Un fidèle transmetteur de la Parole de Dieu

Un fidèle transmetteur
de la Parole de Dieu1

Stéphane Lauzet2

Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, selon la promesse de la vie qui est en Jésus-Christ, à Timothée, mon enfant bien-aimé : Grâce, compassion et paix de la part de Dieu, le Père, et de Jésus-Christ, notre Seigneur ! Je suis plein de gratitude envers Dieu à qui, à la suite de mes ancêtres, je rends un culte avec une conscience pure, et je fais continuellement mention de toi dans mes prières, nuit et jour ; je souhaite vivement te voir – je me souviens de tes larmes – pour être rempli de joie ; je me remémore aussi la foi sans hypocrisie qui est en toi : comme elle a d’abord habité en ta grand-mère, Loïs, et en ta mère, Eunice, j’en suis persuadé, elle habite aussi en toi. C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer la flamme du don de la grâce, du don de Dieu, que tu as reçu par l’imposition de mes mains. En effet, ce n’est pas un esprit de lâcheté que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération. N’aie donc pas honte du témoignage de notre Seigneur, ni de moi, son prisonnier. Mais souffre avec moi pour la bonne nouvelle, par la puissance de Dieu, qui nous a sauvés et nous a adressé un saint appel, non pas selon nos œuvres, mais selon son propre projet, selon la grâce qui nous a été accordée en Jésus-Christ avant les temps éternels – cette grâce qui s’est maintenant manifestée par la manifestation de notre Sauveur, Jésus-Christ, qui a réduit à rien la mort et mis en lumière la vie et l’impérissable par la bonne nouvelle. C’est pour cette bonne nouvelle que, moi, j’ai été institué héraut, apôtre et maître. C’est aussi pour cette cause que j’endure ces souffrances ; mais je n’en ai pas honte, car je sais bien en qui j’ai placé ma foi, et je suis persuadé que celui-là a le pouvoir de garder ce qui m’a été confié jusqu’à ce jour-là. Retiens, dans la foi et dans l’amour qui est en Jésus-Christ, le modèle des saines paroles que tu as entendues de moi. Garde toutes les belles choses qui t’ont été confiées au moyen de l’Esprit saint qui habite en nous. (2Tm 1.1-14, NBS)

Introduction

La seconde à Timothée est probablement la dernière lettre écrite par l’apôtre Paul. Elle fait figure de testament spirituel, et bien qu’elle ait d’abord été rédigée à l’attention de Timothée, elle se révèle riche d’enseignements pour chacun d’entre nous. Ce n’est sans doute pas pour rien que le Saint-Esprit a veillé à ce qu’elle nous parvienne en l’état.

Timothée, autant qu’on puisse le savoir, est investi de lourdes responsabilités et fait face à de nombreuses difficultés. Il a de quoi se sentir dépassé, confronté aux faux docteurs, aux questions relatives à l’organisation de l’Église, aux besoins des uns et des autres. Maintenir le cap, oui, bien sûr ! Garder le bon dépôt, assurément ! Mais comment et à quel prix et jusqu’où et avec quelle force ? Il se sent sans doute bien fragile, peut-être même illégitime. Il est jeune et de santé fragile et le ministère est tellement exigeant ! Il a besoin d’être encouragé, stimulé, averti, et c’est ce à quoi Paul s’emploie. Il le fait en rappelant à Timothée les fondamentaux de l’Évangile, les difficultés auxquelles il sera immanquablement confronté, les ressources sur lesquelles il peut compter et le sens même de son ministère : prêcher la parole ! Voilà ce qui est attendu de lui, voilà la raison d’être de sa vocation : prendre sa place dans la longue chaîne de témoins qui l’a précédé, être un fidèle relais, un transmetteur diligent de la Parole de Dieu.

