Dieu au cœur de nos souffrances
Jean 14.1-13, 25-27
Paul WELLS*
Dans la souffrance, qui n’aspire pas à une présence auprès de soi, à une aide ? On préfère de beaucoup une visite… à une carte de vœux !
Or, Jésus est l’incarnation de la présence de Dieu auprès des souffrants. Lui-même s’identifie à la souffrance.
Jésus s’est arrêté de parler au monde en général. Ses grands débats avec les juifs sont terminés. Il a congédié Judas : « Fais ce que tu dois faire. » Il se retire avec ses disciples dans la chambre haute, mais il ne disparaît pas ; en effet, il réapparaîtra, car il sait où il va : à Gethsémané, au jugement et à la croix.
La plus grande injustice de l’histoire va être décidée et perpétrée. Et Jésus reste calme, fait preuve de maîtrise et se préoccupe de consoler ses proches, alors que c’est lui qui est en ligne de mire.
Le texte de Jean 14 n’est pas vraiment un discours et encore moins un speech. Les propos de Jésus ressemblent plus aux Propos de table de Martin Luther qu’aux Adieux d’Adolphe Monod. Jésus est à table pour son dernier repas, à la fin duquel il institue la sainte cène. C’est dans une ambiance familière qu’il dialogue avec ses disciples. A trois reprises, il est interrompu : d’abord par Pierre (13.36), puis par Thomas (14.5) et, enfin, par Philippe (14.8).
A ce moment-là, Jésus s’adresse plus particulièrement à ses disciples qui éprouvent une grande crainte et se sentent démunis face à un avenir qu’ils pressentent mais ne comprennent pas. Pourtant, les paroles que prononce le Seigneur sont autant de consolations pour nous au milieu de nos épreuves. Elles nous montrent comment trouver la paix.
En effet, Dieu est au cœur de nos souffrances, parce que Jésus est lui-même au cœur de nos souffrances. Il est avec nous parce qu’il a connu les souffrances les plus profondes que nous n’aurons pas à connaître grâce à son sacrifice. Il est donc d’autant plus qualifié pour nous consoler que lui-même a connu la paix dans la souffrance.
C’est ce qui est affirmé de façon saisissante en Hébreux 5.7-9.
1. Il y a un danger réel et présent (verset 1)
Aujourd’hui, nous sommes placés face à toutes sortes de problèmes : la pénibilité du travail, la mesquinerie des collègues, les mensonges… Il y a aussi les maladies, physiques ou psychologiques, les relations souvent difficiles dans la famille, notamment. La vie nous apparaît, parfois, comme une suite d’épreuves. Mais il arrive aussi que nos épreuves proviennent de notre propre stupidité…
Toutes les difficultés, grandes ou petites et de nature diverse, risquent d’ébranler la paix de notre cœur, notre foi. Lorsque c’est le cas, nous avons l’impression de glisser dans un gouffre et nous sommes comme pris de vertige.
Telle a été la situation des disciples à ce moment-là. Ils perdent pied et leur angoisse les pousse à poser des questions inappropriées, tant ils sont à la recherche d’une assurance. Durant trois ans, ils ont vécu la plus belle des vies avec Jésus ; ils ont admiré ses miracles, ils ont joui de l’intimité de sa présence, bénéficié de son enseignement, été l’objet de sa compassion. Et maintenant, ils vont tout perdre.
Une de nos très grandes souffrances intervient au moment où meurt un de nos proches et que nous avons le sentiment douloureux d’être abandonnés et laissés seuls face à nous-mêmes. Que deviendront les disciples sans Jésus ? Ils pressentent la mort en suite d’une trahison. Chacun regarde l’autre : « Est-ce moi, Seigneur ? » La crainte et la suspicion prévalent… Rien n’est plus bouleversant que la trahison d’un ou plusieurs proches !
Jésus observe le visage de ses disciples et il perçoit leur crainte. Il lit dans leur cœur et discerne leur tristesse, leur désarroi. Serait-il possible, se demandent-ils, qu’après avoir mené une vie parfaite, Christ quitte ce monde en subissant une indicible souffrance ? Jésus le sait, y consent lucidement, attitude qui n’a rien à voir avec le stoïcisme ou le bouddhisme… Il assume.
