « matérialisme est bien une philosophie du bonheur et, lorsque tout va bien, qui ne serait volontiers porté à céder à ses charmes ? Une philosophie pour beau temps, en somme. Oui, mais voilà, quand la tempête se lève, pouvons-nous encore le suivre?[55] » Comme toutes les utopies, car le matérialisme hédoniste est une utopie, « celle-ci se heurtera en fin de compte à la mort, le mur contre lequel viennent se briser toutes les utopies[56]. » Les « arrière-mondes » ou l’au-delà sont pour l’homme des questions qui perdurent. Proposer, comme le fait l’utopie matérialiste, un monde, pas encore là mais à venir, est une façon de reconnaître la légitimité du questionnement profond de l’humanité. Mais au lieu d’y répondre par l’affirmation d’un monde au-delà, le matérialiste propose un monde « à venir ».

2. L’hédonisme… par défaut

L’hédonisme est, en définitive, un choix par défaut. A l’inévitable question du sens et de la raison d’être, la seule réponse que peut offrir Onfray est le plaisir. Il est également, comme le matérialisme, une façon d’échapper au réel. L’hédonisme a l’avantage de soustraire le matérialiste, par la recherche du bonheur à tout prix, à l’inévitable écueil de sa vision absurde du monde. Car « … dans la vie courante, le matérialiste continue à être aussi angoissé que les autres…[57] » En fin de compte, l’hédonisme participe bien à la création d’un autre monde et fournit une échappatoire. Une sorte « d’opium du peuple » !

i) Un bonheur réduit

L’hédonisme se résume purement et simplement aux plaisirs de la chair. Cette réduction de l’idée du bonheur est le produit de la réduction de l’homme qu’induit le matérialisme : « Chez Onfray (…), la conception de l’homme me paraît singulièrement étroite. Elle se réduit à une approche de la liberté qui insiste sur le plaisir et ne propose pas un idéal du dépassement de soi, tant au plan personnel qu’au niveau plus collectif[58]. » Le projet hédoniste est également réducteur dans le sens où seule son élaboration matérialiste du bonheur est concevable. S’il s’agissait uniquement d’apporter le bonheur, il tiendrait alors réellement compte des diverses formes de bonheur possibles. En effet, quel chrétien n’est-il pas heureux de l’être ? L’hédonisme est une liberté réduite, contrefaite, qui impose une idée précise comme seule philosophie valable. Cela revient à la fois à priver les hommes de voir le bonheur différemment qu’en l’associant au plaisir et à construire une forme de « liberté » qui s’interdit (!) les interdits. C’est une fuite en avant !

ii) Le paradoxe hédoniste

M. Onfray souhaite « une éthique sans obligations ni sanctions transcendantes[59]. » Implicitement, les obligations et sanctions immanentes sont donc possibles. Si la « laïcisation de la morale judéo-chrétienne correspond bien souvent à la réécriture immanente d’un discours transcendant[60] », il faut alors une éthique nouvelle, post-chrétienne, ce qui induit l’abolition de celle qui prône « l’excellence de la famille et les vertus du travail… » En effet, « ne s’agit-il pas évidemment de choses détestables ? Elle recommande la méfiance à l’égard des passions : la maîtrise de soi n’est-elle pas une idée déplorable ? Il faut respecter ses parents et honorer les « vieux » ? Quelle horreur ! On a des « devoirs envers les pauvres gens »? A répudier d’urgence ![61] » Au-delà de l’aspect comique, « s’il n’y avait pas de valeurs, ou si elles ne valaient rien, il n’y aurait ni droits de l’homme ni progrès social et politique. Tout combat serait vain. Toute paix aussi[62]. » Considérée sous l’angle éthique, la philosophie que propose Onfray implique un paradoxe : d’un côté, aucune pensée matérialiste ne peut avoir de fondement pour poser une éthique et, de l’autre, aucune philosophie de vie ne peut voir le jour sans inclure l’ébauche d’une éthique. Finalement, l’hédonisme est tout aussi inopérant que le matérialisme.

On remarque clairement que les positions du Traité d’athéologie relèvent principalement de présupposés antithéistes que l’apologétique se doit de démasquer. Faute de proposer une réelle athéologie, il s’appuie sur une attaque violente de la foi et érige ainsi un épouvantail qu’il peut ensuite renverser, pour permettre l’apparition, sous un plus beau jour, de la philosophie matérialiste.

Mais, ce matérialisme rend caduque toute liberté humaine et tout sens et ne rend pas compte de la réalité de l’expérience humaine. Ce constat, inavoué, pousse le philosophe à proposer un sens à l’homme, qui le réclame de tout son être, en mettant au centre la pensée hédoniste. Quant aux questions éthiques, également inhérentes à l’humain, elles placent la position philosophique de M. Onfray dans une incohérence à laquelle il ne peut échapper. Finalement, il écarte davantage les problèmes philosophiques qu’il ne les résout.