Bien sûr, il n’est pas question maintenant de développer tous ces aspects, mais je vous invite à aborder ce texte sous l’angle de la transmission. Transmettre la Parole de Dieu, c’est bien de cela dont il s’agit et les versets que nous venons de lire nous en disent beaucoup. Les quatre repères que je vous propose doivent nous permettre de nous orienter, de nous positionner correctement et je me risque à les formuler sous forme de quatre affirmations :

  1. Il n’y a pas de transmission sans héritage à recevoir et à travailler
  2. Il n’y a pas de transmission sans risque
  3. Il n’y a pas de transmission possible sans conscience de la grâce
  4. Il n’y a pas de transmission sans appel à l’engagement

1. Il n’y a pas de transmission sans héritage à recevoir et à travailler

Nous sommes au bénéfice du travail, de la foi, de l’engagement de ceux qui nous ont précédés. Paul prend bien soin de le noter. Timothée est son fils spirituel, il a été aux premières loges pour recevoir son enseignement puisqu’il a accompagné Paul dans ses pérégrinations (Actes 16). Lui et Timothée s’inscrivent dans une lignée. Paul parle de ses ancêtres (v. 3) et rappelle à Timothée son propre héritage familial (v. 5). Mais Paul engage aussi Timothée à prendre conscience de ce qu’il a reçu directement de Dieu, le don que Dieu lui a accordé (v. 6).

Ces éléments sont constitutifs de la personne de Timothée, de son ministère, qu’il le veuille ou non. Il n’a pas à s’en glorifier, d’autant que Paul ne considère pas que tout cela exonère Timothée de ses responsabilités. Bien au contraire ! Ce qui lui est demandé, c’est d’opérer un travail de discernement, de reconnaissance, pour intégrer tous ses apports extérieurs, pour se les approprier, pour en repérer les origines et qu’ainsi il prenne sa place dans le champ de Dieu. La note qui va dominer, à ce stade, c’est celle de la reconnaissance (v. 3), pour ce qui nous a été transmis et qui fait de nous des héritiers.

Le parallèle avec vous, qui terminez cette année scolaire à la Faculté Jean Calvin, se fait aisément : il ne s’agit pas de se reposer sur ses lauriers, sur ses acquis, sur la somme de connaissances que vous avez pu emmagasiner. Gardez-vous d’oublier ce que vous avez reçu et de qui vous l’avez reçu. Soyez-en reconnaissants et réalisez ce que vous devez maintenant à ceux qui vous suivront !

2. Il n’y a pas de transmission sans risque

Il y a d’abord le risque que prend celui qui transmet. Il prend le risque que l’héritage soit dilapidé, que celui qui le reçoit ne soit pas à la hauteur de ses attentes et n’assume pas ses responsabilités. Mais Dieu accepte de prendre le risque de faire confiance aux vases d’argile que nous sommes. Il ne nous fait pas le reproche de notre fragilité, il s’en sert plutôt pour se glorifier (2Co 4.7).

Celui qui reçoit court aussi plusieurs risques, et c’est la raison même des exhortations de Paul. Il convient peut-être de signaler que l’on peut être déçu par l’héritage que l’on reçoit. De fait, les études en théologie peuvent produire cette réaction. C’est peut-être parce qu’on les a abordées en pensant avoir la réponse à toutes les questions, alors que c’est surtout le lieu où l’on peut poser de solides bases et acquérir de bons outils qui permettront au fil des années de ministère de tenir ferme dans la foi, de discerner les véritables enjeux et de continuer le chemin, malgré l’absence de réponses à certaines questions.

Et puis, l’enthousiasme du départ peut vite évoluer sous la pression du quotidien et se transformer en une suite d’habitudes desséchantes. Le risque est bien réel, la tentation est présente, de négliger, d’oublier, d’enfouir, de cacher, d’avoir honte, d’avoir peur de souffrir, peur d’être marginalisé à cause de la folie de la croix (1Co 1.23), d’être lâche, de renier même ce qui a été transmis.

Là encore, il est relativement aisé d’établir quelques connexions avec la situation présente. Il convient de se souvenir que la facilité ne nous a jamais été promise. Bien au contraire, sans tomber dans une vision doloriste de la vie chrétienne en général et du ministère en particulier, l’Écriture n’a de cesse de nous avertir des réactions agressives possibles que nous pouvons rencontrer et des souffrances que cela engendre obligatoirement. La souffrance provient de cette confrontation radicale entre la lumière et les ténèbres, entre la vérité et l’erreur. Elle n’est pas sans vertu et peut se révéler une sage-femme remarquable qui nous permet de progresser dans notre propre vie spirituelle. Ne cherchez pas la souffrance mais n’ayez pas peur d’elle ! Elle nous oblige à passer au crible nos convictions ; elle est le tamis qui nous permet d’évacuer la masse de boue sablonneuse pour en retirer la pépite d’or.