Nous pouvons connaître la pire des situations ; pourtant, les orages auxquels nous avons à faire face ne doivent pas devenir des orages intérieurs qui troublent notre cœur. « Que votre cœur ne se trouble pas. » Christ libère du manque de paix, car il donne sa paix au cœur de notre souffrance, si du moins nous l’écoutons.
La difficulté dans les épreuves, il est vrai, est de ne plus percevoir la présence de Jésus. Jésus nous semble dormir alors que notre barque est à la dérive. Mais l’important est qu’il soit présent.
2. Comment éviter que notre cœur soit troublé ? (versets 1-4)
Ce texte est souvent lu à l’occasion de funérailles, car il est consolant.
Il montre de deux façons comment éviter d’avoir le cœur troublé.
a. Croyez en Dieu, croyez aussi en moi
Ce n’est pas une affirmation, la constatation de ce que les disciples font, mais une exhortation à faire ce qu’ils ne font pas, car ils l’oublient.
Croyez en Dieu, car Dieu est un Dieu qui aime. Croyez en Christ, parce que ce qu’il fait, il le fait dans la grandeur de son amour. La mort ne va pas séparer Christ de Dieu, car il souffre afin de faire la volonté de Dieu. Sa mort n’est pas en dehors du projet que Dieu a formé dans son amour.
Comment cela nous soutient-il et nous encourage-t-il ? Christ croit que Dieu est souverain et il se sait entre ses mains. Le bateau n’échappera pas aux orages, mais Dieu est le maître des orages.
Il nous est impossible d’éviter la souffrance ici-bas. Or, de même que Christ est entre les mains de Dieu et que le Père et le Fils sont unis dans leur amour, nous sommes entre les mains de Christ si nous sommes ses disciples. Ainsi tout est bien. Tel est l’enseignement de Romains 8.28 !
b. Un endroit nous est réservé. Jésus précise quatre choses :
- Cet endroit nous est réservé personnellement.
- Christ est allé le préparer pour nous.
- Il reviendra victorieux pour nous prendre avec lui.
- Nous serons avec lui pour toujours.
La vie présente, avec ses souffrances inévitables, est passagère, la vie avec Christ sera éternelle. Quelle est la demeure dont il est question ? Jésus-Christ lui-même, car notre place est en lui. Cette conviction est le soutien nécessaire dans toutes nos souffrances, notre consolation face à la mort.
Karl Marx peut bien se moquer avec son fameux opium du peuple, mais Jésus est clair : « Si ce n’était pas ainsi, je vous l’aurais dit. » (Verset 2)
Christ a traversé le tunnel noir de la mort que nous méritons et il en est sorti dans la lumière. C’est donc lui qui nous conduira vers la lumière. C’est ainsi qu’il dit : « Vous en savez le chemin. » (Verset 4) Telle est la réalité : nous cheminons et nous verrons le Christ et la place bien réelle qu’il nous aura préparée, si du moins nous sommes à lui, car il est Dieu, il est notre médiateur. Telle est notre inébranlable assurance au fil des années et malgré la dureté des souffrances que nous avons à endurer.
3. A travers la souffrance, le chemin de la vie (versets 5-7)
Thomas poursuit le dialogue avec Jésus. Pauvre Thomas ! Comme nous, il transcrit en termes terrestres les promesses célestes de Jésus. Il pense au chemin qui aboutira à la délivrance d’Israël ; il aspire à une cité terrestre. Où se trouve-t-elle ? Quel en est le chemin ?
Qui ne connaît la réponse de Jésus au verset 6 ? Il est le chemin qui conduit vers le Père, là où il est allé nous préparer une demeure. Ce chemin, qui est le seul vrai et conduit à la Vie, est le nôtre :
- Christ est le chemin, car il est la résurrection.
- Christ est la vérité ; dans sa personne, il incarne la vérité de Dieu.
- Christ est la vie, car il est celui qui donne la vie nouvelle à ceux qui croient.
Pour un chrétien, Christ est son tout : le début, le milieu et la fin de sa vie. Il vit en Christ et ses souffrances sont l’occasion, pour lui, d’expérimenter une vraie communion avec le Seigneur. C’est ce que confirme, de façon remarquable, le verset 7 : connaître Jésus, c’est connaître Dieu ; le voir, c’est voir Dieu. On vient à Dieu par lui, car il est le Dieu-homme. Il est Dieu, car il agit avec la puissance divine pour vaincre la mort ; il est humain, car il subit la mort, non parce qu’il le devait comme nous, mais parce qu’il y a consenti pour nous.