Si l’on peut être reconnaissant pour les nombreux intellectuels catholiques qui prennent part au débat et au dialogue avec l’athéisme contemporain, le chrétien évangélique se doit d’y participer. Premièrement parce que la plupart des penseurs catholiques[63] sont réticents face à l’usage de l’apologétique, comme peut la concevoir un évangélique, ce qui ne manque pas d’affaiblir la position chrétienne. Deuxièmement, parce qu’ils ont trop souvent recours à la critique littéraire et à un trop grand recul vis-à-vis du texte biblique pour éluder certaines questions, sans que ce soit pourtant nécessaire. Troisièmement, le chrétien évangélique, soucieux de son attachement à la Révélation biblique, possède un fondement théologique solide pour bâtir une apologétique cohérente et efficace. Enfin, quatrièmement, l’apologète évangélique doit entrer dans le débat, car cela lui permet de travailler à une apologétique affûtée et pertinente pour répondre aux questions de ses contemporains.

IV. L. FERRY ET « L’ANTHROPOTHÉISME »

Les approches de Luc Ferry et d’André Comte-Sponville comme critiques de la pensée matérialiste sont très différentes de celle de Michel Onfray. Premièrement , parce que l’un et l’autre reconnaissent que le matérialisme est inopérant théoriquement et pratiquement. Pour reprendre les termes de Comte-Sponville, si la philosophie a pour objectif de « penser sa vie et vivre sa pensée », le matérialisme ne passe pas le test. Deuxièmement, ils savent combien les conséquences éthiques à cette absence de fondement sont un danger pour l’homme. Troisièmement, ils n’adoptent pas la même attitude vis-à-vis de la religion et reconnaissent volontiers l’apport du christianisme, en particulier, dans nos sociétés occidentales.

Ces constats, auxquels nous pouvons semble-t-il souscrire, nécessitent la « ré-introduction » d’une forme de transcendance en raison du constat d’échec évident de la philosophie matérialiste que semble pourtant vouloir ranimer M. Onfray. Les propositions alternatives à la philosophie matérialiste, que représente l’athéisme « transcendant », exigent à leur tour une évaluation.

C’est dans son ouvrage Qu’est-ce qu’une vie réussie [64] que se trouve la proposition la plus aboutie de la philosophie de L. Ferry. La construction de l’ouvrage reflète l’argumentaire de l’auteur et aborde premièrement les évolutions historiques qui, selon lui, font que ni les philosophies anciennes, ni le christianisme (même « modernisé »), ne sont des options possibles pour l’élaboration d’une philosophie humaniste, pour une « vie réussie ».

S’il ne reste de possibilité d’avenir ni dans la religion, ce que L. Ferry n’a pas su démontrer, ni dans le matérialisme, et en cela nous pouvons le suivre, il reste, selon Ferry, le « constat » de « la divinisation de l’humain » et « trois principes philosophiques post-métaphysiques » : la transcendance de la liberté de l’homme (en lui), la transcendance des valeurs (hors de lui) et « la transcendance dans l’immanence ».

1. Un constat de la divinisation de l’homme?

Venons-en premièrement au « constat » de L. Ferry : « …nos concitoyens seraient encore capables de prendre les armes pour défendre leurs proches, voire pour entrer en résistance contre l’oppression (…). Or, et sur ce point Nietzsche a raison, le sacrifice, qui par là renvoie au sacré, possède toujours, même chez un matérialiste convaincu, une dimension religieuse : il implique, en effet, que l’on admette, fût-ce de manière subreptice, qu’il existe des valeurs transcendantes, puisque supérieures à la vie matérielle ou biologique[65]. » Ferry y décèle une transcendance « horizontale », signe d’une divinisation de l’homme. Est-ce véritablement le « constat » de la divinisation de l’homme ou alors le constat de la volonté d’autonomie de l’homme telle qu’on la voit décrite en Genèse 3 ? Il s’agit, en fait, davantage du rejet de Dieu que de la divinisation de l’homme. De plus, si les valeurs « transcendantes » dont il est question ici sont « données du dehors », elles ne peuvent à la fois asseoir la « divinisation » de l’homme et établir le constat d’une transcendance qui lui est extérieure.

La question du salut est également posée. Dans la pensée de L. Ferry, l’homme n’a pas à attendre le salut de l’extérieur, de Dieu, mais il peut se sauver lui-même. Mais, comme le rappelle Alister McGrath : « Après un siècle et demi d’expérience de cette « divinité », le mouvement évangélique pense qu’il a de très bonnes raisons de s’interroger sur les conséquences de cette affirmation. La montée du stalinisme et du nazisme a vu l’instauration de deux des régimes les plus oppressifs de l’histoire humaine, ainsi que la mise en œuvre de programmes de génocide dont l’ampleur continue de glacer d’horreur l’imagination humaine[66]. » Le « constat » que l’on retire de l’histoire invite davantage à la prudence qu’à la mise de l’homme sur un piédestal. Vouloir l’homme transcendant pour son propre salut, c’est lui attacher une corde à la taille pour qu’il se tire lui-même vers le haut !