3. Il n’y a pas de transmission possible sans conscience de la grâce

Cela pourrait sembler aller de soi pour nous qui sommes des fils et des filles de la Réforme. Pourtant, il est capital de le rappeler : nous n’avons rien que nous n’ayons reçu (1Co 4.7). Les versets 9 et 10 insistent sur l’initiative de Dieu au bénéfice de laquelle nous sommes, lui qui nous a sauvés et appelés et qui s’est manifesté en Jésus-Christ. C’est un libre choix de sa part, effectué de toute éternité.

L’Esprit que Dieu nous a donné nous rend forts, aimants et réfléchis. Ces qualités essentielles, elles sont aussi don de sa grâce et à rechercher sans cesse auprès de lui. C’est ce même Esprit qui nous rend capables de rester fidèles à l’Évangile et de le défendre.

Soyons-en donc convaincus : le service auquel nous sommes appelés vient de Dieu : c’est lui qui nous le confie, c’est son œuvre et non la nôtre. Nous devons résister à la tentation de croire à notre importance. C’est Dieu qui en juge, notre capacité vient de lui (2Co 3.5) et c’est lui qui met en nous le vouloir et le faire (Ph 2.13). C’est sa Parole qui est efficace et non les raisonnements de notre esprit, si brillants soient-ils. Il ne s’agit pas de fausse modestie mais seulement de mettre les choses dans la juste perspective : nous sommes ses serviteurs et c’est vers le Maître que doivent se tourner les regards, nos regards et les regards de ceux qui nous sont confiés. Il est important d’être lucides sur nos motivations et de ne pas se tromper d’objectif. Si notre désir est de briller, de paraître importants, savants, intelligents, nous faisons fausse route. Ce qui nous est demandé, n’est-ce pas de rester dans la droiture et la fidélité, dans la conformité à l’appel qui nous a été adressé ?

4. Il n’y a pas de transmission sans appel à l’engagement

Alors que vous terminez une étape importante de votre vie, que vous soyez au début d’un ministère ou prêts à reprendre les cours l’année prochaine, que vous ayez vécu cette année comme une parenthèse ou comme une étape importante de votre existence, il vous faut entendre ce que Paul dit à Timothée, ce que la Parole de Dieu vous dit en cet instant.

L’homme moderne ne se considère plus comme héritier. Il se comporte souvent comme s’il était de génération spontanée et méprise le passé qu’il juge dépassé. Cela est vrai aussi pour le christianisme qui, pour être dans le vent, croit devoir s’affranchir de ses racines et de ce qui fonde sa foi, la Parole de Dieu. Oserais-je vous avouer que je suis quelquefois admiratif des prouesses que fait tel ou tel théologien, pasteur ou commentateur du texte biblique pour nous faire comprendre que jusqu’à ce qu’ils apparaissent, personne n’avait rien compris. Et que dire de tous ces discours qui encombrent nos réseaux sociaux et viennent eux aussi falsifier la Parole de Dieu ?

Quant à nous, quelle sera notre attitude ? Elle devrait refléter ces quelques recommandations :

  • Maintiens en vie le don que Dieu t’a fait.
  • Veille sur toi-même et ton enseignement.
  • N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur.
  • N’aie pas honte de tes frères et sœurs.
  • Accepte de souffrir pour la Bonne Nouvelle.
  • Prends pour norme les saines paroles que tu as entendues.
  • Reste attaché à tout ce que tu as appris.
  • Garde toutes les belles choses qui t’ont été confiées.

Qu’il puisse en être ainsi et, alors, ceux qui vous ont enseignés jusqu’à ce jour, ici et bien avant, n’auront pas travaillé en vain !

Qu’il puisse en être ainsi et, alors, vous ne travaillerez pas en vain !

À Dieu seul soit la gloire ! Amen !


  1. Prédication donnée lors du culte de fin d’année à la Faculté Jean Calvin, le 19 juin 2015.

  2. Stéphane Lauzet est chargé des relations avec la francophonie pour l’Alliance évangélique mondiale.

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