Encadrés

Sur l’or

Vieux tyran, d’obscure naissance;
Brillant et pâle séducteur;
Subtil et volage enchanteur,
Sujet de trouble et d’insolence;

Vaine idole, dont la puissance
Soustrait les coeurs au Créateur;
Métal, de tant de maux l’auteur,
Objet de crainte et d’espérance;

Or fatal, tu viens de l’Enfer,
Pour nous faire un siècle de fer,
Dans le riche siècle où nous sommes.

Mais, ô vertu, rare trésor!
Si tu descendais sur les hommes,
On reverrait le siècle d’or.

Laurent Drelincourt

Sonnets chrétiens (1723)

La reconnaissance

La reconnaissance est de toutes les vertus la plus agréable à Dieu, parce qu’elle est désintéressée et qu’elle marque un mouvement de l’âme, sensible au bien qu’elle a reçu. Elle n’est point animée par la disette ou par la crainte, et par conséquent elle a plus d’élévation et de grandeur que toutes les autres vertus. La foi embrasse le mérite de Jésus-Christ, l’espérance attend quelque avantage, la confiance et l’ardeur dans la prière ont pour objet quelque délivrance; la reconnaissance seule ne demande rien et rend à Dieu ses voeux.

Jacques Basnage

La communion sainte (1712)

Patience

C’est peu de chose de ce que nous avons à endurer en ce monde, si nous regardons à la brièveté de notre vie. Et quand le terme serait long, c’est belle chose que le Fils de Dieu soit glorifié par nos passions, et que nous soyons participants de sa gloire. Puisque vous avez commencé de mourir au monde pour l’amour de lui, il faudra apprendre dorénavant que c’est d’être enseveli. Car la mort n’est rien sans la sépulture. C’est la consolation qu’il vous convient prendre pour ne vous point tromper, de vous préparer à endurer jusqu’en la fin. Combien que la croix que vous portez est bien aisée au prix de celle du Maître. Quand il lui plaira de vous imposer plus poisant fardeau, il vous donnera aussi bien les épaules pour le soutenir.

Jean Calvin, A. M. de Falais, 31 mai 1545,

Lettres françaises, publiées par J. Bonnet, t. I, 119

Jésus-Christ et les pauvres

Il n’est pas étonnant qu’un roi soit respecté au milieu de sa cour et sur son trône. La majesté éblouit, l’idée du pouvoir suprême met en mouvement, s’il faut ainsi dire, toutes les puissances de notre âme; mais s’il survient quelque disgrâce à ce roi, s’il est exilé de ses Etats, abandonné de ses sujets, alors il éprouve quels sont ses vrais amis, et il leur prépare mille récompenses. Voilà l’image de Jésus-Christ. En vain, abattus au pied de son trône, lui disons-nous mille et mille fois: « Seigneur, tu sais que je t’aime »; c’est peut-être l’amour pour les bienfaits, et non l’amour pour le bienfaiteur qui nous dicte ces paroles. Exilé de sa cour céleste dans la personne de ses membres, abandonné de ses sujets, couvert de haillons, logé dans les hôpitaux, il vient éprouver ses véritables sujets, il sollicite leur compassion, il leur présente ses misères, il leur dit en même temps qu’elles ne doivent pas être éternelles, qu’il doit être rétabli un jour, et qu’alors il récompensera leur soin par une félicité éternelle; et c’est l’idée de ce texte: « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. » Grand motif à la charité, poids immense, sur une âme qui aurait quelque étincelle de ferveur et quelque ombre de générosité!

Jacques Saurin (1677-1730)

Sermons choisis (1854)

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