2. Une transcendance horizontale…. mais verticale également !

L’homme est divinisé, « transcendant », de deux façons : en lui et hors de lui. En lui, parce que l’homme ne se laisse pas réduire « à l’animal[67]. » La « transcendance se dévoile » par les caractéristiques démontrant sa supériorité. L’homme est libre, détaché du simple « instinct » animal. Mais, hors de lui, car, pour L. Ferry, « non seulement certaines valeurs continuent de m’apparaître comme indépendantes de ma volonté, comme ‘données du dehors’, mais elles semblent s’imposer à moi jusque sous la forme d’un impératif[68]. » Ces deux premiers principes induisent le troisième : une transcendance « phénoménologique » qui est finalement une synthèse des deux. « Comme celle des Grecs, elle est une ‘transcendance dans l’immanence’ à ceci près que son incarnation ne se situe plus … dans le cosmos, mais dans le monde humain » et « constitue, à partir de sa liberté, ce que Dilthey nommait un ‘monde de l’esprit’[69]. » Elle renvoie « à la notion d’horizon : lorsque j’ouvre les yeux sur le monde, les objets me sont toujours donnés sur un fond, et ce fond lui-même, au fur et à mesure que je pénètre l’univers qui m’entoure, ne cesse de se déplacer comme le fait l’horizon pour un navigateur, sans jamais se clore pour constituer un fondement ultime et indépassable[70]. » C’est donc « en moi », « dans ma pensée ou dans ma sensibilité que se dévoilent les valeurs, hors de toute référence à un argument d’autorité ou à une hétéronomie dont l’origine coïnciderait avec un fondement réel (Dieu ou la nature). » Ferry ne peut ni nier l’évidence de la transcendance, ni limiter l’homme à la simple immanence.

La suggestion de L. Ferry pose plusieurs problèmes. Premièrement, même en récusant la vision matérialiste du monde, la transcendance « dévoilée » en l’homme par sa différence avec le reste de la nature ne permet pas de rendre compte, si l’on postule l’évolution de l’homme, qu’il puisse transcender par un processus uniquement biologique la nature dont il est lui-même issu. Deuxièmement, les valeurs « sous la forme d’un impératif » donnent une dimension verticale à la transcendance proposée par Ferry. Elles nécessitent une origine antérieure à l’homme qui ne peut se réduire à la synthèse décrite ci-dessus. Troisièmement, l’autorité que L. Ferry déplore dans la religion, en ce qu’elle réduit la liberté de l’homme, doit être rejetée au nom du postulat de la divinisation de l’homme. Mais, si les valeurs sont « données », l’hétéronomie demeure. La question de « l’origine » de cet impératif ne peut être réglée par la divinisation de l’homme. Pour Ferry, il s’agit d’un mystère : « aucune explication causale ne saurait jamais s’achever par la découverte d’une causalité ultime[71]. » C’est un choix clairement philosophique. Même si l’on admet qu’il n’y a pas de cause première, il faut malgré tout une cause pour expliquer l’origine des valeurs imposées. Quatrièmement, selon L. Ferry, la transcendance « immanente » permet, contrairement à la théologie, de maintenir l’homme dans sa finitude[72]. Mais n’est-ce pas précisément parce que l’homme est « fini » qu’un fondement métaphysique extérieur à lui est nécessaire et qu’il doit en être sa cause comme l’enseignent les Ecritures par la doctrine de la Création ? Enfin, le problème épistémologique induit par la pensée philosophique de Ferry n’est pas que « la connaissance humaine ne saurait jamais accéder à l’omniscience », mais bien qu’aucune connaissance ne peut avoir de fondement. Or, la Révélation permet une connaissance véritable, même sans omniscience.

3. Un choix philosophique par défaut

La synthèse suggérée par Ferry résulte d’une immanence qui ne peut s’avouer. Le philosophe est pris entre le constat d’échec de la pensée matérialiste et le refus a priori d’un retour à une pensée métaphysique. L’impossible « retour à » revient dès lors à saper tout fondement possible, car il « faut par principe et, pour tout dire, par lucidité, accepter, sous peine de retomber dans le discours de la métaphysique classique, de renoncer à chercher (…) dans l’Etre suprême l’explication dernière de nos rapports à des valeurs communes, voire universelles…[73] »

L’écueil du choix par défaut s’affiche clairement quand Damien Le Guay demande à L. Ferry : « Quel est donc le statut de cette extériorité (…) Il y aurait une extériorité compatible avec l’homme quand elle est humaniste et une extériorité incompatible quand elle est religieuse ? » Il répond : « … il y a en effet plusieurs conceptions de la transcendance, et selon que vous en faites un fondement réel, un étant suprême, ou au contraire un simple horizon de sens dont on ne saurait rendre raison en termes de fondation ultime, vous sortez ou non du cadre d’un humanisme qui se veut non métaphysique[74]. » Il s’agit là encore d’un choix philosophique, celui de l’exclusion d’un fondement, effectué au profit d’une vision humaniste, pour ne pas avoir à sortir du cadre de l’humanisme présupposé. En partant de l’homme, Ferry arrive à un carrefour ; excluant d’emblée de revenir à la transcendance divine, il fait le choix de l’impasse.

La solution au bonheur par laquelle L. Ferry achève sa philosophie, comme l’hédonisme chez Onfray, semble tout autant relever d’une philosophie par défaut. Assimilant « vie bonne » et « salut », Ferry propose à l’homme de se sauver lui-même par une vie « réussie », « intense ». La vie intense remplace la vie abondante et l’amour de Dieu est remplacé par l’amour de l’homme pour sa singularité. Mais quand L. Ferry se demande: « Frêle bonheur ? Sans doute », il doit reconnaître qu’il représente « peu en comparaison des promesses de la religion, mais beaucoup, il me semble, au regard des exigences de l’humanisme[75]. »

V. COMTE-SPONVILLE ET L’ATHÉISME « SPIRITUEL »

Dans un récent ouvrage[76], A. Comte-Sponville propose d’exposer simplement sa philosophie. Pour ce faire, il avance trois questions comme trois étapes progressives : peut-on se passer de religion ? Dieu existe-t-il ? Quelle spiritualité pour les athées ?