Le ciel est la nouvelle création parfaite de Dieu. Celle-ci est devant nos yeux en Christ, lui qui nous permet de connaître l’amour et la puissance de Dieu pour nous sauver et qui a souffert pour nous délivrer de la mort.
4. La consolation de Christ (versets 8-11)
Philippe prend le relais de Thomas (verset 8). Les paroles de Jésus ne le satisfont pas. Il souhaite en savoir davantage et surtout de façon plus concrète. Croire en Christ ne suffit pas, il veut une preuve, quelque chose de sensationnel : « Montre-nous le Père (…). »
Rien de plus courant dans l’épreuve. La foi est défaillante, semble impuissante ; on aspire à du concret : une guérison, un miracle, une expérience spéciale… La réponse de Jésus est éclairante : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » C’est tout simple, rien de plus n’est nécessaire et cela suffit. Croyons-le !
Dans l’épreuve, nous nous trompons nous-mêmes en regardant au-delà de Christ, en cherchant autour de nous des explications, des secours, et en ne regardant plus Christ. Si Christ est présent au cœur de nos souffrances, rien d’important ne nous manquera. C’est en lui que nous avons tout pleinement. Autrement, nous le considérons comme impuissant.
Jésus explique : « Je suis dans le Père et le Père est en moi. » (Verset 10) Autrement dit, en Christ, nous avons tout ce que Dieu peut donner ; en Christ, nous avons toute la puissance de Dieu, ses promesses inaltérables, son amour, sa fidélité… Christ est notre tout.
Vous voulez être convaincus que vous êtes en sécurité avec moi, dit Jésus.
Regardez-moi et écoutez mes paroles, « qui ne viennent pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi, accomplit ses œuvres ». En d’autres termes, en Christ, tout est agencé en notre faveur.
Nous avons besoin d’apprendre à tout apporter à Christ. La vie chrétienne commence dès lors que nous lui apportons nos péchés, et elle continue quand nous nous déchargeons sur lui de tous nos fardeaux. Il est Dieu au cœur de nos souffrances.
Conclusion : le bonus (versets 25-27)
Ce qui précède serait incomplet sans ces versets. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la même situation que les disciples. En effet, nous avons un bonus : le Saint-Esprit nous est donné.
1. Le Saint-Esprit est l’alter ego de Jésus, son autre lui-même ; il vient du Père en son nom. Il représente Jésus auprès de nous et apporte la présence du Christ vivant dans nos vies.
Jésus demeure avec nous… par le Saint-Esprit, qui est ainsi, selon Calvin, le second médiateur. Ainsi, au milieu de nos souffrances, Christ est présent avec nous. Le Saint-Esprit nous fait sentir la présence de Christ, son amour, sa sympathie, son support dans nos épreuves. Christ, qui a souffert pour nous sur la terre, continue son œuvre par son Esprit. Il reste près de nous.
2. Cette promesse de l’Esprit nous apporte la paix que Jésus donne. Cette paix n’est pas comme celle du monde. Chaque fois que nous nous tournons vers Christ, nous sommes assurés de sa présence et donc soulagés et rassurés. SA paix, celle qu’il a connue au sein de profondes souffrances et qui lui a permis de dire « non pas ma volonté mais la tienne », nous est donnée par l’Esprit Saint.
« Que vos cœurs ne se troublent pas. » (Verset 27)
Dieu est souvent absent ou distant dans nos joies : nous sommes tellement comblés par les choses du monde ! Il est souvent silencieux au jour le jour, car la routine nous asphyxie… mais, dans nos souffrances, il est présent pour nous donner sa paix.
Cette paix est comme une oasis de calme dans le désert, qui nous permet de regarder au-delà de notre douleur, de sortir de nous-mêmes et d’entendre ses promesses : mon enfant, je t’aime d’un amour éternel et je t’aimerai toujours.
* P. Wells est doyen adjoint de la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Ce texte reproduit l’essentiel de la conférence qu’il a faite lors de la Convention d’Anduze (Gard) en octobre 2011.