1. Peut-on se passer de religion ?

Cette première question, essentielle dans la réflexion de Comte-Sponville, fait écho à la volonté de L. Ferry d’éviter un retour au « religieux ». Il souhaite montrer dès lors que la religion n’est indispensable ni sur le plan personnel, ni sur le plan sociétal. Sur le plan individuel : « Peut-on se passer de religion ? On voit que la réponse, d’un point de vue individuel, est à la fois simple et nuancée : il y a des individus, j’en fais partie, qui s’en passent fort bien[77]. » Sur le plan de la société, il entend répondre oui à la question, si le terme est pris « au sens occidental et restreint, comme la croyance en un Dieu personnel et créateur[78]. » Certaines sociétés orientales en sont la preuve. En revanche, une société ne peut pas, toujours selon l’auteur, se passer de religion si l’on comprend le terme « au sens large ou ethnologique[79]. » Il propose dès lors de considérer la religion, sur le plan sociétal, comme une « communion ». « Une société peut assurément se passer de dieu(x), et peut-être de religion ; aucune ne peut se passer durablement de communion[80]. » Cette communion s’accompagne d’une « fidélité » à ce qui « a été recueilli, enseigné, répété ou relu[81]. » Il peut s’agir de paroles, de mythes ou de textes, mais il s’agit avant tout d’une « fidélité à ce que l’humanité a produit de meilleur[82]. » La communion remplace donc la religion et la fidélité remplace la foi. Cela génère, et il le voit bien, le problème du fondement de la morale. Pour A. Comte-Sponville, on peut être fidèle à des valeurs sans avoir foi en leur origine. Le fait de ne pas croire en Dieu ne les annule pas, elles sont en fait l’expression d’une « grandeur humaine[83]. » « Qu’on ait ou pas une religion, la morale n’en continue pas moins, humainement, de valoir[84]. » Reste la question du fondement. Pour l’auteur, « chacun ne la (la morale) trouve en lui qu’autant qu’il l’a reçue (et peu importe au fond que ce soit de Dieu, de la nature ou de l’éducation[85]. » C’est dès lors la question de la fidélité[86] qui est posée ! Si la « foi est une croyance ; la fidélité, au sens où je prends le mot, est plutôt un attachement, un engagement, une reconnaissance[87] », alors comment peut-on « critiquer la morale de nos pères », comment peut-on « innover » ou « changer »?[88]

2. Dieu existe-t-il ?

Il faut reconnaître à l’auteur l’intégrité de traiter cette question avant de chercher à explorer ce que pourrait être une spiritualité sans Dieu. Comte-Sponville reconnaît une latitude certaine à l’argument « cosmologique » qui « prouverait seulement l’existence d’un être nécessaire[89]. » On n’en demandait pas tant ! Quant à l’argument « téléologique », il ne saurait, selon lui, rendre compte des « désordres, des horreurs et des dysfonctionnements[90]. » Une remarque simplement: pour qu’il y ait désordres, horreurs et dysfonctionnements, il faut présupposer un ordre qui permette de les qualifier ainsi. Pour lui, tout résulte simplement des « seules lois de la nature », mais il affirme « que cela n’explique pas ces lois elles-mêmes… C’est en quoi l’existence de Dieu reste pensable, tout autant – mais pas davantage – que son inexistence[91]. »

Comte-Sponville considère également la médiocrité de l’homme comme preuve de l’inexistence de Dieu : « …plus je les connais, moins je peux croire en Dieu[92]. » Là où un athée voit un argument en faveur de l’athéisme, un chrétien y voit la preuve de la rébellion de l’homme contre Dieu. Quand il affirme ailleurs : « que nous soyons à ce point capables de haine, de violence et de mesquinerie, cela… me paraît excéder les ressources de toute théologie[93] », c’est précisément l’inverse. L’explication que donnent les Ecritures rend compte des faits de façon particulièrement cohérente et pertinente.

Pour Comte-Sponville, l’une des raisons «  de ne pas croire en Dieu, c’est que je n’en ai aucune expérience[94]. » C’est sans tenir compte des millions d’autres qui en ont une expérience quotidienne ! Il ajoute : « …que Dieu consente à se montrer[95]. » Certes, mais dans un modèle qui présuppose l’inexistence de Dieu, comment interpréterait-il une « apparition » de Dieu ? Si Dieu n’existe pas, parce qu’on n’en a pas a priori la preuve, son « intervention » sera simplement qualifiée d’hallucination ou d’expérience du Tout, pour reprendre l’un de ses termes. L’homme n’est-t-il pas à même de nier l’évidence ? Allons plus loin encore. On le sait, Dieu a (peut avoir, si l’on est athée) la force de persuasion nécessaire pour faire savoir qu’il s’agit bien de lui. Mais, selon les présupposés athées, il le ferait en « violant » l’intégrité intellectuelle de l’homme auprès de qui il « intervient ». Il faudra, pour que son apparition soit reconnue comme telle, que Dieu ait prise sur l’intelligence de l’homme. Ce n’est pas certain que Comte-Sponville veuille d’un tel Dieu, qu’il considérerait alors, à tort, peu respectueux de l’intégrité intellectuelle de l’homme autonome.

Pour lui, les explications que fournissent les religions ne conviennent pas. Elles sont, de surcroît, sources d’une plus grande incompréhension : « Croire en Dieu, d’un point de vue théorique, cela revient toujours à vouloir expliquer quelque chose que l’on ne comprend pas – le monde, la vie, la conscience – par quelque chose que l’on comprend encore moins : Dieu[96]. » Mais en voulant « rester fidèle au mystère, face à l’être, à l’horreur et à la compassion, face au mal, à la miséricorde ou à l’amour, face à la médiocrité… enfin à la lucidité, face à nos désirs et à nos illusions[97] », ne tombe-t-il pas lui-même sous le coup de son argument ? En effet, invoquer le « mystère » n’est pas plus compréhensible que d’invoquer Dieu.

3. Quelle « spiritualité sans Dieu »[98] pour les athées ?

« Que je ne croie pas en Dieu, cela ne m’empêche pas d’avoir un esprit, ni ne me dispense de m’en servir[99]. » Pour Comte-Sponville, la spiritualité est avant tout la vie de l’esprit (l’esprit étant une chose qui pense). Ce qui distingue la spiritualité de la religion, selon l’auteur, c’est le rapport à l’absolu, à l’infinité et à l’éternité. La religion consiste à avoir foi dans la Révélation de Dieu. La spiritualité, en revanche, consiste à être fidèle à une série de valeurs reçues. Mais, recevoir des valeurs ne nécessite-t-il pas leur « émission » ? En quoi est-ce différent d’une Révélation ? On devine ici deux problèmes insolubles dans la position de Comte-Sponville. Premièrement : Si la transmission des valeurs se fait de l’homme par l’homme, la question de leur origine première reste posée. Deuxièmement, si l’origine première n’a pas de transcendance réelle, quel peut alors être le fondement de l’autorité ou de l’universalité de ces valeurs ? 

    i) Dieu ou le « Tout » ?

« L’ensemble de toutes les relations, de toutes les conditions et de tous les points de vue est nécessairement absolu, inconditionné et invisible. Comment n’existerait-il pas, puisque rien, sans lui, ne pourrait exister ? C’est ce que j’appelle, par boutade, la preuve panontologique : le tout de ce qui existe existe nécessairement[100]. » Par quel tour de passe-passe, ce qui n’est pas valable pour Dieu (la preuve ontologique) l’est-il devenu pour le « Tout », par l’usage d’un néologisme: la preuve panontologique ? Nous l’avons vu, selon Comte-Sponville, l’expérience (tout au moins la sienne) permet d’affirmer que Dieu n’existe pas. Par quel autre tour de passe-passe peut-on justifier de l’existence du « Tout », prouvé par des « expériences… vécues sur tous les continents, dans des climats intellectuels et spirituels forts différents… Le ‘sentiment océanique’ n’appartient à aucune religion, à aucune philosophie et c’est tant mieux. Ce n’est pas un dogme, ni un acte de foi. C’est une expérience?[101] » Pourtant, et paradoxalement, ces expériences, de l’aveu même de l’auteur, sont exceptionnelles : « Trop peu pour faire une spiritualité ? Sans dout[102]. » L’option du « Tout » impersonnel plutôt que celui d’un Dieu personnel reflète deux éléments. Premièrement, il s’agit d’une option philosophique que seul le choix permet de justifier. Deuxièmement, on devine le malaise humain à reconnaître la personnalité de Dieu qui implique nécessairement une forme de « redevabilité ».

    ii) L’expérience mystique comme parenthèse.

Croire en Dieu « correspond à mes désirs les plus forts[103]. » Pour Comte-Sponville, dans la droite ligne des philosophes athées, c’est échapper au réel, c’est une illusion. « C’est croire que quelque chose est vrai parce qu’on le désire fortement. Rien, humainement, de plus compréhensible. Ni philosophiquement de plus discutable[104]. » Ce qui ne l’empêche pas d’avouer à son tour que « tout m’angoisse, dirais-je volontiers, en tout cas tout peut m’angoisser, sauf le Tout lui-même, qui m’apaise[105]. »

Que dire si « l’expérience mystique se caractérise par un certain nombre de suspensions ou de mises entre parenthèses ?[106] » Ainsi, le « mystère » est une mise entre parenthèses des « fausses évidences », la « plénitude » est la « suspension du manque », la « simplicité » est la suspension « de la dualité intérieure », le « silence » « met aussi entre parenthèse le langage, le discours, la raison », l’éternité est la « suspension du temps », la « sérénité » est la « suspension de l’espoir, et de la crainte… », l’ « acceptation »[107] est la « suspension des jugements de valeurs, la mise entre parenthèses des idéaux ou des normes, par exemple du beau et du laid, du bien et du mal, du juste et de l’injuste » et l’« indépendance » est la suspension « des conditionnements, des bonnes mœurs, des bonnes manières, de la politesse même… », la mise « entre parenthèses des dogmes, des règles, des commandements, des Eglises, des paris, des opinions, des doctrines, des idéologies, des gourous… Il n’y a plus que le réel[108]. » Suspendre les évidences, le manque, le discours, la raison, l’espoir, le temps, les valeurs … , n’est-ce pas une manière d’échapper au réel ?

Conclusion

L. Ferry et A. Comte-Sponville s’accordent pour dire que, pour les raisons que nous avons évoquées, le matérialisme ne peut être une philosophie acceptable. L’un et l’autre récusent tout retour, ou recours, à la religion. Il leur faut dès lors proposer une « spiritualité » puisque le réel ne peut être simplement immanent. Mais les « transcendances » qu’ils proposent soulèvent plusieurs problèmes : elles ne peuvent être de réels absolus et se refusent à tout retour du religieux, mais y réintroduisent des « codes » en excluant Dieu. Pour l’inexplicable, le « mystère » l’emporte, échappant ainsi à la nécessité de fournir un fondement. L’un et l’autre partent de l’homme. Ce n’est pas que la démarche soit impossible, mais, sans Dieu au bout, le chemin devient une impasse. Dans un monde créé par Dieu et intelligible, seul le choix philosophique sur la base de présupposés autonomes amène au rejet de l’existence de Dieu. La position de l’athéisme « transcendant », en s’arrêtant à l’homme, ne rend pas compte de la réalité qui est bien plus complexe que celle présentée et qui appelle à une réelle transcendance.

En observant les propositions faites par ces philosophes, il ressort, sur bien des points, qu’ils laïcisent les grandes lignes de la foi chrétienne. « Prétendre, après la chute des principes cosmologiques ou théologiques, redonner sens à la vie en s’appuyant sur des ‘idéaux’ enracinés dans l’espèce humaine, c’est, malgré l’apparence, conserver encore intacte la structure religieuse[109]. » C’est précisément ce à quoi renvoie l’athéisme transcendant. Si l’un et l’autre souhaitent se passer de Dieu, ils ne peuvent ni l’un ni l’autre se passer du constat de la transcendance. L’échec du matérialisme est une évidence et les solutions proposées par les variantes de l’athéisme « transcendant » tombent, comme l’athéisme « militant », dans les écueils où ils entrevoyaient la religion, ainsi que nous l’avons souligné pour Onfray. En effet, là où l’athéisme considère la croyance comme une échappatoire, le christianisme montre, puisque Dieu existe, que la foi n’est pas une manière d’échapper au réel, mais bien de le vivre dans sa pleine mesure. Invoquer la « suspension », le « mystère » ou l’hédonisme, revient finalement à se fabriquer les fameux « arrière-mondes » qui ne sont, pour le coup, qu’illusions.

Après cette étude des trois « visages » de l’athéisme, il reste à suggérer une solution apologétique qui conjugue proclamation de l’Evangile et argumentation nécessaire et solide face à l’athéisme contemporain, pour montrer l’espoir qu’est l’Evangile pour celles et ceux qui se trouvent face au constat d’échec de l’athéisme.

Nous avons besoin, aujourd’hui, d’une apologétique capable de défier les prétentions de l’athéisme. A mon sens, l’apologétique présuppositionaliste permet précisément de réunir ces éléments dans un souci d’attachement au message biblique et d’efficacité dans sa présentation. Pour Cornélius Van Til, il faut premièrement montrer que l’incroyant, comme le croyant, raisonne sur la base de présupposés. C’est clairement le cas chez Onfray, Ferry et Comte-Sponville qui partagent le même refus a priori d’un retour à toute métaphysique ou ontothéologie. La raison, élément d’autorité dans la pensée de l’athéisme, ne peut fonctionner en dehors de présupposés. Penser que l’existence de Dieu n’est pas « rationnelle » n’est pas le fruit d’un raisonnement, mais d’une série de postulats dont se sert la raison pour « filtrer » ce qu’elle considère comme « rationnel ». Il faut ensuite démontrer que les présupposés athées, en reniant l’existence de Dieu, annulent la possibilité de toute pensée cohérente puisqu’ils suppriment tout fondement à la connaissance. La suppression des fondements sape également la puissance de la raison. En effet, pour légitimer la raison sans Dieu, il faut présupposer la « rationalité » de la raison et simplement « constater » l’intelligibilité du monde, sans pouvoir l’expliquer. Troisièmement, il faut montrer la rationalité et la cohérence de la vérité biblique. Plus on insiste sur le message biblique, plus on en retire une cohérence apologétique. C’est, contrairement au matérialisme, sur le plan pratique également que la foi chrétienne démontre toute sa dimension et sa pertinence. Pierre Chaunu considère comme « légitime » que l’on demande au chrétien : « Ce discours est-il à l’épreuve de la réalité ? » Mais il faut également que « nous puissions poser la question qui nous est posée[110]. » Il faut, enfin, prendre soin de s’appuyer sur l’Evangile pour proposer non pas l’existence d’un dieu probable, mais présenter le Dieu de l’Evangile. Rappelons-nous que Compte-Sponville admet l’existence probable d’un « être nécessaire ». En effet, comme le souligne Van Til : « Naturellement, pour le système de théologie et pour l’apologétique, la doctrine de Dieu est d’importance fondamentale. En apologétique, ce doit toujours être le point final sinon le point d’attaque. En théologie, les questions principales traitent de l’existence et de la nature de Dieu. Nous posons les questions ‘Dieu existe-t-il ?’ et « quel genre de Dieu est-il ?[111] » Pour William Edgar, la question est d’importance : « Dieu n’est pas un quelconque principe qui existe. Il est une personne, avec un nom, une personnalité et un but[112]. » Le « caractère » de Dieu présenté dans les Ecritures et les attributs qui le distinguent permettent à l’incroyant de découvrir la grâce et la miséricorde de Dieu, ce qui pourrait dissiper le « malaise » que nous avons évoqué à l’idée de rendre compte à un Dieu personnel dont l’image a souvent été pervertie, parfois même par le christianisme. Comme nous le rappelle le psalmiste : « Goûtez et voyez combien l’Eternel est bon ! » (Ps 34.9)

Il est également nécessaire de rappeler, comme le souligne Van Til, que toute forme d’efficacité dépend uniquement et entièrement du Saint-Esprit : « C’est donc le témoignage de l’Esprit Saint apporté par et avec la Parole dans nos cœurs qui, seul, réalise la révolution copernicienne nécessaire pour faire de nous des chrétiens et des théistes[113]. »

La quête du bonheur traverse les philosophies athées. Nous pouvons affirmer que c’est en Dieu qu’on peut le trouver ! « Beaucoup disent : qui nous fera voir le bonheur ? Fais lever sur nous la lumière de ta face ô Eternel ! Tu mets dans mon cœur plus de joie qu’au temps où abondent leur froment et leur vin nouveau » (Ps 4.7-8).


* Philippe Serradji est directeur de l’Institut Théologique du Soir à Paris où il enseigne la théologie et l’apologétique. Il est également étudiant en 3ème cycle à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.

[1] M. Onfray, Traité d’athéologie, physique de la métaphysique, Paris, Grasset, 2005, Livre de poche.

[2] Ibid., 95

[3] I. Fernandez, Dieu avec esprit, réponse à Michel Onfray (Paris: Philippe Rey, 2005), 9

[4] M. Onfray, op. cit., 35.

[5] Ibid., 40.

[6] Ibid., 60. Pour Onfray: « L’historiographie dominante occulte la philosophie athée », 60. On se demande dans quel univers il vit !

[7] Ibid., 94.

[8] Ibid., 95.

[9] Ibid., 279.

[10] Ibid., 280.

[11] Ibid., 281.

[12] M. Onfray avait pourtant promis, dès sa préface : « Nulle part je n’ai méprisé celui qui croyait… », 23). Mais qu’est-ce donc si ce n’est pas du mépris ?

[13] Cf., par exemple, les pages 67, 102, 103, 104, 105, 119, 135, 142, 183, 253, etc.

[14] Ibid., 118-119. Les points de suspension sont d’Onfray lui-même. Il en fait un usage excessif (presque à chaque page), ce qui lui évite le travail difficile d’une argumentation approfondie, et lui permet, de façon implicite, la complicité de « non-dits » avec le lecteur.

[15] « Niant le caractère historique des évangiles, M. Onfray en utilise pourtant les versets en guise de preuves. Et fait de la vérité historique ce que bon lui semble. » M. Baumier, L’anti traité d’athéologie, le système Onfray mis à nu, Paris, Presses de la Renaissance, 2005, 22.

[16] Ibid., 26.

[17] R. Rémond, Le christianisme en accusation, Paris, Albin Michel, 2005, 42.

[18] M. Onfray, op. cit., 169.

[19] R. Rémond, Le nouvel antichristianisme, Paris, Desclée de Brouwer, 2005, 12.

[20] M. Onfray, op. cit., 86-87.

[21] I. Fernandez, op. cit., 66.

[22] G.K. Chesterton, Orthodoxie, Paris, Gallimard, collection Idées, 1984, 48.

[23] M. Onfray, op. cit., 93.

[24] R. Rémond, Le nouvel antichristianisme, op. cit., 43.

[25] Les contradictions sont multiples chez Onfray. Un exemple : Jésus, qui « fournit le patronyme emblématique de tous les juifs qui refusent l’armée d’occupation romaine… » M. Onfray, op. cit., 163, ne peut pourtant avoir été crucifié car cela « suppose une mise en cause du pouvoir impérial, ce que le crucifié ne fait jamais explicitement ». Ibid., 173.

[26] I. Fernandez, op. cit., 26-27.

[27] R. Rémond, Le nouvel antichristianisme, op. cit., 28.

[28] Il en va de même pour l’hédonisme. En effet, on peut se demander quelle violence peut engendrer la recherche du « … bonheur du plus grand nombre possible. », M. Onfray, op. cit., 94

[29] A. Comte-Sponville, L’esprit de l’athéisme, Paris, Albin Michel, 2006, 88. Il ajoute : « Cela nous en apprend plus sur l’humanité, hélas, que sur la religion. »

[30] G.K. Chesterton, op. cit., 212.

[31] P. Chaunu, Ce que je crois, Paris, Grasset, 1982, 11.

[32] R. Rémond reconnaît que : « L’Eglise paie probablement le prix d’un discours déséquilibré car, dans sa longue histoire, elle a peut-être passé plus de temps à définir les normes de conduite, qu’à transmettre le message d’amour de l’Evangile », Le nouvel antichristianisme, op. cit., 35.

[33] M. Onfray, op. cit., 108.

[34] I. Fernandez, op. cit., 15.

[35] R. Rémond, Le christianisme en accusation, op. cit., 170.

[36] I. Fernandez, op. cit., 101. « La durée d’un couple est-elle un embourgeoisement déplorable dont il serait urgent de se libérer au profit de ferveurs sans cesse renouvelées ? (…) Il est trop clair qu’Onfray ne pense ici qu’en homme, et en homme qui appartient à une mince frange seulement de nos sociétés développées… » Ibid.,102.

[37] I. Fernandez, ibid., 102.

[38] Voir E. Lévy, Les Maîtres censeurs, Paris, Lattès, 2002, pour une analyse des utilisations du terme « fasciste » pour faciliter l’amalgame et éviter le débat et les discussions de fond.

[39] I. Fernandez, op. cit., 40.

[40] M. Baumier, op. cit., 171-238.

[41] M. Baumier, op. cit., 172.

[42] I. Fernandez, op. cit., 44.

[43] M. Onfray, op. cit., 91.

[44] M. Baumier, op. cit., 162.

[45] M. Onfray, op. cit. 23.

[46] G.K. Chesterton, op. cit., 33.

[47] Ibid., 36.

[48] I. Fernandez, Au commencement était la Raison, pour une intelligence de la foi, Paris, Philippe Rey, 2008, 107.

[49] L. Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie?, Paris, Grasset, 2002, Livre de poche, 470.

[50] On pourrait également développer les implications apologétiques de la notion « d’information sémantique ».

[51] P. Chaunu, op. cit., 176.

[52] G.K. Chesterton, op. cit., 211.

[53] M. Onfray, op. cit., 83.

[54] L. Ferry, op. cit., 473. Italique de l’auteur.

[55] Ibid., 473.

[56] Marcel Neusch, Aux sources de l’athéisme contemporain, Paris, Le Centurion, 1993, 257.

[57] L. Ferry, op. cit., 478.

[58] R. Rémond, Le nouvel antichristianisme, 33.

[59] M. Onfray, op. cit., 94.

[60] Ibid., 277.

[61] I. Fernandez, Dieu avec esprit, 83.

[62] A. Comte-Sponville, op. cit., 60.

[63] On peut également regretter que seuls les athéismes les plus virulents suscitent l’intérêt et la réponse des intellectuels.

[64] L. Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie?, Paris, Grasset, 2002, Livre de poche.

[65] Ibid., 494.

[66] A. McGrath, La Vérité pour passion, Cohérence et force de la pensée évangélique, Charols, Excelsis, 2008, 45.

[67] L. Ferry, op.cit., 466.

[68] Ibid., 497.

[69] Ibid., 499.

[70] Ibid., 499.

[71] Ibid., 489.

[72] Ibid., 491.

[73] Ibid., 501.

[74] Ibid., 490.

[75] Ibid., 532.

[76] A. Comte-Sponville, L’esprit de l’athéisme, Paris, Albin Michel, 2006.

[77] Ibid., 23.

[78] Ibid., 24.

[79] Ibid., 24.

[80] Ibid., 31.

[81] Ibid., 33.

[82] Ibid., 73.

[83] Ibid., 35. Nous y reviendrons, mais on ne peut à la fois invoquer la « grandeur humaine » et justifier l’inexistence de Dieu par la « médiocrité de l’homme » censé être à l’image de Dieu. Ibid., 129-133.

[84] Ibid., 36.

[85] Ibid., 36.

[86] A. Comte-Sponville est dès lors obligé de reconnaître qu’il s’agira aussi « d’inventer, ou de réinventer, une nouvelle fidélité aux valeurs que nous avons reçues, et que nous avons charge de transmettre. » Ibid., 39. Il ajoute également que : « Les deux concepts de transmission et de fidélité sont indissociables » Ibid., 40.

[87] Ibid., 34.

[88] Ibid., 37.

[89] Ibid., 95.

[90] Ibid., 100.

[91] Ibid., 101-102.

[92] Ibid., 129.

[93] Ibid., 133.

[94] Ibid., 106.

[95] Ibid., 106.

[96] Ibid., 113.

[97] Ibid., 142-143.

[98] « Introduction à une spiritualité sans Dieu » est le sous-titre de l’ouvrage d’A. Comte-Sponville.

[99] Ibid., 145.

[100] Ibid., 150-151.

[101] Ibid., 164.

[102] Ibid., 205.

[103] Ibid., 135.

[104] Ibid., 140.

[105] Ibid., 159-160.

[106] Ibid., 173-188.

[107] Pour Comte-Sponville, « Tout est parfait », ibid, 190. Plus loin : « C’est le contraire d’une théodicée. Il ne s’agit pas de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il s’agit de comprendre que tout va comme il va dans le seul monde réel, qui est le monde. » Troisième tour de « passe-passe » philosophique, où la « cosmodicée » remplace la « théodicée ».

[108] Ibid., 196.

[109] L. Ferry, op. cit., 100.

[110] P. Chaunu, Ce que je crois, Paris, Grasset, 1982, 242.

[111] C. Van Til, Christian Apologetics, Phillipsburg, Presbyterian & Reformed, 1976, 4-5. Traduction de Jacques André.

[112] W. Edgar, Truth in all its Glory: Commending the Reformed Faith, Phillipsburg, Presbyterian & Reformed, 2004, 102.

[113] C. Van Til, op. cit., 36.

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